Dans quelques minutes Volodymir Zelenski arrivera à l'Elysée pour un entretien avec le président Emmanuel Macron, après un passage par Berlin et Munich pour la conférence internationale sur la sécurité. Dans une situation difficile sur le terrain militaire avec une Russie qui prend le dessus, le président ukrainien cherche encore et toujours de l'aide pour poursuivre la guerre et inverser la tendance. Vladimir Poutine est-il entrain de gagner la guerre en Ukraine ? Pour en parler, Nicolas Tenzer, enseignant à Sciences Po et auteur de "Notre guerre, le Crime et l'Oubli" aux éditions de l'observatoire.
Regardez L'invité de RTL Soir du 16 février 2024 avec Vincent Parizot.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL bonsoir.
00:05 Vincent Parizeau, Isabelle Choquet, Brice Dugény.
00:07 RTL bonsoir avec notre invité événement, on vous le disait, Nicolas Tenzer, SCI, grand spécialiste de la Russie,
00:14 auteur de "Notre guerre, le crime et l'oubli" aux éditions L'Observatoire. Bonsoir.
00:19 Bonsoir.
00:22 On va tout à l'heure évidemment parler de Volodymyr Zelensky qui arrive en France, il arrive en ce moment
00:28 à l'aéroport. Cela dit, on est tous marqués par l'annonce de la mort en détention d'Alexei Navalny.
00:35 C'est un choc bien sûr, mais est-ce pour autant une énorme surprise pour vous ?
00:39 Non, ce n'est pas une surprise parce que
00:42 l'assassinat, parce qu'il faut appeler les choses par leur nom,
00:45 d'Alexei Navalny n'est jamais que la suite d'une série d'assassinats commis par le régime de Poutine en Russie.
00:51 Celui d'Anna Politoskaya, d'Anna Natalia Estemirova,
00:56 d'Anastasia Vabourova, Stanislav Markelov, Boris Nemtsov.
00:59 Rappelez-vous le principal opposant à un certain moment à Vladimir Poutine,
01:04 sans parler des centaines de milliers de victimes que ce régime a faites en Tchétchénie, en Géorgie, en Syrie, en Ukraine, encore aujourd'hui.
01:12 La seule incertitude c'était de savoir quand et comment il allait mourir en fait.
01:16 Voilà, c'est cela. Alors est-ce que, disons que sa mort a été accélérée ? Est-ce que c'est le résultat de conditions absolument atroces,
01:24 détenues quand même auprès du cercle polaire par des températures terribles, empêchées de dormir,
01:29 réveillées en pleine nuit, subissant de fait des tortures psychologiques,
01:33 privations de nourriture, enfin tout ceci évidemment a affaibli l'organisme de quelqu'un qui avait déjà
01:40 subi une tentative d'assassinat par empoisonnement de la part du FSB, les services de sécurité russe.
01:46 Donc voilà, est-ce que c'est une mort logique ou est-ce qu'elle a été un peu accélérée ?
01:51 Ça effectivement on ne le sait pas et je pense qu'on ne le saura jamais.
01:53 Alors justement après sa tentative d'empoisonnement, il était revenu en Russie en 2021,
01:58 il s'était un peu jeté dans la gueule du lot d'une certaine façon ?
02:01 Oui et c'est le lot d'autres dissidents, je pense en particulier à Vladimir Karamurtza qui a été lui aussi
02:09 deux fois empoisonné, qui est revenu en Russie parce que comme Navalny, il considérait que sa place et sa légitimité
02:17 proviendraient du fait qu'il serait retourné en Russie, à côté du peuple russe qu'il voulait défendre,
02:23 qu'il voulait protéger contre le régime de Poutine.
02:25 Il considérait qu'il ne pouvait pas uniquement manifester leur opposition à l'extérieur comme exilé,
02:31 que sa voix allait être mieux entendue, mais effectivement avec un risque terrible qu'il a en quelque sorte assumé.
02:37 Je me rappelle pour Vladimir Karamurtza qui est un ami,
02:40 on avait essayé de le dissuader, de rentrer,
02:44 beaucoup d'entre nous, mais il ne nous a pas écoutés et il est emprisonné dans des conditions aussi terribles que celles de Navalny.
02:51 Vous dites "rentrer en Russie pour être mieux entendu", pour autant il y a les condamnations qui émanent du monde entier.
02:56 Ce qu'on a du mal à se figurer, c'est en Russie, est-ce que cette mort, elle fait du bruit dans l'opinion ?
03:01 C'est très difficile à dire. Alors certes Navalny était connu, mais n'était pas connu de tous,
03:07 parce que évidemment les médias officiels du Kremlin ne parlaient jamais de lui ou quasiment pas.
03:13 En revanche on a vu quand même aujourd'hui un certain nombre de manifestations qui sont allées
03:18 protester contre cet assassinat,
03:22 des hommes et des femmes, des enfants qui sont allés déposer des fleurs.
03:26 Tout le monde savait que c'était le principal et le plus visible opposant à Vladimir Poutine.
03:32 Est-ce que pour autant ça va changer quelque chose ? Non, en raison de la répression évidemment terrible du régime.
03:38 Et ça malheureusement il n'y a pas d'espoir.
03:40 Est-ce que Navalny selon vous était plus vu comme un opposant puissant à l'extérieur de son pays plus qu'à l'intérieur ?
03:45 Est-ce que nous occidentaux on le voit plus comme un opposant féroce qu'il ne l'est réellement dans son pays ?
03:49 Non, je crois qu'il l'était aussi à l'intérieur, mais encore une fois il y a des perceptions très différentes
03:56 suivant les catégories de population, suivant la localisation géographique.
04:00 La perception de l'opposition n'est pas exactement la même dans les provinces reculées,
04:04 à Moscou, à Saint-Pétersbourg, à Nijninov-Korod, qui sont des villes beaucoup plus importantes.
04:08 En revanche l'organisation de Navalny s'était structurée.
04:12 Ça c'est quand même important dans de nombreuses oblastes, dans de nombreuses régions russes.
04:16 On se rappelle aussi que le film sur le palais de Poutine, vous avez cette bâtisse complètement démesurée,
04:22 avait fait quand même plus de 50 millions de vues en Russie.
04:26 Donc il y avait quand même une conscience de cette corruption,
04:30 de ces crimes que dénonçait Navalny et que dénoncent les dissidents.
04:34 Ça, elle existait, mais en même temps avec un régime qui a vécu la période communiste,
04:39 qui a vécu le régime totalitaire, disons les choses telles qu'elles sont, de Vladimir Poutine,
04:43 c'est vrai que la résignation et l'apathie l'emportent.
04:47 Est-ce que cette mort, la mort d'Alexei Navalny, ça peut permettre à la communauté internationale
04:53 de mettre une certaine pression sur Vladimir Poutine, ou est-ce que de toute façon il est inatteignable ?
04:59 Écoutez, je pense qu'il y a un certain nombre de pressions, mais elles restent insuffisantes.
05:04 De même qu'elles restaient insuffisantes après l'assassinat de Boris Nemsov,
05:08 ou avant de Napoléon Zhukov et des autres.
05:10 Le vrai sujet, d'ailleurs c'est ce que disent aujourd'hui les dissidents à l'extérieur,
05:16 et je pense en particulier à l'épouse de Vladimir Karamurza,
05:20 qui est aujourd'hui maintenant le principal opposant, Evgenia Karamurza,
05:23 qui dit que la seule chance de liberté pour la Russie, c'est la défaite de la Russie.
05:28 D'abord en Ukraine. Si la Russie n'est pas défaite en Ukraine,
05:32 là il n'y aura aucune chance que la Russie retrouve la liberté
05:36 et un régime conforme aux droits et à la dignité.
05:39 Alors ça veut dire que cette disparition de Navalny,
05:42 un, ça ne changera rien sur le résultat de l'élection présidentielle russe,
05:47 qui est évidemment jouée d'avance,
05:49 mais ça changera difficilement la donne dans le soutien international
05:55 apporté à l'Ukraine aujourd'hui, après deux ans de guerre,
05:59 et on voit bien que la Russie est en train de prendre la main ?
06:02 Alors, je pense que ce n'est pas ça qui va changer les choses,
06:07 malgré les condamnations internationales, ça c'est vrai.
06:10 En même temps, je crois qu'il y a une résolution assez claire maintenant des Occidentaux,
06:15 qui considèrent que le danger qu'oppose le régime de Poutine,
06:19 ce n'est pas uniquement sur l'Ukraine, c'est sur l'Europe,
06:21 c'est sur les démocraties du monde entier.
06:23 La Russie n'est pas non plus en train complètement de gagner,
06:26 la Russie n'avance pas.
06:28 Certes, l'offensive de l'Ukraine n'a pas été un grand succès,
06:32 mais en fait, les lignes n'ont pas bougé,
06:34 et si cette offensive n'a pas été concluante,
06:36 c'est aussi parce que les livraisons d'armes occidentales,
06:39 y compris d'armes promises, n'ont certainement pas été à la hauteur.
06:43 Donc là, on va voir si l'Europe va plus se mobiliser,
06:46 c'est ça qui est vraiment déterminant.
06:49 Est-ce que le congrès américain, et en particulier la Chambre des représentants
06:53 qui bloque les livraisons d'armes supplémentaires à l'Ukraine,
06:56 va finir par céder ?
06:58 Voilà, je pense que ce sont ces éléments-là qui sont déterminants,
07:01 bien sûr pour l'Ukraine, pour sauver des dizaines,
07:04 des centaines de milliers de vies ukrainiennes,
07:07 déjà effectivement assassinées par la Russie,
07:10 mais aussi, je dirais, est-ce que ça va vraiment conduire
07:14 les Occidentaux à aller encore plus loin ?
07:16 C'est-à-dire qu'il y a une accumulation d'éléments,
07:18 c'est vrai que nous restons encore malheureusement à mi-chemin.
07:21 Nicolas Tenzer, pour rester sur le dossier ukrainien,
07:23 Volodymyr Zelensky vient d'arriver en France,
07:25 il est en route vers l'Elysée où il sera dans quelques minutes.
07:27 Qu'est-ce qu'il vient demander précisément ?
07:29 Vous disiez, ça bloque aux États-Unis pour apporter des milliards d'aides supplémentaires.
07:33 Est-ce que l'Europe peut prendre la suite ?
07:35 Est-ce qu'il faut que l'Europe prenne la suite ?
07:37 Sinon, Vladimir Poutine, est-il pas en train de gagner cette guerre en Ukraine ?
07:41 Alors, oui, l'Europe doit en tout cas prendre la suite.
07:45 C'est vrai, on a vu avec aujourd'hui la rencontre entre la Scholz,
07:48 le chancelier allemand et Volodymyr Zelensky,
07:50 qu'il y a quand même beaucoup plus, je dirais, de conscience
07:53 qu'il faut donner beaucoup plus d'armes.
07:55 Je pense que l'Europe a tout à fait les moyens.
07:57 Maintenant, il faut prendre ce que disait Macron d'ailleurs le 13 juin 2022,
08:04 déjà lors du salon Eurosatory, la grande foire aux armements,
08:08 il disait qu'il faut passer en économie de guerre.
08:10 Nous, nous ne sommes pas passés, ni Français, ni d'ailleurs les autres pays européens.
08:14 Je pense qu'aujourd'hui, devant le danger, il faut aller vraiment beaucoup plus loin.
08:17 On va voir exactement quel va être le contenu de l'accord
08:21 qui va être signé entre le président Macron et le président Zelensky tout à l'heure.
08:24 Mais je pense que ça, c'est vraiment déterminant.
08:27 Nous avons les moyens.
08:28 Il faut voir quand même que la Russie est une puissance faible,
08:31 que si l'on prend le total des capacités de la Russie
08:34 par rapport à celles des pays de l'OTAN,
08:37 y compris les pays de l'Union européenne qui en sont membres,
08:39 c'est un rapport de 1 à 25.
08:41 Vous voulez dire que c'est une question de volonté, de solidarité des Européens aujourd'hui ?
08:45 Oui, bien sûr.
08:47 Et c'est une question de conscience du danger.
08:50 Parce qu'on sait très bien que si la Russie n'est pas défaite en Ukraine,
08:55 elle va continuer ailleurs.
08:57 D'abord dans les pays baltes, ensuite en République tchèque, en Pologne.
09:00 Et puis qu'un jour, je dirais nous-mêmes, nous serons directement attaqués.
09:03 Nous le sommes déjà, par les manipulations de la formation.
09:06 Ça, on le sait déjà.
09:07 Mais effectivement, c'est vraiment un moment qui est un moment analogue
09:13 à celui que les alliés connaissaient à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
09:18 Est-ce que nous voulons un 1945 victorieux en 2024 ou 2025 ?
09:22 Ou est-ce que nous acceptons la défaite ?
09:24 Autant de raisons d'ailleurs de se retourner vers votre livre
09:28 "Notre guerre, le crime et l'oubli" aux éditions de l'Observatoire.
09:31 Merci beaucoup Nicolas Tenzer.
09:33 Il est 18h31, on va marquer une courte pause.
09:35 Et puis ensuite, notre invité pour tout comprendre.
09:39 Tout comprendre aux super profits des entreprises de l'énergie EDF.
09:42 Total en grange, les milliards.
09:44 Mais pour nous, les prix ne baissent pas.
09:46 Alors pourquoi est-ce que ça va durer ?
09:47 On voit ça avec Anna Kreti, professeure d'économie.
09:49 A tout de suite.
09:51 RTL Bonsoir
09:53 Vincent Parizeau, Isabelle Choquet et Brice Dugény
09:56 *musique*