• il y a 9 mois
Elsa Faucillon, députée communiste des Hauts-de-Seine

La politique était présente partout dans sa famille, jusque dans le choix de son prénom par ses parents. Elsa Faucillon a fini par suivre les traces de ses parents. Elle se bat aujourd'hui pour réinventer le communisme et rassembler la gauche, quitte à ramer parfois à contre-courant.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcription
00:00 -La politique s'est glissée jusque dans le choix de son prénom
00:03 par ses parents.
00:04 Mon invité se bat pour réinventer le communisme
00:07 et rassembler la gauche,
00:08 quitte parfois à ramer un peu à contre-courant.
00:11 Musique intrigante
00:13 ...
00:25 Bonjour, Elsa Faucillon. -Bonjour.
00:28 -Vous avez dit, il y a quelques temps,
00:30 faire de la politique par une rage qu'il ne faut pas quitter,
00:33 sinon ce n'est pas très bon signe.
00:35 Vous êtes engagée au Parti communiste depuis 2006,
00:38 vous êtes élue à l'Assemblée depuis 2017.
00:40 La rage est-elle toujours là ? -Ah oui.
00:43 -Oui. -Oui, elle est là.
00:45 Quand je dis ça, je crois qu'elle est utile particulièrement
00:49 à celles et ceux, quelque part, qui veulent transformer beaucoup,
00:53 parce que, finalement, sur ceux, aujourd'hui,
00:57 qui veulent préserver les intérêts, que tout reste en place,
01:00 que les dominants restent des dominants,
01:03 la rage n'est pas tellement nécessaire.
01:05 Il faut plutôt de la coïntance avec toutes celles et tous ceux
01:09 qui veulent préserver... -L'ordre établi.
01:11 -L'ordre établi.
01:12 La rage, elle suffit pas, évidemment,
01:16 parce que je viens, en plus, d'une famille,
01:19 d'un parti politique pour lequel la pensée,
01:23 l'élaboration politique, le débat a de l'importance.
01:28 Donc on peut pas juste avoir la rage.
01:30 En revanche... -Il faut un débouché.
01:33 -Oui, il faut un débouché. En revanche, je crois vraiment
01:36 que le fait d'en permanence pouvoir éprouver les injustices,
01:40 même si on les vit pas personnellement,
01:43 de garder en tête pourquoi et pour qui on se bat...
01:46 Et justement, là, vous montrez, par exemple,
01:51 où je suis dans l'hémicycle, je pense que c'est au premier mandat,
01:55 on voit les dorures, on voit le velours,
01:57 on a tous des beaux vêtements.
01:59 C'est important, d'ailleurs,
02:01 mais je crois que c'est pas comme ça que beaucoup de gens vivent
02:05 et que quand ils nous voient, quelque part,
02:07 il peut y avoir aussi un vrai décalage
02:10 et c'est légitime.
02:11 Et donc, pouvoir en permanence se raccrocher à cette rage-là,
02:15 je trouve que ça permet de pas oublier
02:17 tout ce qu'il y a à bouger.
02:19 -Si on remonte un peu dans le temps,
02:21 quelle rage vous a fait pousser la porte du Parti communiste
02:25 pour y prendre votre carte en 2006 ?
02:27 -En 2006, disons que celui qui me fait vraiment basculer
02:31 dans l'engagement, c'est la bataille contre le CPE,
02:34 le contrat de première embauche.
02:36 Je suis à la fin de mes études
02:38 et il y a donc Dominique de Villepin
02:40 qui propose le CPE,
02:43 et il y a des milliers, des millions de jeunes dans la rue
02:47 qui ont fait la même chose.
02:48 On bloque la fac et on va se battre pendant des mois
02:51 et on gagne. J'ai vu là que l'engagement collectif
02:54 avait du poids et c'est ça, je crois,
02:56 qui me conduit à adhérer.
02:58 -Il n'y a pas que la rage qui peut expliquer
03:00 votre engagement politique, il y a aussi un terreau familial.
03:04 Vos parents ont choisi votre prénom en référence à Elsa Triolet,
03:07 qui était la compagne d'Aragon. -Et une écrivaine.
03:10 -Oui, évidemment.
03:11 Quand on fouille dans les archives de France 3 Picardie,
03:14 dans les années 80, le nom de Faucillon revient souvent,
03:17 notamment à l'occasion des manifestations à Amiens.
03:20 On va voir ça en image.
03:22 -Première fois depuis plus de 10 ans
03:24 que l'ensemble des syndicats de la fonction publique
03:27 appellent à une action le même jour.
03:29 -C'est un test, c'est l'enclenchement d'une action
03:32 pour aller vers de plus grands succès.
03:34 Pour ça, il faut s'unir, se rassembler,
03:36 ancrer l'action dans les services, dans les bureaux.
03:39 -Selon la CGT, ils étaient un millier,
03:41 selon la police, 350.
03:43 -Contrôlez la visière, augmentez les salaires !
03:47 -Les usagers ne sont pas hostiles à ce mouvement,
03:49 même s'il y a des perturbations.
03:51 -Oh là là !
03:53 Il faut des dossiers !
03:55 Et on reprendra !
03:56 -On vient de voir votre père. -Oui.
03:58 J'ai aperçu ma maman aussi.
04:00 -Sur les dernières images. -Oui.
04:02 -Ce sont vos deux parents,
04:03 qui sont à la fois militants communistes et CGT.
04:06 Ils étaient même permanents, je crois, à la CGT, à l'époque.
04:10 Quand vous étiez enfant, cet engagement était vécu en famille.
04:13 Comment ça se passait ?
04:15 -J'ai fait beaucoup de manifestations.
04:17 J'ai plié des tracts, chez mes grands-parents.
04:20 Il y a la fête de l'Huma, on le voit sur ces images,
04:23 avec ma maman et mon frère. -Vous êtes de 7 ou 8 ans ?
04:26 -Oui, je pense, quelque chose comme ça.
04:28 Et...
04:30 Et puis, c'est aussi, de temps en temps,
04:32 aller devant une entreprise,
04:34 parce qu'avant l'école, il faut aller distribuer
04:36 et que ma maman m'emmène.
04:38 C'est aussi, de temps en temps,
04:40 des fins de journée à la Bourse du Travail,
04:42 où, avec mon frère, on dessinait...
04:44 -C'était omniprésent dans la vie de famille,
04:47 mais j'ai l'impression que ça a été un peu pesant.
04:50 "Je voulais pas vivre comme mes parents,
04:52 "car je trouvais que leur engagement
04:54 "demandait un temps fou."
04:55 -Oui, et c'est pour ça que je pense que j'ai adhéré assez tard.
04:59 -Vous avez souffert de leur engagement ?
05:01 -Non, je leur reprochais souvent.
05:03 Je leur disais "Vous vous battez pour que les gens travaillent moins,
05:07 "et vous, vous arrêtez pas."
05:09 C'était une réflexion d'enfant,
05:11 et c'était assez juste, finalement,
05:13 qui, quelque part, continue en permanence de me travailler.
05:16 Moi aussi, j'ai un petit garçon, je suis députée,
05:19 ça demande du temps.
05:20 Je refuse l'aspect sacrificiel de ça.
05:22 -Vous vous ménagez des temps pour vous ?
05:25 -Je pense qu'il faut se préserver,
05:27 il faut préserver sa santé,
05:28 il faut réparer sa force de travail,
05:31 pour faire une référence marxiste,
05:33 et il y a besoin aussi, de temps en temps,
05:35 de prendre du recul,
05:36 parce que, quand vous êtes dans un collectif humain,
05:40 qui est dirigé vers une cause,
05:42 prendre ce temps de recul,
05:44 c'est aussi pouvoir regarder ce qu'on fait.
05:46 Je crois que c'est particulièrement utile
05:49 pour le doute, pour la réflexion et les bifurcations.
05:52 -Vous avez donc fini par vous engager, malgré tout.
05:54 Ca vous empêche pas d'être assez critique
05:57 à l'encontre de votre parti ?
05:59 Vous lui reprochez de ne pas avoir su évoluer avec la société.
06:02 Je voulais d'abord savoir ce que ça signifie
06:05 pour vous, être communiste, aujourd'hui.
06:07 -C'est toujours une sacrée question.
06:10 En tout cas, pour moi, très personnellement,
06:13 je crois que ça a plusieurs aspects,
06:17 mais pour être très simple,
06:19 je dirais que le mot qui colle le mieux pour moi
06:22 à l'idée du communisme, c'est l'émancipation.
06:24 C'est un mot très utilisé,
06:26 y compris par le président de la République,
06:29 mais pour moi, l'idée, c'est de prendre les gens
06:31 là où ils sont et de construire avec eux,
06:35 on va dire, un chemin vers la liberté.
06:37 Et donc, c'est à la fois pouvoir combattre
06:40 l'injustice qui est au pied de son immeuble,
06:42 mais penser que cette injustice a des répercussions
06:45 dans le monde entier et que, donc, on n'est pas
06:48 complètement libre tant que celui qui est à des milliers
06:51 de kilomètres ne l'est pas non plus.
06:53 C'est combattre chaque forme d'exploitation
06:56 et de domination.
06:57 Mais je dirais aussi
06:59 qu'être communiste, quelque part, pour moi, en tout cas,
07:03 ça s'affilie presque à une façon d'être,
07:05 une culture, plus encore qu'à une appartenance
07:08 ou à une carte.
07:09 Et moi, je me raccroche beaucoup, en tout cas,
07:12 à ce qu'a pu être le communisme municipal
07:14 ou quand les communistes étaient extrêmement implantés
07:17 dans les quartiers populaires, dans les banlieues,
07:20 et tout l'apport qu'ils ont pu avoir.
07:22 Je crois que c'est à cette histoire-là,
07:25 en tout cas, dont je me sens la plus proche.
07:27 -Vous vous battez au sein du Parti communiste
07:30 pour faire évoluer le logiciel du parti.
07:32 Il y a eu, au Congrès, un texte alternatif
07:34 intitulé "S'adapter ou disparaître".
07:37 J'en ai retenu un extrait.
07:38 Vous expliquez, "En donnant la priorité
07:40 "aux luttes de classe, les communistes ont trop souvent
07:44 "sous-estimé le caractère structurel des discriminations",
07:47 et vous citez les prétendus races, le genre, l'orientation sexuelle
07:51 ou l'âge. A vos yeux, le Parti communiste
07:53 doit remplacer la lutte des classes
07:55 par ce qu'on appelle l'intersectionnalité ?
07:58 -Non, c'est... -Intersectionnalité,
08:00 c'est une théorie qui analyse les différentes formes
08:03 d'oppression sous le prisme des discriminations
08:06 liées au genre, aux races... -Mais aussi de la classe.
08:09 C'est la capacité à articuler. -Un élément parmi d'autres.
08:12 -C'est ça. On voit bien qu'il y a des personnes
08:15 qui vont subir à la fois l'exploitation au travail
08:18 mais aussi la discrimination parce que femmes
08:20 et parce que racisées.
08:22 Je veux dire, on l'a vu...
08:23 -Vous êtes sur le logiciel de la France insoumise.
08:26 -Non, c'est une des phrases. -Oui, évidemment.
08:29 -Ca résume pas tout le texte. -Mais c'est une des parties,
08:32 en tout cas, qui, je crois, permet aussi de requestionner
08:36 quel est le sujet historique du Parti communiste.
08:38 On a eu cette question dans le mouvement ouvrier,
08:41 la classe ouvrière. C'est quoi, la classe ouvrière ?
08:44 On ne peut plus dire que c'est ceux qui sont dans les mines
08:47 ou les ouvriers de la métallurgie. En revanche,
08:50 les ouvriers du bâtiment aujourd'hui,
08:52 mais aussi les femmes de ménage, celles qui sont dans les EHPAD
08:56 ou dans la petite enfance, qui sont souvent des femmes,
08:59 qui sont souvent des femmes avec des parcours de migration,
09:02 je crois qu'aujourd'hui, on peut penser qu'elles sont,
09:05 ou ils sont, le sujet historique pour le Parti communiste.
09:09 -Vous vous battez pour moderniser le communisme,
09:11 mais vous voulez aussi rassembler la gauche.
09:14 En 2019, vous avez lancé un mouvement
09:16 baptisé pour un Big Bang de la gauche
09:18 avec la députée de la France insoumise.
09:21 Ca n'a pas été très bien perçu en interne chez vous.
09:24 On vous a accusé de vouloir liquider le Parti communiste,
09:27 de la France insoumise.
09:29 -Ca, c'est une sorte de procès d'intention
09:31 qui est très souvent renvoyé en interne
09:33 à celles et ceux qui font entendre une autre voix,
09:36 qui, globalement, ne suivent pas la ligne majoritaire,
09:39 et d'ailleurs démocratiquement décidée.
09:42 Et donc, je la trouve assez violente, cette expression.
09:45 On parle de liquidateur ou de liquidatrice,
09:48 en pensant que, quelque part, mon engagement,
09:50 non seulement ne serait pas aussi important
09:53 que chez les autres communistes,
09:55 mais en plus, qu'ils viseraient à détruire le Parti communiste.
09:59 Enfin, comment on peut se défendre de ça,
10:02 à part regarder l'engagement que je porte au quotidien
10:05 avec plein d'autres communistes qui ne pensent pas comme moi ?
10:09 -Vous vous sentez très différente, idéologiquement,
10:12 de la France insoumise ?
10:13 La question, c'est, est-ce que vous êtes engagée
10:16 au Parti communiste parce que vos parents y étaient ?
10:19 Si la France insoumise avait existé, vous y seriez pas allée ?
10:23 -Je crois pas. Je crois qu'en tout cas,
10:25 je suis très animée et très en lien
10:27 avec ce qu'est et ce que sont les communistes.
10:30 Je peux le vérifier dans ma circonscription,
10:33 dans ma ville, et donc je me sens très en lien avec ça.
10:36 Après, oui, il y a une proximité idéologique
10:39 avec la France insoumise,
10:41 mais je le remarque avec une partie des écologistes,
10:44 une partie des socialistes aujourd'hui,
10:46 et c'est justement parce qu'il y a cette proximité
10:49 qu'on est en capacité de s'unir.
10:51 Et que, finalement, les divisions,
10:54 souvent, sont organisées pour mieux se démarquer.
10:58 Je pense que ça nous conduit très certainement à la perte,
11:01 alors même qu'on a une course engagée
11:03 face à l'extrême droite.
11:05 -On a beaucoup évoqué vos combats idéologiques,
11:08 mais ça vous empêche pas d'être dans l'action concrète.
11:11 Très vite, en 2018, un an après votre élection,
11:13 vous avez dit que vous avez compris
11:15 que votre écharpe de député est plus utile à l'extérieur.
11:19 Une député est donc plus utile en dehors de l'hémicycle
11:22 que dans l'hémicycle. -C'était une phrase spontanée.
11:25 Je ne la regrette pas. Je ne sais pas si je la reformulerais
11:28 de la même manière.
11:29 En fait, c'est surtout que c'est une audience,
11:32 c'est une tribune, l'Assemblée nationale.
11:34 Quand vous êtes dans l'opposition avec un Parlement piétiné,
11:38 en réalité, vous vous en servez moins pour défendre
11:41 des amendements, même si je vais continuer à le faire,
11:44 mais elle est utile pour aller défendre
11:46 ces travailleurs sans papier, elle va être utile
11:49 pour porter leur voix. -Vous pesez plus à l'extérieur
11:52 que à l'intérieur ? -Il comprit même
11:53 dans les interventions que je fais à l'intérieur.
11:56 Elles ont plus de répercussions à l'extérieur
11:59 que celles des ministres.
12:00 C'est ça que ça voulait dire.
12:02 On me l'a beaucoup sortie, cette phrase,
12:04 et je me rends compte à quel point elle était trop spontanée.
12:08 -On va conclure l'émission par notre quiz.
12:10 Je vous propose des débuts de phrases,
12:12 vous allez voir.
12:13 Donnez la suite, selon votre inspiration.
12:16 -Je suis comme Fabien Roussel, j'aime bien...
12:19 -J'aime bien les communistes.
12:23 -Parce qu'idéologiquement, on a compris
12:25 que vous étiez pas sur la même longueur.
12:27 -Je vais pas répondre le nucléaire ou le barbecue,
12:30 c'est ça que vous attendiez. -C'était ça.
12:33 On va parler cuisine.
12:34 "Les pommes de terre à la portugaise" de Julien Bayou.
12:37 -J'étais pas à ce dîner,
12:38 donc j'attends de pouvoir goûter les pommes de terre à la portugaise.
12:42 -C'était un dîner qui rassemblait les unionistes,
12:45 je suis une unioniste, mais je n'étais pas à ce dîner.
12:48 -"Il n'est pas de sauveur suprême."
12:50 -Effectivement.
12:51 -Ah, vous avez un blanc ! -Non, je l'ai, mais...
12:54 Non, il y a effectivement pas...
12:56 -"Ni Dieu, ni maître..."
12:58 -"Ni Dieu, ni César, ni Pibin." -Ah, mince, pardon, la honte.
13:01 -Il va falloir réviser l'international.
13:03 -Je la chante, mais je la chante et je l'ai en...
13:06 C'est un souvenir d'enfance. -T'écoutes ta musique ?
13:09 -Exactement. -Merci, Elsa Chassillon.
13:11 -Je vous en prie. Merci.
13:13 Générique
13:15 ...

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