• il y a 11 mois
Transcription
00:00 12h-13h30, les midis de culture. Géraldine Mosnassavoy, Nicolas Herbeau.
00:20 Place à la critique et place aujourd'hui à deux séries avec en leur cœur des duos, des angoisses et du sexe
00:27 et surtout une Amérique qui s'auto dévore à force d'inégalités et de violences.
00:31 Deux séries dont la première fait son grand retour, c'est True Détective saison 4
00:36 et dont la deuxième ne comptera qu'une saison, c'est la mini-série Philo Travelers.
00:40 Et pour en débattre ce midi, nous accueillons Nora Boisoni. Bonjour Nora.
00:43 Bonjour.
00:44 Vous êtes journaliste indépendante et présidente de l'association des critiques de séries, je tiens à le préciser.
00:48 Bravo.
00:49 A vos côtés, Adrien Desnouettes. Bonjour Adrien.
00:51 Bonjour.
00:52 Critique de cinéma et auteur, soyez tous les deux les bienvenus dans les midis de culture.
00:55 Et on commence avec True Detective Night Country.
01:21 Et ça y est, c'est une série mythique qui fait son retour, True Detective saison 4,
01:26 avec cette fois-ci un duo uniquement féminin.
01:28 Deux détectives, Liz Danvers et Evangeline Navarro, sont chargées de résoudre la disparition
01:33 de huit scientifiques de la station de recherche arctique de Tsalal.
01:37 La recette reste donc la même depuis la première saison de True Detective.
01:41 Un duo de flics torturés, un polar en zone étouffante, ici la nuit polaire de l'Alaska,
01:46 de la misère sociale et ici aussi raciale, de la mystique et des questions métaphysiques.
01:51 Car au-delà de l'enquête, c'est bien dans ce nouage entre violence collective
01:55 et démons existentiels que s'inscrivent les crimes, mais aussi toute l'originalité
01:59 de True Detective, devenue désormais une marque.
02:02 Adrien Desnouettes, et après je le dis quand même, de multiples péripéties de visionnage,
02:07 avez-vous trouvé cette saison à la hauteur de ses débuts ?
02:10 Alors…
02:12 La raison que vous ayez aimé les débuts aussi.
02:15 Il faudrait que j'aie aimé les débuts de True Detective.
02:17 Alors oui, bien sûr, la première saison c'était difficile de passer à côté,
02:19 c'était difficile de ne pas l'apprécier au moins un peu, ce qui avait été le cas.
02:22 Je n'étais pas totalement conquis, mais bon, quand même, c'était d'un certain niveau,
02:26 on va peut-être y revenir avec Nora.
02:27 Mais en tout cas pour cette dernière mouture, je dirais que…
02:31 Bon, je ne peux pas cacher que j'ai été déçu.
02:34 J'ai été déçu d'abord parce que l'ouverture est assez sensationnelle.
02:36 Le premier épisode est plutôt époustouflant, et donc forcément, ça vous expose à ce que
02:40 vous nourrissez beaucoup d'attentes sur le reste.
02:42 Et surtout, il y a presque une espèce de déception inhérente, propre à True Detective.
02:45 Je m'explique.
02:46 Effectivement, la dernière saison dont on est en train de parler, respecte le cahier des charges,
02:50 qui est en fait de faire un buddy movie, alors quel que soit le duo, peu importe,
02:53 c'est un buddy movie, c'est-à-dire deux personnages plutôt désappareillés
02:56 qu'on va essayer d'inscrire dans une histoire et qui vont finir par s'entendre.
02:59 Un buddy movie dans des terroirs américains.
03:01 Tout ça est très respecté, c'est très bien, on va y revenir.
03:03 Ça se passe en Alaska, donc ça prend le contre-pied de la première saison
03:05 qui avait lieu dans un espèce de bayou très moite.
03:07 On est dans des espaces givrés, c'est très très beau, franchement c'est hyper séduisant.
03:11 Donc ça, c'est l'aspect le plus séduisant et qui est, dès le premier épisode, très très convaincant.
03:15 Mais il y a un autre aspect du cahier des charges de True Detective qu'il faut souligner,
03:18 c'est une forme de sophistication qui confine presque à la prétention
03:21 qui est de faire de la série qualité cinéma.
03:24 À quoi ça se voit ? Tout simplement parce que dès le début, on allait chercher un casting cinéma.
03:28 La première saison, c'était Woody Harrelson, Matthew McGonagall,
03:31 la deuxième, Colin Farrell, Rachel McAdams, la troisième, Maréchal Ali
03:34 qui avait quand même franchi le cap du cinéma.
03:36 Et ici, Jodie Foster.
03:37 Et j'ai presque envie de dire qu'avec Jodie Foster, on remonte presque aux origines thématiques du sujet
03:42 qui est cette espèce de, pas de true crime, mais de série sur des serial killers, sur des crimes
03:47 qui remonte presque cinématographiquement à ce néo-noir qui renaît au début des années 90
03:51 avec Le Seigneur des Anneaux.
03:52 Euh, excusez-moi, Le Silence des Agneaux, il fallait que je fasse l'erreur.
03:54 Le Silence des Agneaux...
03:55 Oui, on retrouve Jodie Foster aux sources, on l'attend d'elle.
03:57 Voilà, mais Jodie Foster qui est aux sources du genre en fait.
03:59 True Detective doit beaucoup au Silence des Agneaux, à Seven et à toute cette mode
04:03 qui donne lieu à True Detective.
04:05 Or forcément, comme il y a des attentes cinématographiques, on attend des coups d'éclat,
04:10 on attend un certain niveau de sophistication, de raffinement dans la mise en scène
04:14 qui a lieu dans le premier épisode, je le souligne.
04:16 Et d'ailleurs je le conseille à tous les gens qui auraient Prime parce qu'il est accessible.
04:19 Par contre la suite, franchement, on est constamment à la recherche de coups d'éclat.
04:22 C'est vraiment un produit d'appel, le premier épisode.
04:24 Le premier épisode est de qualité cinématographique.
04:26 Alors, voilà, je ne suis pas non plus hyper séduit, je trouve qu'il y a plein d'erreurs,
04:31 mais on marche sur les terres de The Thing, donc de John Carpenter.
04:33 On marche un petit peu aussi sur cette espèce de douce dérision, ce fond de dérision de Fargo,
04:38 des frères Cohen.
04:39 Et pas que pour des questions climatiques, il y a aussi un jeu autour des costumes,
04:43 un jeu autour de tout le monde est boudiné, ficelé dans des costumes qui les boudinent
04:48 presque dans des stéréotypes, c'est assez intéressant.
04:50 Il faut dire qu'ils sont tous en doudounes et en bottes fourrées.
04:52 Oui, en doudounes et en bottes fourrées.
04:54 Moi je trouve ça très drôle, des séries avec des doudounes et des bottes fourrées.
04:56 Et du coup, tout ça est vraiment bien sur le premier épisode.
04:58 La suite, je pense que je vais laisser la parole à Nora, je vais voir ce qu'elle en pense,
05:01 mais la suite m'a vraiment énormément déçu parce que je trouve que toutes ses promesses
05:04 sont complètement diluées dans des sous-intrigues, dans quelque chose de très stéréotypé
05:08 où on ne peut pas s'empêcher de lister tout ce que la série essaie de faire comme clin d'œil à l'époque.
05:13 J'y reviendrai tout à l'heure.
05:14 Mais qui devient vraiment, on va compenser cette espèce de, pour moi, de pauvreté de la mise en scène
05:19 par beaucoup de clin d'œil à...
05:22 Voilà...
05:23 À ce qui est dans l'air du temps.
05:24 À ce qui est dans l'air du temps.
05:25 Nora Boisoni.
05:26 Pour moi, la pauvreté, elle n'est pas dans la mise en scène.
05:28 Et d'ailleurs, pour moi, je n'avais pas d'attente cinématographique du tout avec cette série.
05:31 J'avais une attente tout court.
05:32 J'avais adoré la saison 1, comme beaucoup de monde.
05:34 J'avais été très déçue par les suivantes.
05:36 J'adore Jodie Foster.
05:38 Je ne connaissais pas Callie Reiss, qui est boxeuse et qui est le binôme de Jodie Foster dans la série.
05:45 Je trouve que c'est une série qui tient ses promesses en termes de mise en scène et de photographie.
05:51 C'est quand même sublime.
05:52 Moi, j'avais vraiment envie d'entrer dans cette nuit, ce huis clos nocturne,
05:56 dans cette ville d'Alaska fictive, Ennis, qui m'a rappelé le film de vampire "30 jours de nuit",
06:02 qui n'est pas un film extraordinaire, mais j'aime bien cette ambiance.
06:04 Je ne le connais pas.
06:05 Où tout peut se passer.
06:06 Les vampires arrivent parce qu'il fait nuit tout le temps.
06:08 Donc, au moment où c'est le personnage de vampire, quand il ne fait jamais jour, c'est compliqué.
06:11 Petite astuce, ne sortez pas de chez vous.
06:14 J'avais beaucoup d'attentes.
06:16 Mes attentes ont été satisfaites et pas satisfaites.
06:19 Je suis insatisfaite pour des raisons différentes de celles d'Alaria.
06:23 Commençons peut-être par Bois...
06:25 Ce duo, je le trouve extraordinaire.
06:27 Les deux actrices sont impeccables.
06:29 J'aime beaucoup les duos dysfonctionnels.
06:31 Surtout quand c'est des femmes, parce que c'est rare de voir des femmes mal aimables.
06:34 Mais elles sont franchement détestables toutes les deux.
06:37 Il y a des thèmes qu'on voit rarement.
06:39 Là, on est sur un fond de lutte écolo-autochtone, les Premières Nations de cette région.
06:43 J'aime bien aussi l'idée d'avoir des gens qui se dépatouillent comme ils peuvent avec un natalisme familial.
06:51 Tout le monde a un peu ça.
06:52 De quoi on hérite ?
06:53 On parle de santé mentale aussi, beaucoup dans cette série, avec le personnage de Kaliris,
06:57 de la sœur d'Evangeline, de sa sœur et de leur mère.
07:00 Le binôme de Jodie Hester.
07:01 On retrouve la mystique des saisons précédentes avec les croyances folkloriques.
07:06 La raison pour laquelle je ne suis pas satisfaite, c'est parce que c'est insoufflé pour moi.
07:11 True Detective, et d'ailleurs la saison 1 m'avait fait le même effet.
07:14 On sait très bien qu'on nous vend beaucoup de messismes surnaturels.
07:17 On nous vend des tirades métaphysiques.
07:19 Il y en a un peu moins de métaphysiques là-dedans, parce qu'il n'y a pas Mathieu McConaughey comme à cette tirade.
07:22 Mais on nous vend de surnaturels.
07:25 Et j'aime bien qu'il y ait ça, mais on sait qu'à la fin, les meurtres sont commis par des personnes en chair et en os.
07:31 Et qu'il n'y a pas de fantôme qui tue personne.
07:33 C'est ça que je trouve un peu décevant.
07:35 Et je trouve le scénario d'une banalité confondante, voire alambiquée.
07:41 Effectivement, comme tu le dis Adrien, avec des sous-intrigues.
07:43 A un moment, on ne comprend plus grand-chose.
07:45 Est-ce que c'est important ? Non.
07:47 J'aime cette série juste parce que l'ambiance et les actrices sont formidables.
07:51 Donc banalité du scénario, vous voulez dire dans l'intrigue, dans la résolution du crime ?
07:57 Ou même dans ce que ça tisse comme réseau entre ces deux personnages principaux et aussi les personnages secondaires ?
08:02 Parce qu'on sait bien aussi que dans Trou Détectif, c'est des réseaux qui se développent.
08:05 Il y a cette image de la boucle qui revient depuis la première saison, que ce soit en termes temporels,
08:09 parce que là c'est la disparition de scientifiques, mais qui sont liés à un crime qui a été commis des années en avant.
08:15 Toutes les séries de Trou Détectif fonctionnent là-dessus, sur des boucles temporelles,
08:18 mais aussi sur des boucles de communication, notamment la saison 2, sur des boucles relationnelles.
08:24 Là, vous trouvez ça aussi que ça pêche ?
08:26 Moi je trouve ça caricatural. J'ai trouvé les personnages extrêmement caricaturaux,
08:30 vraiment à la limite du cartoonesque.
08:32 Ça ne flatte pas les conventions dans ce qu'elles ont de plus efficace.
08:37 Au contraire, je suis d'accord, c'est complètement stéréotypé de partout.
08:40 Et pour moi, c'est le problème de Trou Détectif depuis le début.
08:42 C'est-à-dire que c'est une série qui avance, une fois encore, des arguments de grande qualité à tout point de vue,
08:47 sauf que les scénarios n'ont jamais été extrêmement originaux.
08:49 Ça a toujours été compensé par beaucoup de mise en scène, beaucoup de stylisation.
08:53 Et notamment par des effets d'incarnation portés par des très grands acteurs.
08:56 On parlait de Matthew McGonaghy qui sombrait presque dans sa caricature dans la première saison.
09:01 C'était clairement un rôle presque oscarisable. C'était joué à un prix.
09:06 C'est un peu d'ailleurs le problème de Matthew McGonaghy à chacun de ses rôles.
09:09 Mais du coup, il y avait cet effet aussi où il compensait énormément.
09:12 Et la mise en scène se mettait aussi au diapason de cette volonté de compenser des faiblesses.
09:15 Je pense notamment à cet épisode qui avait marqué tout le monde, où il y avait eu une fusillade dans un plan séquence,
09:19 qui n'avait rien d'original mais qui au moins était un coup d'éclat.
09:21 Là, j'ai cherché pendant toute la saison, vraiment, pendant toute la saison, je cherchais mes coups d'éclat.
09:26 Il n'arrive certainement pas à la fin. Je suis totalement d'accord avec Nora, les résolutions et la dilution de l'intrigue dans tout un tas de dédales, un espèce de truc.
09:32 Pour prendre un mot à la mode, c'est très rhizome.
09:34 Il y a tout un tas de choses qui se déploient mais qui finissent par chaque fois sombrer dans l'indifférence, dans l'insignifiance.
09:41 Tout est insignifiant.
09:42 Et une fois encore, la principale promesse qui est cette qualité de cinéma n'apparaît pas.
09:47 Et celle que j'ai le plus envie de pointer du doigt, c'est cruel ce que je vais dire, mais c'est Jodie Foster.
09:54 Je trouve que Jodie Foster perd en incarnation et en qualité pendant toute la série.
10:00 Et je trouve même, et c'est là qu'on va avoir un point de désaccord avec Nora, je trouve que ce duo ne fonctionne pas très bien.
10:05 Parce qu'en fait, les deux personnages fonctionnent sur une inversion par rapport à la première saison de Trou détective,
10:10 portée par les acteurs qu'on avait mentionnés tout à l'heure.
10:12 Première saison qui avait été pointée du doigt, à raison selon moi, pour des gros excès de testostérone.
10:17 Elle était vraiment dans quelque chose de très très beau.
10:18 C'était très masculin.
10:19 Très masculin.
10:20 Et là, on va jouer sur une inversion totale où tous les hommes sont aux fraises.
10:24 Disons que la virilité et ce côté abrasif est porté par des personnages féminins.
10:27 Aucun problème, il n'y a pas de souci.
10:29 Mais les deux personnages jouent sur le même registre.
10:32 Chacune pour des raisons différentes, certes.
10:34 Mais chacune va se retrouver à être dans une espèce de virilité très décompensatoire.
10:38 On va vraiment à côté très redresseur de Tom de toute la jeune masculine.
10:43 Redresseur de Thor, pardon, de toute la jeune masculine.
10:45 Aucun problème.
10:46 Mais les deux sont exactement sur le même registre.
10:48 Mais ça c'est un problème d'écriture de personnages, pas d'interprétation de Jodie Foster ?
10:51 Si, aussi.
10:52 Aussi, quand même.
10:53 Parce que je trouve que Jodie Foster n'apporte pas les nuances qu'elle pourrait apporter là où Tali Raïs est ça ?
10:57 Kali Raïs.
10:58 Kali Raïs, hyper intéressante.
10:59 Je la trouve meilleure en fait.
11:00 Je trouve que Kali Raïs est meilleure parce qu'elle est d'un bloc.
11:02 Et Jodie Foster du coup va jouer un peu sur ce registre aussi d'un bloc.
11:04 Là où elle aurait dû apporter par sa carrière et sa technicité quelque chose de plus nuancé,
11:10 quelque chose de plus frémissant.
11:11 Et je ne le vois pas arriver.
11:12 Nora Boisoui.
11:13 Je suis d'accord avec toi sur le côté insignifiant d'à peu près tout.
11:17 Et c'est ça qui m'a déçue.
11:18 Je suis partie avec mon enthousiasme.
11:21 Un enthousiasme débordant.
11:23 Il y a beaucoup d'attentes à chaque fois.
11:24 Rappelons que ça fait 10 ans que ça existe.
11:26 Ça fait 5 ans qu'on n'a pas eu de saison.
11:27 C'est la première saison qui n'est ni écrite ni réalisée par le créateur de la série Nick Pizzotto.
11:31 C'est Issa Lopez qui est une réalisatrice mexicaine scénariste extrêmement expérimentée.
11:36 Donc je me suis dit "Ok, super casting, ambiance géniale.
11:40 On renouvelle le genre ?".
11:41 Ben pas du tout.
11:42 Sur le duo, je trouve qu'il fonctionne jusqu'à un certain moment.
11:45 Effectivement, le moment où il ne fonctionne plus, c'est quand on se rend compte,
11:49 je pense au pénultième épisode à peu près, en tout cas pour moi,
11:53 qu'on a la même personne qui est dédoublée.
11:56 Et je suis tout à fait d'accord là-dessus.
11:57 Et là, ça perd en tout.
11:59 C'est-à-dire que quand on se rend compte de ça, on se dit "Ah mais j'en ai plus rien à faire".
12:02 En fait, les enjeux de cette série seraient intéressants s'ils étaient vraiment développés.
12:07 C'est-à-dire les luttes autochtones menées beaucoup par des femmes sur fond d'écologie
12:12 avec cette base de scientifiques dont on ne sait pas trop ce qu'elles font
12:15 et on apprend ce qu'elles font et le mystère est là.
12:17 En fait, elles auraient été intéressantes.
12:19 Mais je trouve qu'on finit par centrer l'histoire sur ce binôme de policiers, de policières en l'occurrence.
12:24 Et c'est là où ça pêche.
12:25 Parce que moi, si on me montre juste des gens qui discutent de santé mentale
12:30 et de "Tiens, est-ce que tu as tiré dessus il y a 5 ans, il y a 10 ans ?"
12:33 Pfff !
12:34 Mais alors, est-ce que le problème de cette série, c'est qu'en fait, elle brasse beaucoup de choses ?
12:37 C'est-à-dire, il y a l'écologie, il y a le racisme, il y a les égalités hommes-femmes,
12:42 il y a la santé mentale, il y en a trop.
12:44 Tous les sujets dans l'air du temps sont brassés.
12:46 Ou est-ce qu'il n'y a pas un problème intrinsèque à cette marque,
12:51 Trou Détectif, qui en fait est fondée sur la déception depuis le début ?
12:55 Oui, je pense que c'est ça.
12:56 Parce que si je vous suis bien, en fait, même dès la première saison, vous étiez déçus.
12:59 Non, mais c'est quand même exagéré de dire qu'on est…
13:01 Je suis particulièrement exigeant, donc forcément quand on me vend…
13:04 Je suis chez HBO, pour préciser pour les auditeurs,
13:06 HBO c'est quand même la qualité premium de la série qui…
13:09 C'est l'adjornamento de la série au début des années 2000.
13:11 C'est-à-dire, c'est les Sopranos, c'est Kirby enthousiaste,
13:13 on fait de la série de niveau extrêmement qualitatif.
13:15 Là, c'est Succession.
13:16 C'est Succession et c'est Trou Détectif.
13:18 Et en plus, Trou Détectif, je le rappelle, recrute dans le cinéma,
13:21 recrute des castings premium.
13:22 Donc, il y a vraiment cette ambition-là.
13:24 Donc forcément, on hausse le niveau, j'ai envie de dire,
13:27 d'attente esthétique et scénaristique à un niveau cinéma.
13:30 Non pas pour dénigrer la série, loin de là, mais la série creuse.
13:33 Là où le cinéma va beaucoup plus vite avoir le temps d'installer,
13:35 de montrer, de faire de la mise en scène.
13:37 Donc forcément, on a cette attente-là.
13:39 Mais pour moi, ce n'est pas le problème.
13:40 Parce que c'est plutôt malin, je trouve, de chercher à cerner
13:43 tous les problèmes de l'époque dans une seule et même fiction sur ces épisodes.
13:46 C'est à ça que ça sert de faire des "quelques", c'est ça la franchise Trou Détectif,
13:50 un film de six heures.
13:51 C'est à ça que ça sert.
13:52 Ah non, pas le type du film de six heures !
13:54 Non, non, non, je ne le dis pas comme un reproche.
13:56 Ça sert à creuser, justement, permettre de faire toutes ces...
13:59 d'agréger tout ça.
14:00 La dimension écologique, la tramée avec l'ambition de sauver le monde
14:03 et en même temps, l'impuissance, mais les croissances avec sauver le monde, tout ça.
14:06 C'est très intéressant.
14:07 Mais là où ça ne marche pas, ici, c'est vraiment dans l'idée que,
14:10 dans le premier épisode, dans la première saison, on avait un puritain
14:13 et on avait quelqu'un qui trompait sa femme, grosso modo.
14:15 Les deux finissaient par se rejoindre autour d'une enquête à résoudre.
14:18 Ici, on a deux fois le même personnage, et je rejoins totalement Nora,
14:20 c'est-à-dire deux personnages qui sont traumatisés par leur passé.
14:23 Donc forcément, en fait, cette dichotomie du buddy movie,
14:26 d'appareiller deux psychés complètement différentes et de créer ce lien miraculeux,
14:29 n'arrive pas.
14:30 Et c'est ça, les petits fanis d'un buddy movie.
14:32 Nora Boisoni, sur à la fois "est-ce qu'il n'y a pas une dimension intrinsèquement déceptive
14:36 à Trou Détectif" et sur peut-être le film de six heures,
14:39 je pense que oui.
14:41 La première saison avait suscité un enthousiasme débordant.
14:44 C'était à dix ans, je me rappelle.
14:46 Tout internet spéculait chaque semaine autour de la machine à café,
14:50 sur Reddit, sur Twitter, parce qu'il y avait beaucoup de références.
14:54 C'était vraiment extrêmement référencé.
14:56 Pisolato a semé des indices qui n'en venaient pas vraiment.
14:59 A ouvert 50 portes et 35 fenêtres.
15:02 Références ont des œuvres qui existent.
15:03 C'était le créateur de la série à l'époque.
15:05 Le Yellow King, tout le monde s'est dit, voilà.
15:07 Et beaucoup d'éléments surnaturels, métaphysiques, religieux, mystiques.
15:11 On était perdus et on aimait ça, mais on essayait de retrouver notre chemin
15:14 avec les petits cailloux qu'il avait semés.
15:16 Il y avait des cailloux qui ne servaient à rien.
15:18 Il y avait beaucoup de fausses pistes.
15:19 Donc comment on ne peut pas être déçu quand la formule d'une série,
15:23 effectivement, repose sur...
15:24 Mais là c'est presque un plaisir esthétique de déception.
15:26 Sauf que là, en fait, il n'y a ni réel mystique intéressant,
15:30 il y a du folklore.
15:32 Mais on nous saupoudre ça un peu de folklore, on ne va pas jusqu'au bout.
15:36 Et puis, quand on a vu déjà les saisons précédentes,
15:40 on sait très bien comment ça va se terminer.
15:43 Et en plus, sans spoiler rien du tout, évidemment,
15:46 mais la résolution...
15:48 Alors là je pense qu'on est à un niveau de...
15:50 J'ai été surpris, mais la façon de faire...
15:52 Le degré de premier degré, c'était vraiment très très...
15:55 Le baccalage total.
15:56 En fait, l'investissement.
15:57 C'est intéressant, le film de Sissa, c'est très paresseux.
16:00 Un investissement, quand on regarde une série, ce n'est pas un film.
16:02 Même un film qui dure 3 ou 4 heures, Martin Scorsese.
16:04 On est sur au moins 6 à 8 heures de série.
16:07 Et là, on se dit, on ne peut pas faire subir ça aux gens
16:09 pour un final qui est celui qu'il est.
16:11 Ces hommes ont mort pour de vrais.
16:14 Dans le monde réel, pour une vraie raison.
16:17 Ce qui va vous emmener là-bas, c'est ce que vous portez.
16:22 C'est ce qui va vous attraper dans la nuit.
16:25 C'est ce qui va vous baisser dans l'ice.
16:29 La saison 4 de True Detective, qui s'appelle Night Country,
16:36 est en cours de diffusion depuis le 15 janvier dernier
16:38 sur Amazon Prime avec le Pass Warner.
16:41 12h-13h30, les midis de culture.
16:45 Géraldine Mosnassavoy, Nicolas Herbeau.
16:49 Et nous parlons à présent de Fellow Travellers
16:52 sur Canal+ depuis le 18 janvier.
16:55 Monsieur Fuller, nous pensons qu'on a raison
16:57 de vous poser une série de questions.
16:59 Quelle raison ?
17:00 Nous n'avons pas la liberté de le dire.
17:01 S'il vous plaît, prenez un siège.
17:03 Est-ce que vous avez déjà attendu des réunions
17:08 associées au Parti communiste ?
17:09 Non.
17:10 Est-ce que vous avez déjà eu de l'approche physique
17:13 inappropriée avec un autre homme ?
17:15 Non.
17:16 Vous êtes un bon meurtrier.
17:22 C'est en 1952 que débute cette histoire,
17:25 au moment de la rencontre entre Hawks et Tim.
17:28 Mais c'est en 1986 que commence cette série.
17:32 Hawks a désormais une vie de famille rangée,
17:34 avec femme, enfant, quand il apprend que Tim,
17:37 lui, se meurt du sida.
17:39 Pas de suspense ici, le ton est donné.
17:42 Les 8 épisodes de cette mini-série reviennent
17:44 sur les 40 ans de ce couple fou d'amour,
17:46 traqué par les normes, sur fond de 40 ans
17:49 d'histoire américaine, de sa chasse aux sorcières,
17:51 des communistes et des homosexuels,
17:53 jusqu'à l'épidémie du VIH, en passant
17:55 par la conquête des droits civiques.
17:57 Une série mélodramatique comme on les aime,
18:00 portée là aussi par un duo, un duo d'acteurs,
18:02 dont les personnages n'en finissent pas
18:04 d'éprouver la tragédie de l'histoire.
18:06 Qu'en avez-vous pensé Nora Boisoni ?
18:08 Je n'ai rien à reprocher à cette série.
18:10 Fin de la critique.
18:12 C'est tout, je drop le mic.
18:14 Si je pouvais le dropper, non il est attaché devant moi.
18:16 Je laisse le micro tranquille.
18:18 C'est pour moi déjà une formidable manière
18:22 de remettre sous les projecteurs
18:24 un épisode qu'on connaît mal,
18:26 c'est-à-dire qu'on sait ce qu'est le maccartisme.
18:28 On croit savoir la chasse aux sorcières des communistes,
18:30 non seulement dans la fonction publique américaine,
18:32 mais aussi dans la culture américaine,
18:34 dans tous les aspects de la vie américaine.
18:36 Et là on découvre,
18:38 nous Françaises,
18:40 la persécution des homosexuels,
18:42 dans cette fonction publique,
18:44 en plus de la persécution politique,
18:46 policière, dans l'environnement public.
18:48 Il y avait la peur rouge,
18:50 et il y a la peur violette.
18:52 Exactement, la "lavander menace" comme on dit.
18:54 J'ai trouvé que ça c'était très intéressant.
18:56 Et j'ai trouvé aussi, vous parlez de mélodrame,
18:58 c'est un thriller politique aussi.
19:00 Et ça je trouve ça vraiment formidable
19:02 d'avoir donné autant de suspense
19:04 et autant d'enjeux politiques
19:06 au-delà de l'histoire d'amour déchirante
19:08 qu'est cette série,
19:10 sur laquelle elle repose.
19:12 Et je trouve que c'est une leçon de maître,
19:14 de caractérisation des personnages.
19:16 En fait, j'ai rarement vu,
19:18 et je vois beaucoup de séries,
19:20 j'ai rarement vu une série
19:22 où tous les personnages ont une profondeur,
19:24 une histoire, des enjeux, une personnalité.
19:26 Ça évolue, ça change, des doutes.
19:28 Enfin là j'ai été mais comblée
19:30 comme je n'aurais jamais pu imaginer
19:32 avec cette série.
19:34 Adrien Desnouettes, même enthousiasme ?
19:36 Plutôt oui, mais pas du tout
19:38 pour les mêmes raisons, étonnamment.
19:40 Du coup je découvre la vie de Nora.
19:42 L'aspect thriller politique des deux premiers tiers
19:44 de la série m'a totalement indifféré.
19:46 J'ai même trouvé ça assez raté,
19:48 je raconterai pourquoi.
19:50 Et ce qui m'a complètement emporté,
19:52 c'est l'aspect mélodramatique.
19:54 En me renseignant un peu,
19:56 j'ai regardé qui avait scénarisé ça,
19:58 et c'est Ron Niswanner
20:00 qui était à l'origine du scénario
20:02 de Philadelphia en 1943.
20:04 Et aussi de la série Homeland.
20:06 Donc Philadelphia revient un peu plus
20:08 sur le sujet de cette histoire parallèle
20:10 et sur la revendication des droits homosexuels.
20:12 Enfin, politique, clairement.
20:14 Et lui précise qu'en fait,
20:16 le roman d'origine dont la série est adaptée
20:18 s'arrêtait en 1957.
20:20 Après le volet McCarthy, le roman ne revient que sur cet aspect-là.
20:22 Et lui, tout ce qu'il a ajouté, c'est justement la suite.
20:24 C'est-à-dire, qu'est-ce que ça veut dire
20:26 de raconter une série sur des personnages homosexuels
20:28 dans les coulisses de Washington dans les années 50 ?
20:30 Certes, ça revient sur ces aspects-là,
20:32 qui sont d'un point de vue documentaire hyper intéressant.
20:34 La Lavender Monathe, je ne connaissais rien.
20:36 J'ai passé les deux premiers tiers de la série
20:38 pour me dire "mais non, mais c'est pas possible,
20:40 il n'y avait pas des bars trans avec tout un tas de personnages
20:42 complètement interlopes". Si, ça existait.
20:44 Du coup, j'ai appris mille trucs, j'ai trouvé ça génial.
20:46 Ça ouvre tout un pan de l'histoire.
20:48 Et ça, ces deux premiers tiers, sur un point de vue documentaire,
20:50 c'était là que j'ai trouvé à manger.
20:52 Le reste, franchement, ces deux premiers tiers,
20:54 je ne comprenais rien aux intrigues politiques.
20:56 Je trouvais que c'était plutôt mal fait.
20:58 C'est vrai qu'on se perd un tout petit peu dans les noms,
21:00 au départ, entre les sénateurs, hormis McCarthy,
21:02 qui est assez clair, très sympathisable.
21:04 Et Roy Cohn, moi je ne le connaissais pas.
21:06 C'est aussi un avocat, quand même, je dois le dire.
21:08 Un très grand avocat,
21:10 avocat de la mafia,
21:12 avocat, à un moment donné, de Donald Trump.
21:14 Et qui, en fait, a été presque
21:16 le cerveau du maccartisme.
21:18 Oui, totalement. Mais du coup, l'intérêt de faire tout ça dans les années 50,
21:20 de passer les deux tiers de la série des années 50,
21:22 c'est aussi de parler, de lancer ensuite le mélodrame.
21:24 Parce que qu'est-ce que c'est le mélodrame ? Mine de rien, c'est un genre des années 40-50.
21:26 Et qui revient toujours sur le même sujet,
21:28 c'est les victimes
21:30 du conformisme. Or, les années 50,
21:32 c'est la fabrique du conformisme. Et c'est là que la série est très intéressante.
21:34 Parce qu'ensuite, elle nous amène jusqu'aux années 80,
21:36 voire un peu plus, où
21:38 on va voir, cette fois-ci, se déployer
21:40 qui sont les victimes du conformisme. Et comment, en fait, le conformisme
21:42 ne fabrique que des victimes.
21:44 Et c'est là que c'est très intéressant. Parce qu'en fait, au-delà
21:46 de ce premier couple, formé par ce duo,
21:48 Tim et Hawk,
21:50 Hawk est un personnage beaucoup plus inséré dans la machine
21:52 politique, et Tim est un idéaliste.
21:54 Au-delà de ce couple-là, qu'on va suivre jusqu'aux années SIDA,
21:56 avec des drames, en fait,
21:58 on voit la femme, l'épouse de Tim,
22:00 qui fait partie de sa couverture, mais sans le savoir...
22:02 de Hawks, pardon, qui fait partie de sa couverture, sans le savoir.
22:04 On voit l'enfant, alors je ne vais pas trop dévoiler,
22:06 mais il y a des victimes collatérales. Et c'est là,
22:08 en fait, qu'on sent se creuser un vide
22:10 très important dans la série, où on montre,
22:12 vraiment, et on empoigne cette dimension mélodramatique,
22:14 où, en plus, bien sûr, il y a une montée
22:16 des sentiments qui est très forte, que je n'avais absolument
22:18 pas dans les premiers épisodes. Je ne mors
22:20 pas du tout à cette histoire d'amour. Non, je mors à une histoire
22:22 de sexe, qui est hyper intéressante.
22:24 Mais l'histoire d'amour ne monte que sur la fin.
22:26 Et justement, il faut qu'on sente s'installer
22:28 dans cette espèce de pieuvre conformiste, qui creuse
22:30 de l'intérieur le personnage principal de Hawks.
22:32 Et c'est là que toutes les années 50
22:34 prennent leur sens, et notamment le parallèle
22:36 pendant tout le début de la série avec "Mad Men".
22:38 C'est vraiment une espèce de
22:40 Don Draper, du coup, relu et
22:42 corrigé par une histoire homosexuelle. Mais Don Draper,
22:44 c'était quoi l'histoire de Don Draper ? C'était un personnage
22:46 qui était fascinant au début, et qui finissait par se creuser
22:48 de l'intérieur, qui finissait par chuter.
22:50 D'ailleurs, c'était ça le générique. C'était un personnage, un corps qui chute.
22:52 Mais c'était vraiment un corps qui chutait dans son propre vide.
22:54 C'était plus que la surface, plus que la vitrine.
22:56 Et là, il se passe exactement la même chose avec le personnage de Hawks.
22:58 Et ce qui est très beau, c'est qu'il s'est vidé de Dieu,
23:00 il s'est vidé d'amour, il s'est vidé de tout pour sa vitrine,
23:02 pour sa carrière. Et je trouve qu'ici, la série
23:04 est vraiment très très forte. - Ce qui est extrêmement
23:06 frappant dans cette série, c'est que vous l'avez dit tous les deux,
23:08 il y a presque deux dimensions. Il y a tout ce qui est
23:10 de l'ordre de l'histoire, de l'enquête politique,
23:12 de comment a procédé le
23:14 MacCarthy, mais comment aussi, en fait,
23:16 ceux qui étaient MacCarthy
23:18 et en fait, ses acolytes, étaient eux-mêmes
23:20 en fait, s'auto-traquer eux-mêmes
23:22 pour des pratiques qu'ils appelaient
23:24 des viandes. Et puis, il y a aussi cette histoire
23:26 d'amour et les deux fonctionnent
23:28 parfaitement ensemble, alors qu'on aurait pu penser
23:30 que l'histoire politique était
23:32 une sorte de décor, Nora. - Oui, mais parce qu'en fait,
23:34 tout ça, c'est un brique. Il faut rappeler quand même qu'on n'est pas
23:36 sur des personnages qui ne sont pas dans cette machine
23:38 politique. Ce sont des gens qui sont en politique.
23:40 On a, j'ai l'ami Aladin,
23:42 qui est journaliste,
23:44 qui joue Marcus, qui lui, va suivre aussi
23:46 les auditions faites par des gens accusés
23:48 de communisme par
23:50 le sénateur MacCarthy.
23:52 On a donc Matt Bomer qui joue Hawke et Bailey qui joue
23:54 Kim. Hawke, qui est dans la fonction
23:56 publique et qui est haut placé auprès
23:58 d'un sénateur, donc, qui est le père de son
24:00 épouse, sa future épouse, au début, on le voit.
24:02 Tim, qui arrive et il le fait rentrer
24:04 parce qu'il l'aime bien et il veut
24:06 quand même des faveurs de lui dans la fonction
24:08 publique. Donc, la politique, elle infuse
24:10 la série parce qu'en fait, elle est
24:12 au cœur de la manière dont ces hommes
24:14 homosexuels négocient leur
24:16 homosexualité, négocient leur vie.
24:18 Et ça peut être par
24:20 des compromis, c'est une forme de survie.
24:22 En fait, pour moi, la question de cette série,
24:24 c'est comment on survit
24:26 quand on est un homme homosexuel
24:28 à force rythme dans les années 50
24:30 jusqu'aux années 80. Il y en a qui ont
24:32 le sida, il y en a qui l'ont pas, il y en a qui réussissent,
24:34 il y en a qui se voient complètement chuter.
24:36 Et Hawke, lui, décide
24:38 de manipuler tout son
24:40 monde pour justement cette façade
24:42 dont Andrien parlait, cette façade
24:44 de la réussite
24:46 à l'américaine, avec la belle
24:48 maison, la belle femme,
24:50 etc. Et moi,
24:52 là où cette série, je la trouve
24:54 déchirante, c'est, déjà,
24:56 montrer cette honte sociale.
24:58 Je trouve
25:00 qu'on la ressent physiquement,
25:02 cette honte. Moi, elle m'a mise dans un état, cette série.
25:04 J'ai pleuré du début à la fin, à la fin.
25:06 Et voilà, sortez les boîtes
25:08 de mouchoirs, mais toute cette série,
25:10 il y a un inconfort, on sent
25:12 le déchirement de ces gens, qui ont
25:14 des ambitions différentes. Matt
25:16 Bomer, Hawke, lui, sa carrière, il va avancer,
25:18 il reste dans le placard pour sa carrière.
25:20 Et d'ailleurs, il out des gens,
25:22 il sacrifie des gens. Il envoie
25:24 quand même son beau-frère
25:26 dans un centre de
25:28 rééducation, d'adaptation. Et il sacrifie
25:30 un collaborateur, parce que ça va être lui, c'est lui ou moi.
25:32 En fait, c'est la loi de la jungle.
25:34 Tim, lui, c'est sa religion,
25:36 son idéalisme dont tu parlais, et puis son amour.
25:38 Dès le début,
25:40 on voit que la relation, elle est
25:42 très instructrice, parce qu'il y en a un qui va aimer l'autre
25:44 plus. Et pour finir, sur
25:46 Marcus, qui est journaliste, lui, c'est
25:48 dénoncé la discrimination,
25:50 les inégalités raciales, parce qu'il est noir.
25:52 Et donc, vraiment, on voit à quel point ces
25:54 hommes doivent se trahir eux-mêmes.
25:56 Et cette chute, elle est là aussi. C'est pour ça que cette série
25:58 est formidable, parce que je trouve que le politique
26:00 est indissociable, en fait, de leur vie
26:02 à ces personnes-là. Et qu'on n'est pas dans un côté
26:04 démonstration, de regarder
26:06 les dangers de l'homophobie. Et j'aimerais
26:08 qu'on insiste là-dessus, peut-être qu'on finisse sur cette idée.
26:10 C'est une série qui est extrêmement sensuelle,
26:12 érotique, sexy.
26:14 Voilà, Nora. Adrien ?
26:16 Non, vous vous levez les yeux au ciel, ça vous a moins...
26:18 Non, pas du tout. Au contraire, non, non.
26:20 J'ai trouvé ça très cool. Mais du coup,
26:22 tous ces premiers aspects, où vraiment tous les personnages sont extrêmement
26:24 ripollinés, sont vraiment des corps un peu
26:26 exagérément fantasmés, où tout le monde est aux
26:28 proportions de personnages de Tom Hoff et de Fallant.
26:30 C'est légèrement exagéré. À l'image du générique,
26:32 d'ailleurs. Oui, à l'image du générique. Mais moi, là où
26:34 je trouve, je vais rebondir sur ce que disait Nora à l'instant,
26:36 là où je trouve la série la plus belle, c'est que
26:38 le personnage qui est le plus vitrine,
26:40 qui résiste le plus à tout, c'est-à-dire celui
26:42 qui survit à tout ça, c'est en fait celui
26:44 qui aura été le plus vide. Et c'est de ce vide-là
26:46 qu'on finit par pleurer à la fin, c'est de se dire
26:48 que c'est celui qui a le moins embrassé l'amour
26:50 qu'il aurait dû, depuis le début, reconnaître.
26:52 Et c'est ça qui est très très beau. Nora, en un tout petit
26:54 truc, c'est un petit trivia, toutes les
26:56 chansons du générique de fin ont été
26:58 composées par des chanteurs homosexuels
27:00 morts du sida. Voilà, c'est un geste
27:02 politique aussi. Le moins vivant est en fait le plus
27:04 survivant. Philo Trevlers,
27:06 c'est depuis le 18 janvier sur
27:08 Canal+. C'est une série à voir. Merci
27:10 à tous les deux, Nora Boisoni, Adrien
27:12 Desnouettes. Toutes les références sont sur
27:14 le site de France Culture, à la page de l'émission
27:16 "Les Midis de Culture" et sur l'application
27:18 Radio France.

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