• il y a 9 mois
Le chef de l'État préside ce mercredi aux Invalides à Paris une cérémonie en l'honneur de l'amiral Philippe de Gaulle décédé il y a une semaine à l'âge de 102 ans. C'est le 24e hommage national depuis son arrivée à l'Élysée il y a sept ans.

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Transcription
00:00 En ce jour, en cette cour des Invalides, rendant hommage à l'amiral de Gaulle,
00:09 nous nous rassemblons en un lieu qui était devenu le sien.
00:14 Oui, dans cet hôtel des Invalides où la nation accueille depuis 350 ans avec gratitude
00:23 ceux qui versent leur sang pour elle.
00:29 Ici, ce nous, une certaine idée de la France,
00:32 faite de temps long, de permanence,
00:36 de dette reconnue à l'égard de ceux qui ont servi la patrie.
00:40 Et en ces dernières années, le marin, le résistant, l'élu de la République
00:50 avait retrouvé ici cette cohorte de blessés et de héros,
00:55 la chaîne des temps.
00:58 Il était là, debout, parmi eux.
01:05 Paris comme dernier et premier maillon de son existence,
01:11 laquelle fut une aventure de tant de paysages.
01:14 Le boulevard de Grenelle, cette fontaine, Mayence, Trèves,
01:19 le soleil du Liban, la lumière de la Syrie
01:22 au fil des affectations du jeune commandant Charles de Gaulle.
01:27 L'ombre des forêts de Colombay, les deux églises,
01:30 qui résonnaient de tant de voix et de tant d'écho.
01:35 Les Gaulloirs, selon les troupes de César,
01:38 Bernard de Clairvaux fondant les Cisterciens,
01:41 Napoléon menant en 1814 sa dernière campagne,
01:44 la fureur de 70 et celle de 14,
01:47 légende des siècles que devait prolonger celle du général.
01:54 Connaître toutes les mers du monde
01:56 et choisir la Seine pour dernier rivage,
01:59 partir en homme de devoir, risquer sa vie sur quatre continents
02:05 et aller reposer à Colombay.
02:09 L'amiral de Gaulle aura traversé le siècle passé
02:16 à l'ombre d'un grand homme.
02:18 Il y aura tracé son propre sillon.
02:23 Avec cette rectitude,
02:25 cette force de l'amour donné et reçu,
02:28 cet amour qui n'ose se dire et qui pourtant irrigue,
02:31 amour pudique de ses parents,
02:34 tendresse pour ses soeurs qui a chopé sur les mots,
02:37 plus tard pour sa femme Henriette,
02:39 leurs quatre fils, leurs enfants après eux.
02:43 Amour charnel de la France.
02:46 Dans son enfance à Colombay,
02:49 le monument aux morts affichait des dizaines de noms
02:52 les gueules cassées et les blessés de guerre peuplaient le village
02:55 et les promenades avec son père se changeaient parfois
02:58 en cours de tactique militaire.
03:00 Alors se grava en Philippe de Gaulle une certitude.
03:06 Lui aussi servirait la nation,
03:11 sur mer,
03:13 comme son père l'avait fait sur terre.
03:16 Quand la guerre éclata,
03:21 il était au lycée Stanislas,
03:23 sur le point de préparer les concours de l'école navale.
03:26 Le 18 juin 1940,
03:29 il n'entendit pas l'appel du général de Gaulle et pour cause.
03:33 Avec sa mère et ses soeurs,
03:36 il était déjà à bord du cargo qui l'emmenait vers l'Angleterre,
03:39 vers son père et vers la résistance.
03:42 Il a alors 18 ans
03:46 et rentre dans les forces françaises libres,
03:49 rejoignant depuis Portemousse le combat des forces de l'intérieur,
03:52 quelle que soit leur chapelle ou leur doctrine,
03:54 réunis dans un même refus de l'étrange défaite,
03:57 dénonçant comme lui ce qu'il appellera toujours
04:00 l'abominable armistice.
04:02 Restant debout,
04:05 quand tous ployaient les chines,
04:08 se battre
04:10 plutôt que subir.
04:12 Philippe de Gaulle se forme sur le vieux cuir assez courbé.
04:19 Participe à la défense aérienne de Portemousse,
04:21 à la bataille de l'Atlantique, à la campagne de la Manche.
04:24 Le 1er août 1944,
04:27 il débarque en Normandie,
04:30 sur la plage d'Utah,
04:32 avec un peloton de fusiliers marins de la 2e division blindée,
04:36 la division de fer,
04:38 celle qui chante
04:40 de Koufra à Strasbourg
04:42 sa fierté d'appartenir aux gars de Leclerc
04:47 à Manson, Argentan, Anthony,
04:49 puis Paris,
04:51 enfin.
04:53 Six fois blessé,
04:56 six fois debout.
04:58 L'enseigne de vaisseau Philippe de Gaulle reçoit l'ordre,
05:02 le 25 août,
05:04 de négocier la rédition des nazis retranchés dans l'Assemblée nationale.
05:08 Il fait cesser les tirs
05:11 et s'avance,
05:13 seul,
05:16 parmi les corps tombés des FFI,
05:18 pénètre dans le palais Bourbon,
05:20 au milieu de 400 Allemands,
05:23 qu'il convainc de se rendre aux Français.
05:26 Le cœur symbolique de la République est délivré,
05:31 Paris est libéré,
05:34 la France est relevée.
05:37 Philippe de Gaulle peut alors rejoindre les siens,
05:45 et il y eut chez les De Gaulle cette scène de retrouvailles si singulière,
05:49 autour d'un repas de famille où l'on discutait comme si l'on s'était quitté le matin même,
05:54 parlant de tout et de rien,
05:57 des uns et des autres,
05:59 des projets,
06:01 de tout sauf de la guerre,
06:02 et des hauts faits de Charles, Philippe, Roger, Xavier, Alain,
06:06 Marie-Agnès, Geneviève.
06:08 Pas plus que la génération d'avant n'avait parlé de la grande guerre,
06:15 ni les précédents de la guerre de 70.
06:18 Pudeur d'une grandeur,
06:22 considérée comme une évidence,
06:24 et comme une évidence,
06:27 Philippe de Gaulle fit de la grandeur son métier.
06:32 Pendant un an, en Caroline, il se forma pour devenir pilote de notre aéronaval.
06:38 Il fut dès lors investi de missions les plus périlleuses,
06:42 appontant de jour et de nuit.
06:44 Il navigua sur nos plus beaux bâtiments,
06:47 commanda la flottille 6F,
06:49 l'escorteur rapide le Picard,
06:51 la base aéronavale de Duny,
06:53 la frégate Suffren,
06:55 le groupe naval d'essais et de mesures,
06:57 l'aviation de patrouille maritime,
06:59 l'escadre de l'Atlantique,
07:01 jusqu'au rang d'amiral.
07:03 Honneur, patrie, valeur, discipline.
07:11 Ces quatre piliers de la marine,
07:13 gravés sur chacun de ces bâtiments,
07:16 étaient les tables de sa loi.
07:19 Il quitta un jour la tenue 22 aux cinq étoiles,
07:25 mais jamais il n'abandonna cette devise.
07:31 Quand Jacques Chirac l'invita à se présenter aux élections sénatoriales,
07:37 en 1986,
07:39 il accepta,
07:40 comme une autre manière de se mettre au service de la République.
07:45 17 ans durant,
07:48 il fut sénateur de Paris,
07:50 apportant sa voix à la Commission des affaires étrangères et de la défense.
07:54 Comme il est dur, pourtant,
08:01 d'être de Gaulle après de Gaulle,
08:04 d'en avoir l'allure, la voix,
08:08 les gestes,
08:09 et de ne pas être lui.
08:11 L'amiral répondait aux murmures par la rigueur de sa conscience,
08:16 son indifférence à la mondanité,
08:21 déclinant toute présidence parlementaire ou honorifique,
08:26 quelle qu'elle fût.
08:27 Dans son œuvre de mémorialiste,
08:30 il montrait toujours la grandeur collective et non la sienne,
08:33 effaçant ses hauts faits derrière ceux des autres.
08:37 Le témoin expliquait l'histoire,
08:39 l'officier expliquait le combat,
08:42 l'amiral expliquait le général.
08:45 Il publia,
08:48 commenta les 13 volumes des notes et carnets de son père,
08:52 car il était une mémoire de ses mémoires.
08:54 Il en connaissait toutes les coulisses et toutes les didascalies,
08:58 Londres, la campagne de France,
09:00 le déchirement de la guerre d'Algérie,
09:02 le basculement de 68,
09:04 dans les yeux de Philippe de Gaulle,
09:06 s'était joué l'histoire du siècle.
09:08 Ses propres mémoires,
09:11 il les qualifia d'accessoires,
09:14 à tort,
09:16 parce qu'il avait cette humilité,
09:18 cette noblesse de toujours se sentir redevable.
09:22 Il faut agir au-delà de soi
09:26 et travailler pour plus grand que soi.
09:28 Là étaient ses mots,
09:32 sans jamais attendre récompense ni honneur.
09:35 Car ainsi va la vie,
09:39 quand on s'appelle de Gaulle,
09:42 quand on se sent de France.
09:44 On naît,
09:46 on vit,
09:47 on sert,
09:48 on meurt.
09:50 Et d'autres qui sont nés après nous,
09:53 vivront,
09:56 serviront,
09:58 mourront.
10:01 Acceptant la responsabilité comme un honneur,
10:04 le seul fardeau qui grandit,
10:07 le seul jou qui libère.
10:09 Celui qui n'a qui avec le plus lourd des héritages,
10:13 nous l'enseigne aujourd'hui,
10:15 nous avons des devoirs.
10:18 Devoirs à l'endroit de nos anciens,
10:21 car chacun de nous est dépositaire et gardien
10:24 de leur lègue de courage,
10:25 d'abnégation,
10:27 d'héroïsme.
10:28 Devoirs,
10:30 devoirs à l'endroit de nos enfants,
10:32 devoirs d'espérance.
10:35 La France en a vu d'autres,
10:40 la France s'en sortira,
10:42 tu verras.
10:44 Tels étaient ces mots répétés toujours
10:48 à travers les meurtrissures de l'histoire.
10:51 C'était sa certitude,
10:54 partagée avec tous ses compagnons d'armes,
10:57 tous ses compagnons dont il eut la place,
10:59 s'il n'eut pas le titre.
11:00 Grandeur d'un sacrifice consenti en silence,
11:04 dépassant l'injustice ressentie.
11:07 Oui,
11:10 à jamais,
11:12 ils seront 1038 compagnons
11:15 et un.
11:17 Comme il y eut trois mousquetaires et un.
11:20 Avec, pour distinction suprême et difficile,
11:24 ces paroles du Général.
11:27 Tu ne voudrais pas que je te nomme dans un ordre que j'ai moi-même créé ?
11:32 Tout le monde sait
11:34 que tu as été le premier compagnon.
11:37 Car oui,
11:39 il fut le premier compagnon
11:43 et le dernier.
11:45 Debout,
11:48 même au seuil de la mort,
11:51 à un an sur les genoux de son père,
11:55 à 20 ans au chevet de la nation,
11:57 à 60 ans au sommet de la marine,
12:00 à 70 ans dans les travées du Sénat,
12:03 à 102 ans
12:05 dans la cour des Invalides.
12:07 Il a attendu d'avoir tout écrit,
12:11 tout transmis,
12:13 mis un point final à ses derniers souvenirs,
12:15 rédigé ses dernières volontés
12:18 avec une rigueur d'ordre d'opération,
12:21 demandé les derniers sacrements,
12:24 et puis il a fermé les yeux
12:26 dans la nuit qui ne connaît pas l'histoire.
12:30 Une mort à sa mesure,
12:34 une mort de paladin,
12:37 de chevalier,
12:39 remettant ses pensées à la France,
12:42 son âme à son seigneur
12:44 et son cœur à sa dame.
12:47 Car le dernier nom qu'il murmura
12:50 fut celui d'Henriette.
12:53 En chevalier,
12:55 membre de cette confrérie de l'idéal,
12:58 ceux qui ne vivent que debout,
13:00 ceux qui ont redressé leur patrie
13:03 à la face du monde.
13:05 Ils étaient 150 000,
13:07 ils étaient de cela.
13:09 Ils étaient un millier,
13:11 ils étaient de cela.
13:13 Et quand ils ne furent plus qu'un,
13:16 il fut celui-là.
13:18 Debout,
13:21 comme sont debout les grands chaînes de Colombay sous le ciel,
13:23 enracinées dans les profondeurs des âges,
13:26 déployées sans peur vers l'avenir.
13:29 Ces chaînes dont on fait les charpentes de cathédrales,
13:32 les flancs des navires et les croix de Lorraine.
13:35 Ce bois dont on fait la France.
13:39 Vous nous avez rappelé, amiral,
13:45 qu'il est des chaînes que rien n'abat,
13:48 ni le fer, ni le feu,
13:50 ni l'hiver, ni l'usure.
13:53 Ces chaînes qui passent de la vie à l'éternité.
13:58 Leurs feuillages ombragent les armes de la République.
14:03 Et quand autour de nous, les abatteurs menacent,
14:06 nous savons qu'ils ne peuvent rien contre ces chaînes-là,
14:10 et que par eux,
14:12 par l'idéal qu'ils nous transmettent et que nous reprenons,
14:15 la France tiendra.
14:18 Et face aux cognés de la haine,
14:20 de l'esprit de défaite,
14:23 ou des consciences qui parfois vacillent,
14:26 s'il ne reste qu'un pays,
14:29 que la France soit celui-là,
14:32 debout.
14:35 Vive la République, vive la France.
14:39 Gardez-vous !
14:46 Gardez-vous !
14:48 Présentez armes !
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16:09 ...
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16:44 [Son de cloche]

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