• il y a 10 mois
En 1980, Julien Clerc chantait "L'assassin assassiné" dans une France qui se déchirait sur la peine de mort. Derrière la grande histoire de l'abolition de la peine de mort, il y aussi l'histoire de cette chanson et d'une rencontre entre robert Badinter et Julien Clerc, grand invité de RTL.
Regardez L'invité de RTL Soir du 09 février 2024 avec Marion Calais et Vincent Parizot.

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Transcription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL bonsoir.
00:04 Vincent Parizeau, Marion Calais, Isabelle Choquet.
00:08 On passe maintenant aux premières invitées d'RTL bonsoir et bien sûr on va continuer à parler de Robert Badinter.
00:13 La classe politique dans son ensemble de nombreux avocats, des magistrats ont réagi déjà à la mort de Robert Badinter mais ce soir, parole à un artiste.
00:20 Et cet artiste c'est Julien Clerc qui en 1980 chantait "L'assassin assassiné".
00:26 Le matin même, à la santé, un homme, un homme avait été exécuté et nous étions si tranquilles.
00:46 Bonsoir Julien Clerc.
00:48 Bonsoir.
00:49 Merci d'être en ligne de Londres ce soir sur RTL.
00:53 Cette chanson, elle a une histoire qui se conjugue avec Robert Badinter.
00:57 Dans cette époque, on est au tournant des années 70-80 où la France se déchire sur cette question de la peine de mort.
01:04 Est-ce que vous pouvez nous raconter l'histoire de cette chanson ?
01:08 Oui.
01:10 J'avais été invité à assister par le journal de France 2 à l'époque.
01:17 J'avais souhaité aller voir un procès de comparution immédiate.
01:26 Et puis le journaliste m'avait rappelé, il m'avait dit "écoute, on peut faire ça si tu veux, mais je pense que j'ai quelque chose de mieux, j'ai Robert Badinter qui plaide".
01:37 Le procès de peine de mort, c'était un deuxième procès.
01:42 Ils avaient annulé le premier parce que la justice n'avait pas été rendue avec suffisamment de sérénité dans la ville.
01:52 De Toulouse, c'était le procès en appel de Norbert Garceau, qui était un récidiviste.
01:58 Qui était un récidiviste, oui.
02:00 Donc ils avaient déplacé le procès à Toulouse.
02:02 Je me suis dit "bien sûr, je ne savais pas ce que j'étais, j'avais jamais vu, même la justice de mon pays fonctionne".
02:09 Donc nous sommes allés à Toulouse et j'ai suivi les débats.
02:14 Évidemment c'était un procès où il y avait une dimension dramatique très grande.
02:21 Parce qu'il faut savoir qu'à l'époque, les procès de peine de mort à chaque fois donnaient lieu à des choses qui étaient très bouleversantes.
02:29 Il y avait des familles d'autres procès qui venaient assister au débat.
02:35 Par exemple, là il y avait les maris, les familles de ces pauvres femmes qu'on avait appelées "les caissières de Béziers".
02:44 Qui avaient été tuées de façon immonde.
02:47 Donc ils couraient tous les prétoires dès qu'il y avait un procès de peine de mort pour faire pression évidemment sur la justice.
02:54 Et donc j'ai pu voir ce jour-là, évidemment, un bas d'interplédié.
02:59 J'ai vu les débats avant les deux jours qui ont précédé.
03:03 Et puis la plaidoirie, je l'ai compris après, qui était la plaidoirie de la peine de mort.
03:09 Qui était une peu d'arrêt, j'ai envie de dire, philosophique sur la peine de mort.
03:15 Qui l'adaptait évidemment au sujet, au dossier qu'il traitait.
03:21 Donc d'abord il parlait de Norbert Garceau.
03:24 Et puis après il étendait son sujet avec une hauteur de vue très très grande.
03:30 Et un engagement physique certain.
03:34 - Ça vous avait marqué, cet engagement physique ?
03:37 Tout le monde en parle aujourd'hui de ces plaidoiries de Robert Badinter.
03:41 Où il allait quasiment au contact des jurés.
03:44 - Oui, il restait un moment. Il ne se trouvait pas toujours, non.
03:48 Mais il attendait, on le sentait. D'ailleurs il m'avait expliqué après.
03:52 Il étudiait le jury. Il disait qu'il fallait qu'il trouve dans le jury une personne
03:58 sur qui il aurait un certain effet, si vous voulez, émotionnel.
04:04 Et qui pourrait après, pendant les débats éventuellement,
04:08 on partait sur des dossiers perdus d'avance un peu, vous voyez.
04:12 - Alors ça, il a pu vous le raconter parce que vous l'avez retrouvé par la suite
04:17 dans le train de retour de Toulouse.
04:19 - C'est drôle, je ne sais pas pourquoi on est rentré en train de nuit.
04:23 C'est-à-dire qu'il faut dire qu'après, le délibéré n'avait pas été si long que ça.
04:29 Quelques heures. Et il avait été escamoté de la salle.
04:32 Parce que, je répète, tous les procès de peine de mort à l'époque
04:35 étaient très dramatiques, dans une ambiance très très tendue.
04:39 - De la violence. - Il nous avait expliqué qu'il mettait sa famille à l'abri
04:45 quand il y avait un procès comme ça, pendant quelques jours.
04:49 Et lui, il était sorti de la salle par une petite porte, je me souviens,
04:53 le temps que le président donne le résultat.
04:57 Et puis alors là, évidemment, il y avait des hurlements.
04:59 C'était très angoissant pour quelqu'un qui n'avait jamais fait ça, comme moi.
05:04 Et après, on avait décidé de se retrouver effectivement dans le train.
05:07 Je ne l'avais retrouvé que là.
05:09 Et je le revois dans ce couloir, là.
05:11 Et il nous a dit qu'il faut absolument arriver à une solution d'abolition.
05:16 Parce qu'un jour, lors d'un procès comme ça, ça va mal se terminer.
05:20 Et il va y avoir des morts.
05:22 Il faut absolument que le gouvernement change.
05:27 Parce qu'effectivement, à l'époque, Giscard n'était pas convaincu de ça.
05:32 Giscard était le dernier à laisser un homme couper la tête.
05:38 Mais enfin, parfois, il avait ses convictions.
05:40 - Comment en êtes-vous arrivé à chanter cette chanson quelques mois plus tard ?
05:45 - Alors d'abord, on l'a écrite.
05:47 Parce que, évidemment, ça m'avait beaucoup bouleversé.
05:52 Parce que j'avais vu, je crois, je ne me souviens plus très bien,
05:55 mais enfin, je crois qu'on en avait...
05:57 On en était dans les tuyaux, comme on dit, avec Dabadi.
05:59 Et puis donc là, du coup, on l'a écrite.
06:02 Et puis, de temps en temps, dans ma vie, je me suis dit "de quoi tu te mêles ?"
06:06 - C'était un débat qui enflammait la France, Julien Clerc.
06:09 Quelques années auparavant, Michel Sardou avait chanté "Je suis pour".
06:14 C'était un débat qui n'était pas du tout apaisé dans le pays.
06:19 - Non, pas du tout.
06:20 D'ailleurs, il y avait une très grande majorité, je crois,
06:22 de partisans de la peine de mort qui dépassait 70% à peu près.
06:26 Je crois que c'était le fait de sortir de la réserve de l'artiste.
06:30 Enfin bon, j'ai remis la chanson dans son tiroir,
06:34 après l'avoir faite, et enregistrée d'ailleurs, je crois.
06:38 Et puis, il y a eu une émission spéciale dédiée à Jean-Loup Dabadi
06:43 un dimanche après-midi,
06:45 qui était une émission par un grand homme de radio à l'époque.
06:48 C'était une émission qui était très regardée.
06:53 Il était l'invité spécial de l'émission.
06:57 Et en fait, il m'a fait appeler, mais au tout dernier moment.
07:00 Et il m'a dit, là, ce n'est pas l'auteur qui te parle, c'est l'ami.
07:06 Je te demande de venir chanter cette chanson dans mon émission.
07:10 Alors, j'y suis allé.
07:13 Et puis voilà, j'ai chanté ça.
07:15 Et puis ça a déclenché, évidemment.
07:17 Je crois, comme on disait à l'époque, le standard a sauté.
07:21 Et puis, évidemment, j'avais reçu, quelque temps après, cette lettre de Badinter.
07:26 Évidemment, comme je suis quelqu'un d'un peu négligent,
07:30 j'ai perdu malheureusement, mais je l'en souviens.
07:33 Elle est gravée dans ma tête.
07:35 Et je disais, ou il me disait, votre chanson fait plus pour la cause.
07:41 Il avait employé un terme comme 30 discours et 25 conférences.
07:47 Quand vous avez entendu ce matin l'annonce de la disparition de Robert Badinter,
07:50 Julien Clerc, vous avez pensé tout de suite à cette nuit,
07:55 passer dans le train de nuit avec lui en revenant de Toulouse.
07:59 Oui, c'était évidemment ça.
08:02 Et j'ai pensé aussi à un journal, un autre journal,
08:06 où j'avais été invité, qui était juste à peu près,
08:09 on était en train d'écrire la chanson.
08:11 On m'avait demandé de décrire ce que j'avais vu.
08:14 J'ai un petit peu craqué émotionnellement, là encore, en décrivant.
08:20 Parce qu'il fallait du courage à l'époque.
08:22 Malgré tout, j'en suis assez fier aujourd'hui,
08:25 il fallait du courage pour se déclarer opposé à la peine de mort,
08:29 si vous voulez, avec tout ce qu'on voit tous à chaque jour dans notre société.
08:34 C'est une décision qu'il faut maintenir toute sa vie d'ailleurs.
08:38 C'est à lui que je dois, même cette façon, par moment,
08:44 de me recueillir tout seul avec moi-même
08:47 et de me dire "est-ce que tu es toujours d'accord avec ça ?"
08:50 Et vous l'êtes.
08:52 Oui, bien sûr.
08:53 Merci beaucoup, Julien Clerc, d'avoir été dans RTL. Bonsoir.
08:58 Bonsoir.
09:00 "Un soldat condamné à mort, c'est du sang d'homme, sans naître encore."
09:10 Et merci bien sûr à Steven Bellery qui nous a aidé à réaliser cette interview
09:15 avec Julien Clerc qui était à Londres. A tout de suite sur RTL.
09:18 "Assassiné."
09:25 RTL. Bonsoir.
09:27 [SILENCE]

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