Marie Portolano nous parle de cold cases avec son invitée du jour : Marie-Laure Brunel-Dupin. Elle est la patronne de la division des affaires non élucidées de la gendarmerie, et sort dans quelques jours le roman « Serrer les dents », aux éditions Blacklab.
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00:00 -Sachez, Thomas, qu'elle n'aime pas le terme "cold case".
00:03 -C'est bien, j'ai bien compris.
00:05 -On préfère dire "affaire non élucidée".
00:07 -Oui, parce que ça couvre mieux le champ,
00:09 et puis l'anglicisme est très série télé,
00:12 et on préfère le nom "affaire non élucidée".
00:15 -C'est ça qui vous dérange dans votre métier,
00:17 c'est qu'on vous identifie beaucoup à ce qui se passe à la télévision,
00:19 alors que c'est vraiment pas la réalité ?
00:21 -Moi, je trouve que ma réalité est encore plus intéressante et passionnante,
00:24 mais en même temps, la télévision vient donner une image un peu loufoque
00:29 ou un peu déjantée.
00:30 -Passionnante, vous voulez dire ?
00:33 -Et du coup, je préfère "affaire non élucidée",
00:35 qui couvre d'ailleurs des affaires très anciennes
00:37 comme des affaires plus récentes.
00:38 On nous entend souvent comme la division des "cold case",
00:42 alors qu'on est capable d'intervenir sur des affaires à chaud comme à froid.
00:47 -Vous êtes la patronne de la division des affaires non élucidées
00:49 de la gendarmerie, et vous avez écrit ce roman.
00:52 C'est une fiction, une plongée au coeur du travail
00:55 d'une équipe de profilers en issue Mina Lacan.
00:57 C'est vous, Mina Lacan ?
00:58 -C'est pas moi, je ne suis pas elle, elle n'est pas moi,
01:01 mais c'est vrai qu'on a des points communs.
01:03 -Alors, à quel point elle vous ressemble ?
01:05 -Elle me ressemble parce qu'on a voulu, avec la co-autrice Valérie Perronnet,
01:10 parce que ce n'est pas moi qui écris, c'est important pour moi,
01:14 elle me ressemble parce qu'elle a cette passion commune,
01:18 elle raconte ma carrière et mes débuts dans la gendarmerie.
01:22 Donc, ces deux premières années particulièrement intenses sont réelles.
01:28 Et donc, elle a pris des traits de ma personnalité,
01:32 peut-être le côté un peu joyeux et à la fois professionnel,
01:37 puisque j'essaie d'être un peu les deux, je ne le fais pas exprès,
01:42 mais c'est voulu pour elle.
01:44 -C'est un petit peu aspiré quand même de vous.
01:46 Est-ce qu'il y a des affaires auxquelles vous avez été confrontées
01:49 qui ont inspiré également ce qui se passe dans cette fiction ?
01:52 -Toutes les affaires sont vraies.
01:54 -Toutes les affaires de la fiction sont vraies ?
01:55 -Toutes les affaires des fictions sont vraies,
01:56 elles sont transformées par égard aux victimes et à leur famille,
02:00 parce que c'est compliqué pour moi, psychologiquement,
02:03 de faire un divertissement,
02:04 parce que j'espère que notre livre est un divertissement,
02:07 avec des vraies souffrances.
02:10 Et donc, on a transformé toutes les affaires
02:12 pour que les articulations et les mécanismes de l'affaire
02:15 et de la résolution soient conformes à la réalité,
02:17 mais qu'elles soient assez transformées pour qu'on ne les reconnaisse pas.
02:20 -Alors, Mina Lakan, son quotidien, c'est le vôtre au quotidien,
02:23 votre vraie vie.
02:25 Votre métier, c'est une passion depuis toujours.
02:26 J'ai lu que c'est lorsque vous avez lu "Le silence des agneaux" de Thomas Harris
02:30 que vous vous êtes dit "Je veux faire comme elle,
02:32 comme Clarice Sterling, la profileuse",
02:34 mais à l'époque, le métier n'existait pas.
02:36 -C'est tout à fait ça.
02:37 En fait, c'est vrai que ça fait partie de mon début de vocation.
02:43 Après, c'est le vrai métier qui m'intéressait,
02:46 et pas la version cinématographique.
02:48 Et quand j'ai compris que cette spécialité d'analyse comportementale,
02:54 de comprendre ce genre de tueur pour mieux résoudre les affaires,
02:57 n'existait pas en France, j'ai décidé que j'allais y aller.
03:01 -Et donc, c'est un peu grâce à vous que ça a été créé, concrètement ?
03:03 -Concrètement, en gendarmerie, oui.
03:06 Alors, il y avait tout un concept déjà au départ
03:09 qui visait à essayer d'améliorer les résolutions de ces enquêtes,
03:13 d'être plus aux côtés des enquêteurs pour ça.
03:16 Donc, il y avait déjà un mouvement à la direction générale de la gendarmerie
03:19 qui visait à promouvoir cette idée-là,
03:21 et je suis arrivée au bon moment, puisque j'ai proposé de faire ça,
03:25 mais en tant que gendarme, ce qui était assez nouveau pour eux.
03:29 -Donc, vous travaillez aux affaires non élucidées.
03:31 Qu'est-ce que ça fait de rouvrir des affaires
03:34 qui n'ont pas été élucidées, justement ?
03:36 Qu'est-ce que ça apporte d'avoir cette division-là,
03:38 spécialisée dans ces affaires ?
03:40 -Alors là, la division, en fait, elle englobe le département
03:43 qui est raconté dans le premier tome et le deuxième aussi.
03:48 Pour nous, c'est beaucoup d'espoir.
03:50 La devise de la division, c'est "ne jamais oublier, ne jamais abandonner".
03:54 C'est compliqué, parce que c'est des affaires particulièrement sensibles,
03:57 complexes.
03:59 Les meilleurs d'unité de France n'ont pas réussi à les résoudre,
04:01 et nous, avec notre équipe surmotivée...
04:03 -Vous rouvrez les dossiers.
04:04 -Et on va essayer d'apporter quelque chose de plus et de nouveau,
04:07 et on va espérer les élucider.
04:10 -Est-ce qu'il y a une affaire qui vous a particulièrement marquée, vous,
04:12 en tant que femme, en tant qu'enquêtrice ?
04:14 -Elle me marque toutes.
04:17 J'ai tendance à dire qu'il n'y en a pas particulièrement...
04:22 On en a qui ne sont pas forcément médiatiques et qui sont très marquantes.
04:26 Les affaires avec les enfants sont très marquantes.
04:28 -Justement, vous dites que dans votre métier, il y a deux grandes difficultés.
04:31 La première, c'est de ne pas pouvoir attraper tout le monde,
04:34 et la deuxième, c'est de ne pas se laisser envahir.
04:36 Comment vous faites ?
04:37 -Alors, j'écris avec Valérie Perronnet des romans.
04:42 Non, j'ai beaucoup de passion, comme Mina, de loisir.
04:47 -Ca vous permet de vous évader, ça ?
04:48 -Alors, ça dépend des moments dans l'écriture.
04:51 Il y a des moments où c'est très près de mon quotidien et j'ai du mal,
04:56 et c'est quelque chose de difficile pour ma coautrice
04:59 que de venir me chercher sur un sujet
05:01 que j'ai travaillé toute la journée dans le concept,
05:03 pas forcément ces affaires-là, parce que ça se passe il y a 20 ans.
05:06 Mais...
05:08 Et en même temps, quand on raconte l'aventure humaine,
05:11 parce qu'il y a la difficulté des affaires,
05:13 et ce qu'on a voulu écrire dans ce roman,
05:15 c'est que j'ai une vie professionnelle et une aventure humaine incroyable,
05:19 des gens formidables,
05:21 une institution passionnante et de gens passionnés.
05:26 Et pour ça, c'est le moteur,
05:27 et c'est ce qui rend les choses moins difficiles.
05:29 -Merci beaucoup, Marie-Laure Brunel-Dupin.
05:31 Je rappelle que vous êtes à la tête de la division des affaires non élucidées
05:33 au sein de la gendarmerie, et vous publiez donc "Serrez les dents"
05:36 avec Valérie Perronnet aux éditions Black Lab, Hachette Fiction.
05:40 Ca sort le 20 mars prochain. Merci beaucoup.
05:42 -Merci, mais madame, je crois que vous allez avoir un mystère de plus à résoudre,
05:44 Parce que figurez-vous que depuis jeudi nous sommes sans nouvelles de notre magicien.