• il y a 9 mois
Lorsque l’on est, à un moment de sa vie, privé de liberté, une soif de découvrir le monde peut grandir en nous et se transformer en une réelle obsession. Après une interdiction de quitter le territoire et une enfance compliquée, Loury a fait le choix de partir à la découverte du monde et de lui-même.

Il est venu nous raconter son histoire, de sa première expédition qui a failli lui coûter la vie à ses derniers exploits en solitaire.

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Voyages
Transcription
00:00 Et ça me pique sur l'épaule.
00:01 Et là, je prends, réflexe, et ça me repique sur le doigt.
00:04 Waouh !
00:05 Ah, ça me lance très fort !
00:06 Je mets un coup de frontale, et là, descente aux enfers.
00:09 Scorpion.
00:10 En 10 secondes, ma vie défile.
00:11 Je pense à ma famille, je pense que je vais mourir et tout.
00:13 Et au bout de la onzième seconde,
00:15 mon instinct de survie reprend le dessus.
00:16 J'ai une enfance très particulière,
00:17 puisque moi j'ai une enfance assez difficile.
00:18 Je suis déjà né avec le cordon ombilical qui m'a étranglé,
00:21 je suis allé en couveuse.
00:22 Et donc, très rapidement, il y a eu cette notion d'extrême
00:26 qui a commencé à régir ma vie sans que je m'en rende compte.
00:29 Et je crois qu'à l'âge de mes 5 ans,
00:33 mes parents ont découvert un syndrome
00:34 qui s'appelle l'analgésie congénitale,
00:35 qui ne me permet pas de ressentir la douleur
00:37 comme une personne normale.
00:38 Donc en fait, ça m'a permis pendant des années
00:40 de me croire comme un super héros,
00:42 parce que mon seuil de douleur était plus lointain que la norme,
00:45 sachant que je ressens quand même la douleur, je tiens à le préciser.
00:47 Mais c'est juste qu'il est plus lointain.
00:49 À l'époque, c'est un syndrome qui se découvre
00:51 à cause de douleurs à répétition,
00:54 des douleurs qui sont invisibles notamment.
00:55 Et en fait, il n'y a que par exemple
00:57 quand j'ai commencé à saigner des oreilles très fort,
00:59 que mes parents ont compris que j'avais des grosses otites
01:02 très engagées.
01:04 Et c'est à partir de certains événements de vie
01:07 que mes parents ont compris qu'il y avait un problème
01:09 sur le seuil de douleur.
01:10 Et donc à leur époque, c'était plutôt dur au mal,
01:12 on disait ça comme ça.
01:14 Et puis avec le temps,
01:15 on a compris qu'il se passait quelque chose
01:17 et on a pu donner un nom.
01:18 Vers 12-14 ans, je me suis transversé le pied avec une pointe.
01:21 Et en fait, je me suis rendu compte que j'avais un clou
01:23 qui avait traversé le pied,
01:25 qu'en voulant enlever ma chaussure.
01:26 Du coup, là, on a capté qu'il y avait un truc qui tournait par rond.
01:29 La analgésie congénitale a été vraiment un handicap
01:32 plus qu'une force,
01:33 puisque finalement, à 30 ans,
01:35 j'avais toujours pas compris comment ça fonctionnait,
01:38 c'est-à-dire que quand mon corps m'envoie des signaux,
01:39 finalement, c'est déjà trop tard.
01:41 Et puis après, j'ai un parcours de vie assez chaotique
01:43 puisque moi, j'ai un père qui a été extrêmement *****
01:47 dans ma jeunesse.
01:47 Moi, je suis l'aîné d'une fratrie de trois frères.
01:49 J'ai, jusqu'à l'âge de 17 ans, été battu par mon père.
01:54 Et j'ai quitté le foyer familial à 17 ans.
01:56 La vie a régi une bonne partie de ma jeunesse et de mon adolescence
02:00 puisqu'il n'y a qu'à partir de 17 ans,
02:02 quand je me suis soulevé contre mon père,
02:04 que je l'ai menacé, que finalement, c'était terminé.
02:07 J'ai quitté la maison, j'ai vécu dans la rue
02:08 pendant je ne sais pas combien de temps.
02:09 Donc en fait, toutes ces expériences de vie m'ont forgé,
02:12 m'ont endurci et ont fait l'homme que je suis aujourd'hui.
02:15 Donc, même si ça paraît très dur, délicat, désagréable,
02:22 pour moi, ça reste des expériences de vie douteuses.
02:24 Certaines légales, d'autres illégales,
02:26 certaines belles, d'autres moins belles.
02:28 Mais je ne reviendrai pas en arrière.
02:29 Et effectivement, ça m'a construit.
02:32 Malheureusement, pas toujours à travers les bonnes choses.
02:34 J'ai entamé une longue progression dans la délinquance
02:38 par tous les chemins classiques.
02:39 D'abord la vie, la vente du stupéfiant,
02:41 jusqu'à ce que je termine en détention.
02:43 J'ai fêté mes 20 ans en prison.
02:44 Et en fait, la vraie punition, ça a été surtout
02:47 l'interdiction de quitter le territoire après.
02:49 Pendant 5 ans, j'ai eu l'interdiction de quitter le territoire.
02:52 Et ça, ça a été la vraie punition.
02:53 C'est-à-dire qu'à 25 ans, je n'avais jamais pris un avion.
02:56 Et je pense que ça a été un petit peu le départ
02:58 de ce qui fait que je me retrouve là aujourd'hui
03:00 à parler d'aventure.
03:01 C'est que finalement, j'ai été privé de ma liberté.
03:06 Et je crois que quand on n'a pas été privé de sa liberté,
03:08 on ne peut pas savoir à quel point elle est importante.
03:09 Et donc, du coup, ça a créé en fait comme une carence, un manque,
03:15 qui m'a poussé à 25 ans à vivre ma première expérience de voyage,
03:22 qui a de suite été comme tout le reste de ma vie, ultra extrême,
03:25 puisque je me suis retrouvé aux Etats-Unis
03:27 et que cette première aventure a été très douteuse.
03:30 Ce qui me marque le plus lors de ma première aventure,
03:32 qui n'était pas du tout une expédition en fait.
03:33 À la base, c'était plus un voyage backpack,
03:35 pour me redorer le blason,
03:36 pour vivre une expérience de liberté et de nouveauté.
03:39 Et je pars avec mon sac de 25 kilos, 500 balles en poche.
03:43 Et puis je comprends que très rapidement, en fait,
03:44 ça va être bien plus compliqué que je ne le pensais.
03:46 Je paye ma première nuit d'hôtel 127 dollars.
03:49 Et là, je comprends qu'il va y avoir un souci.
03:50 Donc du coup, je décide de partir des grandes villes.
03:52 Et puis je descends, je descends et je commence à...
03:55 Ça prend du temps, je marche.
03:56 Et puis je commence à me dire qu'en fait, finalement, je me sens bien.
03:58 Et puis la notion du temps change aussi.
04:00 On passe d'une vie où tout est pressé
04:03 et il y a plein de choses à faire à finalement la slow life,
04:06 tranquille, on prend le temps de penser à soi.
04:09 Et puis avec du recul, si je devais te parler de cette aventure,
04:12 je suis parti des Etats-Unis et j'ai quand même atterri en Colombie.
04:16 Donc elle a été un petit peu longue, elle a duré presque un an.
04:19 Elle a été ultra constructive.
04:23 Et ça m'a beaucoup plu de vivre toutes ces expériences.
04:26 Évidemment, très douteuse puisque,
04:28 comme je ne sais rien faire dans la demi-mesure,
04:29 je me suis retrouvé dans plein de situations loufoques,
04:31 comme par exemple, je me suis perdu dans les Everglades.
04:33 Donc les Everglades, pour situer, c'est quand même pas top.
04:36 C'est des marécages avec des crocodiles.
04:38 Pendant 12 jours sans manger,
04:40 je me suis fait piquer par un scorpion dans le Grand Canyon.
04:44 Donc j'ai eu une paralysie sur la moitié du corps.
04:47 Je me suis fait tirer dessus au Mexique
04:49 et j'ai fini en détention très succincte en Colombie.
04:53 Donc en fait, si tu résumes 9 mois d'aventure,
04:56 évidemment, c'est des rencontres, des expériences de vie incroyables,
04:59 des paysages incroyables,
05:01 mais surtout, ça a fait naître en moi ce sentiment de liberté,
05:04 ce sentiment que j'étais à ma place,
05:06 qu'il y avait quelque chose qui me plaisait là-dedans
05:08 et où je me sentais vraiment bien, assez heureux.
05:12 Donc ça a été une première expérience extrêmement riche
05:16 qui m'a beaucoup marqué.
05:17 C'est des histoires que j'ai racontées mille fois,
05:18 donc je les ai racontées certainement avec un peu moins d'appétence,
05:20 mais en gros, c'est mon premier voyage aux États-Unis.
05:24 En fait, je me retrouve à faire une randonnée
05:26 pour aller accéder à Indian Village.
05:28 Et c'est vrai qu'à un moment donné, je pars sous-équipé
05:31 avec une couverture de survie, une pomme, une barre de céréales.
05:33 Et puis, je ne sais pas pourquoi,
05:35 je suis animé de devoir doubler tout le monde.
05:37 Je double tout le monde et puis à un moment donné, il n'y avait personne.
05:38 Je me dis "merde".
05:39 Je lève les yeux et je fais "ok".
05:41 Et là, je vois que quoi qu'il arrive, je ne peux pas rentrer.
05:45 Je ne peux pas faire demi-tour.
05:46 Donc finalement, je me dis "allez,
05:48 je vais aller au prochain village, Indian Village".
05:50 Il reste encore deux heures, je commence à avoir mes premières crampes.
05:52 Je ne suis quand même pas non plus en état très fou.
05:54 Donc en fait, je me retrouve à Indian Village
05:55 avec le gardien qui met des grands coups de torche et tout.
05:57 Et puis là, je me dis "bon, je vais essayer de m'extraire de tout ça".
06:01 Et puis, je suis parti me mettre à côté de la rivière.
06:03 Alors les rivières aux États-Unis,
06:04 ce n'est pas tout à fait les mêmes que chez nous,
06:06 puisque là, c'est Colorado River.
06:07 Donc, c'est un truc qui fait 40 mètres de large
06:10 et c'est une puissance démoniaque.
06:14 Et donc là, il commence à pleuvoir.
06:16 Je m'installe et puis il commence à pleuvoir.
06:17 Je me dis "putain, je ne vais pas pouvoir dormir là".
06:18 On m'avait parlé des crues qui étaient ouf
06:21 et qui ratissaient tout sur leur passage et tout.
06:23 Du coup, je commence à rentrer, à remonter un petit peu en amont.
06:26 Et là, je me dis "ça m'a l'air stylé, je vais me poser là".
06:29 Hop, petite couverture de survie, je me pose et tout.
06:32 J'étais à ma frontale et là, je commence à m'endormir.
06:34 Et ça me pique sur l'épaule, je sens une piqûre.
06:36 Mais une piqûre...
06:38 J'avais l'habitude de deux, trois piqûres dans ma vie et tout,
06:39 mais je sens une piqûre vraiment plus douloureuse de ouf.
06:41 Et là, je prends, réflexe et ça me repique sur le doigt.
06:44 Je fais "waouh".
06:48 Ah, ça me lance très fort.
06:49 Et là, je me dis "putain, mais ça peut être quoi ?"
06:51 Tu vois, je mets un coup de frontale et là, descente aux enfers.
06:55 Scorpion.
06:56 En 10 secondes, ma vie défile.
06:59 Je pense à ma famille, je pense que je vais mourir et tout.
07:02 Et au bout de la 11e seconde, mon instinct de survie reprend le dessus.
07:04 Je commence à me pisser sur les doigts, sur le truc.
07:06 Je suis en train de sortir mon couteau, je me dis "je vais me couper le doigt",
07:08 je regarde mon épaule, je fais "ça va être compliqué".
07:11 Et je commence à marcher en essayant de retrouver le gardien plus haut et tout.
07:14 Mais en fait, je me dis "putain, je vais vivre qu'une minute,
07:16 je vais vivre qu'une minute, mec, vas-y".
07:18 En fait, plus tu avances, plus le venin se propage sous le système nerveux et tout,
07:23 dans le système nerveux et tout, sous le cutané et tout.
07:24 Et en fait, plus potentiellement tu vas t'empoisonner en étant actif.
07:27 Donc, j'essaie de marcher tout doucement et tout,
07:28 puis en même temps, je me dis "putain, je vais mourir, il faut que t'avances, mec".
07:30 En fait, c'est atroce.
07:32 Atroce, c'est ouf.
07:34 Je vis un calvaire.
07:36 Je vis un calvaire et je ne souhaite carrément pas à mon pire ennemi
07:39 de penser que tu es condamné au bout d'une minute
07:41 et d'attendre toutes les secondes que ça s'arrête.
07:43 Je commence à avoir des petits picotements,
07:47 je commence à avoir, je ne sais pas si c'est un mélange d'adrénaline, des fourmiments.
07:51 Et puis, à un moment donné, j'arrive au village et puis là, il n'y a pas un chat.
07:54 Je gueule de tout mon truc et tout, il n'y a pas un chat.
07:57 Et je vois au loin un truc qui brille et tout, et je vois Emergent Siphon.
08:01 Je cours à l'Emergent Siphon, je pète le CD.
08:04 J'appelle en panique au bout de ma vie.
08:06 "Hello, hello, hello, hello, escorpion !"
08:08 Je parlais anglais comme un peu insussé, laisse tomber.
08:10 Je me retrouve à essayer de l'expliquer à la femme et tout,
08:13 et puis de l'autre côté, j'entends "Hello, yeah, which color ?"
08:19 Je ne savais même pas dire marron, tu sais.
08:22 Je lui dis "Marron, brown, machin, je ne sais pas comment on fait."
08:25 Elle me dit "Ah, ok, no, it's good."
08:28 Puis elle raccroche.
08:29 Je fais "What ?"
08:30 Je pense qu'elle n'a pas tout compris.
08:32 Je reprends le téléphone.
08:33 Je lui dis "Je vais mourir en fait."
08:34 Et la meuf me dit "Non, tu ne vas pas mourir."
08:37 Je lui dis "Je vais mourir, je te dis en fait."
08:38 Elle me dit "Ok, tu es où ?"
08:40 Je lui dis "Je suis là."
08:41 Elle me dit "Je t'envoie le lico."
08:42 Je fais "Ce n'est pas trop tôt."
08:43 Et là, au moment de raccrocher, je fais...
08:44 Je me rappelle d'un truc vite fait, d'un collègue à Miami
08:48 qui a tapé dans un poteau, qui s'est pété trois phalanges.
08:50 800 dollars.
08:51 Je fais "Tu es sûr que je ne vais pas mourir ?"
08:53 Elle me dit "Non."
08:55 Je dis "Bah, annulez le lico."
08:56 Je raccroche.
08:59 Je me pose sur une chaise, je attends.
09:00 Et en fait, je suis pris de panique au bout de la vingtième minute
09:02 où je plante mon couteau toutes les cinq minutes pour sentir mes sensations.
09:05 Et au bout d'un moment, la lame rentre et je ne sens rien.
09:07 Je fais...
09:08 Là, on a un souci.
09:10 Et là, je décide de faire ce qui est une grossière erreur.
09:14 Je décide de partir seul, sans prévenir personne,
09:16 en pleine nuit, pour remonter.
09:18 Et là...
09:19 Je crois que je mets un truc comme 21 heures pour remonter.
09:23 Avec des crampes.
09:24 En fait, le venin, je comprends que je ne vais pas mourir,
09:27 mais en fait, le venin s'est diffusé dans tout le corps
09:29 et crée une atrophie des muscles.
09:31 Et en fait, à chaque fois que je monte les marches pour remonter,
09:35 parce que c'est vraiment tout en bas,
09:36 j'ai les muscles de tout le corps qui se contractent.
09:38 Donc, je déchire mon t-shirt, je me fais des garrots,
09:40 je contracte même.
09:41 C'est un enfer.
09:42 Je suis déshydraté à mort, donc d'autant plus de contraction.
09:45 Je marche à l'intérieur de la paroi,
09:47 parce que j'ai peur de tomber dans le vide,
09:49 parce que mes jambes me lâchent.
09:50 Et en fait, je peine tant bien que mal.
09:52 Et comme je suis allé à Indiana Village,
09:54 et qu'il y a eu très peu de randonneurs y vont,
09:56 les touristes font juste 100 mètres pour aller prendre une petite photo,
09:59 et puis il n'y a personne, en fait.
10:00 Et jusqu'à ce que je remonte assez haut pour rencontrer des gens.
10:04 Et là, on me prend en charge,
10:06 et je finis à Phénix avec un antipoison à temps.
10:09 Auquel cas, ça m'aurait coûté une paralysie du corps à vie.
10:13 Honnêtement, je ne sais pas à combien ça s'est joué,
10:14 mais je sais que ce n'était de pas grand-chose,
10:16 puisque j'ai quand même fait 4 jours en fauteuil roulant,
10:18 dû à l'atrophie du desmuscle et du venin qui s'étaient propagés.
10:21 Donc, ça aurait pu très mal se passer,
10:25 ça aurait pu me coûter ma mobilité à vie.
10:27 Finalement, ça ne m'a absolument pas du tout calmé,
10:29 et ça m'a juste...
10:31 En fait, je m'en suis voulu.
10:33 Je me suis dit, mon pauvre gars, tu es parti tout seul,
10:35 pas préparé, voilà, encore une fois,
10:37 tu peux te remborder qu'à toi-même,
10:38 donc la prochaine fois, soins intelligents, bûches.
10:41 Et en fait, c'est comme ça que je me suis construit aussi toute ma vie,
10:43 donc ça ne me paraissait pas si ouf que ça.
10:45 Genre, c'était juste d'avoir frouillé la mort une fois de plus,
10:48 parmi tant d'autres.
10:49 Donc, du coup, non, ça ne m'a pas choqué.
10:52 Si tu veux, la mort était un sujet de ma putain d'enfance.
10:57 Donc, finalement, si je devais revenir à la première fois où j'ai risqué ma vie,
11:02 je pense que j'étais tout bébé, quoi.
11:03 J'étais enfant, et puis j'ai risqué ma vie tous les 4 matins.
11:06 Ma mère, elle le disait dans un podcast, à 2 ans et demi,
11:09 je sautais des étages de 4 mètres à me péter les talons.
11:12 J'étais déjà un mec un peu relou, quoi.
11:14 La mort, après, moi, ça fait partie du métier aujourd'hui.
11:17 Je risque ma vie, je fais un métier à risque,
11:18 et ça m'a fait apprécier la vie d'une autre manière.
11:21 Donc, oui, c'est vrai que maintenant, j'en parle avec une certaine facilité.
11:24 Ça peut choquer, ça peut...
11:26 "Waouh, le mec est fou et tout."
11:27 Mais finalement, ça fait partie de mon quotidien.
11:29 Après cette première année de voyage, je suis rentré dans le Sud,
11:31 et là, j'ai eu l'occasion de recommencer à entreprendre la création d'une société
11:36 dans le bâtiment.
11:36 Et puis là, ça a encore été une autre aventure.
11:38 Nouvelle aventure, je rencontre la mère de mes enfants.
11:41 Quelques années plus tard, on a notre première fille.
11:43 Puis, je me rends compte que je suis doué pour les affaires,
11:45 et ça prend de l'ampleur.
11:47 Et encore une fois, dans l'extrême, et je me donne à fond.
11:49 Et au bout de trois ans, j'avais une boîte qui faisait 2 millions de chiffres d'affaires,
11:53 et j'avais deux enfants,
11:54 et j'avais une vie normale, franchement,
11:59 d'un mec qui réussissait dans le business.
12:01 Mais je me faisais chier terriblement.
12:03 Et donc, de là est revenu, rejaillit cet appel de l'aventure,
12:08 cet appel de l'extrême, cet appel de la nature.
12:12 Et j'ai tout plaqué.
12:13 J'ai vendu ma boîte.
12:14 Et je suis parti à l'autre bout du monde, en Asie,
12:18 pour retrouver des sensations.
12:19 Pour te parler de l'aventure qui m'a le plus marqué,
12:22 dont j'aime parler,
12:23 c'est qu'après tout ce que j'ai pu raconter sur mon père,
12:26 j'ai voulu en terminer une bonne fois pour toutes.
12:28 À cette époque-là, j'ai la sensation qu'il est malade et qu'il ne va pas bien.
12:30 Donc, avec mes frères et moi, on lui dit
12:32 « Écoute, ne te fais pas chier avec l'osée,
12:34 ne te fais pas chier avec le boulot.
12:35 On a construit une maison pour toi,
12:37 t'as qu'à la vendre et t'as qu'à t'acheter un bateau
12:39 et faire tout ce que tu as toujours voulu rêver. »
12:40 Je lui ai dit « Le jour où tu décides de prendre la mer
12:43 pour vivre une aventure incroyable,
12:46 eh bien, je serai là. »
12:47 Et un jour, il nous appelle et il nous dit
12:49 « J'ai acheté un bateau, je vais partir. »
12:50 Je lui ai dit « Mais je suis là. »
12:51 Donc, on part du Cap Vert et on se dit
12:52 « On va aller aux Antilles de l'autre côté. »
12:54 Et là, j'avais envie de partager son univers à lui,
12:57 sa volonté, son potentiel de finir ses vieux jours en mer.
13:00 Parce que c'est comme ça qu'il l'a dit.
13:02 Donc, en tant qu'enfant, ça a été très dur
13:03 d'entendre que mon père voulait mourir en mer.
13:05 Et puis, en tant qu'homme, moi, je peux comprendre
13:07 qu'on veuille partir de cette manière-là.
13:08 Donc, du coup, j'ai décidé de me plier à sa volonté
13:10 et de l'accompagner et d'affronter mes démons, mes peurs.
13:14 Et puis, peut-être ma tristesse à travers cette aventure.
13:21 Et j'ai traversé l'océan Atlantique en 14 jours.
13:23 En fait, finalement, on a eu une houle de ouf.
13:25 Il y avait des vagues de 5-7 mètres et on a carburé.
13:28 On a traversé l'océan Atlantique ensemble et on s'est pardonnés.
13:31 Et on a bossé comme des oufs pour devenir copains.
13:33 Et c'est une expérience de vie que je souhaite à n'importe quel homme
13:36 ou femme sur cette Terre, de renouer ou de vivre quelque chose
13:40 d'ultra unique dans une vie avec un de ses parents.
13:42 Et on s'est retrouvés en Guadeloupe et arrivé de l'autre côté,
13:44 mon père, il m'a regardé, il m'a dit "on a réussi, mon fils".
13:47 Et j'ai compris évidemment qu'il ne parlait pas du tout
13:50 de la traversée de l'océan Atlantique,
13:51 qu'il parlait de notre histoire personnelle.
13:52 Et c'est vrai que ça a marqué ma vie.
13:54 Finalement, quand on est à deux sur un bateau, il n'y a pas d'échappatoire.
13:56 Parce qu'on s'est dit des choses, mais avec beaucoup d'amour,
13:58 on s'est pardonnés, on a...
13:59 Tu sais, ça, ça m'a fait de la peine.
14:01 Et puis, pour la première fois de ma vie,
14:03 j'avais l'impression que mon père était fier de moi.
14:05 Et donc, il m'a regardé, il m'a dit "fils, j'ai plus rien à t'apprendre,
14:08 tu es un homme et un excellent père de famille".
14:10 Et quand on entend ça de la part de son propre père,
14:13 avec tout ce que ça représente,
14:14 ben...
14:16 ça change une vie.
14:17 En tout et pour tout, moi, je pense que j'ai déjà réalisé
14:20 deux tours du monde, j'ai visité plus de 50 pays.
14:24 J'ai réalisé, sur les cinq dernières années,
14:27 je pense, entre 6 et 8 expéditions.
14:30 Je suis allé autant à plus 60 degrés que à moins 60 degrés.
14:35 Je détiens deux records du monde encore à mon actif
14:38 sur une traversée de désert et sur la traversée
14:41 du second plus grand glacier d'Europe en Islande.
14:43 Et c'est des centaines de milliers de kilomètres parcourus chaque année
14:47 par la seule force de l'homme,
14:49 puisque moi, je réalise des expéditions sans aucun moyen motorisé.
14:51 C'est-à-dire que je fais tout à la seule force que je possède
14:55 et que j'essaye d'avoir un impact carbone très très faible.
14:58 Donc, je pratique pour ça toutes les disciplines.
15:02 J'évolue dans les cinq biotopes les plus dangereux au monde.
15:05 L'extrême chaud, l'extrême froid, le tropical, la haute montagne
15:09 et la navigation en océan.
15:11 Et je crois que je suis certainement le plus heureux du monde.
15:16 Le seul moyen à moi aujourd'hui de pallier à ma problématique
15:19 de temps qui passe, c'est de me confronter à ces éléments,
15:22 de me sentir vivant, de mener à bien ma quête du bonheur
15:25 en réalisant mes rêves et d'aller au bout de ce que je suis en train d'essayer,
15:30 même si je me trompe.
15:30 Et aujourd'hui, j'en suis que je m'apprête à réaliser un record du monde
15:35 sur la latitude 70, de quelque chose qui n'a jamais été fait
15:38 par l'être humain en solitaire sur le début de 2023.
15:41 En gros, je vais progresser.
15:43 Je vais réaliser un tiers du tour du monde sur le cercle arctique polaire,
15:47 qui représente plus de 3500 km sur la banquise.
15:50 Donc la banquise, c'est l'océan Arctique à une période de l'année qui s'est solidifiée.
15:54 Donc je vais progresser sur la mer et je vais avancer avec des skis
15:59 et une voile de kite et je vais tenter de réaliser un fameux passage
16:02 qui s'appelle le passage du Nord-Ouest, qui représente entre 2 et 4 mois
16:06 d'expédition en solitaire à ingérer 9000 calories par jour,
16:10 à faire des journées de 15 heures d'efforts sportifs
16:13 pour tenter de réaliser un record du monde et de parler d'une course contre la monde,
16:18 puisqu'il y a une dimension de course contre la monde face au réchauffement climatique,
16:21 puisque je progresse sur la banquise et une course contre ma propre montre,
16:23 parce que, comme vous l'avez compris, le temps passe.
16:26 Et finalement, j'ai envie de consommer la vie à 3000%.
16:34 [Musique]
16:39 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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