• il y a 9 mois
Alors que le président Macky Sall a annoncé le report des élections présidentielles, initialement prévues à la fin du mois de février, au mois de décembre, le Sénégal s'enfonce dans une crise politique inédite. Pourquoi ce report, alors même que Macky Sall a affirmé ne pas vouloir se représenter ? L'opposant emprisonné Ousmane Sonko peut-il tirer parti de la situation ? Le pays risque-t-il de glisser vers l'autoritarisme ? Explications de notre journaliste François Reynaert dans ce nouvel épisode de notre série "Dis Oncle Obs".

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Transcription
00:00 Début février 2024, coup de tonnerre au Sénégal.
00:03 Le président Makisal annonce que les élections présidentielles
00:06 qui étaient prévues pour la fin du mois de février
00:07 sont reportées à la fin du mois de décembre.
00:10 Déjà en mars 2021, puis en juin 2023,
00:13 sur le fond de crises politiques,
00:14 il y avait eu d'énormes manifestations à Dakar qui ont fait des morts.
00:18 Alors, est-ce que la démocratie est menacée au Sénégal ?
00:21 Première partie, que s'est-il passé ?
00:23 Depuis très longtemps et de manière tout à fait régulière,
00:24 il y avait des élections présidentielles
00:26 qui étaient prévues pour le 25 février au Sénégal.
00:28 Alors, à la fin du mois de janvier, le Conseil constitutionnel valide
00:31 une vingtaine de candidatures et en élimine d'autres,
00:34 dont celle de Karim Ouad.
00:35 Karim Ouad, c'est un nom très célèbre,
00:37 c'est le fils de l'ancien président du Sénégal.
00:39 C'est un opposant et évidemment,
00:41 le fait que sa candidature soit rejetée,
00:43 ça crée le désarroi, la colère des partisans de Karim Ouad
00:47 qui disent "c'est scandaleux, ce Conseil constitutionnel,
00:49 il y a deux juges là-dedans qui sont complètement corrompus".
00:51 Donc, on ne peut pas croire que ce Conseil constitutionnel ait raison.
00:54 Et là, coup de théâtre, Makisal, le président,
00:56 qui lui a dit qu'il ne se représentait pas,
00:58 défend les partisans de Karim Ouad.
01:00 Alors qu'en principe, Karim Ouad est un opposant,
01:03 et bien là, Makisal dit "non, non, ils ont raison".
01:06 Et donc, il demande à l'Assemblée nationale
01:08 de voter le report des élections.
01:11 Et l'Assemblée nationale vote le report des élections
01:13 avec les voix des députés de Makisal
01:15 et l'appui des députés de Karim Ouad.
01:17 Mais évidemment, tous les autres sont furieux.
01:19 Ça a créé une énorme bagarre à l'Assemblée nationale
01:21 parce que tous les autres opposants disent
01:24 "mais c'est scandaleux ce que vous faites là,
01:25 c'est un coup d'État constitutionnel".
01:27 Alors, Makisal, il a fait ça, lui, pour deux raisons.
01:29 D'abord, il dit "mais j'avais promis que Karim Ouad
01:32 pourrait être candidat, donc il fallait qu'il le soit".
01:34 Mais sauf que ce n'est pas lui qui a décidé,
01:35 c'est le Conseil constitutionnel qui a décidé.
01:37 Et puis la deuxième chose, c'est qu'il dit
01:39 "le fait qu'on mette en cause le Conseil constitutionnel,
01:41 ça crée un doute sur la légitimité des élections,
01:44 donc il faut les faire beaucoup plus tard pour calmer le pays".
01:46 Mais pour l'instant, ça ne calme pas du tout le pays
01:48 parce qu'une grande partie des Sénégalais
01:50 estiment qu'on leur a volé leur élection.
01:52 Faut-il croire Makisal ?
01:53 Alors, pour comprendre l'épisode, il faut remettre dans un contexte,
01:56 un contexte de crise et cette crise, elle a deux sources.
01:59 La première, c'est l'affaire Ousmane Sonko.
02:01 Ousmane Sonko, c'était le grand opposant à Makisal.
02:05 C'est un maire de Casamance, dans le sud du pays,
02:08 très populiste, qui dénonce l'Occident,
02:10 qui dénonce la dégénérescence des mœurs, etc.
02:12 Mais il est aussi très populaire, en particulier auprès de la jeunesse.
02:16 Et Ousmane Sonko, tout le monde pensait qu'il allait se présenter
02:18 et être président de la République.
02:20 En 2021, coup de tonnerre, Ousmane Sonko est accusé de viol
02:23 par une jeune masseuse.
02:24 Alors évidemment, les partisans de Ousmane Sonko disent
02:27 "c'est faux, c'est une invention".
02:28 Alors la justice fait son travail, il y a un procès,
02:30 et finalement, il est condamné.
02:31 Ses partisans sont dans la rue, il y a d'énormes manifestations,
02:34 la répression fait des morts.
02:35 Mais enfin, il est sorti du jeu, il ne peut plus se présenter
02:38 à la présidentielle, en tout cas pas à celle-là.
02:39 Par ailleurs, il y a un deuxième élément de cette crise,
02:42 c'est que Makisal, pendant très longtemps,
02:43 il a fait croire qu'il allait se représenter,
02:46 alors qu'il n'avait pas le droit.
02:47 Au Sénégal, on peut faire deux fois cinq ans,
02:50 ce que fait Makisal, mais on n'a pas le droit
02:51 de refaire une troisième fois.
02:52 Et Makisal disait "si, si, en fait, je vais continuer,
02:55 je vais me présenter, je vais faire une troisième fois".
02:56 Puis finalement, peut-être sous la pression générale,
02:59 il cède, il dit "non, c'est d'accord,
03:01 je ne me représenterai pas".
03:02 Seulement, ces deux hommes forts du Sénégal,
03:05 Ousmane Sonko d'une part et Makisal d'autre part,
03:07 ils ont poussé des successeurs, des gens qui sont leur dauphin
03:11 à se présenter aux élections.
03:12 Alors il y a un dauphin pour Ousmane Sonko,
03:14 qui est lui aussi très populaire, etc.
03:17 Et il y en a un autre pour Makisal,
03:18 mais qui lui a fait une campagne épouvantable.
03:20 Il a fait une campagne qui était complètement ratée.
03:22 Et une des causes de la demande du report de Makisal,
03:25 c'est peut-être ça, c'est peut-être qu'il pensait
03:27 que son candidat n'avait plus aucune chance
03:29 de remporter la présidentielle de février.
03:32 Et donc, le plus simple, c'était de reporter
03:34 cette présidentielle de plusieurs mois
03:36 pour éliminer ce candidat, en trouver un autre
03:38 et garder le pouvoir, parce que c'est évidemment
03:41 de ça dont il s'agit.
03:41 Pourquoi la communauté internationale s'inquiète ?
03:44 Depuis qu'il y a cette crise au Sénégal,
03:46 à la fois les pays autour, la CDAO,
03:49 un des pays d'Afrique de l'Ouest,
03:50 et puis aussi les États-Unis, et puis aussi l'Union européenne,
03:54 ont présenté leurs vies inquiétudes.
03:55 Ils sont très inquiets de ce qui se passe.
03:56 Le Sénégal avait cette exception remarquable
03:58 depuis 1960, depuis son indépendance.
04:00 C'était l'un des seuls pays d'Afrique
04:02 dans lequel il n'y avait jamais eu de coup d'État.
04:04 Petit îlot de stabilité dans un univers
04:06 qui l'est de moins en moins.
04:07 Là, on a vu ces dernières années, dans les pays voisins,
04:10 le Mali, le Burkina Faso, le Niger,
04:13 des coups d'État qui ont mis au pouvoir des militaires
04:15 et qui ont chassé des présidents élus.
04:17 Et puis, il y a aussi une affaire dans l'affaire,
04:19 ou tout au moins un soupçon dans le soupçon,
04:21 c'est qu'il y a une chose qui vient de changer au Sénégal.
04:23 Depuis peu de temps, on y a découvert
04:25 d'énormes réserves de pétrole et de gaz.
04:28 Qui va mettre la main sur cette manne financière ?
04:30 C'est ça qui explique peut-être que les gens soient si avides
04:33 de vouloir garder le pouvoir.
04:35 Alors, ce n'est encore qu'un soupçon,
04:36 on n'a aucune preuve du fait que ce qui se joue actuellement
04:40 est lié à cette histoire de pétrole et de gaz.
04:42 Tout ce que nous, démocrates du monde entier, pouvons espérer,
04:45 c'est que la manne financière liée au pétrole et au gaz
04:48 aille aux Sénégalais et serve au développement de leur propre pays.
04:52 [Musique]

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