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Le réalisateur Thomas Cailley était l'invité de franceinfo vendredi 23 février. Son film "Le règne animal" a déjà été vu par plus d'un million de personnes, et est en tête des nominations pour les César.

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Transcription
00:00 que même après toutes les polémiques que connaît ce rendez-vous depuis plusieurs années,
00:03 ça reste un moment important pour vous ?
00:05 - Oui, c'est un moment important, d'abord parce que c'est un moment où on enregistre
00:10 quelque part une caisse de résonance, une cote d'amour pour un film,
00:13 et c'est la reconnaissance de la profession et de nos pères.
00:16 Et puis c'est aussi le point, peut-être pas final,
00:20 mais en tout cas sur la carrière nationale d'un film, ça aboutit généralement
00:23 quand même sur la fin de vie des œuvres.
00:27 Là en l'occurrence, le Réun animal est encore en salle, d'ailleurs j'encourage.
00:30 - Il va ressortir à partir de demain dans 170 salles je crois ?
00:33 - Oui, je crois qu'il n'est pas sorti des salles depuis le mois d'octobre,
00:37 ce qui est assez fou, et effectivement il ressort avec plus de copies à partir de maintenant.
00:42 - Un peu comme Anatomie d'une chute d'ailleurs. - Tout à fait.
00:44 - Il n'est pas encore certain que Judith Gaudrèche prendra la parole ce soir,
00:48 elle qui accuse les réalisateurs Benoît Jacot et Jacques Doyon d'abus
00:51 alors qu'elle était encore mineure.
00:53 Est-ce que, selon vous, une telle prise de parole, ça pourrait être un nouveau tournant
00:57 comme après Adèle Haenel en 2020 ?
00:59 - Oui, moi j'ai vraiment l'impression que le mouvement #MeToo en France en 2017,
01:05 ça ne s'est pas totalement déclenché, qu'il a fallu effectivement la prise de parole d'Adèle Haenel
01:10 et que là, celle de Judith Gaudrèche apporte un nouveau souffle.
01:14 Donc oui, totalement.
01:16 - Adèle Haenel qui disait sa honte en 2020, on le rappelle,
01:18 après une récompense pour Romane Polanski, vous la connaissez très bien,
01:21 elle a tourné pour vous, elle a été césarisée pour ce rôle dans Les combattants.
01:25 Ça veut dire que même trois ans après, vous sentez le monde du cinéma encore fracturé,
01:29 encore divisé sur cette question-là ?
01:31 - Divisé, je ne sais pas, en tout cas j'ai l'impression que dans ma génération,
01:34 les gens que je côtoie, tout le monde est assez convaincu que ce mouvement,
01:38 il est déjà porteur d'une parole de souffrance qu'il faut entendre.
01:42 C'est-à-dire voilà, il y a d'abord à entendre cette parole,
01:46 et c'est ça la priorité aujourd'hui, et que d'autre part, il est porteur d'une promesse,
01:50 aussi d'une promesse d'amélioration, très concrètement des conditions de travail,
01:55 mais aussi des rapports hommes-femmes, des représentations, etc.
01:57 - Et vous, Thomas Caillé, vous avez 43 ans, je crois,
02:00 vous faites jouer de très jeunes acteurs, de très jeunes actrices dans vos films,
02:05 dont vous incarnez tous ensemble cette nouvelle génération du cinéma français.
02:09 Est-ce qu'il y a des choses que vous n'acceptez plus,
02:12 que vous ne perpétuez plus sur les tournages, comme pouvaient le faire vos prédécesseurs ?
02:16 - Alors, malheureusement, je ne connais pas forcément les pratiques de mes prédécesseurs,
02:20 mais ce qu'on essaie de faire en tout cas, c'est de travailler de manière collégiale.
02:24 C'est-à-dire que moi, j'ai vraiment une conception très collective du travail de mise en scène,
02:30 et globalement même du travail de conception et de production d'un film.
02:33 Je ne suis pas seul, je suis toujours entouré de mes collaborateurs les plus proches,
02:38 de mon producteur, de mon chef opérateur, de ma première assistante.
02:41 Et par exemple, pour les scènes qui concernent des jeunes acteurs,
02:45 dans lesquelles ils doivent être, je ne sais pas, des scènes où ils s'embrassent,
02:48 on regarde ça ensemble, j'essaie de comprendre comment eux voient la scène,
02:54 et ça m'intéresse en fait, c'est comme ça qu'on construit.
02:56 Donc ce n'est pas l'histoire d'un démiurge qui impose sa vision,
03:01 c'est plutôt quelque chose qu'on crée ensemble et qu'on découvre ensemble.
03:04 - Et d'ailleurs, des scènes de tendresse, des scènes de nu, il y en a dans votre film,
03:09 notamment avec cet acteur, Paul Kircher, qui a un des rôles principaux.
03:15 Il crève l'écran, il est époustouflant dans un rôle incroyablement complexe.
03:19 Comment est-ce que vous l'avez découvert ? Qu'est-ce qui vous a touché chez lui ?
03:22 Il est nommé, évidemment on le rappelle, dans la révélation masculine.
03:25 - Mais tout m'a touché chez Paul. Paul, il est bouleversant, il est phénoménal,
03:29 il a quelque chose d'éclatant.
03:32 Et moi, ce qui m'a touché chez lui, c'est ce mélange précisément de fragilité,
03:38 d'extrême puissance. Il y a quelque chose de très beau et de très sauvage,
03:42 de très indompté chez lui, de très libre.
03:45 Et ça, ça allait complètement avec le rôle.
03:48 Donc, on a beaucoup construit autour de lui, autour de ce qu'il propose.
03:51 Et ce qu'il propose est sans arrêt différent.
03:53 - Dans un rôle très différent de celui de son père, incarné par Romain Duris.
03:56 Mais on n'en dira pas trop qu'il lui aussi, Romain Duris, a une animalité,
03:59 une présence dans ce film qui est une de ses grandes richesses.
04:03 Autre prétendant au César, évidemment, je le disais,
04:05 cette anatomie d'une chute de Justine Trier, film et réalisatrice que vous adorez, m'a-t-on dit.
04:10 - Ah oui, beaucoup. J'aime beaucoup ces films.
04:13 - Ça veut dire que si ce film ravit plus de récompenses, vous ne serez qu'à moitié déçu ?
04:17 - On s'est beaucoup croisés ces derniers temps.
04:20 Et en tout cas, ce qu'on se dit, c'est que c'est assez joyeux de se retrouver,
04:23 pas entre copains, mais c'est...
04:26 Je veux dire, on ne peut pas réduire ça à ça, mais c'est une...
04:29 Mais il y a en tout cas une nouvelle génération qui est là.
04:32 Et ça, c'est quand même hyper réjouissant.
04:34 - Le règne animal, l'anatomie d'une chute, deux films sur la famille
04:37 où l'animal joue un rôle important dans ces deux films-là.
04:40 Est-ce qu'il y a d'autres points communs, selon vous ?
04:43 - Peut-être. Alors, ce n'est pas des miroirs inversés ou quoi,
04:45 mais j'ai l'impression qu'elle offre une vision nouvelle de ce qu'est un couple.
04:50 En tout cas, on n'avait pas vu ça comme ça au cinéma.
04:53 Moi, de mon côté, dans le règne animal, je pense qu'il y a aussi une tentative
04:57 de déconstruire ce que c'est, par exemple, qu'un rapport père-fils, que la masculinité.
05:02 Donc, de ce côté-là, oui, je crois qu'il y a des passerelles.

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