Pierre Pelouzet, médiateur national des entreprises, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Ensemble, ils s'intéressent à la forte augmentation de défaillances d'entreprises et aux moyens à mettre en place pour éviter d'en arriver à ce point.
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00:00 - Europe 1, il est 6h42.
00:02 - Si c'est le baromètre à retenir pour mesurer la santé de nos entreprises,
00:06 alors ça veut dire que quelque chose ne va pas.
00:08 Les défaillances d'entreprises, elles n'ont jamais été aussi nombreuses depuis plus de 10 ans.
00:12 Eh bien, nous allons voir les chiffres de l'étude Altares avec mon invité ce matin sur Europe 1.
00:17 - Votre invité, Alexandre, c'est donc Pierre Pellouzet, médiateur national des entreprises.
00:21 - Bonjour Pierre Pellouzet. - Bonjour Alexandre Demeyen, bonjour Monblige.
00:24 - Vous avez l'une des meilleures positions pour répondre à cette première question,
00:28 la santé des entreprises françaises, avec ce premier chiffre comme base de départ.
00:32 57 729 entreprises, pour être précis, ont mis la clé sous la porte l'année dernière,
00:39 36% de plus par rapport à 2022. Qu'est-ce qui ne va pas ?
00:42 - Oui, alors je vais revenir là-dessus.
00:44 D'abord, je vais répondre à Dimitri pour lui préciser que nous avons des médiateurs spécialisés
00:48 sur les Jeux Olympiques, entre les entreprises qui travaillent pour les grands projets olympiques
00:53 et les grands donneurs d'ordre, parce que la hausse des matières premières, et on y reviendra,
00:57 fait partie des sujets qui créent des tensions entre les entreprises.
01:00 Alors, qu'est-ce qui ne va pas ? Je reviens à votre question quand même.
01:02 D'abord, se rappeler qu'on va parler d'hommes et de femmes, en tant que médiateur,
01:07 évidemment c'est la première chose à laquelle on pense.
01:08 - De l'humain, bien sûr. - De l'humain, des chefs d'entreprise, des employés,
01:11 qui vont être en difficulté à cause de ces défaillances d'entreprise.
01:14 Après, si on regarde l'ensemble des chiffres, il y a plusieurs phénomènes qui vont entrer en jeu.
01:19 Tout d'abord, on sort d'une période où l'économie a été gelée pendant plusieurs années,
01:24 les aides 2020, 2021, encore 2022, les décalages de l'Ursaf ont fait que
01:29 nos entreprises étaient plutôt protégées par rapport à la vie normale.
01:33 Aujourd'hui, on revient à cette vie normale, c'est-à-dire, il y a des entreprises qui naissent,
01:37 qui grandissent, et qui malheureusement parfois disparaissent.
01:40 - Bon, vous parliez d'humains, Pierre Pellouzet, est-ce que vous avez une idée
01:44 d'une nombre de destructions d'emplois que cela représente ?
01:46 - Oui, on parle de dizaines de milliers d'emplois, évidemment,
01:49 mais il faut mettre en face de ça les créations d'entreprises.
01:52 On n'a jamais eu autant de créations d'entreprises que depuis ces deux dernières années.
01:56 Donc quand on fait la balance, on est plutôt sur un résultat positif.
01:59 - Positif. - Malgré tout, il faut être vigilant.
02:01 Il faut être vigilant parce qu'il y a eu des facteurs, au-delà de la fin des aides,
02:05 il y a eu des facteurs qui font que notre économie a bougé.
02:08 Je parlais de la hausse des matières premières, de l'inflation.
02:10 - C'est un cocktail de mauvaises conditions qui se concentre, qui s'accumule là.
02:14 - C'est un cocktail de conditions un peu particulières qu'on n'avait pas toutes connues en même temps.
02:18 Effectivement, l'inflation, même si l'inflation commence à aller mieux,
02:22 il y a encore des entreprises, notamment dans la construction,
02:24 qui ont acheté de la matière première très chère et qui aujourd'hui se retrouvent un peu coincées.
02:28 La hausse de l'énergie, là aussi, les coûts sont en train de baisser,
02:31 mais il y a eu un choc. - On en paye encore les effets.
02:33 - Et on en paye encore les effets.
02:34 Donc il y a tout un tas d'effets qui font que, dans certains secteurs,
02:37 on voit des entreprises en difficulté,
02:39 ce qui, au-delà des rattrapages, explique les chiffres qu'on voit aujourd'hui.
02:42 - Les entreprises plutôt petites, elles sont toutes touchées indifféremment de leur taille ?
02:47 - Alors, traditionnellement, c'est plutôt les petites entreprises qui sont en défaillance en premier.
02:52 D'ailleurs, la majorité de nos entreprises en France sont des petites entreprises, il faut le rappeler.
02:55 - Bien sûr.
02:56 - On voit aussi, malgré tout, sur ce dernier trimestre,
02:58 plutôt des entreprises un peu plus grandes qui sont touchées,
03:01 ce qui n'était pas le cas d'habitude.
03:02 Je parlais du secteur de la construction.
03:04 Typiquement, c'est des entreprises d'une certaine taille dans la construction
03:07 qui vont être en difficulté.
03:09 Les taux d'intérêt, ça fait quoi ?
03:11 Les taux d'intérêt, ça veut dire que les gens achètent moins d'appartements,
03:14 donc il y a moins de construction neuve.
03:16 On voit d'ailleurs les défaillances du côté des agences immobilières,
03:20 ce qui est assez étonnant, mais les agences immobilières sont en difficulté.
03:23 Et de fait, le monde de l'immobilier en général est plutôt en tension
03:27 et crée une bonne partie des défaillances qu'on voit aujourd'hui.
03:30 - De plus grandes entreprises qui mettent la clé sous la porte,
03:32 c'est un signal d'alarme supplémentaire pour vous ?
03:34 - C'est un signal de vigilance.
03:35 Encore une fois, c'est plutôt sectoriel.
03:37 Construction, on a aussi tout ce qui est magasins de vêtements,
03:42 on a une certaine partie des magasins de vêtements,
03:44 là qui était, je vais presque dire, un peu en survie
03:46 parce que les modèles sont dépassés.
03:48 Il faut reconnaître que le monde du vêtement a beaucoup évolué.
03:51 - Et le secteur de la décoration, on pense à l'exemple récent d'Habitat.
03:54 - Oui, le secteur de la décoration, il y a certains secteurs
03:57 sur lesquels le mode d'achat a évolué.
03:59 Alors, tant qu'il y avait des aides, ça tenait.
04:01 Aujourd'hui, où les aides ont disparu,
04:03 quand le mode d'achat a évolué et que l'entreprise n'a pas évolué,
04:06 elle devient en difficulté.
04:08 Donc voilà, c'est ce type d'entreprise qui sont plutôt en difficulté,
04:10 alors que d'autres, dans les services, dans l'industrie,
04:12 qui marchent plutôt bien,
04:14 dans l'agriculture, qui marchent plutôt bien,
04:16 vont continuer à se développer et on a des chiffres
04:18 plutôt raisonnables, plutôt en dessous de ce qu'on a toujours connu
04:21 dans ces domaines-là.
04:22 - Donc il y a quand même un certain nombre de secteurs d'activité,
04:24 dans ceux que vous citez, qui s'en sortent.
04:26 - Oui, et d'ailleurs les chiffres en moyenne,
04:28 on est toujours plutôt en dessous de ce qu'on connaissait avant crise,
04:31 malgré l'effet de rattrapage,
04:33 ce qui, paradoxalement, est plutôt une bonne nouvelle
04:35 au niveau macroéconomique, encore une fois.
04:37 - Vous parlez d'humains et vous êtes médiateur des entreprises,
04:39 Pierre Pellouzez, vous connaissez naturellement dans votre quotidien
04:41 des situations difficiles, des situations de détresse,
04:43 parfois, il faut le dire, de la part de certains patrons et patronnes.
04:46 Qu'est-ce que vous pouvez conseiller aux entreprises,
04:48 aux patrons, justement, qui nous écoutent ce matin sur Europe 1
04:51 et qui sont en prise avec ces difficultés ?
04:53 Comment on se protège du gouffre ?
04:55 - Oui, c'est très important,
04:57 j'allais dire, faites-vous aider.
04:59 N'hésitez pas à appeler les gens qui sont là pour ça,
05:01 notamment la médiation des entreprises.
05:03 Si vous avez une difficulté avec un client, avec un fournisseur,
05:05 vous n'arrivez pas à être payé,
05:07 vous avez une difficulté à payer vos factures,
05:09 saisissez-nous le plus tôt possible pour qu'on puisse vous aider.
05:11 La médiation, c'est quoi ?
05:13 C'est aider les gens à se parler pour trouver des solutions ensemble.
05:15 Donc oui, le premier message, c'est regardez
05:17 tous ceux, toutes celles qui sont là
05:19 pour vous aider partout sur le territoire.
05:21 Saisissez-nous, on vous orientera aussi
05:23 vers les bonnes personnes, si ce n'est pas nous qui faisons,
05:25 mais je préfère que vous nous appeliez
05:27 et qu'on vous réoriente plutôt que de rester tout seul
05:29 et de déposer le bilan alors qu'on aurait pu vous aider.
05:31 - Message reçu 5/5.
05:33 Merci Pierre Pellouzez, médiateur national des entreprises sur Europe 1.
05:35 nationale des entreprises sur Europe.