• il y a 10 mois
En France, le constat semble clair : 63 milliardaires émettent davantage de gaz à effet de serre que la moitié de la population. A l’échelle mondiale, la tendance est similaire : les 1 % les plus riches polluent autant que les 66 % les plus pauvres, selon Oxfam. Ces chiffres évoquent la responsabilité des plus fortunés dans le changement climatique et sous-entendent que leur empreinte carbone est particulièrement alourdie par les énergies fossiles. Mais qu’en est-il vraiment ?

Pour bien saisir le sens de ces données, il faut examiner les méthodes employées par les chercheurs qui publient ces études. L’enjeu central concerne l’allocation des émissions de CO2 : faut-il les attribuer aux ménages, aux entreprises, aux actionnaires, ou encore à un mélange de l’ensemble ? Il est essentiel de prendre en compte ces choix méthodologiques pour tirer les bonnes conclusions et optimiser la lutte contre le réchauffement climatique. Les riches sont responsables, c’est vrai, mais ils ne sont pas les seuls.

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Transcription
00:00 Si on tape "personnes riches" et "changement climatique" dans un moteur de recherche,
00:06 on tombe sur ces résultats.
00:07 D'après l'ONG Oxfam, à l'échelle mondiale, les 1% les plus riches émettent autant de
00:16 gaz à effet de serre que les 66% les plus pauvres.
00:19 En France, c'est la même logique.
00:23 Dans cette étude de Greenpeace et d'Oxfam, on peut lire que 63 milliardaires polluent
00:28 autant que 50% des Français.
00:32 Alors, est-ce que ces chiffres sont fiables ? Est-ce que les plus riches émettent vraiment
00:38 beaucoup plus que les pauvres ? Et qu'est-ce que les inégalités d'émission impliquent
00:43 ?
00:44 En 2019, la France a émis 625 millions de tonnes d'équivalent CO2, soit 9,3 tonnes
00:56 par an.
00:57 Sauf qu'il s'agit d'une moyenne.
01:00 En réalité, il y a des variations importantes entre les individus en fonction de leurs
01:06 activités.
01:07 Pour savoir qui émet quoi, il faut choisir comment répartir les émissions.
01:13 C'est là que les choses se compliquent.
01:15 Prenons un exemple simplifié.
01:18 Les émissions directes d'un déplacement en voiture sur le territoire français.
01:22 Ce trajet a lieu grâce à plusieurs acteurs.
01:25 Il y a l'utilisateur de la voiture, mais aussi les entreprises qui lui ont vendu le
01:30 carburant ou encore les actionnaires qui financent ces entreprises.
01:34 On peut donc considérer que chacun de ces acteurs a une part de responsabilité dans
01:40 les émissions.
01:41 Il est cependant très difficile de répartir cette responsabilité et ce sera toujours
01:47 fait de manière subjective.
01:48 Quand on attribue les émissions, on le fait pour répondre à certaines questions, mettre
01:54 en évidence des éléments ou obtenir des informations.
01:57 Mais il ne faut pas interpréter une attribution des émissions comme une attribution exclusive
02:03 de responsabilité.
02:04 Par exemple, si on choisit d'attribuer aux entreprises qui ont extrait le pétrole, les
02:09 autres acteurs n'émettent rien.
02:10 Mais ça ne veut pas dire qu'ils n'ont aucune influence.
02:15 Après tout, sans le conducteur de la voiture, ces émissions n'auraient pas lieu.
02:20 Pour prendre un exemple concret, dans ce rapport paru en 2017, une ONG a choisi d'attribuer
02:28 toutes les émissions fossiles mondiales aux entreprises qui ont extrait ces ressources
02:32 fossiles.
02:33 Avec ce principe, on peut montrer que 71% des émissions de gaz à effet de serre fossiles
02:39 depuis 1988 sont dues à 100 entreprises.
02:43 Le but de cette attribution est d'informer les investisseurs des émissions de ces entreprises.
02:50 D'autres ONG choisissent d'attribuer ces émissions à ceux qui détiennent le capital
02:57 des entreprises.
02:58 Avec ce principe, 63 milliardaires polluent autant que 50% des Français.
03:04 Cela permet de montrer le pouvoir de quelques actionnaires sur ces entreprises ou la concentration
03:10 des capitaux.
03:11 Il y a également des exemples où les émissions sont attribuées aux individus en fonction
03:16 de leur revenu, de leur richesse ou d'un mélange des deux.
03:20 C'est une de ces méthodes qui permet à Oxfam d'affirmer que les 1% les plus riches
03:25 émettent autant que les 66% les plus pauvres.
03:28 Cette attribution met en avant les importantes inégalités économiques existant au sein
03:33 des pays et entre les pays.
03:35 Utilisons maintenant une méthode riche en informations, une attribution qui repose sur
03:41 la consommation des ménages.
03:43 On va s'appuyer sur un travail d'Antonin Potier.
03:47 Il prend en compte les émissions liées à la fabrication des produits consommés par
03:51 les ménages, y compris les émissions ayant lieu à l'étranger.
03:55 Pour l'année étudiée, 2010, les émissions moyennes d'un ménage français sont de
04:00 22 tonnes d'équivalent CO2.
04:02 Si on regarde ces chiffres en fonction des revenus des ménages, voilà ce que ça donne.
04:08 Les 10% des ménages les plus riches émettent en moyenne 33 tonnes de gaz à effet de serre.
04:16 Les 10% les plus pauvres, 15 tonnes.
04:20 Les plus riches émettent donc 2,2 fois plus que les plus pauvres.
04:25 Il y a un lien clair entre le revenu et les émissions, ce qui est logique puisque les
04:30 riches consomment plus.
04:32 Mais allons plus loin et ajoutons maintenant le niveau des revenus.
04:38 Ce qu'on constate, c'est que les 10% les plus riches gagnent 9 fois plus d'argent
04:46 que les 10% les plus pauvres.
04:48 Pourtant, ils ne polluent que 2 fois plus.
04:51 C'est dû au fait qu'ils épargnent une grande partie de leurs revenus.
04:55 Cet argent ne sert donc pas directement à la consommation.
04:58 Mais malgré cet épargne, les riches dépensent tout de même plus d'argent.
05:04 On le voit ici, les plus riches dépensent 3 fois plus que les plus pauvres.
05:09 Mais il se trouve que les riches dépensent proportionnellement moins d'argent dans
05:13 les consommations les plus émettrices.
05:15 C'est pour ça qu'ils émettent seulement 2 fois plus que les plus pauvres.
05:21 Attention, ici encore, on parle de moyenne.
05:24 Les émissions peuvent être assez différentes au sein d'une même catégorie de revenus.
05:28 Cette dispersion est représentée ici par les traits noirs.
05:31 Les ménages qui émettent le plus parmi les plus pauvres peuvent émettre plus que les
05:37 ménages qui émettent le moins parmi les plus riches.
05:40 Il y a donc d'autres déterminants que le revenu aux différences d'émissions.
05:44 Tout d'abord, la localisation.
05:46 En distinguant pour chaque niveau de revenu le lieu d'habitation des ménages entre
05:51 centre urbain, périphérie et milieu rural, on voit qu'il joue un rôle important sur
05:56 les émissions.
05:57 Dans la plupart des cas, les émissions sont plus élevées pour les ruraux et pour les
06:01 habitants des périphéries que pour les ménages vivant en centre-ville.
06:05 A partir de là, on peut entrer dans le détail de ces différences grâce aux données de
06:10 consommation.
06:11 Prenons le cas du transport.
06:14 Pour un même lieu de vie, plus on est riche, plus on se déplace.
06:20 Aussi bien sur des courtes que sur de longues distances.
06:24 Le poids de l'avion est particulièrement fort chez les plus riches.
06:29 Il y a aussi un effet du lieu d'habitation.
06:33 Les ménages ruraux ont davantage besoin de se déplacer et ont moins d'options peu
06:38 polluantes comme les transports en commun.
06:40 Autre facteur déterminant, le logement.
06:45 On distingue toujours une évolution liée au revenu mais elle est moins flagrante.
06:50 Les émissions des appareils électriques sont faibles car l'électricité est largement
06:56 décarbonée en France.
06:58 L'essentiel des émissions à l'utilisation du logement est lié au chauffage lorsqu'il
07:03 n'est pas électrifié.
07:04 La disparité des émissions a deux raisons principales.
07:08 D'une part, les superficies des logements sont plus élevées chez les plus riches mais
07:12 également plus élevées en milieu rural qu'en milieu urbain.
07:15 D'autre part, les logements des plus riches ont souvent de meilleures performances énergétiques
07:22 ce qui limite l'effet de l'augmentation des superficies sur les émissions.
07:26 Un dernier point, les données statistiques utilisées pour obtenir ces résultats ne
07:32 contiennent pas de ménages ultra-riches.
07:34 Pour se faire une idée, des travaux ont tenté d'évaluer les émissions de la consommation
07:39 de plusieurs milliardaires.
07:41 Elles sont essentiellement dues à leur yacht, jet privé et, dans une moindre mesure, leur
07:47 logement.
07:48 On constate alors des émissions de l'ordre de plusieurs milliers de tonnes par an.
07:51 Bon, la conclusion de tout ça, c'est bien que les plus riches émettent davantage en
07:59 moyenne que les plus pauvres.
08:00 Mais l'ampleur de l'écart dépend de la méthode d'attribution utilisée.
08:05 Maintenant, vous savez aussi que derrière les moyennes se cachent des différences significatives
08:10 avec de nombreux facteurs.
08:12 Il faut souligner aussi un aspect crucial.
08:15 Ce sont les plus riches qui ont de plus grandes capacités pour agir et réduire leurs émissions.
08:20 Car 1.
08:23 Ils peuvent diminuer leur consommation de biens ou services fortement émetteurs qui
08:28 ne sont pas indispensables.
08:29 2.
08:30 Ils peuvent plus facilement mobiliser l'argent nécessaire pour faire des changements coûteux
08:35 de leur mode de vie.
08:36 Par exemple en investissant dans des modes de transport ou de chauffage bas carbone.
08:40 Et enfin 3.
08:43 En tant qu'éventuels actionnaires, ils ont davantage de pouvoir décisionnel dans
08:47 des entreprises plus ou moins polluantes.
08:49 A l'inverse, les plus pauvres ont moins de marge de manœuvre, avec des émissions
08:54 contraintes liées au logement et au transport, une faible capacité d'investissement et
08:59 moins de pouvoir économique et politique.
09:02 Pour toutes ces raisons, il est nécessaire de tenir compte des inégalités qu'en
09:10 met en place des politiques climatiques.
09:12 C'est d'ailleurs l'un des principaux messages du rapport du GIEC sur la réduction
09:16 des émissions de gaz à effet de serre.
09:18 L'équité et des transitions justes peuvent permettre une atténuation plus forte et plus
09:23 rapide du changement climatique.
09:25 J'espère que cette vidéo vous a plu et que vous avez appris des choses.
09:34 Maintenant, vous devriez vous en sortir face aux différentes méthodes d'attribution
09:38 auxquelles vous serez confrontés.
09:40 Comme toujours, les sources et les compléments sont disponibles en description ainsi qu'un
09:45 lien vers ma chaîne YouTube et vers les autres vidéos du Monde qui parlent de climat.
09:49 Merci à Loïc Diacon avec qui j'ai écrit ce script, c'était Rodolphe Meyer pour
09:54 monde et à bientôt sur le net !

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