• il y a 11 mois
Le Conseil constitutionnel a censuré, dans une décision rendue jeudi 25 janvier, une grande partie de la loi « immigration », adoptée à la fin de 2023 avec les voix de la droite et de l’extrême droite. Trente-deux articles sur 86 adoptés par le Parlement sont ainsi considérés comme des « cavaliers législatifs », c’est-à-dire sans lien suffisant avec le texte.

Parmi les mesures censurées, celle sur le conditionnement de l’accès aux prestations sociales, qui induit la « préférence nationale », thème chère à l’extrême droite. Michaël Zemmour et quatres économistes du collectif Nos services publics, se sont intéressés à cette mesure pour savoir en quoi elle aurait changé la vie de plus de 100 000 personnes en France.

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Transcription
00:00 On s'est lancé dans une loi, encore une fois xénophobe,
00:03 sans même savoir qui ça allait toucher.
00:04 Mais ce qu'on peut affirmer avec certitude,
00:06 c'est que d'une part ça touche beaucoup de monde,
00:09 d'autre part ça va faire basculer beaucoup de monde dans la grande pauvreté
00:12 et pour les personnes concernées, ça va être un choc très important.
00:15 C'était l'une des mesures les plus décriées de la loi immigration,
00:19 qui vient d'être retoquée par le Conseil constitutionnel,
00:23 le conditionnement de l'accès aux prestations sociales.
00:26 Une disposition qui consacrait la préférence nationale,
00:30 thème chère à l'extrême droite.
00:31 Je crois que c'est une grande victoire idéologique de notre mouvement.
00:35 Car il aurait été beaucoup plus difficile pour les étrangers
00:38 d'accéder aux prestations familiales et aux aides aux logements.
00:42 Mais quel aurait été l'impact d'une telle mesure ?
00:45 Michael Zemmour et trois autres économistes du collectif Nos services publics
00:51 ont tenté d'en modéliser les conséquences dans une étude.
00:54 Ils nous expliquent.
00:57 On a estimé un ordre de grandeur.
01:00 Les organismes en charge des prestations sociales ont déclaré n'avoir qu'un niveau limité
01:05 de détails sur les profils de leurs bénéficiaires,
01:08 ce qui ne leur permet pas de savoir combien de personnes
01:12 auraient été touchées par la loi.
01:14 Michael Zemmour et ses collègues ont donc réalisé leur simulation
01:17 en se basant sur l'enquête revenus fiscaux et sociaux de l'INSEE en 2019.
01:22 Et ça nous donne une population de l'ordre de 100 000 personnes,
01:26 dont un tiers d'enfants, qui seraient potentiellement directement concernés par la mesure.
01:31 Mais en réalité, on pourrait avoir plus de personnes concernées
01:34 si elles n'ont pas eu tout de suite le bon titre de séjour
01:37 ou parce que notre étude ne compte pas, par exemple,
01:39 les personnes qui ne sont pas dans un logement ordinaire,
01:43 les personnes qui sont en foyer, par exemple, ne sont pas comptées dans notre étude.
01:46 Donc probablement qu'avec le chiffre de 100 000 individus,
01:49 on est plutôt dans une estimation basse.
01:51 En tout cas, ce n'est pas une poignée.
01:52 C'est vraiment beaucoup de nombres.
01:54 Prenons l'exemple de deux profils similaires.
01:57 Mathieu, un Français de 21 ans, et Amar, un Égyptien de 21 ans également,
02:04 sont tous les deux employés de restauration à temps partiel,
02:08 dans les mêmes conditions, pour 912 euros par mois.
02:12 Actuellement, Mathieu touche 1417 euros par mois et Amar 1024,
02:18 car l'accès à la prime d'activité est déjà conditionné pour les étrangers.
02:23 Avec les mesures censurées par le Conseil constitutionnel,
02:26 Amar aurait perdu son aide au logement et ne disposerait plus que de 912 euros par mois.
02:34 C'est un choc sur le revenu important.
02:35 C'est-à-dire qu'on va priver des familles d'allocations familiales,
02:38 potentiellement d'aide au logement,
02:40 des familles qui statistiquement sont déjà dans les catégories populaires
02:45 et dont une partie très significative va basculer
02:47 dans ce qu'on appelle la grande pauvreté,
02:49 c'est-à-dire un niveau de vie inférieur à 40% du niveau de vie médian.
02:53 Mais en fait, ce qu'on constate,
02:56 c'est qu'on va avoir une forte augmentation de la pauvreté en général
02:59 et de la pauvreté des enfants en particulier.
03:02 Une pauvreté des enfants, car à conditions égales,
03:06 la famille de deux enfants en CP par exemple,
03:09 se serait retrouvée avec un niveau de vie drastiquement différent
03:13 après l'entrée en vigueur de la mesure.
03:16 Exemple, Antoine et Brian ont tous les deux 6 ans,
03:20 ont chacun deux frères ou sœurs
03:23 et leur parent touche juste un peu plus du SMIC.
03:27 Mais les parents de Brian étant canadiens,
03:29 ils auraient perdu 600 euros par mois de prestations sociales.
03:34 La pauvreté chez les enfants dans des familles d'origine étrangère est plus élevée.
03:38 Et ce que va faire la mesure,
03:40 c'est de passer une bonne partie de ces enfants pauvres
03:42 d'une situation de pauvreté, une situation de grande pauvreté.
03:46 Et donc là, on parle d'enfants qui peuvent être étrangers,
03:49 issus de l'Union européenne ou même français,
03:51 si leurs parents sont étrangers.
03:53 Et donc, c'est des enfants qui sont scolarisés en France,
03:56 dans les écoles de tout un chacun,
03:58 et qui vont être mis dans une difficulté sociale
04:00 encore plus importante du fait de la réforme.
04:04 Finalement, le Conseil constitutionnel s'est donc opposé,
04:08 le 25 janvier 2024, à ces mesures.
04:11 Au total, il a censuré partiellement ou totalement
04:15 32 des 86 articles que contient la loi,
04:18 qu'avait pourtant fortement défendu le gouvernement.
04:23 Le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius,
04:26 avait d'ailleurs sermonné Emmanuel Macron début janvier.
04:28 [Musique]
04:43 [SILENCE]

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