• il y a 10 mois
Marie de Brauer est créatrice de contenu. À travers ses vidéos et son podcast, elle lève le voile sur la réalité de la grossophobie dans sa vie quotidienne. Du harcèlement de rue, à l'environnement professionnel, elle nous livre un aperçu de la vie des personnes grosses.

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Transcription
00:00 Il y a vraiment cette idée préconçue qu'on aurait une alimentation gargantuesque
00:03 et que le problème de notre grosseur, c'est juste le fait qu'on mange mal,
00:06 alors que c'est pas ça, et que même si c'était ça,
00:09 ça ne justifie jamais la haine qu'on reçoit.
00:12 Je m'appelle Marie De Broeijer, je suis autrice, réalisatrice, stand-upuse, podcasteuse,
00:17 qu'est-ce qu'elle fait comme chose cette femme ?
00:19 Et donc aujourd'hui, je vais vous parler de mon quotidien de meuf grosse,
00:22 dans un monde grossophobe.
00:24 Alors par rapport au travail, moi j'ai la chance de pas vivre de grossophobie au travail,
00:27 alors que c'est le cas de plein de gens gros et grosses,
00:30 puisqu'il faut savoir qu'on a beaucoup moins d'accès à l'emploi.
00:32 Rien que le fait qu'il y ait une photo sur un CV avec une personne grosse,
00:35 paf, il y a 1000 fois moins d'entretiens d'embauche,
00:37 puisque les gros seraient flémards.
00:39 Bah non, voilà, je vous spoil, on n'est pas flémards.
00:41 Moi, c'est vrai que j'ai pas vécu beaucoup de grossophobie au travail,
00:44 puisque là, ce que je fais, là, c'est mon travail.
00:46 Parler de grossophobie, c'est devenu mon travail,
00:48 donc ce serait quand même très très très compliqué que mes employeurs soient grossophobes,
00:51 puisque je vais les rembarrer très vite.
00:53 Et en fait, cette image que les gros sont feignants,
00:55 elle vient de tout un imaginaire autour de la pop culture, en fait.
00:59 Dès qu'on voit un film et qu'il y a une personne grosse,
01:01 elle est affalée sur son canapé à bouffer des chips.
01:03 Bon, déjà, c'est une très bonne activité de manger des chips sur un canapé,
01:06 donc je vois pas pourquoi ce serait pointer du doigt.
01:08 Mais par contre, ça véhicule un message qui n'est pas le bon.
01:12 Les gros ne sont pas plus flémards que d'autres.
01:14 Les employeurs, déconstruisez vos clichés sur les personnes grosses
01:17 et embauchez des gens, pas sur le physique peut-être,
01:19 sur les compétences professionnelles.
01:21 C'est comme ça une idée, vraiment une idée.
01:23 J'ai fait un podcast qui s'appelle "Comment tu date quand t'es mari de brouhaha".
01:26 J'ai énormément d'anecdotes sur le fait d'être une meuf grosse sur le marché de l'amour,
01:30 puisque c'est un peu binaire.
01:31 C'est soit on est complètement rejeté par les mecs en mode
01:33 "Ouh là, va des rétro satanasses et vous êtes laides et moches et on veut pas vous ken",
01:38 ou complètement l'opposé, ce qu'on appelle la fétichisation.
01:41 Vraiment, je suis un bout de viande gros
01:45 que des hommes veulent bouffer à tout prix.
01:47 Cette image est terrible.
01:48 C'est vraiment de me coller encore une fois à une image et une sexualité en fonction de mon corps
01:54 et d'être vraiment hyper sexualisée juste parce que je suis une meuf grosse
01:57 et que du coup, je serais dominante,
01:59 du coup, j'aurais un appétit sexuel plus développé.
02:02 Non, c'est juste mon appétit tout court qui est développé, c'est bien clair.
02:05 Et du coup, il y a tous ces clichés-là qui existent.
02:08 Une fois, il y a un gars qui m'a dit "Oh, sacré gabarit".
02:11 Franchement, je l'ai gardé ce truc-là, parce que "sacré gabarit", en fait, ça me décrit hyper bien.
02:14 Le message d'après, c'était "À combien tu bênches ?"
02:17 Et j'étais là "Mais bênche, qu'est-ce que ça veut dire ?"
02:19 Bênche, c'est genre l'action de pousser des pois comme ça par le haut.
02:23 Et je lui ai dit "Je bênche à 2-3 buckets de KFC",
02:26 ce qui est une vanne en soi grossophobe.
02:28 Les gros ne mangent pas plus de KFC que vous,
02:30 mais juste je voulais voir jusqu'où ça pouvait aller.
02:32 Et le gars était complètement à l'ouest.
02:34 Dans la rue, ça m'est arrivé aussi de recevoir des commentaires grossophobes.
02:37 En fait, déjà, l'espace public pour les gros, il est un peu compliqué
02:40 parce que tu as tout le temps l'impression d'être observée, de déranger, de prendre trop de place.
02:44 Donc, tu as toujours envie de minimiser ton corps.
02:46 En plus, quand t'es une meuf, alors je te rajoute le truc,
02:48 vous connaissez déjà le principe du harcèlement de rue.
02:50 Moi, il peut parfois prendre un aspect grossophobe
02:52 où je vais pas répondre à un gars et du coup, je vais me faire traiter de sale grosse.
02:56 Oui, oui, c'est juste un adjectif qualificatif, donc je le prends très peu comme une insulte.
03:00 C'est vrai, monsieur, vous avez bien vu, je suis une femme grosse.
03:03 Parfois, t'as l'impression que ton corps t'appartient pas vraiment.
03:05 J'ai déjà été touchée en soirée parce que genre "Ha ha, c'est marrant".
03:09 Genre non, touchez pas le corps des gens.
03:11 De toute façon, l'éducation des gens autour de la grossophobie,
03:14 elle est vraiment au niveau zéro, donc il y a tout à refaire.
03:15 S'habiller, c'est compliqué.
03:16 Déjà, moi, je fais pas les magasins parce que je sais qu'en magasin, il y aura pas ma taille.
03:19 Ou alors très rarement, et j'ai plein de tips pour les personnes grosses d'ailleurs,
03:23 sachez que toutes les trucs hyper stretch, vous faites du double XL,
03:27 mais vous rentrez dans du L stretch et donc du coup, vous pouvez voler les fringues des gens minces
03:32 qui, eux, n'hésitent pas à voler les affaires des gens gros pour faire du oversize,
03:36 alors que vous, c'est juste votre size normale.
03:38 Franchement, les temps changent, donc il y a de plus en plus de marques qui font de la grande taille.
03:43 Malheureusement, c'est de la fast fashion.
03:45 Tu te retrouves constamment dans ce truc-là de...
03:47 Soit je m'habille, c'est moche, mais au moins, c'est à ma taille et c'est cher.
03:50 Soit je consomme de la fast fashion et je participe au réchauffement climatique,
03:54 mais en même temps, je suis un peu stylée.
03:56 Et après, il faut trouver quelques alternatives.
03:58 Au restaurant, j'ai jamais eu de commentaire sur ce que je mange.
04:01 Enfin, vous voyez, j'ai l'air d'assumer quand même d'être une meuf grosse
04:04 et d'avoir confiance en moi, etc.
04:05 Mais encore aujourd'hui, à 28 ans, seule, je ne mange pas dans des lieux publics
04:09 où on peut me voir à des horaires qui ne sont pas des horaires de déjeuner classiques.
04:14 Je n'aime pas manger trop devant des gens en alimentation.
04:17 J'y pense constamment, en fait.
04:18 Et ça, c'est vraiment, vraiment le quotidien de toutes les personnes grosses et gros,
04:22 parce qu'il y a vraiment cette idée préconçue qu'on aurait une alimentation gargantuesque
04:25 et que le problème de notre grosseur, c'est juste le fait qu'on mange mal
04:29 et qu'on mange trop, alors que ce n'est pas ça.
04:32 Et que même si c'était ça, ça ne justifie jamais la haine qu'on reçoit.
04:36 Mais du coup, c'est tellement ancré dans notre cerveau que, bah ouais,
04:39 moi, c'est une tanasse.
04:39 J'ai l'impression que si je mange des frites, on va faire la grosse qui bouffe des frites.
04:44 Et si je mange une salade, c'est "Ah bah la grosse, elle essaie de se reprendre en main,
04:46 elle fait un régime, elle mange une salade."
04:47 Alors que juste, j'aime bien la salade, j'aime bien les frites.
04:49 C'est moi tranquille, en fait.
04:50 100% de la société grossophobe.
04:52 Même dans ce que j'ai dit, dans toute l'interview,
04:54 il y a peut-être des trucs qui sont un peu à moitié grossophobes,
04:56 parce que j'essaye de justifier des trucs de machin, de bidule.
04:58 C'est vraiment chiant parce que, sur les réseaux sociaux,
05:00 on peut croire que "Ah là là, la grossophobie, c'est genre un faux problème,
05:04 que justement, c'est juste, par exemple, les fringues, voilà,
05:08 c'est pas un vrai problème de pas trouver des fringues, etc."
05:10 Déjà, si, parce que sortir à poil, chiant.
05:13 Il faut des vêtements pour se vêtir, sinon c'est illégal.
05:16 Mais c'est surtout plein d'autres problèmes,
05:17 notamment le harcèlement, l'humiliation qu'on peut subir.
05:20 Et les conséquences, c'est des gens qui décèdent, en fait.
05:23 Il y a des gens qui sont mal diagnostiqués parce que les médecins ont un biais grossophobe.
05:27 Des enfants qui sont tellement harcelés à cause de leur poids.
05:30 Ça peut être super grave.
05:31 En fait, c'est un vrai problème de société qui dépasse même le cercle des gens gros.
05:35 Genre, évidemment que les gens gros, on le vit mal parce que la société est grossophobe.
05:39 Mais toutes les personnes minces qui, un jour, se sont regardées dans le miroir en disant
05:44 "Ah, je suis grosse."
05:44 En fait, c'est la grossophobie, elle vous atteint aussi, quoi.
05:47 Peut-être votre propre grossophobie, déconstruisez-la et essayez d'être gentille.
05:51 C'est tellement simple.
05:52 Pour tous mes gros et grossures qui vivent la grossophobie,
05:55 bah déjà, bon courage.
05:57 C'est chaud, je sais à quel point c'est chaud.
05:59 Franchement, le seul conseil que j'ai, c'est rembarrer les gens, franchement.
06:03 Rentrer leur dedans, intégrer bien que c'est pas de votre faute.
06:05 Vous n'êtes pas gros à cause de vous-même.
06:07 On arrête de culpabiliser, c'est pas ça qui se passe.
06:10 Et tous les gens qui vous font ressentir de la culpabilité,
06:13 qui font semblant d'être bienveillants, parce que c'est ça aussi la grossophobie.
06:16 Les gens ne s'inquiètent pas réellement pour ça, les gens portent un jugement.
06:19 Il faut arriver à leur dire "Laissez-moi tranquille."
06:23 Et les gens qui aient de grossophobie, qui ne pouvaient pas vous empêcher de faire des commentaires aux gens gros,
06:27 remettez-vous en question cinq secondes, parce que votre vie doit être un peu triste.
06:30 En plus de ça, vous rendez nos vies à nous encore plus tristes.
06:33 Enfin, c'est chiant, quoi. Genre arrêtons d'être tristes et soyons gentils.
06:35 Je pense qu'il faut vraiment réfléchir entre les conséquences réelles de la grosseur sur le corps
06:41 et les conséquences de la grossophobie sur le corps et sur la santé mentale.
06:44 L'anxiété a un très gros niveau quand on la subit quotidiennement depuis l'enfance.
06:48 Elle impacte énormément le corps, encore plus que les "Kilo en trop".
06:52 Et là, on va me dire "Mais Marie, tu es dans le déni, tu vas mourir de ta grosseur."
06:54 Peut-être, mais au moins, je suis heureuse.

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