À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, vendredi 8 mars, Fiona Schmidt, autrice du livre « Vieille peau », nous parle des discriminations dont sont victimes les femmes dès la ménopause. Entretien.
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00:00 Les hommes sont présumés vieillir comme du bon vin et les femmes comme du lait.
00:03 Le dernier livre que j'ai publié s'appelle "Vieille peau".
00:06 J'analyse les mécanismes de l'agisme, c'est-à-dire les discriminations qui sont fondées sur l'âge.
00:11 Personne n'échappe à l'agisme, mais les femmes le subissent beaucoup plus tôt,
00:14 avec des conséquences beaucoup plus importantes.
00:17 Ce qui signifie qu'en fait, le fait d'être une femme est une double peine dans le fait d'être vieux ou vieille.
00:22 On peut dire que pour une femme, le coup près commence à tomber de quelques centimètres à 40 ans
00:27 et qu'il tombe définitivement de manière brutale à 50 ans, ce qui correspond plus ou moins à l'âge de la ménopause.
00:32 La valeur des femmes est encore largement indexée sur leur cycle menstruel,
00:36 c'est-à-dire qu'on continue de féliciter les jeunes filles au moment de leur première règle
00:41 parce qu'elles deviennent des femmes, on leur dit "bravo, tu deviens une femme", c'est ce qu'on m'a dit.
00:44 Ce qui implique aussi qu'elles cessent d'être des femmes au moment où elles n'ont plus leurs règles.
00:48 Et tout ça, ça contribue à réduire notre espérance de vie sociale.
00:52 C'est-à-dire que la plupart d'entre nous avons l'impression que tout se joue avant 40 ans
00:57 et que si avant 40 ans, on n'a pas coché les bonnes cases du bingo de la féminité,
01:03 c'est-à-dire qu'on est en couple, marié de préférence évidemment, qu'on a un enfant,
01:07 c'est vraiment qu'on a raté notre vie.
01:09 Or, je rappelle quand même que l'espérance de vie moyenne d'une femme, c'est de 85 ans.
01:14 Donc en fait, ce qui veut dire que symboliquement,
01:17 on passe plus de la moitié de notre existence dans une espèce de sas symbolique vers la fin.
01:25 En fait, on refuse aux femmes ce qu'on autorise à tous les êtres humains de cette planète,
01:31 le droit d'évoluer.
01:32 Le double standard genré du vieillissement, il tient à deux facteurs.
01:36 D'abord, le vieillissement social des hommes n'est pas indexé sur leurs fluctuations hormonales.
01:42 C'est-à-dire qu'ils sont réputés pouvoir faire des bébés jusqu'à la fin de leur jour ou presque.
01:47 Leur corps n'est pas présumé périssable comme l'est celui des femmes avec la ménopause.
01:53 Par ailleurs, les signes du vieillissement, qui sont évidemment les mêmes pour les femmes et pour les hommes,
01:57 ne sont pas du tout perçus, codés de la même façon.
02:00 Les rides, les cheveux blancs ou l'absence de cheveux
02:03 ne seront jamais considérés comme des signes de laisser aller chez un homme.
02:08 Ça peut même être des atouts de séduction, alors que ce ne sera jamais, jamais le cas pour une femme.
02:13 La question qu'on m'a le plus posée, c'est pourquoi vous avez écrit un livre sur l'âgisme et le vieillissement si tôt ?
02:19 Comme si on n'intégrait pas ces stéréotypes sur la vieillesse et le vieillissement des femmes,
02:24 dès notre plus jeune âge.
02:25 Moi, j'ai grandi dans les années 90.
02:27 J'ai appris la bonne féminité dans des magazines féminins qui s'appelaient "20 ans" et "Jeune et jolie",
02:32 dont les titres sont déjà édifiants.
02:34 Ces magazines étaient truffés d'articles pour prévenir l'apparition des rides, etc.
02:39 et de publicités pour des produits anti-âge.
02:42 On parle de produits qui combattent les signes du vieillissement,
02:45 qui sont des boucliers pour la jeunesse.
02:48 Ce qui fait que j'ai intégré le fait que l'âge, le vieillissement et les signes de l'âge étaient finalement mon ennemi juré,
02:58 contre lequel il fallait que je me batte.
03:00 Ce n'est pas gênant d'être vieux.
03:01 Ce qui est gênant, c'est le regard qui est porté sur les personnes âgées, sur les vieux.
03:07 Et je pense que c'est ça qu'il faut vraiment changer.
03:09 Ce ne sont pas les rides, l'apparence des cheveux blancs ou une ultra-apparence physique qu'il faut changer,
03:13 mais vraiment le regard que la société porte sur ces rides, ces cheveux blancs et ces signes du vieillissement féminin.
03:19 [Musique entraînante diminuant jusqu'au silence]