David Djaïz, essayiste, enseignant à Sciences Po, était l'invité du 8.30 franceinfo du dimanche 4 février 2024.
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00:00 Ce qu'il y a derrière ça, c'est la question effectivement du modèle écologique versus le modèle démocratique.
00:04 Certains, même chez les écologistes, pensent que, au fond, si on veut aller au bout de la réforme écologique,
00:11 il faut passer par des régimes plutôt autoritaires.
00:14 Moi, je ne crois pas du tout. Le message qu'on a voulu porter, c'est que l'écologie, ça marche si c'est articulé à un vrai projet de société.
00:21 Bon, le projet de société porté par Xi Jinping, c'est un projet de domination totalitaire du Parti communiste chinois.
00:27 Et donc, la transition écologique, elle se greffe sur ce projet.
00:30 Par exemple, ils ont mis en place un système de contrôle environnemental des entreprises et des citoyens
00:35 qui ressemble un peu au crédit social et qui permet de renforcer le contrôle sur les individus.
00:40 Ce n'est pas du tout ce qu'il faut faire en Europe.
00:42 Mais nous, ce que nous disons avec Xavier Desjardins, c'est utilisons les forces de l'Europe,
00:46 la société civile, la décentralisation, la diversité des territoires, la liberté d'entreprise,
00:50 la liberté de la recherche pour produire une écologie qui nous correspond, mais qui soit véritablement efficace.
00:57 Et donc, une des dimensions, c'est la négociation.
01:00 C'est-à-dire qu'au lieu d'imposer de manière très verticale des normes aux agriculteurs, par exemple, ou aux artisans,
01:07 essayons de les construire à l'échelle territoriale, de manière à ce que chacun s'y retrouve.
01:12 Vous savez, dans l'agriculture d'hier, on avait une cogestion entre l'État et la FNSE.
01:16 Tout ça a été décidé à Paris ou à Bruxelles. C'était assez technocratique.
01:19 Ce qu'il faut construire maintenant, c'est à l'échelle plus locale, le bassin céréalier en Ile-de-France,
01:26 l'élevage porcet en Bretagne, les maraîchers en Lothé-Garonne.
01:29 Essayez de se demander comment est-ce qu'on repense le modèle agricole pour mieux rémunérer les agriculteurs
01:35 et pour faire en sorte qu'ils retrouvent une place et une dignité dans la société.
01:40 - Vous proposez un compte transition, c'est ça, pour les Européens ?
01:43 - Alors, je disais tout à l'heure, il ne faut pas que l'écologie soit associée à la douleur.
01:47 C'est-à-dire que les gens aient l'impression qu'ils vont perdre de l'argent ou que ça va boucher leurs horizons.
01:52 Changer de voiture pour acheter une voiture électrique, changer sa chaudière pour acheter une pompe à chaleur,
01:59 faire la rénovation de son logement.
02:00 Je suis sûr que plein d'auditeurs sont confrontés à ces problèmes et à ces questions.
02:04 Ça coûte en moyenne 60 ou 70 000 euros.
02:07 Et encore, ça dépend de la taille du logement.
02:09 C'est une épouvantable bureaucratie.
02:11 On ne comprend rien aux devis.
02:12 Ma prime rénov', on ne sait pas si on va avoir l'argent parce qu'il faut d'abord l'avancer
02:16 pour faire les travaux et ensuite prouver qu'on a remonté un certain nombre de classes
02:20 et qu'on a fait un certain nombre de postes.
02:22 Tout ça est d'une complexité absolument épouvantable.
02:26 Et si vous voulez, il y a plein de gens qui sont perdus là-dedans.
02:28 Je ne vous parle pas des escroqueries.
02:30 Donc, nous, ce qu'on propose, c'est de créer un compte transition qui ressemble un peu...
02:34 Vous savez, quand vous êtes salarié dans une entreprise, vous avez un compte où vous avez les chèques restaurant,
02:39 les chèques vacances, les avantages mobilité.
02:41 Et bien là, sur ce compte transition, vous pourriez voir l'ensemble des dépenses pour la chaudière,
02:45 pour la voiture, pour les fenêtres.
02:47 Et cet argent, il serait versé sous la forme d'une dotation d'investissement.
02:53 Nous, on propose que ce soit de l'argent européen pour renforcer le lien entre les citoyens et l'Europe.
02:59 Et avec ce compte, on pourrait faire ces achats d'équipements écologiques
03:03 et suivre en direct ces différentes dépenses.
03:05 - Vous vous plaidez, par exemple, pour un ISF vert.
03:07 Il faut faire contribuer les plus riches parce que ce sont ceux qui polluent le plus aujourd'hui ?
03:11 - Alors nous, on pense que d'abord, l'Europe, elle a les moyens de s'endetter un peu.
03:15 On a été chercher 750 milliards d'euros de plans de relance au moment du Covid.
03:21 On peut bien trouver quelques centaines de milliards pour affronter le défi du siècle.
03:25 Deuxièmement, vous savez qu'il y a les droits à polluer sur les carburants et sur le chauffage qui arrive en 2027.
03:32 Ça, ça va rapporter des dizaines de milliards d'euros.
03:35 Il faut qu'on utilise ces recettes pour aider les ménages à changer leur chaudière ou à acheter des voitures électriques.
03:41 Parce que si les gens se retrouvent avec des factures de chauffage ou des prix de l'essence à la pompe qui explosent,
03:46 je ne vous raconte pas ce qui va se passer.
03:48 - Mais est-ce que c'est aux plus riches quand même de participer plus à cette transition ?
03:50 - Alors nous, ce qu'on pense, c'est qu'il faut prélever sur les patrimoines de plus de 10 millions d'euros une taxe exceptionnelle en une fois,
03:57 dans l'esprit de ce que proposaient Jean-Pyzani-Ferry et Selma Mahfouz.
04:01 Parce que c'est évident que ce sont les plus riches qui ont l'empreinte carbone la plus élevée
04:06 et qui, proportionnellement, aujourd'hui, contribuent le moins à la transition.
04:10 Donc ça matérialiserait un effort de solidarité qui est absolument nécessaire si on veut préserver un contrat social juste.
04:16 - Mais il n'y en a pas qu'à faire pour l'instant.
04:19 - Je pense qu'on va y arriver petit à petit, mais il faut le faire au niveau européen,
04:22 parce qu'évidemment, au niveau national, ça n'a pas de sens compte tenu de la liberté de circulation des capitaux en Europe.