Jodie Foster est à l'affiche de la quatrième saison de la série "True Detective", disponible en France sur Prime Video via le Pass Warner.
Retrouvez les entretiens de 7h50 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50
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00:00 Bonjour Jodie Foster. Bonjour. De passage en France, un pays que vous appréciez et qui vous rend l'appareil.
00:06 Pour nous parler de cette saison 4 de la série True Detective.
00:10 Alors il y a 10 ans, la saison 1 était vite devenue culte et là on retrouve la même recette.
00:15 Un duo de policiers, un crime horrible, un territoire qui est quasiment un personnage.
00:20 Il y a 10 ans c'était la Louisiane et cette fois-ci c'est la nuit polaire de l'Alaska.
00:24 Est-ce qu'avant de recevoir le scénario de Jodie Foster, vous étiez fan ?
00:28 Ah oui, j'étais une grande fan de la première saison. J'ai adoré tout ce qu'ils ont fait.
00:34 Et puis aussi j'ai aimé les deux autres aussi. Mais c'est certain que le premier c'est toujours le meilleur.
00:43 Et le 4 peut-être aussi ? Et le 4, exactement.
00:46 Vous tenez le rôle principal, c'est la cheffe de la police.
00:49 Un personnage qui a le temps de se développer, de s'installer en 6 épisodes.
00:53 Dans cette saison 4, il y a encore une image léchée, une histoire ciselée, une bande-son envoûtante.
00:59 C'est produit par HBO et vous avez déjà travaillé avec Netflix en tant que réalisatrice pour Orange is the New Black et Black Mirror.
01:11 Jodie Foster, on voit ces plateformes qui prennent de plus en plus de pouvoir, qui proposent la qualité cinéma.
01:18 Alors vous qui avez une carrière de 58 ans déjà, est-ce que vous n'avez pas un peu la nostalgie de quand vous avez débuté de ce Hollywood des grands studios ?
01:28 Premièrement, j'ai commencé dans les pubs. J'ai commencé dans les pubs et aussi en faisant des fruitons à la télé quand j'étais toute petite.
01:35 C'est vrai que je n'ai pas joué vraiment sur la télé depuis les années 60 casques. Alors ça fait très longtemps.
01:46 Le pouvoir des plateformes ?
01:48 Le pouvoir des plateformes, je ne sais pas. Enfin, je sais que le cinéma, ça a changé.
01:54 On voyait tous venir ce moment où dans le salle des cinémas, vous allez voir seulement les très grands films, les films de super-héros, etc.
02:04 Et avec le pandémie, ça a accéléré les choses.
02:08 Le Covid-19, oui.
02:09 C'est vrai. Alors ça, ça a fait une sorte de triage entre cinéma et ce que vous allez voir chez vous, à la télé chez vous.
02:17 Et ce que moi, j'ai trouvé, c'est que les meilleures histoires, vraiment l'histoire, des vraies histoires, tout ça, c'est sur le petit écran maintenant.
02:24 Le 7e art, il est passé du grand écran au petit écran et vous ne le regrettez pas. Vous suivez l'évolution.
02:29 C'est une évolution. Tout change. J'ai vu beaucoup de changements depuis que je suis toute petite.
02:35 J'ai quand même vu pas mal de changements. Moi, en tant que créative, quelqu'un qui est créative, moi, je suis contente de faire mon job n'importe où.
02:45 Dans True Detective, saison 4, vous êtes donc Liz Danvers, une policière courageuse, intelligente, déterminée malgré ses traumatismes.
02:52 Et méchante.
02:53 Méchante.
02:55 Elle pourrait être de la famille de Clarice Starling, la jeune inspectrice du silence des agneaux.
02:59 Non, vous n'êtes pas d'accord.
03:00 Non, je ne suis pas d'accord.
03:01 Vous n'êtes pas méchante, Clarice.
03:02 Non, non, Clarice, la pauvre Clarice, elle avait une sorte de connaissance de la moralité qui était très profonde chez elle, presque religieuse, en fait.
03:12 Et Danvers, c'est l'inverse. C'est quelqu'un qui est entièrement corrompu et qui est amère, qui est en colère contre le monde,
03:22 qui a une certaine voile entre elle et ses émotions, peut-être parce qu'elle a été affectée par des tragédies.
03:30 Mais tout de même, c'est quelqu'un qui n'est pas connaissante d'elle-même et qui est même un peu raciste.
03:36 Alors ça, ce n'est pas Clarice du tout.
03:38 Ça n'est pas Clarice du tout. Alors peut-être que leur point commun, c'est d'être des femmes fortes.
03:42 Des femmes fortes dans un monde masculin, en fait, dans le monde des policiers.
03:46 Et vous, vous avez dit "je n'aime pas jouer des femmes qui ne sont pas fortes". Est-ce que c'est parce que c'est trop loin de vous ?
03:54 Peut-être. Peut-être que je ne trouve pas ça très intéressant. Peut-être que la faiblesse, pour moi, c'est quelque chose que je ne comprends pas. Je ne sais pas.
04:02 Mais j'ai joué plein de différentes femmes fortes. J'ai joué des femmes fortes qui étaient des idiotes aussi.
04:07 Elles ne sont pas toujours intelligentes, les femmes fortes.
04:10 Mais faibles, ça ne vous intéresse pas ?
04:13 Ça m'intéresse à peine, un petit peu, mais pas vraiment pour le cinéma.
04:20 Vous êtes une femme forte, sans aucun doute, dans le monde du cinéma, Jodie Foster.
04:24 J'ai lu que vous ne supportez pas qu'on vous dise comment entrer dans la peau d'un personnage.
04:28 Vous appelez ça la direction d'acteur vaudou. En anglais, c'est "Voodoo Direction".
04:33 Vaudou, oui.
04:34 Qu'est-ce que c'est que la direction d'acteur vaudou que vous ne supportez pas ?
04:37 J'aime pas la manipulation, surtout. Et peut-être que j'étais un peu sensible à ça parce que j'étais enfant.
04:47 Je jouais en tant qu'enfant. Il y avait beaucoup de gens qui me manipulaient quand j'étais petite.
04:52 Je n'aimais pas ça du tout. Les gens qui me disaient "Tu sais, ton chien est mort. Essaye de pleurer parce que ton chien est mort."
05:00 Des choses comme ça. Ça, ça ne m'intéresse pas.
05:02 Et aussi, je trouve que le jeu, c'est quelque chose de très privé.
05:06 Que j'aime faire moi-même, avec mon intérieur à moi.
05:11 J'aime bien que le metteur en scène ait des notes. Aillez plus vite, aillez moins vite, par exemple.
05:18 Ou même qu'il blague avec moi, ou même qu'il entre en discussion.
05:22 Mais je n'aime pas que les metteurs en scène veulent entrer dans votre peau d'une façon trop intime.
05:29 La grande nouveauté dans "Search for Detective", c'est le duo d'enquêtrices.
05:33 A vos côtés, on trouve cette formidable actrice et boxeuse, Kali Reiss, qui descend d'une tribu amérindienne.
05:40 Le casting, c'est une représentante de minorité et deux femmes en tête d'affiche.
05:45 Ça dit à quel point Hollywood a changé ?
05:49 Oui, je dirais oui. Parce que la culture a changé.
05:54 La culture évolue, le culture s'ouvre, le culture est en train d'écouter.
05:59 Mais quand vous dites "Hollywood", pour moi c'est toujours confusant.
06:02 Parce que le Hollywood, ça veut dire plein de choses à plein de gens.
06:05 Moi, je suis née à Hollywood, qui est un vrai endroit, Los Angeles.
06:09 Des fois, les gens disent "Hollywood" quand ils parlent de l'industrie.
06:13 Alors, c'est cela dont je parle, l'industrie du cinéma.
06:15 Depuis "Me Too", "Black Lives Matter", est-ce que ça a changé la perception des studios ?
06:21 De qui il faut mettre à l'écran et des histoires qu'il faut raconter ?
06:25 Oui, il y a une ouverture. Les gens sont ouverts à savoir des choses sur tout le monde.
06:32 Des voix minoritaires autant que majoritaires, maintenant.
06:36 Pour moi, c'était très important de soutenir Kelly, mon partenaire dans le film, Kelly Rice, dans son jeu.
06:44 Parce que c'est elle, la personne, la voix centrale du film.
06:47 Et c'est rare de trouver une voix centrale qui fait le trajet central du film.
06:52 Nous, on dit "indigenous", je ne sais pas ce que vous dites.
06:57 Vous diriez "autochtone", peut-être.
06:59 Ok, d'accord. Ou des fois, on dit "native". Il y a des mots différents.
07:03 Moi, j'aime beaucoup ce qu'ils disent les Canadiens. Ils disent "premier personne".
07:08 Ou "premier habitant sur le sol".
07:10 Jodie Foster, je pense à "Me Too", je reste sur l'idée de "Me Too".
07:14 Est-ce que depuis que l'affaire Weinstein a éclaté en 2017, dans les castings, sur les plateaux, la situation s'est améliorée pour vous, les actrices ?
07:23 Je ne sais pas. Je pense que ça s'est amélioré pour tout le monde.
07:29 Que ce soit dans le cinéma, que ce soit dans d'autres industries.
07:33 Parce que les gens discutent. La discussion, la communication, ça a toujours existé.
07:40 Pour les femmes, la victimisation.
07:42 Je sais qu'en ce moment, vous passez un moment en France qui est...
07:45 J'aimerais vous en parler.
07:47 Oui, à ces "Me Too". Parce que vous êtes un peu en retard.
07:50 Je suis de ça de très près.
07:53 Pourquoi est-ce que vous avez entendu Emmanuel Macron ?
07:56 Non, non, non.
07:58 Au sujet de l'affaire Depardieu, le chef de l'État qui prend position et qui dit "Pas de chasse à l'homme", Gérard Depardieu, il rend fier la France.
08:07 Alors que c'est l'acteur qui rend fier la France et l'homme en effet poursuivi par plusieurs plaintes.
08:12 Est-ce que la presse américaine s'en est fait l'écho ? Vous l'avez suivi ?
08:16 On l'a suivi déjà et ça continue. Et c'est bien que les gens se réveillent.
08:20 En tant que femme, vous devez savoir que nous, quand on était jeunes, moi quand j'étais jeune, parce que je suis plus faillite que vous, c'était un monde différent.
08:30 Les femmes avaient l'impression qu'elles n'avaient pas le droit de dire non à quoi que ce soit.
08:35 Là, c'est différent. C'est une génération qui est différente.
08:39 Et veillez-vous.
08:42 Vous nous trouvez en retard, nous les Français, dans notre débat ?
08:45 Non, je parle juste du cinéma et de tout le mouvement.
08:49 Le mouvement a commencé aux Etats-Unis.
08:52 En France, il y a aussi cette affaire Judith Gaudrech qui a raconté comment à 14 ans, elle s'est retrouvée sous l'emprise physique et psychologique d'un réalisateur beaucoup plus âgé qu'elle.
09:03 Évidemment, je pense à vous. Vous l'avez dit tout au long de cette interview, vous avez commencé très jeune, vous avez été très sexualisée, y compris dans des émissions de télévision françaises.
09:14 Quand vous chantez avec une chanson, il y a Claude François à vos pieds, Michel Doriquaire.
09:19 Je pense aussi à Taxi Driver, vos jouets à 12 ans, Iris, une prostituée.
09:26 Vous dites que vous avez été préservée de tout, même des pigmalions toxiques.
09:32 Nous avons tous vécu des "mini-oppressions" dans le monde.
09:40 Mais je dois dire que je suis très consciente de mes protecteurs, que ce soit ma mère, que ce soit les bonhommes, les producteurs, les metteurs en scène qui me voyaient comme leur fille.
09:55 C'est vrai que j'ai eu beaucoup de succès dans ma jeunesse.
10:01 Alors déjà à 12-13 ans, j'avais une certaine pouvoir dans l'industrie.
10:08 Et peut-être que ça m'a protégée aussi.
10:11 Et la capacité de dire non ? Vous aviez la force de dire non ?
10:14 Oui, mais je ne parle pas de ça dans le même cas.
10:20 Je dirais plutôt, par exemple, quand vous êtes jeune et que vous avez très froid, que vous soyez un garçon ou une fille, peu importe, vous êtes dans un bikini, vous êtes en speedo, et vous mourrez de froid.
10:37 A l'époque, on pensait qu'on n'avait pas le droit de plaindre.
10:42 Et là, ça a changé. C'est bien.
10:45 Le monde change. Et pourtant en ce moment aux États-Unis, il me semble qu'il y a une vague de retour en arrière.
10:51 La discrimination positive a disparu dans les facs.
10:55 Il y a beaucoup de grandes entreprises qui sont en train de revenir sur leur programme de diversité.
11:00 Même le patron de Disney, Bob Iger, disait en décembre, nous devons d'abord divertir et pas envoyer des messages.
11:08 Est-ce que vous sentez ce danger ?
11:11 Vous m'en débriez.
11:12 Vous posez beaucoup de questions politiques. Moi, je ne suis qu'un acteur.
11:16 Moi, je trouve que nous évoluons et que le cinéma, c'est une bonne façon de nous aider à évoluer, à parler de sujets qui sont importants.
11:30 Ça a toujours été mon but. C'est de devenir mieux au lieu de devenir pire et d'inspirer les gens à devenir mieux au lieu de devenir pire.
11:39 Le cinéma, ça peut faire ça. C'est vrai que les États-Unis, en ce moment, c'est dans un moment assez bizarre.
11:46 Mais moi, j'habite en Californie.
11:49 Vous avez quand même les élections en novembre prochain ?
11:51 Oui, on a les élections la semaine prochaine, dans quatre semaines aussi, le primaire.
11:56 Avec un président démocrate qui, en ce moment, fait la une des journaux. Désolée, je continue un petit peu et puis on va revenir au cinéma.
12:04 Un président démocrate de 81 ans qui a des pertes de mémoire et avec, sans doute, celui qui sera candidat républicain et dont les partisans ont lancé l'assaut sur le Capitole en janvier 2021.
12:15 Il y a des inquiétudes sur cette démocratie américaine. Est-ce que vous, en tant que citoyenne, vous êtes inquiète ?
12:20 Ah ! En général, je ne parle pas de politique américaine. Je trouve que c'est une très mauvaise idée pour moi, surtout pour les acteurs aussi.
12:30 Vous ne voulez pas être Taylor Swift ?
12:32 Moi, je l'adore, Taylor Swift. Qui n'adore pas Taylor Swift ? Et les Chiefs aussi.
12:37 Mais non, moi, je suis un acteur et j'essaye de faire le mieux possible, de faire des films du cinéma, du télé qui inspirent les gens et ça, c'est mon job à moi.
12:50 Alors, parlons du futur du cinéma, Jodie Foster. Ces derniers mois, il y a eu une grève très dure à Hollywood.
12:56 Oui.
12:57 Et avec notamment des inquiétudes sur l'intelligence artificielle.
12:59 Oui.
13:00 Qu'en pensez-vous ? Est-ce qu'un jour, on verra peut-être du cinéma sans caméra, sans acteur ?
13:06 Est-ce qu'on verra l'avatar de Jodie Foster qui jouera et pas la vraie ? Est-ce que c'est possible ?
13:11 Je ne sais pas. Je ne sais pas. Nous ne savons pas. Mais ce qui est certain, c'est qu'il faut protéger.
13:18 Non, ce n'est pas juste pour le cinéma. Ce n'est pas juste pour les acteurs, pour le cinéma. C'est pour toutes les industries.
13:25 Et il faut se demander des questions intéressantes sur l'avenir. Nous, on appelle ça "meaning".
13:35 Qu'est-ce qu'on aura comme "meaning" ?
13:37 Le sens.
13:38 Le sens de la vie, si nous n'avons plus de job.
13:43 Bien sûr.
13:44 Oui, mais ça se voit déjà.
13:45 C'est une bonne question.
13:46 Mais ça se voit déjà. Il y a déjà des paysages virtuels. Il y a même des acteurs qui ont été ressuscités pour certains films.
13:54 Vous suivez ça avec intérêt ?
13:57 Je suis ça, un petit peu. Mais c'est vrai que la grève qu'on a eue était très importante pour nous.
14:04 Et je pense qu'on a achevé, ça se dit, on a achevé plusieurs choses qui sont très importantes, non pas juste pour notre industrie, mais pour les autres industries.
14:13 C'était essentiel, cette grève qu'on a eue, qu'on a vécue. Mais très sûr, on a souffert aussi.
14:18 Et c'est résolu ? Non, c'était une étape ?
14:21 Oui, c'est une étape. Et dans trois ans, on va voir s'il y a une autre négociation. Tous les trois ans, ça continue.
14:28 Une dernière question à la plus francophile. À chaque fois, on vous le dit. Des actrices américaines. Mais c'est vrai, non ? Vous êtes la plus francophile.
14:35 Vous suivez le cinéma français. Vous avez un lien particulier ?
14:37 C'est vrai. Enfin, je parle français. Et les Français, ils aiment bien quand vous parlez français.
14:43 Mais malheureusement, je n'arrive pas à pratiquer beaucoup. Ça me prend au moins une semaine, comme une voiture, pour roder un petit peu.
14:51 Je dois passer une semaine à Paris pour vraiment perfectionner mon français.
14:59 Les journalistes vous aident avec toutes ces interviews, n'est-ce pas ?
15:01 Oui, c'est vrai.
15:02 Mais est-ce que vous vous sentez quand même toujours aussi un lien fort, et notamment avec le cinéma français ?
15:07 Parce que quand vous étiez jeune, c'est ainsi que vous avez abordé la culture française. Par les films que votre maman vous emmenait voir.
15:13 Oui, elle m'emmenait voir ça. Et aussi pour m'apprendre la langue. J'allais voir tous les films français qui venaient à Los Angeles.
15:20 Mais aussi tous les films allemands, italiens, espagnols. Pour moi, le cinéma européen, c'était mon inspiration quand j'étais jeune.
15:30 Et là maintenant, il y a plein de grands metteurs en scène. Vous avez... J'ai oublié le nom...
15:42 Justine Trier.
15:43 Justine Trier, mais en français c'est l'intimidation du chute.
15:46 L'intimidation du chute, c'est ça.
15:47 Génial. Et nous sommes très fiers d'elle. Et elle va gagner tout. Elle va gagner tout, j'espère.
15:53 Parfait. Jodie Foster, merci beaucoup d'avoir accepté l'invitation de France Inter. C'était un plaisir de vous avoir à ce micro.