• il y a 10 mois
Le cinéaste Bruno Dumont et l'actrice Anamaria Vartolomei sont les invités de Mathilde Serrell à l'occasion de la sortie du film "L'Empire", au cinéma le 21 février prochain.

Plus d'infos : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-lundi-12-fevrier-2024-5588217

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Transcription
00:00 Anna Bartholomeï et Bruno Dumont, bonjour !
00:02 Bonjour !
00:03 J'ai envie de vous demander à chacun d'abord si vous étiez un personnage de Star Wars, évidemment.
00:08 Ce serait lequel ?
00:10 Anna, Maria ?
00:12 J'avoue que je n'ai jamais regardé Star Wars.
00:14 Non !
00:15 C'est fou ça !
00:16 Vous n'avez jamais vu Star Wars ?
00:17 Je n'ai jamais regardé Star Wars.
00:18 Et vous jouez dans un film qui quand même est assez proche de cet univers.
00:23 Non, ce n'est pas une réplique de Star Wars, c'est une…
00:27 Une relecture ?
00:28 Une relecture.
00:29 Bruno Dumont.
00:30 Vous êtes Yoda ?
00:31 Non, mais je les aime tous moi.
00:32 Vraiment, je trouve qu'il y a justement un voyage dans des personnages absolument sidérants.
00:43 Beaucoup de personnages totalement barrés, réels, irréels, animaux, il y a tout, c'est
00:51 bien, j'aime bien.
00:52 Donc vous aimez tout Star Wars.
00:53 Alors dans le film qui vous réunit l'Empire, il est dit des humains qu'ils sont nuls.
00:57 Mais aussi qu'ils sont attachants et si cocasses.
01:02 Vous vous situez où ? Vous penchez vers quelle définition, Anna Maria, Bruno ?
01:06 Ah moi, c'est ma définition.
01:08 Les deux ? Nuls et attachants et cocasses ?
01:11 Oui, voilà, il y a à la fois quelque chose… Il y a du génie humain et en même temps,
01:15 non ?
01:16 Anna Maria, Bartholomé ?
01:17 J'espère qu'on est un peu plus que ça quand même.
01:20 Au-delà d'être nuls, cocasses et attachants, on est aussi forts, déterminés, intelligents
01:29 et bien d'autres choses encore.
01:31 Oui ?
01:32 Oui !
01:33 Elle va t'écrire à ton film !
01:35 Non, mais elle a raison.
01:38 Quand je dis génie, c'est-à-dire qu'il y a à la fois une capacité de très très
01:41 très fort.
01:42 On est très très très fort et on est très très très faible.
01:44 C'est ça que je veux dire.
01:45 Oui, c'est ce que tu montres dans le film aussi.
01:46 Oui, c'est amplitude.
01:47 Il y a une grande amplitude.
01:48 Et moi, je joue dedans.
01:50 On va planter le décor.
01:52 Et quel décor ?
01:53 Le meilleur pitch du film, c'est le sélectionneur de la Berlinale, qui s'ouvre cette semaine
01:58 où le film « L'Empire » est en compétition officielle.
02:00 Et c'est lui qui dit « entre Star Wars et P'tit Quinquin, je pense qu'on peut
02:04 difficilement mieux faire ». C'est un film de combat intergalactique entre les forces
02:08 du bien et du mal, qui se déroule sur la côte d'Opal, au milieu des pêcheurs et
02:11 des pavillons.
02:12 Bruno Dumont, on y retrouve le duo de flics, derrière de votre série culte, P'tit Quinquin,
02:17 et les plages du Nord de Malout.
02:19 Mais au service de cette évocation de Star Wars, si on ne peut pas parler de relecture
02:25 et de la guerre des étoiles, comment ça vient ? C'est une illumination nocturne,
02:30 ce genre de télescopage, de carambolage d'univers ?
02:32 C'est à la fois l'envie d'aller dans les profondeurs de l'espace, mais après
02:36 il faut venir sur Terre.
02:37 Alors sur Terre, il faut bien venir quelque part.
02:39 Moi, je suis du Nord, donc je reviens naturellement sur une petite plage côtière.
02:46 Et tout se passe là, mais là peut tout se passer.
02:50 Je pense qu'il n'y a pas de lieu particulier.
02:53 Pourquoi pas le Nord ? Moi, dans le Nord, je trouve tout.
02:57 Tout est là, donc je filme là, et en filmant là, je filme tout.
03:01 Mais vous ne filmez pas non plus n'importe comment.
03:03 Je vous remercie.
03:04 Oui, je vous remercie.
03:05 Ce que je veux dire, c'est que c'est aussi le carambolage.
03:08 Vous faites toujours des carambolages.
03:10 Il y a aussi un cinéma qui est extrêmement réaliste.
03:13 Donc forcément, précipité dans l'univers de Star Wars, il n'y a pas que le territoire
03:17 géographique qui provoque l'explosion.
03:19 C'est un lieu très à la fois assez ordinaire, mais une fois que c'est filmé, il y a quelque
03:27 chose qui dépasse tout ça et qui devient extraordinaire.
03:31 Ça, je l'ai remarqué depuis que je fais des films.
03:33 C'est-à-dire que quand je filme un champ de patates, finalement, ce n'est plus un champ
03:36 de patates.
03:37 Il y a quelque chose d'autre.
03:38 Donc, c'est aussi une façon de parler de l'au-delà en filmant le Nord.
03:42 Et en plus, je vais dans l'au-delà.
03:44 Donc, si vous voulez, j'avais vraiment des grands univers devant moi et je suis comblé
03:49 par le Nord.
03:50 Je n'ai pas besoin d'aller ailleurs pour filmer les choses, le bien, le mal, l'amour.
03:55 Tout est là-bas.
03:56 Vous n'avez pas vu un OVNI ? Un quoi ? Un OVNI.
04:02 Les humains sont attachants.
04:04 C'est pour cela que nous allons envahir la Terre toute entière.
04:07 Le prince des ténèbres doit être enlevé de la surface de la Terre.
04:11 Celui qui touche un monstre est dit et a deux pieds à sa gueule.
04:14 L'entreprise est vouée à l'échec.
04:17 La gendarmerie, saut de coup.
04:21 Mais les humains, Johnny, sont nuls.
04:22 À la bouteille !
04:23 Les quatrièmes.
04:28 Mon empire !
04:29 Il y avait aussi la joie profonde de pouvoir déguiser Fabrice Lucchini en Pierrot et de
04:36 lui faire crier « Apocalypse ! Apocalypse ! »
04:39 Du moins, ça fait aussi partie des envies premières de ce film.
04:45 Oui, c'est pour ça que je m'aime Anna Maria.
04:48 Le costume est déterminant.
04:50 Par exemple, Anna Maria, elle était très vite habillée en superwoman.
04:57 C'est une superwoman qui vient sur Terre.
05:00 Elle est encore habillée de l'espace.
05:02 Elle est déjà en train de vivre des sentiments humains.
05:05 Il a un costume de théâtre, le costume de Louis Jouvet de Don Juan.
05:17 Et dès qu'il a mis ça, on est tout de suite parti en flèche.
05:20 Fabrice Lucchini dans le rôle de Belzébuth à bord, il faut le signaler, d'un vaisseau
05:27 Château de Versailles.
05:28 Camille Cotin, reine du bien, à bord d'une cathédrale volante.
05:31 Et vous Anna Maria Bartolomeï qui faisiez corps avec l'événement, le film d'Audrey
05:35 Diwan pour lequel vous avez reçu le César de la Révélation Féminine l'année dernière.
05:39 On vous retrouve donc en Lara Croft, guerrière avec sabre laser, chargée d'éliminer le
05:43 Marga, l'enfant des ténèbres.
05:46 Vous avez pris pied comment dans cet univers ?
05:49 Écoutez, je me suis un peu jetée dans la gueule du loup.
05:55 J'ai complètement fait confiance à Bruno dont je ne connaissais pas vraiment l'univers
06:00 puisque je n'avais pas…
06:01 Vous n'aviez vu ni Star Wars ni les films de Bruno Dumas ?
06:04 Je n'ai aucune culture cinématographique c'est dit.
06:07 Mais non, j'ai fait confiance à son génie créatif et ça a été quand même une expérience
06:14 assez incroyable et fascinante parce que, on le sait, en plus il dirige à l'oreillette
06:22 donc c'était assez spontané et donc je n'avais pas vraiment besoin de grandes préparations.
06:28 Et pas vraiment d'ailleurs puisque je voulais aller vers l'inconnu.
06:33 Et justement cette direction à l'oreillette, c'est vrai, c'est votre caractéristique
06:36 Bruno Dumont ? Comment ça se vit en tant qu'actrice ? Ce n'est pas trop invasif ?
06:41 Comment est-ce qu'on joue avec ça ? C'est rare.
06:43 Non, ce n'est vraiment pas invasif.
06:45 On a le sentiment que ça peut l'être et on avait vraiment un peu cette crainte-là
06:48 au début parce qu'on s'attend à une potentielle indication à tout moment.
06:53 Donc on n'est pas vraiment dans l'abandon total ou dans le lâcher prise.
06:57 Ce n'est pas inintéressant, je trouve que c'est un exercice assez unique puisqu'il
07:03 est le seul à faire ça d'ailleurs.
07:04 C'est un exercice un peu cyborg aussi non ? Ça correspondait à votre personnage qui
07:08 est mi-humain, mi-extraterrestre ?
07:10 On a d'ailleurs caché l'oreillette derrière une sorte de bijou, boucle d'oreille un peu
07:19 futuriste et ça collait bien avec ça.
07:22 Avec ce personnage.
07:23 La grande question de l'Empire et la grande question des films qui sont des Odyssées
07:29 spatiales pour Bruno Dumont, c'est la question du bien et du mal.
07:32 C'est vrai que vous êtes un ancien professeur de philosophie Bruno Dumont.
07:37 Finalement, le bien, le mal, l'apocalypse, l'exil, l'invasion, c'est une occasion
07:42 de faire de la métaphysique.
07:43 Ce n'était pas simplement de poser une cathédrale volante sur les ponts du Nord.
07:47 Oui, mais en faire sans être emmerdant.
07:49 En même temps, c'est des questions emmerdantes.
07:51 Si on se les pose comme ça, ça peut être vite emmerdant.
07:53 Moi, je voulais justement les incarner sur Terre pour que ce soit simple à comprendre.
07:57 Donc, on a les deux.
07:58 On a l'origine du bien qui vient des fins fonds de l'espace, mais qui s'incarne Anna
08:03 Maria, son personnage, c'est le bien qui vient.
08:06 Le bien arrive, mais il prend une forme humaine et qui est troublée par la vie humaine et
08:11 qui est justement dans sa puissance à devoir faire le bien.
08:16 Elle est troublée en l'occurrence par l'amour qui contrarie un peu son plan.
08:20 Vous dites entre le bien et le mal, il n'y a pas une balance, mais il y a une bascule.
08:26 Comment vous définissez ça ? Puisqu'on fait un mini cours de philo.
08:30 Ce n'est pas un choix cornelien entre l'un et l'autre.
08:33 Ou l'autre, pardon.
08:34 C'est l'un et l'autre.
08:35 C'est-à-dire qu'on passe son temps du soir au matin à passer de l'un à l'autre.
08:39 On fait du bien, puis après un petit coup de mal, puis après on revient.
08:42 C'est ça la vie humaine.
08:44 Est-ce que vous le voyez comme ça, comme une bascule, Anna Maria Bartolomé ?
08:48 Oui, je pense que le Graal, c'est de trouver une balance et un équilibre là-dedans.
08:54 Mais je suis d'accord avec ce que dit Bruno.
08:56 C'est tout à fait normal et humain de flancher parfois.
09:01 C'est d'ailleurs ce que représente mon personnage aussi.
09:03 C'est tout un tiraillement intérieur, le tourment, cette notion aussi du sacrifice,
09:11 de la faiblesse.
09:15 Mais en même temps, c'est quelqu'un qui va se relever par culpabilité d'avoir fauté.
09:19 Il y a aussi ce questionnement-là qui est constant, je pense, chez chacun d'entre nous.
09:25 Vous parliez d'incarner.
09:26 En effet, il y a une question de représentation.
09:28 Les héros, ce sont les forces du bien emmenées par vous et Camille Cotin.
09:35 Non, c'est le mal.
09:36 Ah pardon, c'est le mal.
09:37 J'inverse, j'inverse.
09:38 Vous voyez ? Ça commence bien la confusion.
09:40 On inverse.
09:41 Donc, vous êtes les uns et les héros, c'est le mal.
09:45 En tout cas, évidemment, ce qu'on entend, c'est ce langage binaire qui est utilisé
09:48 par l'informatique et le numérique.
09:49 C'est le nouveau langage numérique.
09:50 Le langage informatique reprend le langage binaire bien mal.
09:55 On est aussi dans un nouveau monde numérique qui reprend la distinction du bien et du mal.
10:01 Donc, la question, c'était de représenter autrement que par un système binaire.
10:05 C'est-à-dire de ne pas laisser à la représentation numérique ou informatique.
10:08 C'est une question qu'il faut renouveler dans la modernité.
10:12 On est moderne, mais finalement, la question du bien et du mal est toujours là.
10:15 Ça peut aussi se travailler sur le terrain, cette question du bien et du mal.
10:19 J'ai vu, Bruno Dumont, que vous travaillez souvent avec des gens qui ne sont pas d'accord
10:22 avec vous.
10:23 En tout cas, il y a un chef opérateur avec qui vous travaillez.
10:25 Vous dites "non, mais je me suis brouillé avec lui, il était trop dans l'extase".
10:29 Avec qui ?
10:30 Avec un chef opérateur qui était trop dans l'extase.
10:32 Ah oui, je le dis souvent, oui.
10:34 Non, mais la solution pour ne pas tomber dans le binaire, c'est ça.
10:38 Penser contre soi, travailler avec des gens qui sont en tout cas en désaccord, fréquenter
10:42 des divergences d'opinion.
10:43 Voilà.
10:44 Moi, la résistance ne me dérange pas.
10:45 Je pense que même la Canne à Maria, il y a des moments où elle me dit "oui, non".
10:49 Tu trouves ça normal ?
10:50 Comme tout à l'heure.
10:51 Non, mais on n'est pas là pour exécuter des choses.
10:53 L'échange qu'on a est très fructueux.
10:56 Si je tourne avec elle, je tourne avec elle.
11:00 Elle a son point de vue, et on échange, et on discute.
11:04 Ce n'est pas unilatéral, et c'est très bien comme ça.
11:08 Anna Maria Bartolomé, comment vous, vous avez vécu justement cette direction d'acteur
11:14 et aussi, il me semble, ce respect quand même.
11:16 Votre réunion, elle dit qu'elle n'a pas peur des hommes.
11:18 Et ce respect, il me semble, cette distance qui est imposée dans les scènes de nu par
11:24 Bruno Dumont, c'est-à-dire que ce soit l'inaccouderie au début du film, ou vous, votre scène de
11:28 sexe avec Johnny, qui est un acteur non professionnel et qui est extraordinaire, qui est mécanicien
11:32 automobile à la base.
11:34 Comment vous vous êtes retrouvée, vous, justement, dans cette nouvelle façon de percevoir
11:40 aussi le corps d'une femme au cinéma, il me semble.
11:42 Dans ce film, on avance un petit peu.
11:44 Je ne sais pas, je ne me suis pas vraiment posée la question.
11:50 Je pense que comme je le disais tout à l'heure, je me suis beaucoup laissée guider.
11:54 Après, je ne sais pas, je crois que je ne comprends pas bien la question.
12:01 Parce que comme il s'agit vraiment de mon corps et de mon rapport à ces scènes-là,
12:05 je pense que je n'arrive pas vraiment à...
12:07 Enfin, je suis très détachée de ça, donc je ne m'en rends pas bien compte.
12:12 En tout cas, il y a une volonté dans le mouvement de caméra d'être à distance, d'être respectueux
12:21 et aussi ce qui serait assez...
12:23 C'est filmer de loin.
12:24 C'est filmer de loin quand il s'agit de...
12:26 Parce que c'est le monde d'aujourd'hui, on faisait des choses qu'on filme de loin.
12:29 Une espèce de distance, de pudeur dans quelque chose qui n'est pas pudique, mais qui est
12:35 filmé, je pense, pudiquement.
12:37 - Et la question du désir, pour vous, elle est complètement explosive par rapport à
12:41 la question du bien et du mal ?
12:42 - C'est la source.
12:44 C'est ça qui contrarie tout.
12:46 C'est l'amour.
12:47 Je pense qu'on sait très bien ce qu'on doit faire, mais on ne le fait pas.
12:51 C'est ça.
12:52 Et on ne le fait pas, pourquoi ? Parce qu'on a des désirs.
12:55 Et le désir vient contrarier un petit peu le plan initial.
13:01 Et puis on fait des choses pas forcément reluisantes.
13:04 Et c'est ça la condition humaine.
13:06 - Vous êtes d'accord avec cette définition du professeur de philosophie Anne-Marie Bartolomé ?
13:10 - Oui, monsieur.
13:11 Non, mais c'est vrai qu'en plus, le désir est aussi...
13:13 C'est l'origine du monde.
13:15 C'est le péché origine, elle aussi.
13:17 Ça vient de là.
13:18 - On voit bien que son personnage est troublé.
13:20 Elle est vraiment troublée.
13:22 Elle est totalement dans le désir.
13:24 Elle a envie.
13:25 En plus, elle le fait.
13:26 Elle y va.
13:27 Mais on voit qu'elle est travaillée par ça.
13:28 Elle est travaillée par la culpabilité.
13:30 C'est un soldat.
13:31 Et en même temps, elle est humaine.
13:33 C'est un très très beau personnage.
13:35 Parce qu'il a une amplitude extraordinaire.
13:39 C'est rare.
13:40 Elle est à la fois une espèce de personnage de Marvel qui débarque sur la Terre, mais
13:44 qui devient terriblement humaine.
13:46 Tragiquement humaine.
13:47 - Humaine trop humaine.
13:48 - Elle est belle.
13:49 Et puis elle n'est pas que belle.
13:51 Il y a quelque chose qui la traverse qui est très touchant.
13:53 Et forcément, Alain-Marie Bartolomé, vu la séquence que traverse le cinéma français,
14:00 ce "me too" qui se fait presque par contraction, qui accouche comme ça depuis plusieurs années,
14:05 depuis 2017.
14:06 Donc maintenant, ça fait 7 ans que c'est travaillé avec des avancées, des reculs.
14:13 Vous, vous avez démarré très tôt.
14:14 Je veux savoir comment vous l'aviez vécu.
14:15 Vous étiez à 12 ans à Cannes pour "My Little Princess", le film des Vionesco.
14:19 Vous êtes une petite fille qui est sexualisée par sa mère, Isabelle Huppert.
14:23 Vous avez été aussi dans "L'Échange des princesses" de Marc Duguin.
14:26 Là, c'est encore une jeune fille sacrifiée sur l'autel de la géopolitique.
14:30 Et puis l'événement, le film d'Audrey Diwan.
14:33 Comment vous, vous avez vécu cette arrivée ? Est-ce que vous vous êtes sentie protégée
14:36 ou est-ce que justement il était menaçant de tensions, de pouvoirs, ce cinéma français ?
14:41 - Alors, moi, j'ai eu la chance d'avoir été très protégée depuis mes débuts par des
14:48 parents qui ont été très protecteurs et bienveillants et présents.
14:52 Donc, je n'ai jamais eu à faire des comportements agressifs ou intimidants de qui que ce soit.
15:05 Mais ça m'a vachement aidée aussi, moi, ensuite, à me protéger dans le milieu du
15:10 cinéma.
15:11 Mais c'est vrai que ce n'est pas le cas pour tout le monde.
15:13 - Nous, on écoutait encore ce matin dans les journaux un reportage de jeunes actrices
15:18 qui témoignent.
15:19 Ça continue amplement en 2024 sans souci.
15:22 - Mais je n'ai pas senti une pression avec #MeToo.
15:26 Au contraire, je pense que c'est même une belle avancée parce qu'il y a une libération
15:30 de la parole qui s'ensuit depuis et qui est importante parce que justement, elle donne
15:36 cours à des témoignages encore présents actuellement dont on a besoin.
15:41 Parce que souvent, la cause féministe est la première à flancher, j'ai l'impression.
15:51 On en parle.
15:52 - Oui, Adèle Haenel, vous lui succédez pour ce rôle d'ailleurs principal.
15:56 Vous remettez dans les pas d'Adèle Haenel sur ce rôle.
15:59 Elle, elle a raccroché les gants parce qu'elle n'aime pas le vernis d'un côté féministe
16:04 et puis les actions qui ne suivent pas.
16:06 - Oui, je comprends.
16:10 Après, elle a un vécu différent.
16:14 Elle a quand même un trauma et je comprends que pour certains, ça puisse paraître radical
16:21 de décider de ne travailler qu'avec des femmes au théâtre comme elle le fait.
16:25 Mais on a aussi besoin de prises d'opposition comme la sienne.
16:29 J'ai le sentiment pour faire avancer un peu les choses.
16:32 Et puis, ce n'est pas à nous de valider ou non.
16:34 On m'a beaucoup parlé d'Adèle Haenel puisque c'est vrai que comme je lui succède pour
16:39 le rôle, forcément, ça me renvoie à ça.
16:42 Mais ce sont deux perspectives totalement différentes.
16:46 - En tout cas, vous aurez l'occasion aussi d'explorer ces questions-là dans le rôle
16:49 de Maria Schneider que vous allez interpréter à Ana Maria Bartolomé.
16:53 Comme quoi, il y a quand même une lignée dans ces questionnements.
16:56 - Bien sûr, mais c'est aussi parce que pour moi, mes choix sont politiques puisqu'ils
17:01 parlent pour moi.
17:02 Je n'ai pas vraiment le sentiment de devoir m'exprimer davantage.
17:10 J'ai l'impression que je suis quelqu'un d'engagé.
17:13 J'essaye de l'exprimer aussi à travers les choix que je fais.
17:15 Donc forcément, Maria Schneider, ça me parle et j'ai envie de défendre son histoire.
17:20 - Comme ça s'exprime aussi politiquement et philosophiquement dans le film de Bruno
17:25 Dumont, "L'Empire".
17:26 Merci infiniment à tous les deux.
17:28 La Berlinale s'ouvre jeudi où le film est présenté en compétition officielle.
17:31 Et ce sera en salle pour tout le monde.
17:33 Ça atterrit cette aube nuit le mercredi prochain.
17:36 Merci et bonne journée.
17:37 - Merci à vous.

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