◀︎ CONFÉRENCES - DÉBATS / UNIVERSITÉ POPULAIRE
UNIVERSITÉ POPULAIRE
LES ÉLÉMENTS DE L'ARCHITECTURE III, PAR RICHARD SCOFFIER
LES SAMEDIS 3 FÉVRIER, 2 MARS, 30 MARS, 27 AVRIL 2024
Quel est le lien entre le sol, le baldaquin, la colonne et les toilettes ? Chacun de ces éléments de l’architecture est étroitement associé à une question d’ordre philosophique. Ainsi le sol renvoie-t-il à la nature animale de l’être humain qui vit en osmose avec son milieu. Mais contrairement au loup ou au renard, l’homme ne se contente pas de borner son territoire de ses déjections : il l’aménage et le modifie parfois de fond en comble pour obtenir les surfaces plates et lisses nécessaires à son épanouissement. Le baldaquin ou le dais se glissent au-dessus des têtes de certaines personnes pour les protéger, mais surtout pour les placer dans un environnement à leur mesure. Tandis que la colonne émerge du sol et se dresse afin de figer dans le marbre le moment inaugural où l’être humain en lutte contre l’attraction terrestre se lève sur ses pattes arrière pour dominer le paysage. Quant aux toilettes, elles rendent compte d’un autre corps : un corps qui ne se dresse pas en gloire mais qui s’accroupit pour se connecter aux multiples canalisations ombilicales qui s’enfoncent dans le sol afin d’évacuer ses déjections...
COURS #1 : LE SOL
Samedi 3 février 2024 de 11h à 13h
COMPLET - inscription à la liste d'attente ici
Replongeons-nous dans la peinture italienne ou flamande des XVe et XVIe siècles où s’étendent des sols plats et tramés composant de vastes échiquiers sur lesquels peuvent indifféremment se jouer diverses scènes religieuses ou profanes : annonciation, vierge à l’enfant, crucifixion ou mariage, repas de noces... Comme si ces surfaces plates et quadrillées étaient la condition sine qua non de tous ces évènements fictifs ou réels qui accompagnent la vie humaine. Comme s’il fallait déforester, épierrer, aplanir pour parvenir à l’espace géométrisé qui correspond au véritable milieu humain.
Des sols tramés que nous retrouverons dans l’architecture du XXe siècle aussi bien dans la Große Strasse à Nuremberg - une avenue dallée aux dimensions comparables à celles des Champs-Élysées réalisée par Albert Speer en 1936, au milieu d’un parc, pour les parades et défilés militaires nazis - que dans les projets radicaux de Superstudio datant de l’après 68. Ou encore dans certaines réalisations contemporaines telles : le pont Simone Veil d’OMA à Bordeaux (2024) ; le réaménagement de la place de la République de TVK à Paris (2013) ou le Lieu de vie à Saclay dessiné par le Studio Muoto (2016)...
Des sols qui peuvent aussi se soulever pour former des socles habitables, comme la Maison Malaparte (1937) d’Adalberto Libera à Capri ou la Maison de l’Infini (2014) d’Alberto Campo Baeza à Tarifa. Se suspendre, comme au musée d’art moderne de Lina Bo Bardi à São Paulo (1968), ou se superposer, comme à la Casa Alta (1969) de Sergio Bernardes à Rio de Janeiro...
UNIVERSITÉ POPULAIRE
LES ÉLÉMENTS DE L'ARCHITECTURE III, PAR RICHARD SCOFFIER
LES SAMEDIS 3 FÉVRIER, 2 MARS, 30 MARS, 27 AVRIL 2024
Quel est le lien entre le sol, le baldaquin, la colonne et les toilettes ? Chacun de ces éléments de l’architecture est étroitement associé à une question d’ordre philosophique. Ainsi le sol renvoie-t-il à la nature animale de l’être humain qui vit en osmose avec son milieu. Mais contrairement au loup ou au renard, l’homme ne se contente pas de borner son territoire de ses déjections : il l’aménage et le modifie parfois de fond en comble pour obtenir les surfaces plates et lisses nécessaires à son épanouissement. Le baldaquin ou le dais se glissent au-dessus des têtes de certaines personnes pour les protéger, mais surtout pour les placer dans un environnement à leur mesure. Tandis que la colonne émerge du sol et se dresse afin de figer dans le marbre le moment inaugural où l’être humain en lutte contre l’attraction terrestre se lève sur ses pattes arrière pour dominer le paysage. Quant aux toilettes, elles rendent compte d’un autre corps : un corps qui ne se dresse pas en gloire mais qui s’accroupit pour se connecter aux multiples canalisations ombilicales qui s’enfoncent dans le sol afin d’évacuer ses déjections...
COURS #1 : LE SOL
Samedi 3 février 2024 de 11h à 13h
COMPLET - inscription à la liste d'attente ici
Replongeons-nous dans la peinture italienne ou flamande des XVe et XVIe siècles où s’étendent des sols plats et tramés composant de vastes échiquiers sur lesquels peuvent indifféremment se jouer diverses scènes religieuses ou profanes : annonciation, vierge à l’enfant, crucifixion ou mariage, repas de noces... Comme si ces surfaces plates et quadrillées étaient la condition sine qua non de tous ces évènements fictifs ou réels qui accompagnent la vie humaine. Comme s’il fallait déforester, épierrer, aplanir pour parvenir à l’espace géométrisé qui correspond au véritable milieu humain.
Des sols tramés que nous retrouverons dans l’architecture du XXe siècle aussi bien dans la Große Strasse à Nuremberg - une avenue dallée aux dimensions comparables à celles des Champs-Élysées réalisée par Albert Speer en 1936, au milieu d’un parc, pour les parades et défilés militaires nazis - que dans les projets radicaux de Superstudio datant de l’après 68. Ou encore dans certaines réalisations contemporaines telles : le pont Simone Veil d’OMA à Bordeaux (2024) ; le réaménagement de la place de la République de TVK à Paris (2013) ou le Lieu de vie à Saclay dessiné par le Studio Muoto (2016)...
Des sols qui peuvent aussi se soulever pour former des socles habitables, comme la Maison Malaparte (1937) d’Adalberto Libera à Capri ou la Maison de l’Infini (2014) d’Alberto Campo Baeza à Tarifa. Se suspendre, comme au musée d’art moderne de Lina Bo Bardi à São Paulo (1968), ou se superposer, comme à la Casa Alta (1969) de Sergio Bernardes à Rio de Janeiro...
Category
🦄
Art et designTranscription
00:00:00 Bonjour.
00:00:01 Nous allons continuer, cette année,
00:00:05 l'investigation des éléments d'architecture.
00:00:08 Comme vous le savez, c'est vraiment une liste,
00:00:12 un inventaire, la prévère.
00:00:15 A priori, ces éléments n'ont pas grand-chose à voir.
00:00:18 Mais justement, comme ils sont associés
00:00:21 à des éléments d'architecture,
00:00:23 ils sont associés à des éléments d'architecture
00:00:27 et, justement, comme ils sont associés dans un cours,
00:00:31 on va s'apercevoir qu'ils ont quand même entre eux des relations.
00:00:36 Donc on va voir d'abord le sol.
00:00:39 On pourrait se demander si c'est un élément de l'architecture,
00:00:43 puisque le sol, ça existe avant qu'on y mette un bâtiment.
00:00:49 Et même, justement, c'est sur un sol préexistant
00:00:52 qu'on pose, qu'on enfonce
00:00:56 des bâtiments.
00:00:58 Mais on va voir que pas du tout.
00:01:01 Le sol, ça peut être considéré
00:01:04 comme une architecture à part entière.
00:01:08 Et je pense qu'il y a déjà des architectes du sol.
00:01:11 C'est peut-être les gens qu'on va voir
00:01:14 ou découvrir aujourd'hui.
00:01:17 Ensuite, ça sera le baldacin.
00:01:19 Le baldacin, vous allez me dire,
00:01:21 "Mais putain, qu'est-ce que tu racontes ?
00:01:23 "Pourquoi t'as pris le baldacin ?
00:01:25 "Tu pouvais prendre le toit, c'est plus évident."
00:01:27 Justement, c'est mieux le baldacin,
00:01:30 parce que le toit, finalement, c'est juste un élément fonctionnel
00:01:34 qui sert à nous protéger des intempéries,
00:01:36 tandis que le baldacin, c'est autre chose.
00:01:39 Et surtout, avec la question du baldacin,
00:01:42 on va aborder à travers l'architecture
00:01:46 une question théologique, celle de l'intercession.
00:01:50 Pourquoi dans une religion,
00:01:52 il y a un intercesseur ?
00:01:56 Dans la religion chrétienne, pourquoi, effectivement,
00:01:59 on a dû mettre entre les hommes
00:02:02 et le Dieu terrible et tout-puissant
00:02:05 un autre élément, un intercesseur ?
00:02:08 Et ça va nous aider aussi à comprendre
00:02:10 que l'architecture, avant tout,
00:02:13 elle est intercession.
00:02:16 Parce que tout comme le Dieu,
00:02:19 il est trop terrible pour les hommes,
00:02:22 le ciel, il est trop terrible pour nous.
00:02:25 Et donc, il a besoin d'avoir un lieu tenant,
00:02:29 un tenant-lieu, un intercesseur
00:02:32 pour pouvoir nous protéger et non pas nous terrifier.
00:02:36 Ensuite, on va aborder la question de la colonne.
00:02:40 Et c'est vrai qu'avec la colonne,
00:02:42 on va bien comprendre, cette fois,
00:02:45 qu'il y a des rapports, disons,
00:02:48 des rapports intrinsèques,
00:02:51 entre l'humanité,
00:02:54 même l'anthropocentrisme et l'architecture.
00:02:58 C'est pour ça que c'est très compliqué aujourd'hui.
00:03:01 C'est pas impossible, bien sûr, mais c'est très compliqué.
00:03:03 En tout cas, quand on aborde, vous voyez,
00:03:05 une architecture, d'après la mort de l'homme,
00:03:09 il faut bien comprendre
00:03:11 qu'à la base, l'architecture, au contraire,
00:03:13 elle est totalement liée
00:03:16 à l'impérialisme humain.
00:03:18 Donc, nous allons revenir là-dessus.
00:03:21 Et puis, enfin, un autre élément,
00:03:24 celui-là, vraiment, vous allez me dire,
00:03:26 "Mais où t'es allé chercher ça ?"
00:03:28 C'est les toilettes, les WC.
00:03:31 C'est un truc, on n'y pense pas.
00:03:35 Et d'ailleurs, je pense qu'il y a très peu d'architectes
00:03:37 qui se posent la question, "C'est quoi des toilettes ?"
00:03:40 Mais c'est très important parce que, comme on l'a dit,
00:03:43 j'avais fait une discussion préalable
00:03:45 avec Marion Ouellet et puis Estelle Sébatier.
00:03:49 Et c'est vrai qu'Estelle Sébatier m'a dit,
00:03:51 "Mais c'est bien parce que, finalement,
00:03:53 "à la fin, là, vous revenez sur le sol
00:03:56 "avec cet élément."
00:03:57 C'est vrai que, voilà, les toilettes, en tout cas,
00:03:59 quand on va déféquer dans son WC tout blanc,
00:04:04 eh bien, on a un rapport essentiel au sol.
00:04:09 Et c'est ça que je vais essayer de développer cette année.
00:04:13 Le sol.
00:04:15 Bon, avant de commencer, je vais raconter une histoire.
00:04:18 C'est une histoire, je pense, qui n'a pas beaucoup de sens,
00:04:20 mais peut-être elle aura du sens à la fin du cours.
00:04:23 Ou pas à la fin du cours,
00:04:25 mais elle va nous accompagner pendant le cours.
00:04:27 C'est quand j'étais petit,
00:04:29 dans la maison de mon grand-père,
00:04:32 je ne sais pas, je faisais des trous,
00:04:35 je faisais des tas de trucs, et lui, il en avait assez.
00:04:37 Donc, il m'avait dit, "Bon, écoute,
00:04:38 "tu ne vas pas faire des trucs devant l'allée,
00:04:41 "devant la maison, dans l'allée.
00:04:42 "Tu vas faire des trucs..."
00:04:44 C'était dans le midi, donc la maison, elle était
00:04:48 en terrasse, voilà, donc la maison,
00:04:51 c'était une sorte de cube comme ça,
00:04:53 du début du 20e siècle, avec un toit pyramidal.
00:04:57 Et mon grand-père m'a dit,
00:05:00 "Voilà, tu ne vas pas faire des trucs dans l'allée,
00:05:03 "mais tu vas... Je te donne cette planche."
00:05:06 Parce que là-bas, les terrasses, on appelle ça des planches.
00:05:09 "Et là, tu fais ce que tu veux."
00:05:11 Bon, donc j'étais sur ma planche.
00:05:14 Bon, je n'allais pas tout traiter, parce qu'on n'était pas très grand,
00:05:17 à mon échelle, c'était assez important.
00:05:19 Je n'allais pas tout traiter,
00:05:20 et donc j'ai pris une petite parcelle de terre
00:05:23 qui était avec de l'herbe,
00:05:25 et puis j'ai voulu la rendre propre.
00:05:28 C'était mon obsession, il fallait que ce soit propre.
00:05:30 Là, il y avait des, je ne sais pas quoi,
00:05:32 des insectes, des tas de trucs, des vers,
00:05:35 je ne sais pas quoi.
00:05:36 Donc j'ai d'abord enlevé les pierres,
00:05:38 après j'ai commencé à faire la chasse aux insectes,
00:05:41 après j'ai enlevé toute l'herbe,
00:05:44 voilà, j'étais super content,
00:05:45 et après j'ai trouvé des marteaux dans la cave,
00:05:48 j'ai tout tapé pour aplanir,
00:05:50 et enfin je suis arrivé à avoir une surface
00:05:54 parfaitement horizontale,
00:05:55 et là, à un moment,
00:05:58 c'était, disons, le bonheur complet,
00:06:01 et puis, tout d'un coup, il n'y a plus un orage,
00:06:04 et il n'y avait que de la boue.
00:06:07 Le sol.
00:06:09 Voilà, le sol, c'est vrai que,
00:06:11 je vais commencer par le considérer,
00:06:13 comme, justement, une sorte de palimpseste,
00:06:16 une sorte de manteau d'harlequin,
00:06:20 avec des surfaces complètement différentes,
00:06:24 des surfaces plantées,
00:06:25 des surfaces, disons, de terre non traitée,
00:06:29 des surfaces planes,
00:06:31 et c'est vrai qu'on peut le considérer
00:06:34 comme un palimpseste,
00:06:37 parce qu'en plus, il y a toujours des couches,
00:06:39 le sol, c'est jamais une simple membrane,
00:06:42 c'est jamais une simple surface,
00:06:44 il y a toujours des strates,
00:06:46 il y a toujours des couches sous la couche,
00:06:48 et sous la couche, et sous la couche,
00:06:50 et donc, c'est comme ça que j'aimerais commencer le cours,
00:06:54 par cette idée de palimpseste,
00:06:56 essayer de découvrir,
00:06:58 des couches sous la couche.
00:07:02 Et je trouve que vraiment,
00:07:04 le bâtiment de lequel j'ai vu, j'ai compris ça,
00:07:08 d'abord qu'on pouvait faire de l'architecture
00:07:10 ou de la réhabilitation de bâtiments,
00:07:12 uniquement en traitant les sols,
00:07:14 mais aussi qu'on pouvait avoir des sols
00:07:17 très, très, très différents.
00:07:19 Il fallait se laisser aller,
00:07:21 tous les sols sont possibles, si vous voulez.
00:07:24 Bien sûr, il peut y avoir des sols parfaitement nets,
00:07:26 on va le voir,
00:07:27 mais il peut y avoir des sols
00:07:29 avec...
00:07:31 des sols recouverts de flaques d'eau,
00:07:33 de flaques de puits,
00:07:34 parce que sur ces sols recouverts de flaques d'eau,
00:07:37 de flaques de puits,
00:07:38 eh bien, tout d'un coup, on voit le ciel.
00:07:41 Donc, ça enrichit, donc,
00:07:44 complètement l'idée originelle
00:07:47 qu'on a du sol,
00:07:49 une matière totalement inerte.
00:07:52 Voilà, et ce projet, donc, c'est la Fonderie Barberi,
00:07:55 donc c'est une fonderie du XVIe siècle,
00:07:57 à Olot, en Espagne.
00:07:59 Donc, Olot, c'est une petite ville au-dessus de Barcelone,
00:08:02 mais c'est aussi une petite ville culturelle.
00:08:05 J'étais surpris à y aller,
00:08:06 parce qu'il y a une école d'art,
00:08:08 il y a eu beaucoup d'industrie textile,
00:08:11 et puis il en est resté beaucoup de design textile,
00:08:13 et puis la ville est très, très bien dessinée.
00:08:16 Et là, cette fonderie, en fait, elle était importante,
00:08:19 parce que, bien sûr, les fonderies, si vous voulez, en Espagne,
00:08:22 c'est lié à la reconquiste,
00:08:24 c'est-à-dire que, quand les chrétiens sont revenus,
00:08:28 ils ont construit des clochers,
00:08:31 ils ont construit des tours,
00:08:33 et sur ces tours,
00:08:35 pour se lutter contre les minarets,
00:08:40 et contre les musines,
00:08:41 ils ont mis des cloches, ils ont fondu des cloches.
00:08:44 Et donc, c'est une ancienne fonderie
00:08:46 dans laquelle se sont installés
00:08:48 des architectes de RCR en 2008,
00:08:51 ce sont des grands architectes espagnols
00:08:54 qui ont eu le prix de Scarprice,
00:08:56 donc c'est le prix Nobel d'architecture.
00:09:00 Là, vous voyez, c'est un plan, on n'y comprend rien,
00:09:03 en fait, c'est le plan en haut,
00:09:06 c'est le plan du premier étage,
00:09:10 en bas, c'est le plan du rez-de-chaussée,
00:09:12 mais enfin, on ne comprend pas,
00:09:14 parce qu'ils travaillent comme ça,
00:09:16 d'une manière très...
00:09:18 Ils ont toujours inspiré par Soulages, le peintre,
00:09:22 d'ailleurs, c'est eux qui ont fait le musée Soulages,
00:09:26 en France, dans le sud-ouest de la France,
00:09:32 et c'est vrai qu'ils ont beaucoup regardé ce peintre,
00:09:35 parce que chez Soulages, il y a le même...
00:09:37 Il y a un travail avec la peinture
00:09:39 comme une matière tellurique,
00:09:41 c'est comme de la terre ou des excréments
00:09:44 qu'on étale sur une toile,
00:09:47 et donc, chez eux, il y a ça,
00:09:51 on va voir aussi, effectivement,
00:09:53 la relation entre le sol, le marquage au sol,
00:09:57 et puis l'animalité,
00:10:00 et chez eux, il y a ça,
00:10:01 une architecture de sol,
00:10:03 et quand on prend une feuille de papier,
00:10:05 qu'on va voir qui est aussi peut-être un substitut du sol,
00:10:08 on étale une matière sombre,
00:10:11 et puis on détermine les espaces.
00:10:14 Alors, vous voyez, à droite,
00:10:17 ce sont les bâtiments qui sont sur la rue,
00:10:20 le bâtiment le plus clair, en haut, à gauche,
00:10:22 c'est un gigantesque entrepôt,
00:10:24 où on fondait les cloches,
00:10:26 et puis, ensuite, en bas, à gauche,
00:10:29 ce qui est marqué "E" dessus,
00:10:30 c'est un petit pavillon, on va le voir tout à l'heure,
00:10:32 c'est le pavillon, je crois, il s'appelle ça,
00:10:34 le pavillon de la pensée,
00:10:36 mais qui est extrêmement intéressant,
00:10:38 percutant, questionnant.
00:10:40 Voilà, c'est quand on rentre,
00:10:42 qu'est-ce qu'on voit ?
00:10:44 On voit plusieurs états du sol,
00:10:46 on le voit, on voit des bordures en pierre,
00:10:49 et on voit des cloches, bien sûr,
00:10:51 puisque c'était une ancienne fonderie,
00:10:53 on voit des feuilles mortes
00:10:55 qui se sont déposées sur ce sol
00:10:58 et qui n'ont pas été retirées,
00:10:59 et donc, tout de suite, on est placé
00:11:01 dans cette question du sol,
00:11:03 du sol comme d'une superposition de couches,
00:11:08 il y a des couches et des couches.
00:11:10 Ça, c'est l'entrée,
00:11:12 ça, c'est la fonderie.
00:11:14 J'ai pris que le sol de la fonderie,
00:11:16 parce qu'il y a un sol qui est en béton,
00:11:18 après, il y a un cheminement
00:11:20 avec des plaques d'acier,
00:11:23 on le voit à droite,
00:11:25 et puis, au fond,
00:11:27 on voit des grands trous,
00:11:29 comme la ditoine du temple de Delphes,
00:11:32 c'est l'endroit où ont coulé les cloches,
00:11:37 puisque seule la terre,
00:11:39 et son inertie,
00:11:41 étaient capables d'absorber
00:11:43 la chaleur du bronze en fusion.
00:11:47 Voilà, c'est l'autre côté de cette fonderie.
00:11:54 Donc là, vous voyez,
00:11:56 remplie de gravats,
00:11:58 toujours les plaques d'acier qui marquent un cheminement,
00:12:01 et puis un rideau d'acier,
00:12:03 de lames d'acier qui réfléchissent
00:12:05 la lumière zénithale
00:12:07 et la diffusent dans l'espace.
00:12:10 Et aussi, c'est un endroit, si vous voulez,
00:12:12 où ils font des workshops,
00:12:14 ils invitent des jeunes architectes
00:12:16 du monde entier pour travailler,
00:12:18 donc c'est une sorte de gigantesque atelier.
00:12:20 Mais tout de suite, on est mis dans l'ambiance,
00:12:23 on est mis dans une mosaïque de sols différents.
00:12:28 Et ça, c'est le pavillon dont je vous parlais,
00:12:31 c'est le pavillon de la pensée.
00:12:33 C'est une boîte de verre, vous voyez.
00:12:35 Il y a des plantes grimpantes le long du mur.
00:12:39 C'était au mois de novembre,
00:12:41 donc il n'y avait plus de feuilles vertes,
00:12:46 il n'y a plus de végétation perceptible.
00:12:49 Mais ce qui est trop génial, si vous voulez,
00:12:51 c'est qu'on ne voit plus la vigne ou le lierre
00:12:54 qui montent le long du mur.
00:12:56 Par contre, les feuilles sont tombées
00:12:58 et surtout, on ne les a pas enlevées.
00:13:01 Même sur la table, vous voyez.
00:13:04 Et pourquoi on ne l'a pas enlevée sur la table ?
00:13:07 Parce que la table,
00:13:09 quelque part, elle naît du sol.
00:13:13 C'est une enfant du sol.
00:13:16 Nous, c'est vrai, en Occident,
00:13:18 on est toujours sur des tables.
00:13:20 On mange sur une table.
00:13:22 Alors que, par exemple, en Orient,
00:13:24 par exemple, à Niran, je me rappelle,
00:13:26 j'étais allé visiter une petite ville
00:13:28 qui s'appelle Marsoulier.
00:13:29 Un mec m'avait accompagné en bagnole
00:13:31 et ce type, on est allé manger au restaurant
00:13:33 et il m'avait dit que, voilà,
00:13:35 lui, il ne pouvait pas manger sur une table.
00:13:38 C'était absolument impensable.
00:13:40 Il fallait qu'il soit assis sur un tapis,
00:13:42 mais sur le sol.
00:13:43 Il fallait qu'il ait ce contact avec le sol.
00:13:46 Alors que moi, je n'arrivais pas à manger
00:13:47 parce que je ne pouvais pas supporter
00:13:48 de manger à moitié assis.
00:13:50 J'ai du mal à me plier, etc.
00:13:52 Donc, voilà, vous voyez,
00:13:54 il y a des choses qu'il ne faut pas oublier.
00:13:58 La table, ça vient du sol.
00:14:00 C'est un sol qui se soulève.
00:14:02 Vous voyez d'ailleurs, cette table,
00:14:04 elle disparaît dans le sol.
00:14:06 Ce petit pavillon,
00:14:08 il fait la généalogie de la table.
00:14:10 Vous voyez, parce qu'en fait,
00:14:11 c'est une plaque d'acier,
00:14:13 comme le revêtement du sol
00:14:16 de cette petite salle de réunion,
00:14:20 cette petite salle de...
00:14:22 Qu'on appelle ça...
00:14:24 Il y a des écrans
00:14:26 parce que c'est là où on fait des visioconférences.
00:14:28 Cette petite salle de visioconférences,
00:14:30 elle marque quelque part,
00:14:32 elle fait la genèse de la table
00:14:35 et elle explique comment, à l'origine,
00:14:38 on ne s'appelait plus quel Dieu,
00:14:40 il a fait sortir la table du sol.
00:14:44 Et il nous a différenciés, nous, les Occidentaux,
00:14:47 les Orientaux,
00:14:48 ceux qui dorment par terre, comme les Japonais,
00:14:51 et ceux qui mangent allongés
00:14:53 sur des tapis, comme les Perses.
00:14:56 Autre exemple, c'est tout à fait différent.
00:15:00 C'est juste un petit insert.
00:15:02 C'est la poussada de Santa Maria de Bourreau.
00:15:07 C'est un moulin de serre du XIIe siècle
00:15:10 qui a été restauré
00:15:12 par le grand architecte portugais Soto de Moura.
00:15:16 Et là, j'étais vraiment sidéré, si vous voulez,
00:15:18 parce que, voyez le sol, pareil,
00:15:20 c'est un sol d'allée,
00:15:22 mais il est complètement recouvert de mousse.
00:15:24 Et surtout, il y a des orangés
00:15:27 et les oranges sont tombées par terre
00:15:29 et personne ne les a ramassées.
00:15:34 Pour justement marquer cette superposition,
00:15:38 cette superposition de couches,
00:15:41 ce palimpseste permanent,
00:15:44 ce palimpseste en gestation permanente.
00:15:47 Mais revenons chez RCR.
00:15:49 On a vu les salles du rez-de-chaussée.
00:15:51 Et puis là, quand on monte à l'étage,
00:15:54 on ne le voit pas trop,
00:15:56 mais le sol, c'est en béton ciré.
00:15:59 Bien sûr, absolument pas question
00:16:01 de venir en talons hauts
00:16:03 ou en basket dans cet espace-là,
00:16:06 parce que la moindre semelle de caoutchouc,
00:16:11 le moindre talon, il marquerait complètement ce sol
00:16:14 qui doit rester immaculé.
00:16:16 Parce que là, justement, c'est un sol, disons,
00:16:19 qui est civilisé, qui est humanisé,
00:16:21 dans lequel on se détend
00:16:24 pour passer à un travail intellectuel.
00:16:28 Et donc, c'est un espace qui est complètement différent
00:16:31 que celui du rez-de-chaussée.
00:16:33 Bien sûr, il y a une influence japonaise.
00:16:36 D'ailleurs, ils ne s'en cachent pas.
00:16:38 Mais c'est aussi un petit peu la condition
00:16:40 de l'architecte d'aujourd'hui, justement.
00:16:43 C'est terrible à dire,
00:16:46 même s'ils sont inscrits complètement dans un site.
00:16:50 Ils ne sont pas dans une grande ville.
00:16:53 Ils ne sont pas à Barcelone, à Paris, à Madrid.
00:16:56 Ils sont à Olotte, la petite ville dont j'ai parlé.
00:16:59 Donc, ils sont vraiment inscrits dans un territoire.
00:17:02 Mais malgré tout, leur pensée, quelque part,
00:17:05 elle est totalement globale, mondialisée.
00:17:09 Parce qu'effectivement, il y a autant de références...
00:17:12 Il peut y avoir autant de références au Japon,
00:17:15 un pays qu'ils ont visité, qu'ils ont analysé,
00:17:19 qu'il peut y avoir de références
00:17:21 à l'architecture vernaculaire, traditionnelle
00:17:25 de cette région des Pyrénées espagnoles,
00:17:29 cette région de volcans.
00:17:31 Autre exemple, toujours de RCR,
00:17:34 c'est la maison Horizon.
00:17:36 C'est pareil. Pour entrer là-dedans,
00:17:38 il faut se déchausser.
00:17:40 Impossible d'y aller avec des chaussures
00:17:43 parce qu'on ne peut pas marquer.
00:17:45 Vous voyez, c'est ça qui est fou.
00:17:47 C'est de l'acier. OK.
00:17:49 Tu peux faire ce que tu veux.
00:17:51 Ça durera des années.
00:17:53 C'est pas comme la brique ou la terre cuite ou le parquet.
00:17:57 C'est de l'acier.
00:17:59 Mais en même temps, il est fragile parce qu'il peut se salir.
00:18:03 Donc, si tu veux rentrer,
00:18:05 tu es obligé de te déchausser.
00:18:08 Et pourtant, c'est un sol en acier.
00:18:10 OK, un acier ciré. Tout est en acier.
00:18:13 La structure, le plafond, tout est en acier.
00:18:16 Par contre, on voit que les sols sont différenciés.
00:18:20 L'âtre de la cheminée,
00:18:23 il est vraiment au niveau de la plaque d'acier.
00:18:26 On voit le bois qui a plus ou moins brûlé,
00:18:29 qui est vraiment au niveau du sol.
00:18:31 Rien ne le sépare par un emmarchement
00:18:34 ou une quelconque différence de niveau
00:18:37 du sol qui est foulé par les occupants du bâtiment.
00:18:41 Et ensuite, on voit à droite
00:18:46 la terrasse qui s'ouvre.
00:18:48 Cette terrasse s'ouvre sur un plan d'eau.
00:18:51 Le plan d'eau arrive pratiquement au niveau du sol.
00:18:55 Il n'y a pas de menuiserie.
00:18:57 C'est une chose qui permet justement
00:19:02 de montrer que ce n'est pas une architecture de façade,
00:19:05 mais c'est vraiment une architecture de sol.
00:19:08 Et là, vous avez une grande rainure
00:19:11 un peu à droite, sur le sol et au plafond.
00:19:15 Cette grande rainure permet un mur de verre,
00:19:19 une épaisse paroi de verre, de coulisser,
00:19:23 de rentrer ensuite dans le mur en acier du couloir,
00:19:27 mais sans aucune menuiserie.
00:19:29 C'est vraiment un diaphragme
00:19:31 pour que tout soit bien dit.
00:19:33 Ce qui est important, c'est le sol.
00:19:37 C'est déterminer un sol.
00:19:39 Un sol où on peut s'asseoir, parce qu'il est parfaitement propre.
00:19:42 Il n'est pas souillé par des chaussures
00:19:44 qui ramèneraient de la poussière de l'extérieur.
00:19:46 Tout est fait pour préserver ce sol.
00:19:51 Et surtout, il n'y a pas de cloison, il n'y a pas de mur.
00:19:56 C'est vrai qu'il y a des retraisissements avec le couloir,
00:19:58 mais toutes les pièces sont totalement ouvertes
00:20:02 au sud, à droite, comme au nord, à gauche.
00:20:07 Voilà.
00:20:08 C'est le plan d'eau qui s'ouvre complètement,
00:20:12 qui creuse complètement le paysage.
00:20:15 C'est le principe.
00:20:16 C'est vraiment avoir...
00:20:17 Vous voyez, toutes les barres, ça correspond à des pièces.
00:20:20 À droite, c'est des chambres des enfants.
00:20:23 À gauche, c'est la chambre des parents.
00:20:26 Et puis, au centre, c'est les autres pièces,
00:20:29 le séjour, la cuisine et la salle à manger.
00:20:35 Et là, c'est le plan.
00:20:36 Le plan, c'est ça qui est intéressant.
00:20:37 C'est que ce n'est pas uniquement la maison.
00:20:41 C'est la maison et l'extérieur.
00:20:43 C'est aussi la piscine,
00:20:45 c'est aussi le traitement des espaces extérieurs.
00:20:48 Parce qu'en fait, ce bâtiment,
00:20:50 il se situe entre les champs et un potager,
00:20:54 sur un dénivelé.
00:20:56 Il vient s'encastrer dans le dénivelé
00:20:59 et il assure la couture, si vous voulez,
00:21:02 entre les deux plateaux,
00:21:04 qui sont aussi des sols totalement différents,
00:21:06 puisque dans le champ, bien sûr, il y a du blé.
00:21:08 Et puis, dans le potager,
00:21:10 il y a des légumes et puis des animaux.
00:21:14 Et puis, à l'articulation,
00:21:16 profitant, colonisant ces sols fertiles,
00:21:21 l'habitation.
00:21:25 C'est la coupe, on voit le dénivelé.
00:21:27 On ne voit pas très bien, je sais bien, mais ce n'est pas grave.
00:21:30 Celle du bas, regardez-la bien,
00:21:32 parce qu'on voit au milieu le couloir.
00:21:35 Et puis, en dessous, c'est la chambre des enfants,
00:21:37 puisque le couloir traverse la chambre des enfants.
00:21:40 Là encore, c'est pareil,
00:21:42 c'est une maison où il n'y a pratiquement pas de fermeture.
00:21:45 Là, je crois qu'il y a une fermeture pour les toilettes.
00:21:49 Mais j'ai visité, j'aurais pu la montrer aussi,
00:21:51 une maison qu'ils ont faite aussi,
00:21:53 où il n'y a même pas de porte pour les toilettes.
00:21:56 Il n'y a que des plateaux comme ça.
00:21:58 Et il n'y a aucune séparation,
00:22:01 il n'y a aucune cloison
00:22:03 et il n'y a aucune porte, si ce n'est la porte d'entrée.
00:22:07 Voilà, c'est la construction.
00:22:09 Pour ceux qui le connaissent,
00:22:11 ils vont reconnaître le musée...
00:22:15 Merde.
00:22:18 Le musée...
00:22:22 Le musée Soulages, dans le sud de la France,
00:22:25 parce qu'il a exactement la même position dans le paysage.
00:22:29 Et là, vous voyez, c'est un bâtiment
00:22:32 qui fait l'articulation entre deux types de sols.
00:22:36 Et ce bâtiment, c'est avant tout des sols.
00:22:39 Ça, c'est l'évier.
00:22:41 Le robinet n'est pas sur l'évier,
00:22:43 mais on le voit, c'est le petit machin qui est dans le plafond.
00:22:47 Ça, c'est l'évier de la salle de bain de la chambre des parents.
00:22:50 C'est pareil, l'évier, c'est un plan d'eau qui est superposé.
00:22:54 Quelque part, c'est pareil.
00:22:56 Quand on est devant son lavabo le matin,
00:23:00 qu'on se regarde dans la glace et qu'on pense être président,
00:23:03 il faut surtout penser que l'évier, finalement,
00:23:06 c'est quelque chose qui est soulevé du sol.
00:23:09 Comme l'endroit où boivent les animaux.
00:23:13 C'est un truc qui est soulevé du sol.
00:23:17 C'est le couloir dont je parlais.
00:23:19 C'est un couloir qui est ajouré et qui permet aux parents...
00:23:22 Il y a un côté totalement carcéral, il faut bien le dire.
00:23:26 C'est le couloir des parents.
00:23:29 Les parents peuvent voir et entendre,
00:23:31 parce qu'il n'y a pas de vitrage,
00:23:33 ce que font les enfants.
00:23:35 Ça, c'est la chambre des enfants.
00:23:37 C'est vraiment une cellule.
00:23:39 Au fond, c'est le bureau.
00:23:41 Là, la grande verticale à gauche,
00:23:44 c'est l'escalier qui permet de rejoindre le couloir.
00:23:47 Et les marches devant le bureau, en lévitation,
00:23:50 en fait, c'est le lit.
00:23:52 Le lit est dans le sol.
00:23:54 Il n'est pas indépendant.
00:23:56 Ce n'est pas un meuble qui est posé sur le sol.
00:23:59 Non, pas du tout. C'est pas ça.
00:24:01 C'est le sol qu'on tire.
00:24:03 Tu tires le sol et tu peux te coucher dedans,
00:24:06 dans le sol.
00:24:08 Quand j'y suis allé, ça ne marchait pas très bien.
00:24:11 Ils n'ont pas été capables de l'ouvrir.
00:24:14 Autre exemple, toujours de RCR,
00:24:17 c'est une villa, une ferme.
00:24:20 Villa, c'est avec un seul "L".
00:24:22 Ça s'appelle "La Villa".
00:24:24 C'est une ferme qu'ils ont rachetée récemment,
00:24:27 pas très loin de Lotte.
00:24:30 Ils ne savent pas trop ce qu'ils vont faire.
00:24:33 C'est ça qui est fabuleux chez eux.
00:24:36 Ils ont beaucoup de projets,
00:24:38 mais surtout des projets associatifs,
00:24:41 des projets culturels.
00:24:43 C'est une agence d'architecture qui parvient
00:24:46 à remédier un petit peu à la faiblesse des pouvoirs publics,
00:24:50 parce qu'il n'y a pas grand-chose à Lotte.
00:24:52 Et c'est vrai qu'ils arrivent au moins tous les ans,
00:24:55 même plusieurs fois par an...
00:24:57 En tout cas, pour l'instant, tous les ans,
00:24:59 dans leur atelier, à faire venir des architectes du monde entier,
00:25:02 parce qu'il y a des étudiants, mais aussi des architectes.
00:25:05 Et là, ils veulent encore changer d'échelle complètement
00:25:08 et puis avoir des séminaires,
00:25:11 faire venir des gens
00:25:15 du monde entier.
00:25:17 La démarche, on pourrait la résumer à ça.
00:25:20 On fait des sols et après, on amène la foule.
00:25:24 Donc là, ça, c'est le bâtiment.
00:25:27 Et surtout, déjà, ça, c'est une ferme
00:25:30 dont il y a plusieurs dépendances.
00:25:32 Il y a une grange.
00:25:33 Et surtout, il y a des sols qui ont été traités
00:25:35 comme ce magnifique sol circulaire, pavé,
00:25:39 qui servait... Je ne sais pas comment ça s'appelle exactement,
00:25:42 quand on ramasse la récolte, tout ça,
00:25:44 quand on enlève les grains du blé, etc.
00:25:48 Donc, ça servait à ça.
00:25:50 Et ça, c'est les interventions qu'ils ont faites.
00:25:52 Mais les interventions qu'ils ont faites, elles sont très minimes.
00:25:55 C'est, par exemple, avant qu'ils achètent cette ferme,
00:25:59 elle appartenait à un mec, il voulait faire une piscine.
00:26:01 Ils lui ont dit, non, tu ne vas pas faire une piscine.
00:26:03 En tout cas, si tu fais une piscine, tu vas faire un truc comme ça,
00:26:05 c'est-à-dire, vous voyez, une sorte de bassin
00:26:08 qui est plus là pour capter les yeux du ciel
00:26:10 et puis mettre en scène le corps de ferme,
00:26:13 plutôt que simplement barboter dans l'eau avec sa bouée.
00:26:18 Voilà, ça, c'est la fourrée autour,
00:26:21 avec une intervention artistique qu'ils ont faite eux-mêmes.
00:26:24 C'était un projet qu'ils avaient présenté, je crois, en 2018 à Venise.
00:26:28 Moi, à Venise, j'avais trouvé ça complètement nul.
00:26:30 Et là, c'est absolument incandescent,
00:26:32 parce qu'on a vraiment l'impression que...
00:26:34 Vous voyez, c'est comme la rosée ou la buée ou le brouillard,
00:26:37 quand on a l'impression qu'il sort du sol.
00:26:40 Et là, c'est exactement la même chose.
00:26:42 C'est complètement sidérant.
00:26:44 Et pourtant, c'est des disques de plastique,
00:26:46 comme des DVD, vous voyez.
00:26:48 Mais l'effet est totalement sidérant.
00:26:53 Voilà, pour terminer cette séquence,
00:26:56 des images des films de Tarkovski,
00:26:59 parce que, putain, s'il y a des architectes
00:27:02 qui rentrent en correspondance avec l'univers de Tarkovski,
00:27:06 c'est eux, c'est clair.
00:27:08 C'est Stalker, voilà.
00:27:10 Comme je disais tout à l'heure, il y a des pierres,
00:27:12 il y a de l'herbe, il y a de l'eau qui réfléchit le ciel.
00:27:16 C'est pareil, encore, il y a des caillemottis métalliques.
00:27:19 Vous voyez, le sol, comme ça, est composé de plusieurs couches.
00:27:22 Il y a de la boue, comme dans mon jardin.
00:27:24 Il y a aussi une flaque d'eau, encore,
00:27:27 qui réfléchit la lumière.
00:27:29 Et là, encore, c'est des rails au-dessus de l'eau.
00:27:34 Ou là, encore pareil, notre autre film,
00:27:37 Henri Roubleff, la fonderie de cloches.
00:27:40 C'est la séquence la plus sidérante de ce film,
00:27:42 l'une des plus belles séquences de cinéma.
00:27:44 Ou là, encore, pareil, encore un truc pas possible,
00:27:47 c'est l'enfance d'Ivan, vous voyez,
00:27:49 pour envoyer aux oranges et aux feuilles mortes
00:27:52 qui étaient jetées sur le sol.
00:27:54 Ça, c'est une image complètement surréaliste.
00:27:56 C'est le rêve d'Ivan.
00:27:58 C'est un enfant soldat qui lutte contre les nazis.
00:28:02 Et il y a ce rêve.
00:28:05 De toute façon, dans le film, c'est pareil, c'est que des sols.
00:28:08 Il est toujours dans la boue, en train de ramper,
00:28:10 d'échapper au regard des autres.
00:28:12 Et là, son rêve, c'est un sol sans boue,
00:28:15 avec des pommes et des chevaux qui mangent des pommes.
00:28:19 Théménos, voilà.
00:28:23 Le Théménos, si vous voulez, c'est un truc...
00:28:28 C'est l'espace sacré, vous voyez,
00:28:33 dans l'Antiquité.
00:28:35 Le mot est grec.
00:28:37 Justement, c'est simplement...
00:28:39 C'est découper une parcelle d'espace,
00:28:41 ce que j'avais fait dans mon jardin,
00:28:43 découper une parcelle d'espace et dire que, putain, là,
00:28:46 c'est sacré.
00:28:48 Tu ne peux pas rentrer comme tu veux.
00:28:50 C'est un espace réservé, un espace sacré.
00:28:53 C'est un espace plutôt horizontal, plutôt plat,
00:28:56 dans lequel on pose des éléments pour les cultes.
00:28:59 Donc, des hôtels.
00:29:02 Mais aussi, si vous voulez, c'est ça qui est assez fascinant,
00:29:05 c'est le degré zéro de l'espace sacré
00:29:09 qu'a appris à donner le temple grec.
00:29:11 D'ailleurs, le temple grec, même temple homme en latin,
00:29:15 c'est la même racine que Théménos.
00:29:17 C'est la même chose.
00:29:19 Ça vient de découper un espace,
00:29:21 de séparer un espace,
00:29:23 séparer un espace du reste.
00:29:25 Et en plus, dans ce Théménos,
00:29:28 à l'origine, avant qu'on mette des dieux,
00:29:31 avant qu'on les dédie, je ne sais pas à qui, à Zeus,
00:29:35 à Hera, à Athéna,
00:29:37 ils étaient dédiés à un dieu,
00:29:42 un dieu du sol, Trophinios.
00:29:44 L'espace existait au lui-même.
00:29:47 C'était un sol découpé
00:29:49 et il était dédié au dieu du sol,
00:29:52 Trophinios.
00:29:54 Et qu'est-ce qu'ils faisaient, les prêtres de ce dieu du sol ?
00:29:58 Ils s'allongeaient par terre,
00:30:00 souvent près d'un trou qui mettait en relation
00:30:03 cet espace sacré avec les entrailles de la terre
00:30:08 et ils incubaient,
00:30:10 ils incubaient toutes les vibrations de la terre
00:30:14 pour trouver la parole prophétique.
00:30:19 Voilà un prêtre de Trophinios dans Paris.
00:30:27 Autre exemple, la villa Malaparte,
00:30:31 elle aussi un telénos.
00:30:36 C'est un simple espace plein, un simple espace préservé,
00:30:41 un simple espace horizontal qui est posé comme ça
00:30:45 sur les paysages,
00:30:47 sur des montagnes très acérées.
00:30:52 Ce bâtiment est d'autant plus fascinant,
00:30:54 si vous voulez Capri, c'est vraiment une île,
00:30:56 déjà la forme de la ville, l'île.
00:30:58 Je pense qu'on devrait peut-être faire des recherches,
00:31:01 mais uniquement sur les formes du paysage,
00:31:03 parce que c'est vrai qu'il y a des paysages
00:31:06 qui semblent prédestinés.
00:31:08 Par exemple, la Priène en Grèce,
00:31:10 pas en Grèce, mais en Turquie,
00:31:13 la fondation grecque,
00:31:15 c'est sûr que la ville ne pouvait être que là, par ailleurs.
00:31:19 Bien sûr, il y avait la mer pas loin,
00:31:22 mais surtout à cause de la forme du paysage
00:31:25 et du rocher qui dominait la ville.
00:31:27 Là, c'est pareil, à Capri, l'île est comme ça,
00:31:31 elle est sidérante, quand on la voit une fois,
00:31:34 on ne l'oublie pas.
00:31:35 Dans cette île, c'est vrai qu'il y avait
00:31:37 des tas de cultes de la terre,
00:31:39 des divinités beaucoup plus anciennes
00:31:41 que les divinités grecques ou les divinités romaines.
00:31:45 On ne peut pas voir, disons,
00:31:49 cette maison hors de ce contexte.
00:31:53 Un simple plateau
00:31:56 qui attend son autel
00:31:59 pour le sacrifice.
00:32:02 Un escalier qui monte.
00:32:05 L'escalier n'a rien d'un escalier de service
00:32:08 qu'on emprunte pour monter à une terrasse.
00:32:10 C'est vraiment un escalier totalement monumental.
00:32:14 La monumentalité, c'est vrai qu'elle est parfaitement gérée,
00:32:18 parfaitement réglée, parce qu'effectivement,
00:32:20 comme c'est une forme trapezoidale,
00:32:23 on commence à l'échelle domestique
00:32:25 et quand on arrive en haut, là, oui, on arrive.
00:32:28 Donc, à l'échelle monumentale.
00:32:30 Et c'est vrai que cet escalier,
00:32:32 il fait la transition entre l'espace laïc
00:32:36 et l'espace sacré.
00:32:40 Voilà l'escalier.
00:32:42 Il commence doucement
00:32:44 et on finit ensuite face à la mer.
00:32:48 Sur une horizontale.
00:32:50 C'est peut-être le thème que je développerai tout à l'heure.
00:32:53 Parce que c'est vrai que...
00:32:55 Comme je parlais de la table, si vous voulez,
00:32:57 c'est l'horizontale qui nous permet de faire des choses.
00:33:01 On ne peut pas vivre dans la pente.
00:33:04 Ce n'est pas vrai.
00:33:05 Excuse-moi, Paul Virilio, ce n'est pas vrai.
00:33:07 Il faut une horizontale
00:33:10 pour pouvoir se poser,
00:33:12 pour pouvoir poser une table,
00:33:14 pour pouvoir vivre,
00:33:16 pour pouvoir recevoir des gens,
00:33:18 pour pouvoir parler,
00:33:19 pour pouvoir se mettre en scène.
00:33:21 Et là, vous voyez, toute cette dramaturgie,
00:33:23 elle surgit ici,
00:33:26 dans un paysage de rochers acérés.
00:33:31 Voilà un plateau, un plan libre
00:33:34 avec Brigitte Bardot.
00:33:37 Autre exemple,
00:33:39 c'est un mec qui a beaucoup regardé
00:33:42 la maison Malaparte,
00:33:45 de Libéra à Capri.
00:33:47 C'est l'architecte espagnol
00:33:53 Alberto Campobézar.
00:33:56 C'est vrai qu'il a fait...
00:33:59 C'est presque plus fort finalement,
00:34:01 parce que lui, c'est un simple plateau,
00:34:05 il y a aussi des éléments,
00:34:07 un peu comme l'élément qui cache
00:34:10 dans la maison Malaparte.
00:34:12 C'est un peu la même chose.
00:34:13 Mais simplement, ce qui est plus fort ici,
00:34:15 je trouve, c'est que l'escalier,
00:34:17 il permet d'entrer ensuite dans la maison.
00:34:19 Et ce qu'on comprend, c'est que le sol,
00:34:22 c'est un espace servant, si vous voulez.
00:34:24 C'est-à-dire qu'on ne monte pas de la maison
00:34:27 à la terrasse.
00:34:28 La terrasse, ce n'est pas un attribut de la maison,
00:34:31 mais c'est la maison qui devient subordonnée
00:34:34 à la terrasse, si vous voulez.
00:34:35 Parce qu'on peut vivre complètement
00:34:37 sur la terrasse,
00:34:38 simplement quand il pleut,
00:34:40 on descend ensuite, se réfugier dans la maison.
00:34:44 D'ailleurs, comme il me l'a dit,
00:34:45 moi je fais des maisons comme des bateaux.
00:34:48 Et sur cette maison, on vit,
00:34:51 on est comme sur le pont d'un bateau.
00:34:54 Donc, c'est l'idée vraiment de sol servant.
00:34:58 On habite dans l'horizon,
00:35:00 on habite face à la mer.
00:35:02 Enfin, face à la mer,
00:35:03 je crois que ça va être très bien l'hiver,
00:35:04 mais l'été, avec les touristes,
00:35:06 ce n'est pas tout à fait la même chose.
00:35:08 Et avec les immigrés,
00:35:09 parce que là, on est très proche de l'Afrique.
00:35:12 C'est le point le plus proche
00:35:15 de l'Europe et de l'Afrique.
00:35:17 Donc, il y a constamment des flux et des flux.
00:35:20 Mais voilà, l'idée, c'est vraiment
00:35:22 d'avoir un grand espace ouvert,
00:35:27 ouvert sur la mer.
00:35:29 Quelque part aussi, peut-être que,
00:35:30 ce qui est fou quand on regarde l'image,
00:35:32 peut-être que l'horizon, l'horizon de Marins,
00:35:34 il ne serait pas l'horizon de Marins sans la maison.
00:35:36 Il est permis.
00:35:37 C'est elle qui le cadre,
00:35:39 c'est elle qui nous permet de le voir.
00:35:44 C'est d'ailleurs pour ça qu'elle s'appelle
00:35:46 la maison horizon.
00:35:47 Donc, elle est creusée.
00:35:49 C'est un petit amphithéâtre, là,
00:35:51 où on peut s'asseoir pour discuter
00:35:53 ou pour faire tout ce qu'on veut,
00:35:56 des petites représentations.
00:35:57 J'en sais rien.
00:35:58 Il y a un bassin, une piscine.
00:36:00 Et puis, il y a l'escalier qui descend.
00:36:03 Voilà, Starifa,
00:36:05 le point d'Espagne et d'Europe,
00:36:09 le plus proche de l'Afrique.
00:36:12 Et donc, un espace complètement ouvert.
00:36:16 Et la maison, quelque part, elle répète,
00:36:18 mais aussi, elle permet à cet espace
00:36:21 complètement ouvert d'être compris,
00:36:23 d'être vu, d'exister, d'être vécu.
00:36:27 Voilà, c'est une construction en béton
00:36:31 et après, complètement recouverte de pierres, de marbre.
00:36:35 Parce que pas très loin,
00:36:36 il y a aussi une fondation,
00:36:38 une ancienne, une ville romaine.
00:36:40 C'est le même marbre qui a été récupéré.
00:36:43 Et vous voyez comment la maison,
00:36:45 donc, vient épouser le sol.
00:36:48 L'escalier, quelque part,
00:36:51 que je vous ai montré tout à l'heure,
00:36:52 il correspond à la pente.
00:36:55 Et puis, ensuite, les espaces de vie.
00:36:59 Donc, au premier étage,
00:37:00 c'est les espaces de séjour, la cuisine,
00:37:03 un grand atrium éclairé par la petite lumière zénitale.
00:37:07 Et puis, au rez-de-chaussée,
00:37:11 directement ouvert sur la plage,
00:37:13 c'est les chambres,
00:37:14 qui s'organisent d'une manière un peu monacale.
00:37:18 Il y a une sorte de cloître
00:37:20 avec, de part et d'autre, les chambres.
00:37:23 Autre exemple d'Alberto Campobesa,
00:37:29 c'est la Casa Moliner.
00:37:31 Celle-là, elle est vraiment intéressante
00:37:34 parce que, déjà, ici,
00:37:36 avec l'enchaînement des images,
00:37:38 on voit tout de suite
00:37:40 qu'il y a des correspondances
00:37:43 entre les deux projets.
00:37:44 Mimisa, c'est une maison plus traditionnelle
00:37:46 puisqu'elle a des étages,
00:37:48 tandis que l'autre, c'était vraiment un plateau
00:37:51 qui s'ouvrait vers la mer.
00:37:52 Là, c'est le grand espace de séjour,
00:37:54 mais vous voyez, il est complètement dilaté.
00:37:56 C'est comme si, vous voyez,
00:37:58 on avait une maison
00:37:59 et puis on avait reculé les murs
00:38:01 pour agrandir...
00:38:02 On avait reculé les murs du rez-de-chaussée
00:38:05 pour agrandir l'espace
00:38:08 et faire entrer la lumière.
00:38:11 Voilà, donc c'est un grand vide,
00:38:14 un sol, là aussi très travaillé,
00:38:18 vous voyez, en pierre, en marbre,
00:38:20 avec aussi des plans d'eau
00:38:23 qui s'ouvrent complètement.
00:38:27 Enfin, ils s'ouvrent complètement.
00:38:28 C'est ça qui est très intéressant.
00:38:29 Je l'ai dit tout à l'heure,
00:38:31 dans le télémos,
00:38:33 il y a à la fois l'idée
00:38:36 d'espace de sol,
00:38:41 donc de sol horizontal,
00:38:42 mais il y a aussi l'idée d'un espace,
00:38:44 disons, fermé,
00:38:46 d'un espace hiérarchisé
00:38:47 parce que tout le monde ne peut pas y rentrer.
00:38:49 Le propre du sacré, c'est juste...
00:38:51 Tout dans le sacré
00:38:53 correspond à cette fermeture.
00:38:57 Une fermeture qui peut être,
00:38:58 effectivement, opérée par un mur
00:38:59 ou par un sillon
00:39:01 ou un fossé.
00:39:03 Et là, c'est pareil.
00:39:04 Donc le télémos,
00:39:06 il s'ouvre complètement.
00:39:08 Mais par contre,
00:39:10 il y a un mur qui sépare totalement
00:39:12 la maison du contexte.
00:39:15 Le contexte, pour lui,
00:39:16 c'est sans intérêt.
00:39:18 Et là, c'est vrai qu'on ne le voit pas.
00:39:20 Il a fait plusieurs maisons d'un même type,
00:39:22 des maisons-socles,
00:39:24 comme la maison de l'Infini,
00:39:25 il en a fait plusieurs.
00:39:26 Et puis là, des maisons de ce type-là,
00:39:27 il en a fait plusieurs aussi.
00:39:29 Bon, celle que j'ai visitée,
00:39:30 ce n'est pas celle-là.
00:39:31 C'est vrai qu'il y avait
00:39:32 une échancrure dans le mur
00:39:34 qui permettait de voir le paysage,
00:39:39 mais de sélectionner aussi,
00:39:40 toujours de séparer,
00:39:42 de sélectionner
00:39:44 ce qui devait être vu
00:39:47 dans ce paysage.
00:39:48 Là, non.
00:39:49 C'est vraiment un grand horizon blanc,
00:39:53 un grand plateau blanc,
00:39:54 parfaitement lisse.
00:39:56 Il n'y a pas de marche
00:39:57 entre intérieur et extérieur.
00:39:59 C'est vraiment un espace
00:40:01 totalement appropriable.
00:40:03 C'est la partie vie de la maison.
00:40:06 Et là, maintenant,
00:40:08 c'est ce schéma.
00:40:08 C'est ce schéma, je dois dire,
00:40:09 que là vraiment,
00:40:11 je vais dire en gros mots,
00:40:13 je n'ai pas envie de le dire,
00:40:14 mais il m'a vraiment étonné
00:40:16 quand il m'a fait voir ce dessin.
00:40:18 Parce que, voilà,
00:40:19 ça, c'est le dessin qui explique la maison.
00:40:21 Alors, vous voyez,
00:40:22 il y a trois parties.
00:40:23 Il y a le rez-de-chaussée,
00:40:26 le télébosse, si on veut.
00:40:29 C'est l'espace de vie.
00:40:31 Au-dessus, il y a une crypte.
00:40:34 Et puis, en dessous,
00:40:35 il y a un autre espace
00:40:37 qui est lui aussi très différent.
00:40:40 Et si vous voulez,
00:40:41 les trois espaces, c'est ça.
00:40:42 Il y en a un, c'est rêver.
00:40:44 L'autre, c'est vivre.
00:40:45 Donc, l'espace ouvert, c'est vivre.
00:40:48 Et le dernier, c'est mourir.
00:40:49 Et c'est ça qui est fou.
00:40:50 Je ne sais pas
00:40:51 s'il a fait voir ce dessin à son client.
00:40:53 Parce qu'en fait, voilà,
00:40:54 il a dit, voilà, très bien,
00:40:56 je te fais ta maison,
00:40:57 tu vas voir, elle va être super bien.
00:40:58 Et donc, tu vas vivre au rez-de-chaussée.
00:41:01 Bon, tu vas pouvoir monter
00:41:02 quelquefois en haut,
00:41:03 mais pas trop
00:41:04 parce que c'est le ciel,
00:41:06 c'est ta bibliothèque,
00:41:06 tes enfants n'iront pas accès.
00:41:08 Et puis ensuite, en dessous,
00:41:10 eh bien, c'est les chambres, tu vois.
00:41:12 Et pourquoi je les ai mises en dessous,
00:41:14 comme dans un tombeau ?
00:41:15 Parce que n'oublie jamais,
00:41:16 même si tu es mon client,
00:41:17 que quand tu dors, tu meurs, tu tombes.
00:41:20 Quand tu t'endors, tu meurs.
00:41:23 En tout cas, tu fais l'apprentissage de la mort.
00:41:25 Vous imaginez ça, dire ça,
00:41:27 aujourd'hui, à un client ?
00:41:28 Bon, OK, il l'a dit.
00:41:29 Non seulement il l'a dit,
00:41:30 je ne sais pas s'il l'a dit,
00:41:31 enfin, en tout cas, oui, je pense que oui.
00:41:33 Et voilà, il a fait, là,
00:41:35 il a fait la maison,
00:41:36 dans la crypte,
00:41:37 donc les chambres.
00:41:39 Il y a deux chambres,
00:41:40 celle que j'ai visitée était plus grande,
00:41:42 les chambres des enfants.
00:41:43 Et les chambres sont éclairées par des patios.
00:41:46 Ensuite, vous voyez le grand espace horizontal,
00:41:48 complètement ouvert.
00:41:50 Et puis, au-dessus,
00:41:52 l'espace de la bibliothèque,
00:41:55 qui est ouvert sur le ciel.
00:41:57 Oui, c'est vrai qu'il aurait pu être ouvert sur le ciel,
00:41:58 mais enfin, il s'ouvre latéralement,
00:41:59 uniquement au nord.
00:42:01 Et là, vous voyez, on voit que la maison,
00:42:03 elle est complètement enclavée.
00:42:05 Parce qu'il y a cette idée d'enclave,
00:42:07 de toute façon, dans le Théménos,
00:42:08 c'est vraiment...
00:42:09 On découpe une partie du territoire
00:42:12 et on la réserve à quelque chose.
00:42:14 Et surtout, on dissocie
00:42:16 ce qui est de l'ordre du profane
00:42:18 et ce qui est de l'ordre du sacré.
00:42:20 Et là, effectivement,
00:42:21 cette dissociation,
00:42:24 elle est appliquée à l'habitation.
00:42:28 Voilà, là, c'est la bibliothèque en haut.
00:42:32 Là, c'est le plan.
00:42:33 On voit, si vous voulez,
00:42:34 la zone grise de Paris d'Autre,
00:42:35 c'est les patios qui éclairent les chambres.
00:42:40 Là, c'est l'autre couple
00:42:41 où on voit, effectivement,
00:42:42 comment les chambres sont éclairées.
00:42:44 Et là, c'est le plan des chambres en bas.
00:42:48 La trame.
00:42:56 Voilà, comme je vous l'ai dit,
00:42:58 si vous voulez, le sol,
00:43:00 c'est à la fois, effectivement, un panuceste,
00:43:02 c'est à la fois un théménos,
00:43:05 c'est une découpe,
00:43:07 un espace qui est découpé,
00:43:10 qui est sorti de son contexte.
00:43:12 Mais ça peut être aussi une trame.
00:43:15 Parce que finalement,
00:43:16 le rêve de l'homme, peut-être,
00:43:18 c'est d'arriver,
00:43:19 enfin, on va le voir tout à l'heure,
00:43:20 mais c'est d'arriver à avoir
00:43:22 un espace qui est totalement horizontal.
00:43:26 Et en plus, tramé.
00:43:29 Un espace totalement rationnel.
00:43:33 Dans lequel, effectivement,
00:43:35 tous les actes, quelque part,
00:43:37 ils obéissent,
00:43:39 ils peuvent obéir à certaines règles humaines.
00:43:45 Bon, je fais une extrapolation,
00:43:46 mais c'est vrai, je me rappelle très bien
00:43:47 du livre de Raymond Roussel,
00:43:50 qui s'appelle "L'Oculus Solus".
00:43:52 Et lui, dans "Comment j'ai écrit"
00:43:55 et certains de mes livres,
00:43:56 il disait, voilà, l'Oculus Solus,
00:43:57 et l'Oculus Solus, c'est un livre comme ça,
00:44:00 c'est des jeux de langage,
00:44:01 et ces jeux de langage,
00:44:02 ils produisent des histoires
00:44:04 totalement improbables.
00:44:05 Et lui, il expliquait que, voilà,
00:44:07 l'Oculus Solus,
00:44:09 dans "Comment j'ai écrit"
00:44:10 et certains de mes livres,
00:44:11 l'Oculus Solus, il ne faut pas trop réfléchir,
00:44:13 c'est "logicus solus",
00:44:14 c'est-à-dire, c'est une sorte de sol logique.
00:44:16 Et dans ce sol logique,
00:44:18 le sol logique, là,
00:44:20 pour l'écriture, c'est le langage,
00:44:22 eh bien, on peut développer,
00:44:24 vous voyez, donc, toutes sortes d'histoires.
00:44:28 Et c'est pareil, vous voyez,
00:44:29 pour le sol tramé.
00:44:32 Donc, c'est un sol qui permet
00:44:36 l'existence de toutes sortes de personnages.
00:44:39 Là, par exemple,
00:44:40 vous allez me dire,
00:44:41 l'existence de toutes sortes de personnages,
00:44:43 c'est un homme et une femme,
00:44:44 ce n'est pas n'importe quel homme
00:44:45 et n'importe quelle femme.
00:44:46 De côté, il y a un ange
00:44:47 qui appartient au paradis,
00:44:48 et puis de l'autre, il y a une paysanne.
00:44:50 Qu'est-ce qui les lie, les deux ?
00:44:52 C'est impossible, vous voyez.
00:44:53 C'est ce sol, vous voyez.
00:44:54 C'est ce sol d'aller,
00:44:55 qui, en plus, vous voyez,
00:44:56 que la perspective,
00:44:57 il tend à s'étendre à l'infini,
00:45:00 qui fait en sorte que,
00:45:01 voilà, tous les jeux de langage
00:45:05 qui sont permis par la culture,
00:45:06 eh bien, quelque part,
00:45:07 ils prennent corps,
00:45:09 sur ce sol,
00:45:11 orthogoné, voilà,
00:45:12 qui s'est orthonormé,
00:45:14 qui s'étend jusqu'à l'infini.
00:45:16 Autre exemple,
00:45:17 là, la trame, elle est plus,
00:45:19 elle est encore plus nette,
00:45:21 plus forte,
00:45:22 d'annonciation, toujours,
00:45:24 l'ange Gabriel
00:45:26 et la Vierge Marie,
00:45:28 deux personnages totalement improbables,
00:45:32 un petit peu comme l'image surréaliste
00:45:35 de Lautrey-Habon
00:45:36 quand il parle de la rencontre fortuite
00:45:39 du parapluie et de la machine à coudre
00:45:41 sur la table de billard.
00:45:42 Là, c'est pareil.
00:45:43 C'est la rencontre fortuite
00:45:45 d'un ange et d'une paysanne
00:45:47 sur un sol tramé.
00:45:49 Là, tramé,
00:45:51 c'est tintorer,
00:45:52 le lèvement des pieds.
00:45:54 On voit, c'est ça qui est assez fou,
00:45:56 ça donne un contexte.
00:45:58 Dans la peinture gothique,
00:45:59 il y aurait eu plusieurs petites cases.
00:46:02 On aurait vu un mec en train de se déchausser,
00:46:05 un autre en train de se faire laver les pieds,
00:46:07 un autre en train de se rechausser,
00:46:08 en train de manger.
00:46:09 Là, non.
00:46:10 Le sol,
00:46:12 ça fait une sorte d'espace continu
00:46:16 dans lequel toutes ces actions
00:46:19 peuvent avoir lieu en même temps.
00:46:22 Ou encore plus dément,
00:46:23 c'est vraiment la crucifixion.
00:46:25 En général, la crucifixion,
00:46:27 quelque part, c'est le Golgotha,
00:46:28 c'est sur une colline.
00:46:29 Là, non, pas du tout.
00:46:31 C'est sur un sol.
00:46:34 Et ce n'est pas n'importe quel sol,
00:46:36 puisque, effectivement,
00:46:39 la légende dit
00:46:42 que l'endroit où le Christ est crucifié,
00:46:47 c'est la tombe du premier homme,
00:46:50 la tombe d'Adam.
00:46:51 C'est pareil, il n'y a pas de colline,
00:46:53 mais il y a un sol,
00:46:54 et ce sol, donc,
00:46:55 il est composé de plusieurs couches.
00:47:00 Voilà le rêve absolu de l'humanité.
00:47:04 C'est Superstudio,
00:47:06 une super surface de Superstudio,
00:47:08 c'est un déplacement de A vers B.
00:47:11 Voilà ce qu'on veut.
00:47:13 Enfin, voilà ce que je voulais moi aussi
00:47:15 quand j'étais petit,
00:47:16 j'ai pas osé le dire,
00:47:17 je savais pas le formuler,
00:47:18 mais c'est ce que je voulais.
00:47:20 Je connaissais pas Superstudio,
00:47:22 mais voilà, c'est ça.
00:47:24 Un sol parfaitement horizontal,
00:47:28 parfaitement plat.
00:47:29 On peut faire ce qu'on veut.
00:47:31 Où tous les actes de la vie sont possibles.
00:47:35 Naître, mourir, manger,
00:47:37 avoir des relations amoureuses,
00:47:39 tout est possible.
00:47:40 Travailler, tout est possible.
00:47:42 Tout est possible sur ce sol.
00:47:45 Parce qu'on peut déplacer des tables,
00:47:47 on peut déplacer des chaises,
00:47:48 on peut faire venir des automobiles,
00:47:50 des voitures.
00:47:51 Quelque part, le monde d'aujourd'hui,
00:47:53 il ressemble à ce sol,
00:47:54 parce qu'effectivement,
00:47:55 il y a des autoroutes partout,
00:47:56 il y a des TGV.
00:47:57 Bon, bien sûr,
00:47:58 c'est pas tout à fait comme ça,
00:48:00 parce que là, malgré tout,
00:48:01 il y a quand même des montagnes encore
00:48:03 qui sont exclus de ce territoire humain
00:48:06 ou qui délimitent ce territoire humain.
00:48:08 C'est vrai que cette image-là,
00:48:10 c'est quelque part,
00:48:11 ça renvoie à notre monde contemporain
00:48:15 où il y a des rues, des places,
00:48:17 des autoroutes, des voies ferrées.
00:48:19 Et quand on rentre chez nous,
00:48:21 tout est plat, tout est horizontal
00:48:24 pour qu'on puisse rencontrer,
00:48:25 pour qu'on puisse travailler,
00:48:26 pour qu'on puisse manger,
00:48:28 pour qu'on puisse coloniser la terre,
00:48:31 pour qu'on puisse coloniser
00:48:32 toutes les autres populations.
00:48:35 Tout est contenu, quelque part,
00:48:38 dans cette image.
00:48:40 Voilà, notre autre image d'un sol dallé,
00:48:44 moins cool que Superstudio,
00:48:45 qui étaient des gauchistes débrayés.
00:48:47 Là, c'est Albert Speer.
00:48:48 On n'est plus à Florence,
00:48:50 on est à Nuremberg.
00:48:51 Et là, ils ont voulu faire,
00:48:53 dans une forêt,
00:48:54 donc une grosse strasse,
00:48:58 une grande rue, une grande avenue,
00:49:00 de la même dimension que les Champs-Elysées,
00:49:03 pour permettre toutes sortes
00:49:05 de défilés militaires,
00:49:07 toutes sortes d'hommages au Troisième Reich.
00:49:10 Et cette route, elle existe toujours,
00:49:14 on peut toujours la voir.
00:49:15 Quelque part, c'est vrai
00:49:16 qu'elle contient en elle-même toujours
00:49:18 l'utopie de ce sol tramé,
00:49:21 de ce sol...
00:49:22 Ou l'utopie, peut-être la dystopie,
00:49:24 de ce sol tramé,
00:49:27 de ce sol parfaitement horizontal,
00:49:30 où tous les actes sont possibles
00:49:32 et où peut parfaitement s'effectuer
00:49:36 la colonisation de la nature.
00:49:39 Autre exemple, plus récent, plus cool aussi,
00:49:42 c'est le projet du pont Simonweiler,
00:49:44 je crois qu'il va bientôt être terminé,
00:49:46 un drame colas pour Romain.
00:49:49 Bon, il devait faire un pont à l'origine,
00:49:51 donc il y a eu un concours
00:49:53 et il y a toutes sortes de ponts qui ont été faits.
00:49:56 Mimram avait fait des grands...
00:49:58 Je ne sais pas quoi...
00:49:59 Je ne m'en rappelle pas.
00:50:01 Barani, je crois qu'il avait fait aussi des grands...
00:50:03 Pourtant, il était architecte,
00:50:04 il n'était pas ingénieur,
00:50:05 mais il avait fait des arches,
00:50:06 je ne sais pas quoi.
00:50:07 Comment il s'appelle ?
00:50:09 Enfin bon, pas...
00:50:12 Je ne sais pas, je ne vais pas me revenir.
00:50:13 Enfin bon, peu importe.
00:50:14 Ils avaient fait tous des...
00:50:16 Ils se sont dit "c'est un pont,
00:50:17 "puis on va faire des gigantesques structures."
00:50:20 Ça va être ça, ça va être ça.
00:50:22 Moi, je suis architecte, je ne suis pas ingénieur.
00:50:23 Mais putain, je vais te faire une structure
00:50:25 que l'ingénieur, il ne va pas en revenir.
00:50:27 En fait, non.
00:50:28 Colas, qu'est-ce qu'il a dit ?
00:50:29 Non, un pont, ce n'est pas ça.
00:50:30 Ce n'est pas une structure.
00:50:31 Un pont est simplement un espace plat
00:50:35 où on peut traverser des rives.
00:50:39 C'est un espace qui est ouvert des deux côtés.
00:50:42 C'est un espace des possibles.
00:50:44 C'est ça, le pont.
00:50:46 C'est un lien.
00:50:48 C'est une grande place.
00:50:50 C'est un gigantesque lieu de rencontre
00:50:52 entre deux rives.
00:50:54 Ce n'est pas des structures.
00:50:56 Tu n'as pas compris, ce n'est pas ça.
00:50:58 Et donc, il a fait pratiquement une dalle
00:51:01 avec, dessous, des poteaux.
00:51:03 Et sur cette dalle et ses poteaux,
00:51:06 il a fait un gigantesque espace tramé,
00:51:09 un gigantesque espace plat
00:51:12 avec juste le passage pour les tramways
00:51:15 où, effectivement, tout peut être chamboulé,
00:51:17 tout peut être transformé.
00:51:19 On peut avoir des piétons d'un côté,
00:51:21 des voitures de l'autre.
00:51:22 Mais tout peut constamment bouger.
00:51:25 Là, c'est une configuration,
00:51:28 mais il peut y en avoir d'autres.
00:51:29 Et après, il y a des réflexions
00:51:31 sur les configurations possibles.
00:51:34 Et surtout, ce qui est intéressant chez lui,
00:51:36 c'est de voir chaque fois
00:51:39 des cas critiques.
00:51:41 Par exemple...
00:51:43 C'est pas là.
00:51:44 Imaginez une gigantesque fête
00:51:47 sur ce pont
00:51:49 qui n'est pas un ouvrage d'art.
00:51:52 C'est pas ça, un pont.
00:51:54 C'est pas un ouvrage d'art.
00:51:56 C'est un lieu d'échange
00:51:59 comme une place publique.
00:52:01 C'est une place publique.
00:52:02 Et donc, d'en faire la plus grande place publique
00:52:05 de Bordeaux.
00:52:07 Autre exemple,
00:52:09 le réaménagement de la place de la République de TVK.
00:52:12 Là aussi, c'est vraiment hyper intéressant
00:52:15 parce que...
00:52:16 Bon, je sais que ce projet est parfois critiqué,
00:52:18 mais ce qui est vraiment génial,
00:52:19 c'est de se dire...
00:52:21 On va pas faire une place avec du mobilier.
00:52:24 On va pas faire des petits espaces, des kiosques.
00:52:27 On va faire simplement un grand espace.
00:52:30 On va faire un travail de topographie.
00:52:33 On a vraiment cherché à avoir
00:52:35 le maximum de grands espaces horizontales.
00:52:38 Et pourquoi des grands espaces horizontales ?
00:52:40 Justement parce qu'on peut tout faire
00:52:43 sur un espace horizontal
00:52:45 alors qu'on peut pas tout faire sur un espace en pente.
00:52:47 Donc, ils ont su, par moments,
00:52:49 réintroduire des escaliers
00:52:51 parce que cet espace-là,
00:52:53 l'espace de la République,
00:52:55 il est très chahuté
00:52:57 parce que c'est à l'emplacement
00:53:00 d'une des murailles de Paris.
00:53:03 Je m'en rappelle plus laquelle,
00:53:05 qui a été détruite par Louis XIV
00:53:07 pour créer les grands boulevards.
00:53:09 Il y avait vraiment de grandes différences
00:53:11 parce qu'il y avait des fossés,
00:53:12 il y avait des fortifications.
00:53:13 Donc, c'est un paysage très chahuté.
00:53:15 Et donc, ils ont su le regarder,
00:53:18 non pas avec des formes architecturales,
00:53:22 mais en essayant de faire en sorte
00:53:25 de maximaliser ces surfaces horizontales
00:53:28 pour que ces surfaces horizontales
00:53:30 puissent accueillir,
00:53:32 comme tout à l'heure chez Colas,
00:53:34 le maximum d'événements possibles.
00:53:40 Donc, comme avant,
00:53:42 dans la place,
00:53:44 il y avait des parties plantées
00:53:46 qui étaient protégées par des barrières,
00:53:49 il y avait des arbres.
00:53:51 Là, non, il n'y a plus de parties plantées,
00:53:54 mais il y a des barrières.
00:53:54 Il y a des arbres, mais ils prennent l'emplacement des dalles
00:53:57 qui dallent uniformément l'espace.
00:54:00 Il n'y a pas non plus de plans d'eau.
00:54:02 Par contre, on le voit sur l'image,
00:54:04 ce n'est pas un plan d'eau,
00:54:05 c'est le sol qui s'infléchit très légèrement
00:54:08 pour pouvoir, l'été, être rempli d'eau,
00:54:11 avoir une mince couche d'eau
00:54:13 pour voir le ciel,
00:54:15 pour patauger dedans,
00:54:17 et aussi pour rafraîchir l'espace l'été.
00:54:22 Voilà les emmarchements qui ont été rajoutés
00:54:26 pour pouvoir avoir un maximum de surface plane.
00:54:32 Et là, le plan d'eau
00:54:35 qui peut très bien disparaître l'hiver.
00:54:39 Et qui permet, là encore,
00:54:42 cette réflexion du ciel
00:54:45 dont je parlais tout à l'heure
00:54:47 et qui rend cette question du sol
00:54:51 très profonde, en quelque part.
00:54:53 Parce que le sol, bien sûr,
00:54:55 en plus, sous le sol, il y a le métro,
00:54:57 mais là, ils ne l'ont pas traité.
00:54:59 Mais en plus, le sol, non seulement,
00:55:01 il renferme des tas d'activités,
00:55:03 mais en plus, il est capable de réfléchir le sol.
00:55:07 Vous voyez, ça rajoute des tas de couches,
00:55:10 des couches réelles.
00:55:12 Le métro, les gens, les flux
00:55:15 qui traversent le sous-sol.
00:55:19 Et puis, aussi, quelque chose d'immatériel.
00:55:22 L'image du ciel qui vient s'imprimer
00:55:25 sur le plan d'eau.
00:55:27 Les bancs, c'est vraiment degré zéro.
00:55:30 Et là, tout ce que ça permet,
00:55:32 la nuit debout, la Pêche république.
00:55:34 Quelque part, un mec m'avait dit,
00:55:37 Jean-Luc Pérez, l'architecte,
00:55:41 il m'avait dit, en général,
00:55:43 il y a des actions,
00:55:47 et après, il y a des espaces.
00:55:48 Mais là, c'est l'inverse.
00:55:50 C'est l'espace qui a produit ce type d'événement.
00:55:52 Je trouve que c'est très juste.
00:55:54 Les manifestations de nuit debout
00:55:56 qui creusent un potager.
00:55:58 On enlève l'idale et on creuse un potager.
00:56:01 Et donc, ça renvoie à cette image
00:56:03 très mystérieuse de Superstudio,
00:56:06 la vie super surface et Promesses du printemps,
00:56:10 où on voit une petite fille
00:56:12 qui est en train de nettoyer la terre,
00:56:15 comme moi encore, excusez-moi,
00:56:16 après avoir enlevé l'idale.
00:56:19 Autre exemple d'espace public
00:56:22 uniquement déterminé par le sol,
00:56:25 c'est le projet pour l'aménagement
00:56:29 de la place de la République à Paris.
00:56:33 Pardon, excusez-moi.
00:56:35 Le projet pour l'aménagement des abords de Notre-Dame à Paris.
00:56:38 C'est vrai que le projet qui a gagné,
00:56:40 il était fort, parce qu'il n'y a rien.
00:56:43 Qu'est-ce que tu vas construire devant Notre-Dame ?
00:56:45 Tu t'es bien regardé.
00:56:47 C'est Notre-Dame.
00:56:49 Ce qu'ils ont fait, c'est rien.
00:56:51 Il y a juste un plateau.
00:56:53 Cet plateau est légèrement en pente.
00:56:55 Comme on l'a vu tout à l'heure chez TVK,
00:56:59 il y a de l'eau.
00:57:02 L'eau des toits de Notre-Dame est récupérée,
00:57:05 elle est filtrée.
00:57:07 Quand il fait chaud, elle descend sur le pavage.
00:57:11 Ce qui produit un certain rafraîchissement
00:57:14 de l'atmosphère.
00:57:16 Travailler sur le sol,
00:57:18 j'aurais pu faire voir des tas d'exemples.
00:57:20 Ce matin, je me suis dit que je ne vais pas voir ça.
00:57:23 J'aurais pu faire voir des tas d'exemples,
00:57:26 mais regarder en rentrant sur Internet,
00:57:29 par exemple, la maison d'air de Yves Klein,
00:57:32 l'artiste niçois, comme moi,
00:57:34 qui avait travaillé avec Claude Parent, d'ailleurs,
00:57:37 pour faire une maison, mais sans rien.
00:57:40 C'est simplement un sol.
00:57:42 Et après, il y avait, dans le sol,
00:57:45 une gigantesque soufflerie.
00:57:47 Quand il pleuvait, l'air pulsait,
00:57:50 donc renvoyait la pluie.
00:57:53 Si on voulait s'asseoir, on appuyait sur un bouton,
00:57:56 et l'air pulsait, donc créait un siège immatériel.
00:58:01 On peut imaginer...
00:58:04 Là, c'est réel, c'est pas comme Yves Klein.
00:58:06 On ne pourrait pas faire ça, mais ça, on peut le faire.
00:58:09 Le sol permet de créer une ambiance.
00:58:12 Dès qu'il fait chaud, insensiblement, personne n'aperçoit,
00:58:15 mais il y a un ruissellement d'eau
00:58:17 qui permet de faire tomber l'atmosphère à 1 ou 2 degrés.
00:58:21 Le sol, ça permet aussi de régler l'ambiance.
00:58:26 C'est le sol servant qui permet de régler l'ambiance.
00:58:33 Je ne vais pas trouver un peu d'antidrame sur le projet.
00:58:37 C'est au-dessus du musée archéologique de Notre-Dame.
00:58:41 Maintenant, on va parler aussi des sols superposés.
00:58:47 Notamment, bien sûr, la maison Domino de Le Corbusier.
00:58:54 Il faut voir que la maison Domino de Le Corbusier,
00:58:56 ce n'est pas vraiment un projet.
00:58:57 C'est juste dire, aujourd'hui, arrête le béton.
00:59:00 Faire une maison, c'est super facile.
00:59:02 Tu prends du béton, tu fais 2 dalles,
00:59:04 tu mets 6 poteaux, tu mets un escalier,
00:59:07 et tu as ta maison.
00:59:09 Ce n'était pas un projet fini, c'était juste un principe.
00:59:12 Et cette maison, après, tu mets des...
00:59:16 Tu viens accrocher dessus des membranes de béton,
00:59:20 ou n'importe quoi, ou des parpaings, ou de la brique.
00:59:22 Ça crée des façades.
00:59:24 Et surtout, le truc, c'est de dire que le principe de cette maison-là,
00:59:27 c'est beau comme un temple grec.
00:59:29 Un temple grec, c'est des colonnes, des entablements.
00:59:32 Et là, c'est des poteaux de béton et des dalles en béton.
00:59:37 Et c'est vrai qu'il y a l'évidence, la beauté.
00:59:41 On peut y voir l'évidence et la beauté d'un temple grec.
00:59:44 Parce que c'est un principe qui a été repris, après,
00:59:48 notamment, même très récemment.
00:59:50 Aujourd'hui, c'est vrai que ça est devenu...
00:59:52 On le reprend.
00:59:53 Et quelque part, ce qui est bien, aujourd'hui,
00:59:55 c'est qu'on ne va pas raccrocher des éléments opaques
00:59:58 sur la structure.
00:59:59 Elle est vue de partout.
01:00:00 C'est simplement des membranes de verre qui s'étirent,
01:00:03 comme le lieu de vie à Saclay.
01:00:05 C'est le même principe.
01:00:08 C'est des poteaux.
01:00:09 Simplement, les poteaux, là, ils sont très fins et très ferraillés.
01:00:14 Et ils portent des poutres.
01:00:15 Les retombées des poutres, elles sont maximalisées.
01:00:17 C'est-à-dire qu'elles pourraient être différentes.
01:00:19 À certains endroits, à faire 5 ans, d'autres 90.
01:00:22 Mais elles font partout 90.
01:00:24 Donc, on sent parfaitement la structure qui pèse.
01:00:29 Le poids des sols qui pèse
01:00:33 sur une structure très fine qui cherche à les soulever.
01:00:39 On sent la lourdeur du sol.
01:00:44 Alors que tout d'ailleurs, chez le Corbusier,
01:00:46 c'est vrai que c'était des simples feuilles de béton.
01:00:50 Là, tout d'un coup, on sent l'idée vraiment de sol superposé.
01:00:57 Et après, tout le reste, ça disparaît.
01:01:00 Il n'y a pratiquement pas de cloison.
01:01:02 Il n'y a que des vitrages.
01:01:04 C'est le projet sans enveloppe.
01:01:08 C'est le même qu'avec l'enveloppe.
01:01:10 Et puis, surtout, l'idée, c'est de superposer
01:01:13 des usages complètement différents.
01:01:17 Parce qu'à l'origine, il fallait faire un terrain de sport
01:01:19 devant le bâtiment.
01:01:20 Et le terrain de sport a été fait sur le bâtiment.
01:01:24 Donc, quelque part, ça rappelle aussi les infrastructures,
01:01:30 les autoroutes dont je parlais tout à l'heure.
01:01:32 C'est comme une superposition de tabliers d'autoroutes surélevées.
01:01:40 Mais là, ce ne sont pas des voitures qui passent.
01:01:42 Ce sont des gens qui mangent, qui font de la gymnastique
01:01:46 ou qui font du sport.
01:01:48 Mais toujours, c'est ça.
01:01:49 Arriver à comprendre cette conquête de l'horizontale.
01:01:55 Et quelque part aussi, ce qui est bien dans ce projet,
01:01:57 c'est qu'on voit l'effort qu'il faut faire
01:01:59 pour conquérir l'horizontale.
01:02:01 L'horizontale, elle ne t'est pas donnée.
01:02:03 Il y a beaucoup de gens qui réfléchissent à ça.
01:02:05 Notamment Bukakon dont j'ai fait parler, ou Barani.
01:02:08 Il vient du Midi, le pauvre.
01:02:10 C'est vrai qu'à Nice, il n'y a que des pentes partout.
01:02:13 Donc, voilà, qu'est-ce que tu vas faire ?
01:02:15 Donc, si tu veux faire une maison,
01:02:18 tu dois gagner l'horizontale, elle ne t'est pas donnée.
01:02:21 Il faut travailler, mais après, il faut la construire.
01:02:24 Il faut vraiment faire des efforts pour l'obtenir.
01:02:27 Elle ne t'est pas donnée.
01:02:29 Voilà, donc c'est des sols avec des surfaces.
01:02:34 Et des sous-faces.
01:02:36 Et les sous-faces, comme tout à l'heure,
01:02:38 je parlais de la maison d'air d'Yves Klein.
01:02:40 Là, effectivement, dans la sous-face,
01:02:42 il y a la ventilation, le chauffage et l'éclairage
01:02:47 qui viennent s'y intégrer parfaitement.
01:02:49 Il n'y a rien d'autre.
01:02:51 C'est une surface, une sous-face, et l'espace est tenu.
01:02:56 J'ai passé assez rapidement sur ce projet.
01:02:58 C'est un projet qui n'a pas gagné.
01:03:00 C'est vrai, j'ai été dans le jury du concours.
01:03:03 Ça m'a rendu fou parce que c'était absolument génial.
01:03:06 C'était le Centre chorégraphique national de Tours,
01:03:09 de l'Agence Brutère.
01:03:10 Et c'est vrai qu'ils ont tout dit.
01:03:12 On lui pose la question, c'est quoi ?
01:03:14 Enfin, ils ne sont pas venus le dire.
01:03:16 On pose à l'architecte la question, c'est quoi ?
01:03:19 C'est quoi un centre chorégraphique ?
01:03:22 Un centre chorégraphique, c'est un sol où dansent les danseurs.
01:03:26 Rien de plus.
01:03:27 Tu ne vas pas faire autre chose.
01:03:28 Qu'est-ce que tu veux faire ?
01:03:29 Il y a des danseurs.
01:03:31 Les danseurs, ils ne montent pas sur les murs.
01:03:32 Ce n'est pas des mouches.
01:03:33 Donc, voilà, tu fais un sol.
01:03:37 Et ce sol, tu ne vas pas mélanger, comme tout à l'heure,
01:03:41 le Téménos.
01:03:42 C'est le dieu.
01:03:43 C'est le domaine de Profignos.
01:03:45 Ce n'est pas le domaine du paysan du coin.
01:03:48 Ce n'est pas ça.
01:03:49 Tu n'as pas compris.
01:03:50 C'est pareil.
01:03:51 C'est les danseurs.
01:03:53 Les danseurs, comme les prêtres, quelque part,
01:03:55 ils sont là, ils travaillent leur corps.
01:03:57 Ils le déforment.
01:03:59 Ce sont des corps sacrés, pratiquement.
01:04:02 Ils sont dans des écoles particulières.
01:04:05 Ils travaillent tous les jours, tous les jours.
01:04:07 Oui, c'est comme des prêtres.
01:04:09 Et donc, ils ont droit à leur espace.
01:04:12 Et l'espace où évoluent les danseurs,
01:04:16 ce n'est pas le même que l'espace des ploucs qui sont en bas.
01:04:19 C'est clair.
01:04:20 Avec leurs grosses chaussures, ce n'est pas ça.
01:04:22 Il faut vraiment un sol extrêmement élastique,
01:04:25 donc très cher.
01:04:26 D'ailleurs, la semaine dernière, je crois,
01:04:28 je suis rentré dans une école de danse
01:04:30 et je marchais sur le sol.
01:04:31 On m'a dit, mais ça ne va pas.
01:04:32 Qu'est-ce que tu fais là ?
01:04:33 Mais tu ne vois pas que c'est le sol pour les danseurs.
01:04:34 Tu ne vas pas, avec tes chaussures pleines de boue,
01:04:37 maculer ce sol qui, en plus, coûte une fortune.
01:04:41 Et donc, c'est quoi une école de danse ?
01:04:44 C'est quoi un centre de chorégraphie ?
01:04:46 C'est un sol.
01:04:47 Un sol pour les danseurs.
01:04:49 Et le sol des danseurs, ce n'est pas le sol des vaches.
01:04:52 Donc, il est surélevé.
01:04:53 C'est tout ce que c'est.
01:04:54 C'est un sol surélevé.
01:04:55 Après, en dessous, il y a tout.
01:04:57 Il y a les vestiaires, il y a la librairie,
01:05:00 il y a l'accueil.
01:05:02 Et puis, au-dessus, il y a juste l'espace pour les danseurs.
01:05:05 Ça, c'est au-dessus.
01:05:07 Il y avait deux salles de danse.
01:05:08 Elles ont été rassemblées en une seule.
01:05:10 Tout en pouvant être découpées.
01:05:12 Et puis, après, il y a des gradins
01:05:14 qui peuvent coulisser et disparaître
01:05:18 pour laisser complètement...
01:05:19 Il y a des gradins pour le public
01:05:21 qui peuvent coulisser et disparaître
01:05:22 pour laisser tout l'espace, tout l'espace aux danseurs.
01:05:26 En même temps, le toit,
01:05:29 c'est presque une sorte de grille technique
01:05:31 qui laisse passer la lumière
01:05:33 ou qui porte l'éclairage électrique
01:05:36 quand il fait nuit ou quand il fait trop sombre.
01:05:39 Donc, il n'y a rien d'autre.
01:05:42 Je vais essayer d'aller vite.
01:05:44 J'ai l'impression que j'ai parlé beaucoup cette fois-ci.
01:05:46 Pourtant, je pensais que le cours était plus court que d'habitude.
01:05:49 Et là, je voudrais revenir aussi sur une notion dont je n'ai pas parlé.
01:05:53 J'ai parlé de Téménos.
01:05:54 J'ai parlé de conquête de l'horizontale.
01:05:57 J'ai parlé de Palimpsest.
01:05:58 Mais surtout, si vous voulez, avant tout,
01:06:01 le sol, c'est un territoire.
01:06:04 Et là, il faut regarder un peu
01:06:08 tous les gens qui s'intéressent aux animaux.
01:06:13 Chaque animal a un territoire.
01:06:16 Même le petit canari a son territoire.
01:06:19 Le loup, bien sûr, a son territoire.
01:06:21 Et le loup, il marque son territoire par des excréments.
01:06:24 Et quand il est dans son territoire,
01:06:27 il est pratiquement inattaquable.
01:06:29 Parce que son territoire fait partie de lui.
01:06:31 C'est son corps.
01:06:32 Tu marches dans le territoire du loup,
01:06:34 tu lui marches sur la queue.
01:06:35 C'est pareil.
01:06:36 Alors là, non.
01:06:38 Et par contre, quand le loup sort de son territoire,
01:06:41 là, il est mal barré.
01:06:42 Parce qu'il va rentrer dans les territoires d'autres loups
01:06:45 et donc, il va marcher sur les pieds des autres loups.
01:06:47 Et là, ça va mal se passer pour lui.
01:06:49 Vous voyez, il y a ces questions de territoire.
01:06:51 Ce territoire-là, ça vaut aussi pour les hommes.
01:06:55 Par exemple, j'ai un appartement à Nice.
01:06:57 C'est l'appartement de mon grand-père.
01:07:01 C'est ça, en plus.
01:07:02 Mais je ne m'en sers jamais.
01:07:03 Je n'y vais jamais là-bas, ça ne m'intéresse pas.
01:07:05 Mais voilà, il y a un sol,
01:07:07 il y a des poutres en bois,
01:07:08 il y a des façades en pierre.
01:07:10 Et puis après, il y a des cloisons.
01:07:13 Le propriétaire,
01:07:15 il y a quelqu'un en dessous qui a racheté l'appartement.
01:07:17 Qu'est-ce qu'il a fait ?
01:07:18 Il était dans son territoire.
01:07:20 Putain, il a cassé toutes les cloisons.
01:07:22 Et il ne s'est même pas posé la question de savoir
01:07:24 qu'effectivement, dans un immeuble de ce type,
01:07:27 les cloisons, surtout si c'est un immeuble ancien,
01:07:30 les cloisons, il n'y a pas de séparation
01:07:32 entre porteurs et non-porteurs.
01:07:33 Les cloisons, elles finissent par porter.
01:07:35 Je ne vous dis pas la catastrophe chez moi.
01:07:37 Mais voilà, j'ai bien compris ça.
01:07:41 Quand on habite dans un immeuble,
01:07:44 on habite dans un territoire,
01:07:46 mais au-dessous et au-dessus,
01:07:48 il y a d'autres territoires,
01:07:50 il y a d'autres royaumes.
01:07:52 Avec des rois,
01:07:53 les gens sont chez eux dans leur royaume.
01:07:56 Ils n'ont pratiquement aucun contre-pouvoir.
01:08:00 Comme les animaux de Pierrot et d'Akosimo.
01:08:05 Je vais passer rapidement là-dessus,
01:08:07 parce que ce projet, je l'ai souvent montré.
01:08:09 C'est vrai, je le trouve.
01:08:10 C'est une utopie complète.
01:08:12 Enfin, pas si utopique que ça,
01:08:14 parce que ces immeubles, c'est vrai que ça existe en Chine,
01:08:16 mais ils sont moins cools que celui-là.
01:08:19 C'est Peak City de MVRDV.
01:08:22 Je le fais voir, parce que c'est des tours
01:08:26 en bordure de la mer du Nord,
01:08:28 avec des plateaux pour l'élevage des cochons.
01:08:33 Qu'est-ce que demande un cochon ?
01:08:36 Il demande à se rouler dans la boue,
01:08:37 à manger des pommes et à se reproduire.
01:08:40 Et là, effectivement, il peut tout faire.
01:08:42 Et même, il peut tout faire à la fois s'il le veut.
01:08:45 C'est peut-être comme ça aussi que...
01:08:48 Plutôt que de lire des ouvrages de sociologie,
01:08:50 ce serait bien de lire des ouvrages d'éthologie
01:08:52 et de regarder un tout petit peu
01:08:54 comment ça se passe chez les animaux.
01:08:59 Voilà, les pommes, on les retrouve.
01:09:01 Les pommes, les oranges de Sotonimura et de Tarkovsky.
01:09:06 Et là, vous voyez, chacun...
01:09:08 Voilà, c'est des milieux, des royaumes,
01:09:11 le royaume des cochons.
01:09:12 Chacun est tranquille, chacun s'ébroue,
01:09:16 chacun grogne, comme les humains aussi.
01:09:20 Autre exemple, vraiment, d'un bâtiment
01:09:23 que je trouve vraiment hyper intéressant, très peu connu.
01:09:25 D'ailleurs, j'ai eu beaucoup de mal
01:09:28 pour avoir des images.
01:09:29 Enfin, les images existent, mais elles ne sont pas projetables.
01:09:32 Si vous voulez, j'ai appelé le directeur de la FAU, là, ce matin
01:09:35 ou hier soir.
01:09:37 Mais en fait, il a...
01:09:39 Pardon, de l'école fédérale de Rio de Janeiro,
01:09:41 parce qu'ils ont toutes les archives de ce mec,
01:09:44 là, Rio-Bernardès.
01:09:45 Et c'est vrai que s'il y a des étudiants d'architecture ici,
01:09:47 moi, je vous conseille vraiment, vous voyez,
01:09:49 d'essayer de prendre contact, parce qu'ils ont des archives
01:09:52 d'une richesse démente
01:09:54 et qu'il y avait des architectes complètement fous,
01:09:56 comme ce type-là, là, Sergio Bernardès.
01:09:59 C'est très peu connu.
01:10:00 Et c'est vrai, je pense qu'il y a vraiment
01:10:02 un vrai travail de dessin, de communication
01:10:05 à faire de cette œuvre qui mérite vraiment d'être connue.
01:10:08 Voilà, donc, "Condominium Casa Alta",
01:10:10 pourquoi j'ai choisi ça, pourquoi j'ai choisi ce projet ?
01:10:12 Parce que là, c'est vrai qu'on voit des volumes.
01:10:14 Mais justement, ce n'est pas des volumes.
01:10:16 C'est surtout le bâtiment qui est du bas, là,
01:10:18 vous voyez, qui m'intéresse.
01:10:19 Parce que vous voyez, ce sont des portiques, comme ça.
01:10:22 Donc, ces portiques, ils contiennent les cages d'escalier,
01:10:25 les ascenseurs, les gaines.
01:10:27 Et après, il y a juste des dalles,
01:10:29 mais des dalles, on va le voir, hyper épaises,
01:10:31 parce qu'elles sont composites.
01:10:32 Ce sont deux dalles qui sont réunies
01:10:34 par des systèmes de caissons
01:10:36 et qui font plus d'un mètre d'épaisseur.
01:10:38 Et donc, vous voyez, il y a des parties qui sont en porte-à-faux,
01:10:41 surtout aux extrémités.
01:10:42 Vous voyez, les dalles des parties,
01:10:45 des extrémités, là, elles sont en porte-à-faux
01:10:47 sur, je ne sais pas, 20 mètres, à peu près.
01:10:49 Oui, 20 mètres, peut-être 25.
01:10:51 C'est vraiment... C'est pareil, c'est comme je disais tout à l'heure.
01:10:54 C'est vraiment une autoroute habitable, quelque part.
01:10:57 C'est vraiment... Il y a d'énormes piliers.
01:11:01 Et après, d'énormes...
01:11:05 d'énormes dalles, comme ça,
01:11:09 qui sont portées par ces piliers,
01:11:12 sans point d'appui intermédiaire.
01:11:14 Et ensuite, les gens qui habitaient là-dedans...
01:11:17 Moi, c'est ça, le truc, je n'ai pas le plan.
01:11:19 Je ne sais pas si vous allez comprendre.
01:11:21 D'abord, on arrive ici.
01:11:23 C'est plus trop comme ça que ça s'est passé,
01:11:25 parce que ce bâtiment-là n'a pas été construit.
01:11:27 On arrive ici, en bas, où il y a la voiture.
01:11:30 On peut prendre un ascenseur,
01:11:31 parce que la partie opaque blanche, là, c'est les ascenseurs.
01:11:34 Les ascenseurs, quand vous arrivez là,
01:11:36 ils vous mènent uniquement au niveau intermédiaire.
01:11:39 C'est ce niveau-là, où il y a un parking
01:11:42 par lequel on peut accéder.
01:11:44 Et puis, en dessous, il y a un gigantesque hall.
01:11:49 Vous arrivez par là, vous rentrez dans ce hall
01:11:53 et vous allez vers votre cage d'escalier
01:11:57 ou votre ascenseur.
01:11:59 Soit vous montez, soit vous descendez.
01:12:01 Et puis, vous arrivez chez vous.
01:12:03 Et chez vous, le mec, il n'avait rien fait.
01:12:07 Tu avais un plateau, il faisait 400 m2.
01:12:09 Et puis, tu pouvais faire ce que tu voulais.
01:12:12 Tu pouvais faire d'autant plus ce que tu voulais,
01:12:14 comme la dalle était très épaisse,
01:12:15 il y avait une possibilité de déplacer
01:12:17 les descentes d'eau, les arrivées d'eau
01:12:20 pour mettre la salle de bain où on veut
01:12:22 ou la cuisine où on veut.
01:12:24 C'est complètement libre.
01:12:26 Tu es vraiment un territoire.
01:12:28 Tu fais ce que tu veux.
01:12:30 En plus, tu n'as même pas à casser.
01:12:32 Là, tu peux casser toutes les croissants que tu veux,
01:12:34 ça ne risque rien, parce que la dalle est en béton
01:12:37 et elle fait plus d'un mètre d'épaisseur.
01:12:40 Voilà, c'est le principe, vous voyez,
01:12:42 des portiques en béton.
01:12:44 Ces portiques, les circulations verticales
01:12:48 et puis ensuite, les plateaux.
01:12:52 Là, c'est un étage intermédiaire
01:12:54 où on peut arriver en voiture.
01:12:56 Le mari dépose sa femme à la cage d'ascenseur.
01:13:00 Excusez-moi, c'est les années 60 et c'est au Brésil.
01:13:03 Après, elle prend l'ascenseur et monte chez elle
01:13:05 et puis, il va se garer, il revient et il remonte.
01:13:08 C'est cet espace-là, ce grand accueil.
01:13:13 On peut venir en voiture pour déposer les gens,
01:13:16 mais sinon, on peut très bien venir à pied
01:13:19 de la cage d'ascenseur qui se trouve à l'extrémité
01:13:22 que j'ai montrée tout à l'heure.
01:13:24 Ça s'ouvre complètement sur le paysage.
01:13:27 Il n'y a pas de différence entre la partie parking
01:13:30 et la partie habitation.
01:13:32 Et puis là, on voit l'épaisseur de la structure,
01:13:36 l'épaisseur des dalles qui sont ventilées.
01:13:39 Autre exemple, un bâtiment de RCR
01:13:42 à Gant.
01:13:45 Je trouve ça fou.
01:13:48 C'est des sols.
01:13:50 C'est Gant.
01:13:52 On voit les façades autour.
01:13:54 C'est une ville médiévale, un peu touristique.
01:13:57 Il y a plein de gens qui vont voir la cathédrale.
01:14:00 Pas de son nom.
01:14:02 Et puis la New Mystic, il y a plein de touristes.
01:14:05 Et là, c'est une bibliothèque universitaire.
01:14:07 Ce qui est intéressant chez les RCR,
01:14:09 c'est qu'ils ne sont pas du tout appuyés
01:14:11 sur l'architecture existante pour faire leurs projets.
01:14:13 Mais on va le voir, ils sont plutôt appuyés
01:14:15 sur le territoire, le tracé du fleuve.
01:14:18 C'est plutôt les données territoriales
01:14:21 qui les ont intéressés,
01:14:23 plus que les données formelles ou architecturales.
01:14:27 Voilà.
01:14:29 C'est des plateaux qui sont complètement jetés
01:14:32 les uns sur les autres, presque n'importe comment.
01:14:35 Dans ces plateaux, il y a des trémis
01:14:37 qui permettent d'avoir des escaliers
01:14:39 et de les mettre en contact.
01:14:41 Et sur ces plateaux...
01:14:43 C'est la maquette que j'ai vue à l'agence Holot.
01:14:46 On la voit bien, parce qu'il n'y a pas de vitrage.
01:14:48 C'est vraiment des plateaux qui sont jetés les uns sur les autres.
01:14:52 Il y a une structure, c'est des portiques en métal,
01:14:55 qui descendent même jusqu'au sous-sol
01:14:57 pour le garage des parkings
01:14:59 et qui continuent pour porter la place qui est surélevée.
01:15:02 Il n'y a pas de différence entre, disons,
01:15:05 un garage à vélo, une place,
01:15:07 et puis le bâtiment.
01:15:09 Parce que finalement,
01:15:11 ce sont des gigantesques places superposées.
01:15:14 C'est vraiment l'espace public qui se poursuit.
01:15:18 Et surtout, il y a toute...
01:15:20 Ça, c'est la coupe où on voit les différences
01:15:23 entre les trémis
01:15:25 et les embarquements
01:15:28 qui font la liaison entre les différents étages.
01:15:32 Et là, on voit comment le bâtiment
01:15:36 prend sa forme de lance du fleuve.
01:15:39 Il accompagne la lance du fleuve
01:15:42 comme s'il s'agissait d'un projet en pleine nature.
01:15:46 Il n'y a pas de volonté de dialogue avec les façades existantes.
01:15:50 Et là, on voit la structure,
01:15:53 des portiques en métal.
01:15:57 Et bien sûr, les escaliers de secours en béton,
01:16:00 les escaliers de secours et les ascenseurs en béton,
01:16:02 le noyau en béton qui contrevente l'ensemble.
01:16:06 Voilà pour terminer.
01:16:08 Terminer par...
01:16:12 Voilà par un projet plus compliqué
01:16:16 parce que ce n'est pas une bibliothèque.
01:16:19 C'est vrai que...
01:16:21 Surtout dans ces bibliothèques,
01:16:23 les gens se parlent, se rencontrent.
01:16:26 C'est une bibliothèque universitaire, mais un peu tous les âges.
01:16:29 Je ne sais pas si on l'a vu,
01:16:31 mais c'est un projet qui est très, très...
01:16:34 Je ne sais pas si on l'a vu sur la photo,
01:16:36 mais il y a même un mec qui joue du piano et un casque.
01:16:38 C'est très sidérant comme lieu, comme ambiance.
01:16:40 Là, c'est un crématorium qui a été fait par Sotoni Moura,
01:16:44 que j'évoquais tout à l'heure.
01:16:47 Toujours en Belgique, mais pas à Gans, à Courtret.
01:16:52 Déjà, ce qui est fou, c'est l'emplacement du bâtiment.
01:16:56 Parce qu'en fait, là, il y a un cimetière à droite.
01:17:00 C'est un cimetière qui a été dessiné par Ola Viganò et son associé.
01:17:06 Et donc, il y avait ce cimetière,
01:17:09 et théoriquement, le crématorium aurait dû se mettre
01:17:12 dans un endroit plus discret, tout au fond de la parcelle.
01:17:16 Et lui, il n'a pas voulu faire ça.
01:17:19 Il l'a mis en bordure de la route.
01:17:22 Non, parce qu'effectivement, c'est évident que...
01:17:26 Le crématorium, il est excentré.
01:17:29 Il y a des corbillards qui arrivent,
01:17:32 avec des gens qui vont se faire...
01:17:34 Enfin, des morts qui vont se faire incinérer.
01:17:36 Puis il y a le public qui arrive aussi, mais on ne vient pas à pied.
01:17:39 J'essaie d'y aller à pied, c'est impossible.
01:17:41 C'est à peu près à 5 km du centre-ville.
01:17:43 Voilà, tu ne veux pas... Tu viens en voiture.
01:17:46 Donc c'est vraiment un truc, un équipement qui est vraiment...
01:17:49 C'est un équipement technique qui est vraiment accroché
01:17:52 à cette route-là, qui est assez fréquentée.
01:17:55 Là, vous voyez, c'est une...
01:17:57 C'est un bâtiment, il est complètement horizontal.
01:17:59 On est frappé par ça.
01:18:01 Donc voilà, il est près de là.
01:18:03 C'est un bâtiment particulier, parce que...
01:18:05 C'est quand même particulier.
01:18:08 Je l'ai fait une fois, c'était pour une tente,
01:18:11 c'était à Grenoble.
01:18:13 C'était un crématorium.
01:18:15 Il n'y a pas beaucoup d'architectes là-bas,
01:18:17 mais ils vont se reconnaître.
01:18:19 Ça semblait un peu le vaisseau spatial de Star Trek.
01:18:21 C'est complètement à côté de la plaque.
01:18:23 C'est vrai, parce que c'est sûr que les gens qui sont...
01:18:26 Certains, sans doute, il y en a qui le veulent,
01:18:28 mais d'autres, ils le font pour d'autres raisons.
01:18:30 En général, culturellement, on s'enterre.
01:18:34 Donc voilà.
01:18:36 Est-ce que ça vaut le coup de faire un bâtiment aérien ?
01:18:40 Donc lui, il a réglé tout de suite le problème.
01:18:42 Déjà, il a enterré son bâtiment.
01:18:44 Et puis, il a bien réglé le problème technique,
01:18:47 puisqu'il y a une rampe pour les corbiards,
01:18:49 et puis, de l'autre côté, il y a une rampe pour les piétons
01:18:52 qui descendent lentement dans la terre
01:18:55 pour assister à la cérémonie.
01:18:57 Et aussi, il a fait un truc,
01:18:59 c'est qu'il a fait la cheminée, mais très visible.
01:19:01 Alors qu'en fait, on m'a dit, dans les clavatoriums,
01:19:03 en général, tu ne fais pas la cheminée.
01:19:05 Au contraire, tu recherches...
01:19:07 C'est un vaisseau spatial, le mort disparaît comme ça,
01:19:11 par précéditation, et puis c'est terminé.
01:19:13 Ça correspond peut-être aussi assez bien à la société contemporaine.
01:19:17 On n'arrive pas à regarder la mort en face.
01:19:19 Donc, elle disparaît complètement.
01:19:21 Dans le cas de lui, non.
01:19:22 D'abord, il l'a enterré, déjà.
01:19:24 Après, le seul truc qu'on voit de loin,
01:19:27 c'est la cheminée.
01:19:28 Tu ne peux pas ne pas la voir, parce qu'elle est vraiment énorme.
01:19:31 C'est comme un minire comme ça,
01:19:33 qui est jeté dans le territoire.
01:19:36 La cheminée.
01:19:38 En plus, il a bien réfléchi à ça.
01:19:40 Il y a du bruit, il y a la vie, il y a la route,
01:19:43 et là, c'est le crématorium.
01:19:45 Et quand il va, c'est vrai que ce n'est pas pour rigoler.
01:19:48 Donc, le bâtiment, ça, c'est le plan.
01:19:50 Il est très... Il est triangulaire.
01:19:53 Donc là, la pointe du triangle,
01:19:56 c'est l'entrée des corbières.
01:19:59 Tout ça, le grand espace ici,
01:20:01 c'est la salle technique, parce que...
01:20:03 Je ne savais pas ça.
01:20:04 J'ai posé des questions vêtes.
01:20:06 En fait, les morts qu'on brûle, ce n'est pas comme à l'Inde.
01:20:09 A l'Inde, ils brûlent les morts comme on fait des kebabs.
01:20:12 Là-bas, pas du tout.
01:20:14 Vraiment, les morts,
01:20:17 ils sont pris dans une chaleur d'acierie, pratiquement.
01:20:21 C'est plus de 1 000 degrés.
01:20:23 Le corps est transformé en poussière
01:20:25 peut-être en quelques secondes, quelques minutes.
01:20:28 Et toute cette machinerie, en plus,
01:20:31 ça permet de ne pas...
01:20:34 de filtrer...
01:20:36 de filtrer les poussières en suspension dans l'air.
01:20:41 Il ne faut pas que les cendres
01:20:44 se répandent ensuite dans l'atmosphère.
01:20:48 Tout ça, c'est la partie technique.
01:20:50 C'est plus dédié au culte.
01:20:53 On descend par la rampe, on arrive dans une cour.
01:20:56 Après, on rentre, il y a une salle de cérémonie.
01:20:59 Ici, c'est plutôt un endroit caché.
01:21:03 Il y a l'espace où les cercueils entrent dans le crématorium,
01:21:08 proprement dit, pour l'incinération.
01:21:11 Voilà. On arrive par là.
01:21:14 Sa maman est morte. On arrive par là.
01:21:16 On descend. Il y a le bruit de la route, les voitures.
01:21:19 Ça fait bizarre. On descend.
01:21:22 On entend moins le bruit de la route.
01:21:25 Par contre, on entend le bruit d'eau.
01:21:29 Et puis là, on arrive.
01:21:32 On n'entend plus le bruit de la route,
01:21:34 on n'entend plus que le bruit d'eau.
01:21:36 Récemment, je suis allé voir un truc.
01:21:39 C'était des textes de Goethe et compagnie,
01:21:42 des romantiques allemands.
01:21:45 Il y avait des mots qui revenaient constamment
01:21:48 après une vie de souffrance,
01:21:50 "enfin, l'affréchir de la tombe".
01:21:52 On arrive là.
01:21:54 Il a fallu venir ici, je ne sais pas comment.
01:21:57 On ressent. On arrive dans quelque chose.
01:22:00 On n'est plus dans les bruits.
01:22:02 On n'est plus dans la ville.
01:22:04 Il y a cette eau qui coule.
01:22:07 Il faisait froid. C'était en plein hiver pour moi.
01:22:11 On sentait, tout d'un coup,
01:22:13 cette sorte de libération que peut procurer l'eau.
01:22:18 L'affréchir de la tombe.
01:22:20 C'était au petit matin. Le soleil traversait l'espace.
01:22:24 Là, c'est la salle de cérémonie.
01:22:26 Comme toujours chez lui, il a trouvé des éclairages génitaux
01:22:30 pour qu'on n'ait pas trop la pression d'être enterré.
01:22:34 On se dit quand même...
01:22:36 La gravité est partout là-dedans, c'est sûr.
01:22:39 J'expliquerai pourquoi tout à l'heure.
01:22:41 La gravité est partout. La pesanteur, la lourdeur.
01:22:45 Là, il y a une arrivée de lumière,
01:22:48 mais si l'électricité était éteinte,
01:22:51 on verrait très peu de choses.
01:22:54 C'est plus sépulcral.
01:22:57 Ce n'est pas...
01:22:59 Ce n'est pas des torrents de lumière sanitaire.
01:23:03 C'est une lumière sépulcrale.
01:23:06 Voilà.
01:23:08 OK.
01:23:10 C'est là où on incinère les gens.
01:23:14 Et là, c'est quand on sort.
01:23:17 C'est ça qui est fou. On comprend tout le truc.
01:23:20 On comprend que se faire incinérer,
01:23:23 ce n'est pas forcément...
01:23:25 C'est sûr qu'on se fait incinérer,
01:23:27 mais pour quelles raisons ?
01:23:29 Culturellement, on se fait enterrer.
01:23:33 Tout est fait pour avoir un parcours dans la terre.
01:23:38 Le crématorium n'est pas posé sur la terre,
01:23:41 il est vraiment dans la terre.
01:23:43 Toutes les salles sont sépulcrales, sont cryptiques.
01:23:47 Donc, on a partout le...
01:23:51 Ce sentiment, comme ça, d'être...
01:23:56 Surtout quand on sort.
01:23:58 Il y a un dénivelé entre la voie et le cimetière,
01:24:03 qui est fait par un autre architecte.
01:24:06 Et quand on sort, on est à moitié enterré, quelque part.
01:24:11 Donc, tout est fait.
01:24:14 Même si les corps sont réduits en fumée,
01:24:20 pour simuler l'enterrement.
01:24:24 Là, on voit, quand on sort,
01:24:26 on a la terre qui arrive au niveau du ventre.
01:24:29 Donc, on est dans la terre, quelque part.
01:24:32 Quelque part, nous, le public, on ressuscite.
01:24:35 On imagine que peut-être, ce sera la même chose
01:24:38 qui est passé à 1 000 degrés tout à l'heure.
01:24:41 Voilà. Et on arrive là-dessous, sous ce grand porte-à-four béton,
01:24:47 extrêmement pesant.
01:24:50 Tout est fait, si vous voulez.
01:24:52 Même les gens qui partent en fumée,
01:24:54 comme le disent les romantiques,
01:24:56 après une vie de souffrance,
01:24:58 retrouvent la fraîcheur de la tombe.
01:25:03 La terre, la terre-mer. Merci.
01:25:08 (Applaudissements)
01:25:11 (...)