• il y a 11 mois
Ce mercredi, au septième jour de mobilisation des agriculteurs partout en France, l'écrivain Jean-Paul Pelras était l'invité de France Bleu Roussillon. Cet ancien maraicher dans les Pyrénées-Orientales décrit "un département de friches et de déprise".

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Transcription
00:00 L'invité du 6/9
00:02 Et notre invité ce matin à 7h46, il est écrivain, observateur, avisé évidemment du monde agricole.
00:07 Auparavant il était maraîcher dans le département.
00:09 Il écrit notamment aussi pour le journal La Grille.
00:13 En pleine mobilisation des agriculteurs, Jean-Paul Pelleras est avec nous.
00:16 Votre invité Suzanne Chaudjahi.
00:18 Bonjour Jean-Paul Pelleras.
00:19 Bonjour.
00:21 Comment vous avez réagi hier quand vous avez appris la mort d'une agricultrice en Ariège
00:26 percutée par une voiture sur un barrage.
00:28 Et puis quelques heures plus tard, la mort de sa fille de 12 ans, elle aussi percutée.
00:32 Evidemment c'est très triste.
00:35 Et bon, je ne sais pas, il n'y a pas de mots.
00:40 C'est une situation.
00:42 On se met à la place évidemment de ses proches et de tous les agriculteurs arrigés.
00:48 C'est un drame.
00:49 Il n'y a pas d'autre mot.
00:52 Quand on voit la détresse de ces agriculteurs, ce qu'ils expriment à travers leur mobilisation
00:57 depuis 7 jours maintenant partout en France, est-ce que selon vous l'agriculture française
01:02 est en train de disparaître ?
01:03 Il y a deux formes d'agriculture.
01:08 C'est-à-dire une agriculture qui est bénéficiaire des aides PAC et une agriculture qui ne l'est
01:15 beaucoup moins ou qui ne l'est pas du tout.
01:17 Les aides de la politique agricole commune.
01:20 Vous avez les grandes cultures et dans une moindre mesure l'élevage.
01:23 Et vous avez, ce qui concerne d'ailleurs nos productions départementales et méditerranéennes,
01:29 les fruits, les légumes et le vin.
01:31 Eux, ils n'ont aucun amortisseur économique.
01:33 Quand ça ne se vend pas, ils n'ont aucun recours.
01:35 On voit ce que ça donne puisque désormais le département est un département de friche
01:42 et de déprise.
01:45 Vous parlez des Pyrénées-Orientales ?
01:46 Oui, voilà.
01:47 Il y a une agriculture à deux vitesses en fait, c'est ce que vous voulez dire.
01:50 L'agriculture à deux vitesses au niveau national et nous on est un petit peu du mauvais côté
01:54 de la barrière.
01:55 Comment on en est arrivé là ?
01:56 Écoutez, ça c'est une raison un peu historique mais aujourd'hui on en est vraiment victime.
02:03 Je tenais à le dire parce que c'est un peu à l'antenne de France Bleu Roussillon parce
02:09 que les gens peut-être pensent que dans ce département les agriculteurs sont subventionnés
02:12 à outrance, ce qui est absolument faux.
02:14 Il faut rétablir cette vérité.
02:17 Donc il faudrait pour améliorer cette situation qu'il y ait une convergence, un petit peu
02:23 un partage des soutiens, ce que la FNSEA et les jeunes agriculteurs, syndicats auxquels
02:29 j'ai appartenu, ne semblent pas consentir.
02:32 Mais alors qui reçoit des aides ? Quels agriculteurs reçoivent des aides ?
02:35 Les grandes cultures, c'est-à-dire principalement les céréaliers, les producteurs d'oléo-prothéagineux.
02:41 Ce sont eux qui perçoivent beaucoup d'aides et si vous voulez, nous ici dans le sud, on
02:50 regarde un peu passer les trains et en l'occurrence les trains d'importation de marchandises
02:56 importées.
02:57 Vous savez quand une tomate est produite au Maghreb à 5 euros par jour, au Sahara occidental,
03:03 c'est une concurrence déloyale que nous subissons en plus, et je le répète, sans
03:08 aucun amortisseur économique, idem pour le sud de l'Espagne, 7 euros de l'autre côté
03:14 des Pyrénées et 14 euros de ce côté-ci.
03:17 Justement, dans votre dernière tribune publiée dans le journal Le Point, vous dites qu'il
03:20 faut tout simplement stopper ces importations, mais est-ce que c'est faisable ?
03:24 Ecoutez, aujourd'hui, Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, est en train de s'émouvoir
03:29 parce qu'on va peut-être importer de la céréale du grain ou bien de la viande du
03:37 Mercosur, ça fait 30 ans qu'on regarde passer les camions chargés de marchandises importées
03:42 en provenance du sud de l'Europe ou du Maghreb, 5 000 camions transités il y a 25 ans, on
03:47 est à 20 000 aujourd'hui à la frontière.
03:49 Pourquoi est-ce qu'ils ne se sont pas émus ? Parce qu'ils s'en foutent, parce qu'à
03:53 un moment donné on a échangé des fruits et légumes, importé des fruits et légumes,
03:57 et en échange, ce qu'on appelait les eaux virtuelles de la Méditerranée, on a exporté
04:01 de la céréale, c'est tout, il faut le dire, il faut le dire.
04:04 Et encore une fois, pourquoi est-ce qu'ils ne nous ont pas soutenus ? C'est uniquement
04:10 parce qu'il fallait que ces échanges se maintiennent.
04:12 Vous réclamez aussi l'arrêt des émissions de télé ou de radio qui, selon vous, je
04:17 vous cite, sont systématiquement orientées écologiquement et de facto à charge contre
04:22 l'agriculteur français, mais est-ce que ce n'est pas important aussi selon vous
04:26 d'alerter les gens sur le changement climatique ou sur les dangers que peuvent représenter
04:30 certains pesticides ?
04:32 On peut toujours alerter, le problème il ne faut pas que ça devienne systématique
04:38 et que ce soit stigmatisant.
04:40 Selon vous les médias sont anti-agriculture ?
04:43 Pas tous les médias, pas tous les médias.
04:45 Pas tous les médias, je me suis ému auprès d'Élise Lucey, du Gros Clément, c'est
04:52 comme ça, ce sont des gens qui à un moment donné sont systématiquement sur des propos
04:59 anxiogènes, quand on montre un pulvérisateur en train de soi-disant désherber des arbres,
05:05 excusez-moi l'expression mais c'est une connerie, on ne désherbe pas un arbre, on
05:11 le sulfate peut-être à un moment donné pour protéger la récolte, bon, mais après
05:17 il faut faire attention aux images, elles sont dévastatrices.
05:20 Ensuite, qu'est-ce qu'on veut ? Si on veut vraiment, si les écologistes veulent vraiment
05:24 sacrifier le monde agricole, ben allons-y, déjà il n'y a plus que 400 000 agriculteurs
05:29 alors qu'il y en avait 10 millions le lendemain de la guerre, et puis tout ça va importer,
05:33 on n'en parlera plus.
05:34 Par contre là, personne ne va voir ce que produit le Maroc, l'Inde, les États-Unis,
05:39 la Chine, etc.
05:40 Là ils n'iront pas.
05:41 8h au mois d'ici sur France Bleu, on a notre invité Suzanne Chaud, jaillie, Jean-Paul
05:45 Pelleras, écrivain et ancien maraîcher dans les Pyrénées-Orientales.
05:47 Pour revenir à la mobilisation des agriculteurs qui durent depuis 7 jours partout en France,
05:52 est-ce qu'on peut comparer ce mouvement à celui des Gilets jaunes ?
05:54 Écoutez, je ne sais pas si on peut le comparer vraiment, mais il y a effectivement des similitudes,
06:01 si vous voulez, par le fait que de temps en temps on se dit "tiens mais qui c'est qui
06:07 mène le mouvement ?"
06:08 Pas les syndicats en tout cas.
06:09 Ben ils essaient de récupérer, ils vont y parvenir certainement, mais c'est vrai que
06:16 c'est parti un peu, bon c'est parti un petit peu de ce qui s'est passé en Allemagne aussi,
06:20 donc on sent qu'il y a, je ne vais pas dire une certaine anarchie, mais enfin effectivement,
06:25 après bon, c'est spontané et c'est parce que les agriculteurs en ont assez, ils n'ont
06:31 peut-être plus confiance non plus dans les grandes centrales syndicales que sont FNSEA,
06:35 CNGA, parce que tout simplement il n'y a plus de résultat, ils sortent année après
06:40 année, puis finalement ça recommence, et voilà, donc c'est certainement une des raisons.
06:44 Alors le gouvernement a réagi, il promet des annonces d'ici la fin de semaine, le Premier
06:48 ministre a reçu les syndicats aussi, la future loi qui était prévue dans les prochaines
06:52 semaines est finalement reportée, est-ce que ça y est, les agriculteurs sont entendus,
06:56 ou est-ce que finalement vous n'y croyez plus ?
06:58 Non écoutez, il y a eu il y a quelques années, ils nous ont sorti une consultation citoyenne
07:03 sur l'agriculture, de toute façon c'était morné, il y a eu toute une communication
07:10 autour de ça, maintenant il y a la loi d'orientation agricole, c'est la sixième depuis 1960, bon
07:15 ça a servi à mettre en place les affaires, le label rouge, des choses comme ça, importantes
07:20 certes, mais non, tout ça c'est de l'enfumage.
07:23 Si on veut vraiment régler les problèmes aujourd'hui, il faut s'attaquer au problème
07:27 des charges, et surtout ne pas en rajouter, et ensuite à ce problème d'harmonisation
07:32 des charges fiscales, sociales, environnementales même, puisqu'aujourd'hui on peut traiter
07:39 par exemple la cerise de l'autre côté des Pyrénées, et de ce côté-ci on ne peut pas.
07:45 Pour faire court, des exemples comme ça, il y en a, je pense qu'il faut essayer de
07:51 régler ça en priorité, mais c'est horrible de le faire il y a déjà 25-30 ans.
07:55 Rapidement pour terminer, dans un mois ce sera le salon de l'agriculture à Paris, certains
07:59 syndicats vont y aller, ils ne souhaitent pas le boycotter, mais vous vous dites qu'il
08:03 faut le boycotter, pourquoi ? Je ne sais pas si le boycott est le bon terme,
08:07 mais oui disons ne pas être présent, parce que je pense qu'aujourd'hui les agriculteurs
08:13 n'ont pas le cœur à ça, et ensuite c'est offrir très généreusement une tribune aux
08:19 politiques qui ne le méritent pas, parce que tout simplement ils ne respectent pas
08:22 le monde agricole.
08:23 - Mais c'est aussi se faire entendre une nouvelle fois, non ?
08:25 - Mais c'est se faire entendre, mais je pense que s'il y avait une communication autour
08:29 du fait que l'agriculteur ne souhaite pas se rendre au salon avec un message fort expliqué
08:35 pourquoi, on priverait en plus, je le répète, les politiques d'une tribune inespérée
08:39 à quelques mois des européennes, je pense que le salon n'a pas eu lieu à cause du Covid,
08:46 il peut très bien avoir lieu, parce qu'il y a un malaise agricole très important.
08:50 - Merci beaucoup Jean-Paul Pelleras d'avoir été avec nous ce matin, je rappelle que
08:54 vous êtes écrivain, ancien maraîcher dans les Pyrénées-Orientales, et vous écrivez
08:57 notamment pour le journal L'Agri, merci et bonne journée.
09:00 - Merci beaucoup.

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