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00:00 Et maintenant mesdames messieurs voici...
00:02 Fais nous danser, Julie Larousse, toi dont les baisers...
00:07 Voici Serge Julie !
00:09 *Musique*
00:24 Serge bonsoir...
00:25 J'ai entendu beaucoup à l'école.
00:26 C'est pour ça.
00:27 C'est parce qu'on vous a gonflé toute votre enfance avec ça que je me suis dit ça lui fera plaisir.
00:31 Fais nous danser, Julie Larousse...
00:33 T'imagines quand t'es môme t'as René-Louis Laforque dans les oreilles toute la journée.
00:36 Toute la journée.
00:37 Et voilà.
00:38 Alors on vous présente pas, vous êtes le patron de Libération.
00:41 Votre titre exact c'est...
00:43 Faut que je réponde ou...
00:44 Non non, votre titre exact, moi je dis patron mais c'est quoi, directeur de la publication...
00:47 Ouais c'est ça.
00:48 Hein c'est ça ?
00:49 Voilà, Serge Julie mesdames messieurs.
00:51 On va y aller tout de suite hein.
00:53 *Musique*
00:58 Alors, Serge Julie, vous êtes né en 42 Paris 15ème et vos premiers traumatismes c'était vos parents vous ont appelé Patrick.
01:04 Pourquoi ? Jusqu'à l'âge de 12 ans ?
01:06 Je sais pas.
01:07 C'est bizarre.
01:08 Je sais pas.
01:09 Ça doit traumatiser les enfants.
01:10 En plus à mon état civil c'était pas le nom.
01:13 Non non.
01:14 Mon état civil c'était Serge.
01:15 Max aussi en fait.
01:16 Et Max oui.
01:17 Ouais.
01:18 Et vers 12-13 ans effectivement j'ai dû manifester une...
01:24 Une... je sais pas, une volonté, une autonomie.
01:27 Ouais c'est normal.
01:28 J'ai dit voilà je veux qu'on m'appelle Serge.
01:30 Alors c'était un peu difficile mais finalement...
01:32 Patrick, ben oui y'a pas que vous qui avez tout fait.
01:33 C'est moi qui suis arrivé.
01:34 Ouais.
01:35 Hein y'a pas que vous.
01:36 Non non tout le monde connait Serge Julie de toute façon.
01:37 Et puis alors le deuxième traumatisme c'est les bombes qui tombaient sur l'usine Renault puisque vous étiez dans le 15ème.
01:41 Donc y'avait les bombes qui tombaient à côté, les hurlements des chiens, les sirènes, enfin voilà quoi, la fin de la guerre, les bombardements.
01:46 Les camions de 3 tonnes.
01:47 Les camions de 3 tonnes.
01:48 Vous savez qu'il y avait des camions de 3 tonnes.
01:49 Non c'était des bombes de 15 grammes.
01:50 Ouais ouais ouais.
01:51 Des bombes de 15 grammes.
01:53 Bien, votre père était directeur d'exportation chez Ducrété Thompson, personne ne se souvient.
01:57 Vous vous souvenez de Ducrété Thompson ?
01:58 Personne ne se souvient.
01:59 Ouais ouais.
02:00 Ma fin c'était pour ceux qui... y'a longtemps, y'avait des vieux postes qui s'appelaient Ducrété.
02:04 Bah ouais, Ducrété Thompson, c'est une bonne marque Ducrété Thompson.
02:05 Et puis après il a fait des modèles mathématiques appliqués à la croissance, c'était déjà plus compliqué là.
02:09 Voilà, c'est quand il était retraité.
02:10 Ouais ouais.
02:11 Et votre grand-père...
02:12 C'est le rôle d'idée quoi.
02:13 Ouais, c'est plus rigolo, votre grand-père il s'appelait Fortuné-Julie, il était colonel de musique dans l'armée, il écrivait des chansons pour Miss Tinguette.
02:19 C'est vrai.
02:20 Ça je savais pas ça.
02:22 En fait vous avez été élevé par votre mère, non ? Plus tôt, non ?
02:26 Ouais.
02:27 Qui était bretonne, catholique, qui travaillait dans la haute couture chez LeLond.
02:30 Là aussi on se souvient plus de tout ça.
02:32 Enfin si, y'a des gens qui regardent qui s'en souviennent.
02:34 Mais bon, pas tous.
02:35 Et votre adolescence a été marquée par deux faits politiques importants, l'entrée des chars soviétiques à Budapest, les Dien Bien Phu.
02:43 Les tout petits chars.
02:45 On se demande combien de jours il t'a eu alors.
02:48 Votre premier manif c'était derrière Pierre Mendès France.
02:50 En 1958.
02:51 Contre le coup d'état de De Gaulle.
02:53 Vous pouvez l'écrire, un coup d'état de De Gaulle ?
02:55 C'était l'arrivée de De Gaulle en 13 mai 1958, donc dans un contexte qui était quand même très difficile.
03:03 Et donc y'avait une manifestation pour défendre la République.
03:06 Honnêtement, maintenant, avec le recul, Sir Julie, De Gaulle qui était quand même parti à Londres le 18 juin 1940, est-ce que vous pensez qu'il mettait en péril la République ?
03:14 Sérieusement.
03:15 Sur le coup, moi, je l'ai pensé.
03:19 Et c'est pas forcément la meilleure idée que j'ai eue, mais je l'ai pensé.
03:23 En plus y'avait un risque, parce que quand De Gaulle est arrivé, il est arrivé, bon c'était l'Algérie française, c'était ça, donc...
03:31 Il est arrivé en disant "je défendrai l'Algérie française".
03:33 Oui, je vous ai compris, bon, le balcon d'Alger, c'est quand même des militaires qui l'ont mis au pouvoir, c'est quand même pas des...
03:42 Oui, alors c'est vrai, y'a eu un vote de l'Assemblée, mais enfin, y'a parfois des assemblées qui se couchent, donc...
03:47 Bah c'est déjà arrivé en 40.
03:49 Oui, c'est déjà arrivé, donc voilà, y'avait des circonstances.
03:52 Sur le bilan, vous avez tout à fait raison, il s'est conduit de manière finalement assez démocratique,
03:58 même si, je pense, c'est avoir très modestement contribué à le chasser du pouvoir.
04:02 Alors, vous adhérez assez tôt à la LICRA, hein, au lycée, en 61 vous adhérez à l'Union des étudiants communistes.
04:09 Oui, pas longtemps, évidemment.
04:11 Alors, Budapest en 56, ça vous avait pas servi de leçon sur le communisme ?
04:14 Oui, mais alors, on était... on voulait transformer, quoi, ce parti communiste, y'avait... c'était des étudiants, et puis donc on a été chassés assez vite, quoi.
04:22 Oui, et vous étiez exclu effectivement en 63, deux ans après.
04:25 Donc ça a été très vite, on a pas perdu...
04:27 Vous vouliez plutôt faire un communisme à l'italienne ?
04:29 Voilà, absolument, c'était notre modèle à l'époque, démocratique, quoi, comme on disait.
04:33 Comme Kouchner, comme Kravetz ?
04:35 Oui, on était une équipée.
04:37 Voilà. Et là, en 66...
04:40 Là ?
04:41 En 66, vous êtes prof de philo, dans un collège, vous êtes vachement rangé des voitures, au collège Sainte-Barbe, vous êtes marié,
04:51 vous avez un appartement dans le Marais, payé par vos beaux-parents.
04:54 Oui.
04:55 Et vous avez une vie assez tranquille jusqu'en 68, là, vous passez deux ans...
04:59 Ouais, 'fin, je faisais des petites choses, je faisais du théâtre aussi, je faisais du théâtre.
05:04 Mais là, vous auriez pu rester comme ça, finalement ?
05:06 Ouais, j'aurais pu, mais 'fin, j'occupais quand même un peu du Vietnam, tout ça.
05:10 Ah, quand même.
05:11 Il y a eu 68, il y a eu le mouvement du 22 mars, et le 23 mars, vous rencontrez Daniel Cohn-Bendit,
05:16 et le 3 mai, vous quittez l'enseignement, hein, donc ça a pas pris longtemps non plus, pour retrouver vos élèves sur les barricades.
05:22 Oui, j'étais assez content.
05:23 Ouais. Et vous avez quitté aussi l'appartement par la même occasion ?
05:26 Oui.
05:27 Avec trois bouquins ?
05:29 Même pas, je crois.
05:30 Ouais. Vous dites "quand je quitte, je quitte tout".
05:33 Oui, ça s'est passé comme ça.
05:35 Et alors là, 68...
05:48 Alors là, vous écrivez avec Alain Gessmar un livre terrible qui s'appelle "Vers la guerre civile", un brûlot extrémiste.
05:54 Vous disiez quoi dans ce livre, par exemple ?
05:56 Il y a un lot de conneries dedans, oui.
05:57 Ah oui, vous dites ça, maintenant ?
05:58 Oui. Ben oui, je l'ai dit finalement relativement vite, mais enfin...
06:03 On disait quoi ? On disait que finalement, la situation devenait très révolutionnaire en France, et que la guerre civile allait se développer, et donc les forces...
06:12 C'était 1917 en Russie, d'un coup, ouais.
06:14 Oui, enfin, il y avait quelque chose un peu comme ça.
06:16 Un peu comme ça.
06:17 Ah, trop caricatural, parce qu'on faisait quand même beaucoup de symbolique, comme ça.
06:21 Mais il y a des pages dedans, ouais, qui sont un peu pathétiques.
06:25 Je ne les sais pas, là.
06:26 Oui, mais moi, je les connais.
06:28 Vous êtes honnête de le dire, en même temps.
06:29 En 69, vous rentrez à la gauche prolétarienne, ça c'est les Mao, hein.
06:32 Oui, je me suis pris les contributs, quoi.
06:34 Avec Pierre Victor, alias Béni Lévy, ouais.
06:36 Et là, alors, ça devient...
06:37 "Antisocial, couper ton champ de froid ! Repose à toutes ces charées de service !"
06:47 Alors là, Sir Julie, vous devenez carrément antisocial, c'est le cas de le dire, c'est l'époque violente, quoi.
06:51 Non, plutôt social, quoi.
06:52 Oui, mais enfin, bon, vous êtes pro-palestinien, bon, vous avez tagué...
06:56 Oui, mais ça, c'est pas une tare, hein.
06:58 C'est pas une tare du tout, mais...
06:59 D'une certaine manière...
07:00 Bien sûr, mais enfin, vous avez quand même tagué l'hôtel particulier des Rothschild, vous mettez le feu à la banque, enfin...
07:05 Oui, on a fait aussi des choses chez Fauchon, voilà, donc je...
07:08 Je veux dire, on a fait pas mal de choses, c'est vrai, mais moi, je regrette pas grand-chose.
07:14 On se battait contre un nombre de choses, donc, certaines ont porté leurs fruits, c'était contre l'organisation fordienne du travail,
07:21 contre le travail à la machine, comme ça, répétitif, telorisme, etc., ce qui était...
07:26 Mais les OS, ça a disparu, alors on les appelle plus comme ça, il y a encore du travail comme ça, mais enfin, la chaîne a disparu, hein.
07:32 C'est pas grâce à nous, on a participé à l'Antisocialisme.
07:34 Vous avez pris conscience aux gens que c'était un espérage, oui.
07:36 Mais, je trouve qu'on a joué un rôle là-dessus, même chose sur l'immigration, les premiers combats sur l'immigration,
07:42 c'est quand même à cette époque-là, on n'y prend pas, bon, je pense que ça a eu des fruits qui sont bien, quoi.
07:49 Alors, en 1970, la gauche prolétarienne est interdite par le ministre de l'Intérieur.
07:53 Oui, oui, ça passe plusieurs fois.
07:55 Vous rentrez dans la clandestinité, là, vous changez encore de prénom, c'est-à-dire après Patrick, vous devenez Marc.
07:59 Oui, ça devient maladie.
08:00 Oui, c'est maladie. Et on vous envoie dans les... Béni-Lévis, on vous envoie dans les huyères du Nord,
08:04 pour vous refaire une santé militante, parce qu'ils pensaient qu'à Paris, vous voyez trop d'intellectuels, qu'il fallait quand même vous envoyer un peu sur le terrain.
08:09 Oui, parce que je m'occupais du secours rouge, quoi, de...
08:11 Oui, alors quand vous êtes dans le Nord, pour vous refaire votre santé militante, éclate l'affaire de Bruy-en-Artois.
08:17 Alors, les gens ne se souviennent plus, vous vous souvenez de ça, vous ?
08:20 Bruy-en-Artois ?
08:21 On a dit quelque chose, ça, oui.
08:22 C'est une petite Brigitte de 16 ans qu'on a retrouvée...
08:24 Brigitte de Veve.
08:25 Voilà, morte et violentée dans un terrain vague.
08:27 Et évidemment, tout de suite est suspecté le notaire, Pierre Leroy.
08:31 Il est non seulement suspecté, mais il est inculpé.
08:34 Et il est, comme aurait dit Duras, coupable, forcément coupable, puisqu'il est notaire.
08:39 Et c'est ce que vous croyez aussi.
08:40 Et un jour, une jeune militante de la gauche prolétarienne émet des doutes sur la culpabilité de ce notaire.
08:47 Et vous lui dites, c'est parce que tu as peur, parce que tu es une fille de bourgeois,
08:51 et tu as peur de voir la tête de ton père au bout d'une pique.
08:54 Oui, non, c'est vrai.
08:56 Seul un bourgeois peut avoir fait ça, en fait.
08:58 Oui, oui, oui, non, mais c'était... ça a été un moment assez dur, quand même.
09:04 C'était... la face un peu noire, c'est celle-là.
09:09 C'était un débat sur la justice qui a été très important en France.
09:12 C'est-à-dire que le notaire, il était coupable parce qu'il était bourgeois.
09:14 Voilà, donc...
09:15 C'est-à-dire qu'il n'était pas coupable par sa race, comme les juifs, mais il était coupable par sa classe.
09:19 Donc, je... ça... mais...
09:21 Non, mais je vous accuse pas, simplement.
09:24 C'est vrai.
09:25 C'est la vérité.
09:26 C'est vrai.
09:27 Je ne discute pas ça.
09:28 Je dis simplement que c'était l'occasion d'une émotion, quand même, gigantesque.
09:33 Ce n'était pas simplement...
09:35 [Musique]
09:48 Marqué "C'est pas faux non plus", hein ?
09:50 Oui, voilà, c'est ce que j'allais dire, il le dit très bien.
09:52 Oui, "C'est pas faux non plus".
09:53 Alors, le notaire a été innocenté, finalement.
09:55 Oui.
09:56 Il est mort en 92 de sa belle mort.
09:58 Et le jeune chômeur qu'on avait attrapé à l'époque, qui s'était accusé du crime de Brigitte Devervres,
10:04 eh bien, il a été... il s'est rétracté, finalement.
10:07 Ça reste un mystère.
10:08 On n'a jamais su, on n'a jamais su qu'il avait tué cette...
10:09 Ça reste un mystère, mais quand je parlais d'émotion,
10:13 il y avait des manifestations devant le palais de justice, ça y dit mille personnes.
10:16 C'est pas simplement parce que je faisais le clown là-bas,
10:20 donc l'émotion était gigantesque.
10:23 Donc, vous rentrez à Paris en 72, donc il y a la création de l'agence de presse Libération,
10:27 parce que Libération, avant d'être un journaliste, c'est une agence de presse,
10:29 puis un an plus tard, c'est devenu un quotidien avec Jean-Paul Sartre,
10:32 et presque 30 ans après, vous êtes toujours là, vous êtes comme Drucker, hein ?
10:36 Non, mais c'est vrai, hein ?
10:38 On ne fait pas exactement la même chose, mais...
10:39 Non, non, mais Drucker...
10:40 C'est vrai qu'il a beaucoup de talent, hein ?
10:42 Ma femme l'appelle...
10:43 C'est pas vraiment le même Libé qu'à l'époque, mais...
10:45 Ben, ça a changé, heureusement, parce que si on ne changeait pas...
10:48 Moi, je connais un seul journal qui n'a pas changé pendant très longtemps,
10:52 c'était le Quotidien du Peuple à Pékin, ou la Pravda à Moscou,
10:54 c'est vrai, ils ne changeaient pas, au moins, c'était rassurant.
10:57 Un journal a pas forcément un quotidien, heureusement que ça change,
11:00 parce que c'est la vie, donc on est une plaque sensible de ce qui se passe,
11:05 de la société, comme on parle plutôt de la société,
11:08 donc heureusement qu'on change.
11:10 Moi, je serais contente, c'était un journal que je lisais beaucoup quand j'étais enfant.
11:12 Et vous ne le lisez plus ?
11:14 Si, mais plus tous les jours, pas comme avant.
11:16 Pas de la même façon.
11:18 Pas avec autant d'adoration qu'à l'époque.
11:20 En tous les cas, Libération, aujourd'hui, c'est le journal qui fait l'opinion en France,
11:22 donc quoi qu'il en soit, je pense que la plupart des journalistes de la télévision,
11:26 de la radio, avant de faire leur journal télévisé,
11:30 ou leur commentaire, ils lisent Libération pour savoir ce qu'il faut penser, non ?
11:34 C'est une question que vous me posez, c'est à eux de vous la poser.
11:36 Je vous demande, vous avez l'impression quand même que c'est...
11:38 Même si c'est pas des ventes, c'est combien comme vente tous les jours ?
11:41 C'est 170 000 ventes tous les jours.
11:43 C'est énorme.
11:45 Mais c'est un journal qui a un poids qui dépasse de beaucoup son tirage.
11:49 Oui.
11:51 Oui. Le journal qui fait l'opinion en France.
11:53 Vous n'en êtes pas l'air persuadé.
11:55 Je sais pas, parce que c'est...
11:57 Faire l'opinion, c'est la formule, quoi.
11:59 Faire l'opinion.
12:01 On a l'impression qu'on usine l'opinion et qu'on force les gens à penser quelque chose.
12:05 Non, non, c'est l'indicateur de la tendance, de la pensée, comme ça.
12:08 Oui, peut-être. Un agitateur.
12:10 Ils ont dit du bien de vous, Libé ?
12:12 Oui, oui, ils ont dit bien.
12:14 Et vous ? Vous avez eu plein de libérations, c'est le moment, le patron est là.
12:16 Oh, non !
12:18 Non, non, mais...
12:20 Moi, j'ai un truc à dire assez important, parce que je crois que je réunis pas mal de...
12:24 de consoeurs et de confrères dans la variété française depuis très longtemps.
12:28 Puisqu'il y a eu une personne chez vous qui travaillait depuis longtemps à la variété française.
12:32 Absolument, il faut le dire, parce que c'est très important.
12:35 Qui a sali énormément de gens dans la chanson.
12:39 Qui a dit des choses non fondées.
12:42 Des choses injustes et non pas justifiées.
12:45 Et ça, c'est très important de le dire, parce qu'à un moment donné, nous, on n'a pas toujours...
12:48 On ne peut pas toujours avoir un rendement.
12:51 C'est-à-dire qu'on ne peut pas toujours se défendre,
12:53 puisque de toute façon, ce n'est pas notre but, parce qu'on est là pour être aussi critiqués.
12:56 Ça, c'est bien.
12:57 Mais qu'il y ait un vrai fondement juste et qu'il y ait des vraies rencontres.
13:00 On ne peut pas laisser des albums et des albums se faire critiquer sans cesse,
13:04 sans avoir de rencontres avec parfaitement...
13:06 - Mais c'est pas tout le monde qui est critiqué. Par exemple, ils adorent Bachung, ils adorent Clistoc, ils adorent Murat.
13:10 - Non, mais le côté élitiste, ben oui, mais alors...
13:13 - Oui, ils ont leur tête, oui.
13:15 - Et pourquoi on n'adore pas dans un journal aussi intelligent,
13:18 parce que moi, je le sais, puisque c'est un journal aussi que je lis depuis très longtemps,
13:22 dans un journal qui a de l'ambition et de l'intelligence et de la réflexion,
13:26 pourquoi on ne dit pas aussi, pourquoi on n'est pas fiers de ce que font les Français en France ?
13:30 - Pardon, excusez-moi, Serge, le côté élitaire de Libération au niveau du service culture.
13:35 - Oui ?
13:36 - Ça me semble pas tout à fait exact. Si vous permettez, on fait Danny Boon.
13:40 - Tant mieux, heureusement.
13:42 - Non, on fait... Non. Je veux dire... D'abord, Murat est quelqu'un quand même assez intéressant,
13:46 mais à part ça, on en a fait des tonnes sur Henri Salvador.
13:50 - Oui, c'est vrai.
13:51 - Johnny Hallyday, c'est quasiment le journal de Johnny Hallyday,
13:54 alors même on a des polémiques avec lui, tout ça, etc. Donc je...
13:58 - Oui, mais si Jean-Louis Murat, demain, vend 2 millions d'albums, est-ce que vous allez en parler de la même façon ?
14:02 - Ah, ah, ah, attends.
14:03 - Je crois pas. Je crois pas. Et j'en suis persuadée.
14:05 - Et bien, je crois pas. Et j'en suis persuadée.
14:06 - Oui, Salvador, ils sont quand même pas des maîtres de l'année.
14:08 - Mais non, Henri Salvador, on était tous seuls à un moment donné.
14:10 - Mais oui, c'est la vérité. Vous m'avez attendu.
14:12 - Non, c'est pas vrai.
14:13 - Je veux pas les défendre, mais quant à Salvador, ils ont été les premiers à dire que ce nouvel album,
14:17 qui est beaucoup mieux que le précédent...
14:18 - Bah, quand tout le monde dit qu'il est génial, on n'est pas d'accord.
14:20 - Ils ont été les premiers à le faire.
14:21 - Mais avant qu'il sorte, on avait déjà fait un énorme truc sur Salvador.
14:25 - C'est vrai.
14:26 - C'est normal qu'il soit génial, l'album.
14:28 - Oui, il l'est. Mais dans notre métier, c'est toujours important, finalement, de repérer quelque chose,
14:33 même si c'est quelqu'un de très connu, par rapport à ce que...
14:36 - Il y a... Alors, il y a de me s'exprimer.
14:38 - Excusez-moi, deux secondes.
14:39 - Donc je...
14:40 - Moi, je suis assez bien placée pour vous parler avec respect, vraiment, M. Sergeli, mais...
14:43 - Non, non, vous pouvez m'appeler Sergi. Vous pouvez m'appeler Marc.
14:45 - Patrick.
14:46 - Patrick.
14:47 - Ou Marc.
14:48 - Marc, Marc, Marc, c'est ça.
14:49 - M. Jean-Louis Murat, demain, vend 2 millions d'albums comme Patrick Bruel.
14:52 Eh ben, je peux vous dire un truc, vous en parlerez plus de la même façon. Et ça, c'est logique.
14:56 - C'est pas exact.
14:57 - Mais bien sûr que si.
14:58 Et Lara Fabian vendrait 50 000 albums. Vous diriez, c'est formidable. Elle a une voix extraordinaire.
15:03 - Non, non, je crois pas à Lara Fabian.
15:05 - Mais bien sûr que si.
15:06 - Marc, vous ne l'avez pas la luce.
15:07 - Bien sûr, mais oui.
15:09 - Excusez-moi, Serge. Moi, je parle juste. Je me dis un peu de ça, mais...
15:13 - Non, non, on n'est pas là. On nous comporte.
15:15 - Il y a un changement, il y a. C'est vrai.
15:16 - En tout cas, vous pouvez reconnaître qu'on distingue aujourd'hui énormément,
15:19 je sais pas comment ça se passe au sein de votre journal,
15:21 les pages généralistes de Libération et les pages culturelles.
15:24 - Culturelles, oui, c'est ça.
15:25 - Vous êtes d'accord, il y a vraiment 2 journaux à l'intérieur du même quotidien, non ?
15:30 - Oui, mais c'est... En quoi c'est un problème ?
15:32 - Je sais pas, je vous pose la question, est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
15:35 - Oui, oui, merci.
15:36 - Serge, est-ce qu'on peut pas dire, finalement, que Libé est un peu snob, un peu élitaire sur le plan culturel, quand même ?
15:41 - Il est soin.
15:42 - Moi, peut-être qu'il y a ça, mais je pense que notre rôle, il est plutôt de découvrir des gens
15:48 qui sont en France ou à l'étranger, que quand on est Céline Dion, il n'y a pas besoin de nous.
15:53 Qu'est-ce qu'on va faire pour Céline Dion ?
15:55 Là, les médias du monde entier, si en plus il y avait Libération, ce serait injuste, moi, je trouve.
16:00 - Mais Johnny Hallyday n'a pas besoin de vous non plus ?
16:02 - Non, mais nous, sur Johnny Hallyday, on pense qu'il incarne quelque chose.
16:08 - C'est Loupia, il y a Loupia Truc, j'adore.
16:10 - Loupia et la deux Trucs, c'est Johnny Hallyday et les Rolling Stones.
16:12 Bien.
16:13 - C'est vrai.
16:14 - C'est pas mal, déjà. C'est pas mal.
16:16 - Alors, tout à l'heure, justement, on disait que l'époque avait changé par rapport...
16:19 - Ça, c'est vrai. Time has changed.
16:21 - Par rapport au notaire de Bruyères-en-Artois, mais même par rapport à il y a 20 ans, là.
16:25 Je parle pas d'il y a 30 ans, je parle d'il y a 20 ans.
16:27 - C'est proche.
16:28 - Vous vous interviewez il y a 20 ans, pour "Rock et Folk".
16:30 - Ah.
16:31 - On parlait de la cocaïne.
16:32 - J'ai regardé, ça.
16:33 - On parlait de la cocaïne. Vous me disiez, vous le diriez plus aujourd'hui, plus personne n'oserait dire ça.
16:37 Vous me disiez, la cocaïne, ça fait du bien à la sinusite.
16:40 - Oui, c'est vrai.
16:41 - Non, mais... Vous vous rendez compte, en 20 ans...
16:43 - Si vous voulez me faire dire que j'en ai pris, oui.
16:45 - Non, mais tout le monde le sait, Serge.
16:46 - Voilà.
16:47 - Ce que je veux dire, c'est pas un scoop. Non, je parle de...
16:49 - On voit que c'est les adresses.
16:50 - Non, non. Je parle... Non, non. Je parle... Serge, la question, c'est pas ça, tout le monde.
16:53 Je parle de la liberté d'expression et du... C'est une chose, aujourd'hui, qu'elle patronne canard,
16:57 même pas vous, personne pourrait dire aujourd'hui.
16:59 Ouais, la coke, c'est la drogue du boulot, que tu sois tennisman ou cohort cycliste.
17:03 C'était ça, la dame blanche qui faisait courir Fausto Coppi.
17:05 - Oui, d'ailleurs, c'est le jeu de mots qu'il y avait sur sa compagne.
17:08 - Oui, mais bon...
17:09 - Tout un billet en blanc et qu'il y avait un jeu de mots sur la dame blanche.
17:11 - Mais ça vous inquiète pas, ça, cette espèce de rétrécissement de la liberté d'expression ?
17:16 Aujourd'hui, on arrive... On dit plus des choses comme ça.
17:19 Vous seriez...
17:20 - Je sais pas, peut-être parce que les gens en prennent moins. Je sais pas, non.
17:23 - Je crois pas, non. Après ce que disent les stups, non.
17:25 Vous disiez sur l'héros, j'ai été obligé d'interdire l'héros à l'I.B.
17:29 - Ça, c'est vrai.
17:30 - Oui, mais bon...
17:31 - Bah oui, je disais...
17:32 - Non, mais d'accord, mais oui, mais en 20 ans, ça a changé, quand même.
17:36 - Bah, il y en a un, il y en a plus.
17:38 - Non, d'accord, mais aujourd'hui, on pourrait même plus le dire, ça, à la télé.
17:42 - Bah, je sais pas, là, je suis à la télé.
17:44 - Ouais. Non, mais vous le dites parce que je vous le dis.
17:46 - Oui. Non, c'est vrai.
17:48 - Est-ce que, finalement, l'époque a changé ?
17:50 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, non seulement on pourrait plus l'écrire, ce qu'a écrit Conbandit à l'époque,
17:54 mais quand on en parle, ça fait frémir tout le monde.
17:56 C'est pas étonnant ?
17:57 - C'est un bon exemple, parce qu'en plus, c'était il y a 30 ans.
18:01 Tout le monde chinte ce contexte.
18:04 - Ouais.
18:05 - Je trouve ça totalement injustifié, ce qui s'est passé, mais...
18:09 - Alors, ce qu'il faut dire aux gens qui connaissent pas l'affaire,
18:11 donc Daniel Conbandit, dans un bouquin qui s'appelle "Le Grand Bazar",
18:13 publié à l'époque chez Bellefonds, a raconté, parce qu'on a le texte,
18:17 a raconté un certain nombre d'attouchements avec des enfants.
18:20 Bon, ce procès qui est fait aujourd'hui à 68 d'une certaine façon,
18:23 parce qu'il est...
18:24 - Oui, plus vieille histoire, mais enfin, ça continue.
18:26 - Une forme de procès réel, désormais, bon, c'est la conséquence, effectivement,
18:30 de "il est interdit d'interdire", "jouissez sans entrave", enfin, tous ces slogans de 68.
18:34 - Il y a une partie de la critique de 68 qui est faite dans une ignorance absolue de ce qu'était la vie.
18:41 Parce que pourquoi il y a eu ce slogan, qui est comme ça, dont on dit "il est fou",
18:46 qui est... pourquoi dire "il est interdit d'interdire"?
18:49 C'est parce que tout était interdit.
18:50 - Mais je sais, j'y étais, oui, oui.
18:51 - Tout était interdit.
18:52 - Mais oui.
18:53 - Les cheveux longs...
18:54 - Oui.
18:55 - D'or.
18:56 - Le dortoir des filles.
18:57 - Exclusé. Le dortoir des filles, non, les filles, les garçons.
19:00 C'était exclu.
19:01 Bon, il faut imaginer un film où il y avait une scène un peu censurée.
19:06 Mais alors, je veux dire, cette France-là était une France épouvantable.
19:11 Alors, effectivement, quand à un moment donné, ça explose, qu'on prend la rue,
19:17 que tout le monde se libère, que comme on disait, c'est une des très belles phrases sur Mes Sentiers,
19:21 on parle à son voisin.
19:23 - Oui.
19:24 - À ce moment-là, effectivement, on se dit, oui, il faut arrêter d'interdire.
19:28 - Oui.
19:29 - Il faut changer par rapport à ce qui est interdit.
19:31 - Justement.
19:32 - Ce n'est pas pour autant que ça veut dire que la permissivité est absolue,
19:35 qu'il faut faire absolument... c'est le libre-arbitre.
19:37 Non, on n'est pas là-dedans.
19:38 - Mais justement, moi, il y a un truc que je me demande.
19:41 Quand on dit, vous dites là, par exemple, il faut voir quelle époque c'était.
19:44 Il faut avoir connu l'époque, il faut avoir connu De Gaulle, la censure gaulliste, etc.
19:48 - Oui, oui.
19:49 - Pour comprendre ce qui a été fait.
19:50 - Alain Perfit, ministre de l'Information, qui vient présenter le journal du 20h
19:53 en disant, j'ai fait une nouvelle formule pour le 20h.
19:55 - Sans vouloir, bien évidemment, défendre qui que ce soit.
19:58 Quand on dit à des gens qui ont été des adultes dans les années 30,
20:02 et on leur dit, vous avez été antisémite, vous avez rien fait pour les Juifs.
20:06 - Oui, c'est vrai.
20:07 - D'accord, bon.
20:08 Mais à ce moment-là, quand ces gens-là nous répondent, vous pouvez pas comprendre.
20:12 Parce qu'à l'époque, c'était comme ça.
20:14 La France entière était antisémite.
20:15 Et nous, on n'était pas plus antisémite, mais il y avait un antisémitisme ambiant.
20:19 Est-ce que finalement, aujourd'hui, en disant...
20:21 Vous voyez bien ce que je veux dire ?
20:22 Est-ce qu'en disant, il faut se reporter à l'époque de 68 pour comprendre,
20:25 est-ce que finalement, et quand je dis vous, c'est moi,
20:28 est-ce qu'on n'a pas la même réaction que les gens qui nous disent,
20:31 si vous aviez connu les années 30, vous auriez compris comment tout ça a été possible, finalement ?
20:34 - Vous avez raison.
20:36 Deux remarques.
20:37 La première, c'est que dans les années 30, la majorité de la population était vraiment antisémite.
20:42 - Oui.
20:43 - C'est vrai.
20:44 - Oui.
20:45 - On l'a vérifié.
20:46 Les historiens ont fait un travail.
20:47 C'est vrai.
20:48 La deuxième chose, c'est, à mon avis, pour 68, les années 60 ou les années 70,
20:53 il faut faire un travail d'historien.
20:55 - Oui.
20:56 - Alors, on s'aperçoit qu'en fait, ce travail est assez difficile.
20:59 Il y a une sorte de réticence à le faire.
21:01 - C'est vrai.
21:02 - Et moi, je trouve ça dommage.
21:03 - Non, parce que je pense qu'il y a toujours une tendance...
21:04 - Ça devient, mais...
21:05 - Il y a toujours une tendance à juger le passé avec notre mentalité d'aujourd'hui.
21:10 C'est une erreur.
21:12 - Vous vous rendez compte, s'il y a 30 ans, c'est la guerre de 14.
21:15 - Oui.
21:16 - Voilà.
21:17 C'est très, très loin.
21:18 Mais voilà, c'est quand même...
21:21 - Travail d'historien sur 68.
21:22 - Oui.
21:23 Indispensable.
21:24 - Très bien.
21:25 - Merci.
21:26 - Merci.
21:28 - Merci.
21:29 - Merci.
21:30 - Merci.
21:31 - Merci.
21:32 - Merci.
21:33 - Merci.