• il y a 10 mois
Sarah Tanzilli, députée Renaissance du Rhône

Sarah Tanzilli a fait interdire en France une milice nationaliste turque et déclaré la guerre à une influenceuse aux deux millions d'abonnés. Ceux qui l'ont côtoyée la décrivent comme discrète mais obstinée. Elle est depuis 2022 députée Renaissance du Rhône.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
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Transcription
00:00 -Elle a fait interdire en France une milice nationaliste turque
00:03 et déclaré la guerre à une influenceuse
00:06 aux 2 millions d'abonnés.
00:08 Ceux qui l'ont côtoyée la décrivent comme discrète,
00:11 mais obstinée, ce qui l'a sans doute aidé
00:14 à se faire élire député renaissance du Rhône.
00:16 Musique de tension
00:19 ...
00:28 -Bonjour, Sarah Tanzili. -Bonjour.
00:30 -Vos deux parents sont d'origine arménienne.
00:33 Ils ont toujours vécu en France, mais sont liés à ce pays.
00:36 Vous aussi. Qu'est-ce que ça signifie pour vous,
00:39 être d'origine arménienne ?
00:41 -Bah, écoutez, c'est l'histoire de ma famille
00:43 et c'est une forme d'héritage pour moi.
00:46 C'est d'abord ça.
00:47 Et puis, je crois que c'est rapidement aussi devenu pour moi
00:52 un engagement, un combat
00:55 pour porter la cause d'un peuple qui est très méconnu
01:00 et qui, pour autant, a été frappé d'une immense injustice.
01:04 Donc, ça bouleverse et on a envie de porter ça.
01:06 -C'est votre tout premier engagement
01:09 avant l'engagement purement politique.
01:11 Il y a eu cet engagement pour défendre la cause arménienne,
01:14 très jeune, dans différentes associations.
01:17 Et puis, vous avez aussi présidé la Maison de la culture
01:20 et du peuple arménien à Dessines, dans le Rhône.
01:23 C'est dans le cadre de ces fonctions
01:25 que vous avez pris la parole le 24 juillet 2020.
01:27 Une prise de parole, on va le voir,
01:29 qui a été interrompue assez rapidement.
01:32 -L'Arménie souveraine et indépendante est attaquée.
01:36 En pleine période de pandémie mondiale,
01:40 l'Azerbaïdjan a décidé de mettre ces menaces...
01:44 Je vous demande de rester calme, messieurs, dames.
01:48 ...
01:53 Messieurs, dames, s'il vous plaît, ça sert à rien d'y aller à 100.
01:57 -Sur ces images, on comprend qu'il y a quelque chose
02:00 derrière la caméra, mais on ne comprend pas bien quoi.
02:03 -Alors, en réalité, ce rassemblement
02:07 qui avait lieu suite à une offensive de l'Azerbaïdjan
02:10 en soutien à l'Arménie a fait l'objet
02:14 d'une attaque de jeunes de la région
02:18 qui se revendiquaient d'un groupuscule ultranationaliste
02:22 et mafieux qui s'appelle les Lougris.
02:25 Et donc, on a fait face à de jeunes hommes
02:29 pour certains armés...
02:32 -De couteaux, de barres de fer, c'est ça ?
02:34 -De couteaux, de barres de fer,
02:36 qui cherchaient à se battre,
02:40 tuer, frapper les Arméniens,
02:42 qui sonnaient aux porcs dans la rue.
02:45 -Vous imaginez vivre ça un jour en France,
02:48 sur le territoire français ?
02:49 -Non, à aucun moment.
02:51 Ca a été, effectivement, un moment bouleversant.
02:54 Je regardais ces images avec un peu d'anxiété,
02:59 parce que ça me rappelle, effectivement,
03:01 des mauvais moments.
03:03 -Ca s'est passé à deux reprises, à Dessines,
03:06 avec cette milice nationaliste turque.
03:08 Avec plusieurs associations, vous avez demandé
03:11 et obtenu l'interdiction des Lougris en France.
03:15 Est-ce que ça vous a valu des menaces de leur part ?
03:19 -J'ai pas reçu de menaces directes,
03:22 mais je pense que ces organisations connaissent
03:26 les associations qui portent ces sujets,
03:28 notamment le comité de défense de la cause arménienne,
03:32 dont j'ai été membre,
03:33 et avec qui on a déposé cette demande de dissolution.
03:36 Il y a bien évidemment une pression,
03:38 quand on connaît les acteurs.
03:40 -On les voit défiler, justement,
03:42 lors de l'une de ces descentes,
03:44 dans les rues de Dessines.
03:46 Les Arméniens forment une communauté très soudée.
03:50 Vous-même, vous êtes donc une membre active
03:52 de cette communauté, et en même temps,
03:55 vous revendiquez votre attachement aux valeurs républicaines.
03:58 Est-ce que le communautarisme est compatible
04:01 avec le modèle républicain français ?
04:03 -Moi, vous savez, je suis une enfant de la République.
04:06 Je suis le produit de l'école de la République.
04:11 C'est ce qui m'a construite intellectuellement,
04:14 c'est ce qui m'a façonnée,
04:15 et c'est aussi ça qui a construit mon engagement.
04:18 Il y a un vrai lien entre les deux.
04:20 Je crois qu'il n'y a pas de difficulté
04:22 à ce qu'il puisse y avoir des communautés en France,
04:25 à condition qu'elles sachent toutes et qu'elles aient toutes en tête
04:29 que notre bien commun à tous et à toutes,
04:33 ceux qui garantissent notre liberté,
04:36 ce sont les principes de la République.
04:38 -Dans votre famille, votre frère vous a précédé,
04:41 en quelque sorte, en politique.
04:43 Vous êtes plutôt discrète sur le sujet,
04:45 mais il a travaillé pour deux figures importantes
04:48 du PS, il a été collaborateur parlementaire
04:50 de François Hollande et ensuite, il a été conseiller parlementaire
04:54 de Bernard Cazeneuve, au ministère de l'Intérieur,
04:57 puis à Matignon. La politique avait une place importante
05:00 dans votre famille ?
05:02 -La politique avait une place importante.
05:04 Je sais pas si c'est le cas dans toutes les familles,
05:07 mais nous, ça nous arrivait souvent de parler politique entre nous,
05:11 avec nos parents, et on a un engagement commun aussi
05:16 pour la cause arménienne avec mon frère.
05:18 On n'a pas toujours les mêmes idées,
05:20 mais ça nous a appris l'engagement,
05:22 l'engagement politique, l'importance que ça peut avoir,
05:26 le fait que ça peut changer la vie des gens,
05:28 et que ça compte.
05:29 -Votre père est engagé à gauche, tendance plutôt socialiste.
05:33 Je crois que votre mère, elle, est plutôt à droite.
05:36 -Elle est pas encartée, elle a pas d'engagement politique,
05:40 mais elle a des idées plutôt de droite.
05:42 -C'est pour concilier les deux que vous avez choisi ?
05:45 -Finalement, peut-être que mon expérience personnelle
05:48 m'a montré qu'il y avait du bon à gauche et à droite.
05:51 -Vous avez eu une carrière de fonctionnaire territorial à Lyon.
05:54 Les gens qui vous ont connu dans ces fonctions,
05:57 vous étiez juriste,
05:59 vous décrivent comme discrète, mais obstinée.
06:01 On peut faire de la politique quand on est discret ?
06:04 -Bah écoutez, a priori, manifestement, oui.
06:08 Je pense que la première des qualités,
06:10 c'est effectivement... -L'obstination.
06:13 -Une forme d'obédiatreté,
06:15 c'est-à-dire une volonté d'aboutir et d'atterrir, une énergie.
06:18 Je pense que c'est important.
06:20 -Quand on est homme ou femme politique,
06:22 il faut convaincre, aller vers les autres,
06:25 il faut se vendre, en quelque sorte.
06:27 -Je pense que la discrétion n'empêche pas ça.
06:29 La discrétion, c'est parfois être un peu intimidée
06:32 dans un moment comme celui qu'on est en train de vivre
06:36 et ne pas être forcément très attirée par les médias.
06:38 En revanche, je pense que dans une relation personnelle,
06:42 individuelle, j'ai une capacité à aller vers l'autre,
06:46 qui est beaucoup plus importante.
06:48 -Pour obtenir l'investiture d'un parti au législatif,
06:51 on milite sur le terrain, on prend des responsabilités,
06:54 vous, vous avez pris un chemin différent.
06:56 Vous avez été collaboratrice parlementaire
06:59 de la députée Danielle Casarian en 2017
07:02 et vous lui avez succédé.
07:03 Comment est-ce que les choses se sont faites ?
07:06 -Si Danielle Casarian avait fait le choix
07:08 d'être à nouveau candidate à sa succession,
07:11 il était tout à fait logique
07:13 que ce soit elle qui porte la candidature.
07:18 Elle a fait un choix différent.
07:20 La question qui s'est posée à moi,
07:22 c'est de savoir ce que j'avais envie de faire à ce moment-là.
07:25 Ce que j'avais envie de faire, c'était vraiment de continuer
07:29 à défendre les intérêts des habitants de mon territoire.
07:32 C'est presque une mini-France, cette circonscription.
07:35 Il y a plein de choses, il y a une vraie diversité.
07:38 C'est un territoire qui m'a plu, auquel je me suis attachée
07:41 et que j'avais vraiment envie de défendre
07:44 à l'Assemblée nationale.
07:45 -Vous travaillez sur la défense des droits des femmes et des enfants.
07:49 C'est dans ce contexte que vous avez effectué un signalement
07:52 auprès du procureur de Rouen
07:54 contre une influenceuse, Poupette Kenza.
07:56 Qu'est-ce que vous lui reprochiez exactement ?
07:59 -Écoutez, je lui reprochais
08:01 d'avoir publié notamment une photo
08:04 de sa fille dans une position relativement suggestive
08:10 et donc de mettre en danger son enfant.
08:14 Je crois qu'on ne mesure pas...
08:16 L'important, c'est la gravité que ça peut avoir
08:19 pour ces enfants d'être exposés aussi jeunes
08:22 et d'être exposés comme ça.
08:23 -Sur cette photo qu'on a choisie de ne pas montrer,
08:27 on voyait la petite culotte de cet enfant,
08:31 et cette photo vous dit qu'elle a circulé ensuite
08:34 sur des sites pédophiles, c'est ça ?
08:36 -Elle a circulé, enfin, le nom de cette jeune fille,
08:40 en tout cas, de cette petite fille,
08:42 a circulé sur des sites pédopornographiques
08:45 sur le Dark Web.
08:46 Donc il y a une vraie exposition de cet enfant.
08:48 Malheureusement, elle continue.
08:51 Donc autant, vous savez,
08:52 je pense que les parents de 2023-2024,
08:56 moi, je comprends tout avec,
08:58 on se rend pas forcément compte
09:00 de ce qu'on fait quand on publie des photos
09:02 de nos enfants sur les réseaux,
09:04 mais quand on sait que nos enfants
09:06 sont en top tendance de sites pédopornographiques,
09:09 je connais pas beaucoup de parents
09:11 qui continueraient à publier ce genre d'image.
09:14 -Derrière ce signalement, il y a la question du droit à l'image
09:17 des enfants, c'est un sujet sur lequel vous travaillez
09:20 avec votre collègue Bruno Studer.
09:22 Le procureur a-t-il donné suite à votre signalement ?
09:25 -Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a un certain nombre
09:29 de followers de cette jeune femme
09:31 qui ont participé au cyberharcèlement
09:34 qu'elle a voulu organiser à mon encontre.
09:37 -Elle les a incités à ? -Exactement.
09:39 Qui ont été reçus, qui ont été auditionnés.
09:42 Il y a des procédures qui sont en cours.
09:45 Moi, ce que je souhaite,
09:46 c'est pas forcément de stigmatiser ces jeunes filles-là,
09:50 parce que c'est essentiellement des jeunes filles.
09:53 Ce que je souhaite, c'est que cette femme,
09:56 qui, elle, est une adulte,
09:58 et qui a lancé ce cyberharcèlement,
10:01 elle soit responsable.
10:03 -Sur ces images, on voit l'un des messages
10:06 qu'elle a adressé à ses abonnés.
10:08 "Signalons en masse ce tweet qui incite à la haine
10:11 "au harcèlement vers mes enfants et moi."
10:13 Vous avez reçu des messages d'insultes sur Twitter,
10:17 notamment, on en voit quelques-uns.
10:20 Je les lis, parce que c'est compliqué à lire sur cet écran.
10:23 "Sale pute, tu n'as pas honte."
10:25 "Sale pute, je vais te piétiner."
10:27 "Retourne en Arménie, te faire génocider."
10:30 Vous avez déposé plainte contre elle.
10:33 Ca a donné quelque chose, pour l'instant ?
10:36 -C'est encore en cours. -C'est encore en cours.
10:39 Si je vous pose ces questions,
10:41 on a le sentiment que la loi est en retard sur la société.
10:44 Et la loi, ce sont les députés qui la font.
10:47 -La loi est aussi en train de se faire en ce moment.
10:49 Vous le disiez tout à l'heure sur la question
10:52 du droit à l'image de l'enfant.
10:54 Moi, je pense que la proposition
10:56 qui est rapportée par mon collègue Bruno Studer
10:59 et que je soutiens,
11:01 c'est une proposition intéressante,
11:03 qui est équilibrée,
11:05 parce que ça permettrait, dans des cas comme ceux-là,
11:08 d'empêcher les parents de continuer à publier
11:11 des images de leurs enfants.
11:12 C'est quelque chose d'efficace et d'équilibré.
11:16 Donc, on est encore en train de faire la loi,
11:18 vous avez raison,
11:20 mais sur la responsabilité pénale
11:23 en cas de harcèlement,
11:24 je pense que le cadre législatif est là.
11:26 C'est au juge de faire son travail.
11:28 -On va passer à un sujet plus léger, notre quiz.
11:31 Je vous explique le principe,
11:33 vous allez devoir compléter les phrases que je vais vous proposer.
11:37 Quand j'étais collaboratrice parlementaire,
11:39 au moins, je pouvais...
11:41 -Je pouvais passer les soirées en famille.
11:44 -Oui, ce qui n'est plus le cas pour les députés.
11:47 -C'est plus compliqué en tant que députée,
11:50 parce qu'il y a une activité parlementaire nocturne
11:53 qui est importante, et parce que quand on est en circonscription,
11:56 on est sollicité aussi sur ces tranches horaires-là,
11:59 et comme j'ai deux petits garçons,
12:01 eh bien, ça me coûte un peu.
12:03 -Si je devais boire un verre avec un adversaire politique,
12:06 ce serait...
12:07 -Ah là là !
12:08 Euh...
12:10 Peut-être Frédéric Mathieu,
12:11 qui co-préside avec moi,
12:13 qui est député de la France insoumise,
12:15 et qui est, à ce titre-là, plutôt un adversaire,
12:18 mais en même temps, qui co-préside avec moi
12:21 sur les études sur les Kurdes.
12:23 -Vous travaillez en bonne intelligence.
12:25 -On travaille ensemble.
12:26 -Enfin, j'aurais réussi mon mandat si...
12:29 -J'aurais réussi mon mandat
12:31 si j'arrive à mieux protéger
12:35 les enfants victimes de violences.
12:38 -C'est votre priorité ?
12:39 -J'ai été bouleversée par ça.
12:41 Je pense que c'est le point de départ
12:43 de beaucoup de drames de notre société,
12:46 beaucoup de difficultés que ces enfants peuvent rencontrer
12:49 et qui, en résulte, sont liés à ce qu'ils ont vécu
12:52 de leur enfance.
12:53 Et je crois que, depuis que j'ai pris conscience
12:56 de la gravité de ça, je me dis que si j'arrive
12:59 à en sauver certains à l'occasion de mon mandat,
13:01 j'aurais été utile.
13:03 -Merci, Sarah Tanzili, d'être venue.
13:05 -Merci à vous.
13:07 Générique
13:09 ...

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