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Source
Étienne https://www.youtube.com/watch?v=-kxFdTCxpTM
Musique https://www.youtube.com/watch?v=JJIFQqknTYg

Réponses au quiz de fin :

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Quelle est la fréquence des assassinats de militants écologistes dans le monde ?
1 assassinat tous les 3 jours.

Quelle est la proportion des retraités chez les bénévoles associatifs ?
3/4 des bénévoles sont des retraités.

Quelle est la proportion de climatosceptiques chez les moins de 25 ans en France ?
17%.

#étienne #écologie #okboomer #générationclimat #climatosceptique #militant #camilleétienne #mollat #librairie #conférence #interview #extrait #ethiqueettac
Transcription
00:00 [Musique]
00:08 Oui, alors c'est aussi toute la particularité de votre définition de l'écologie.
00:11 J'aimerais bien que vous nous la donniez précisément.
00:13 Pour vous, l'écologie, c'est quoi ?
00:15 Eh bien, ma définition n'est pas si intéressante que ça.
00:19 En revanche, il y a celle des chercheurs et des chercheuses
00:23 qui rappellent bien que c'est une discipline, l'écologie est la base.
00:27 Donc, c'est l'étude de la science des relations entre les espèces humaines et non humaines.
00:33 C'est les choses qui nous lient, c'est le lien.
00:35 L'écologie, c'est précisément une question de lien.
00:38 C'est éminemment une question de lien, d'abord une question de lien.
00:41 Donc, c'est en rien l'apanage seulement du climat, ni de la météo,
00:44 ni même seulement de la biodiversité.
00:46 C'est pour ça qu'en fait, d'ailleurs, quand je me définis pour une activiste,
00:50 je pourrais dire simplement le mot écologie,
00:52 parce que ça englobe du coup la question climatique,
00:55 la question sociale, la question de la biodiversité des espèces.
00:59 Et le terme est important parce que, vous voyez, on se parlait souvent d'environnement,
01:05 d'action pour l'environnement, de combat pour l'environnement.
01:08 Et en fait, c'est un terme qui, alors grâce à l'anthropologue Philippe Descola,
01:13 lui, il a beaucoup déconstruit le mot nature.
01:16 On parlait de nature, mais en fait, il dit "la nature n'existe pas".
01:19 C'est étonnant cette phrase, "la nature n'existe pas".
01:21 Mais en fait, ce que ça veut dire, c'est que dans...
01:24 Lui, il a étudié beaucoup d'autres peuples, beaucoup d'autres civilisations,
01:27 et il montrait qu'en fait, eh bien, il n'y a pas quelque chose comme un être extérieur.
01:32 On se pense, dans plein d'autres manières d'être au monde,
01:34 on se pense précisément en interaction constante avec ces espèces,
01:39 avec les arbres, avec les rivières, elles font partie de notre culture, finalement.
01:44 Et donc, la distinction nature/culture qu'on fait dans nos sociétés occidentales
01:48 est une construction, une fiction.
01:50 Et donc, en cela, l'idée d'un environnement ne me parle pas beaucoup,
01:54 parce que l'environnement, c'est ce qui nous environne, c'est ce qui nous entoure.
01:58 Donc, du coup, on s'exclue de celui-ci.
02:00 Or, c'est absolument pas un combat pour l'environnement qu'on fait,
02:03 parce que, comme je le disais au tout début, c'est nos corps qui sommes d'abord menacés aussi.
02:07 C'est dans le lait maternel qu'on retrouve des microplastiques.
02:10 C'est nos aînés qui meurent des canicules aujourd'hui en France, en 2023.
02:15 C'est nos enfants qui ne pourront plus respirer un air pur d'ici quelques années,
02:19 et puis c'est déjà même le cas pour 50 000 personnes
02:21 qui meurent chaque année de la pollution de l'air en France.
02:24 Vous voyez ? C'est pas que la nature, c'est pas quelque chose qui nous environne.
02:26 On en fait éminemment partie.
02:28 Vous expliquez aussi qu'on peut avoir la tentation de l'impuissance,
02:31 mais qu'il faut absolument la dépasser, la tentation, le sentiment d'impuissance,
02:36 plutôt que la sensation.
02:38 Les deux aussi, en fait, il y a aussi une tentation d'impuissance.
02:41 Mais ça, c'est quand on a le privilège de choisir une impuissance.
02:45 Pour beaucoup, elle est subie.
02:47 Mais le concept, au départ, c'était de me dire,
02:50 il y a tellement de gens autour de moi, je sais pas si c'est votre cas,
02:52 mais qui me disent ou que je vois ou même un sentiment que j'ai ressenti,
02:55 que la chose publique nous échappe.
02:58 Qu'on serait un peu comme passagers d'une voiture, passagers arrière,
03:02 et puis qu'on verrait défiler sous nos yeux le paysage,
03:05 sans jamais rien pouvoir y faire.
03:07 En se sentant que...
03:09 Et donc, c'est d'ailleurs tout le regard cynique qu'on peut avoir sur l'existence.
03:14 C'est, à quoi bon ? Tout ça est tellement vertigineux.
03:16 D'autres dessinent à notre place.
03:18 Quoi que l'on fasse, on nous entendra pas, on nous écoutera pas.
03:22 Rien ne fonctionne.
03:25 Nous sommes trop petits.
03:27 C'est toutes ces phrases qui m'ont toujours semblée très dures.
03:31 Très, très dures. Je ne supportais pas.
03:34 Mais je crois que ça vient vraiment de mon enfance et de mon éducation.
03:37 C'est Primo Levi, il y a un passage très beau dans son livre,
03:40 où en fait, il a quelqu'un, un officier.
03:44 Lui, il fait très froid, il a très soif, c'était l'hiver.
03:47 Et il arrache comme ça un glaçon pour boire un peu un glaçon.
03:51 Et là, il y a un officier qui arrive et qui lui arrache des mains le glaçon et qui le balance.
03:56 Et c'était tellement gratuit comme acte qu'il lui dit "mais pourquoi ?"
04:00 La réponse de l'officier, c'est de dire
04:02 "ici, c'est l'endroit précisément où il n'y a pas de pourquoi."
04:06 Et donc, les endroits dans le monde où il n'y a plus de pourquoi,
04:10 les moments dans l'histoire où il n'y a plus de pourquoi,
04:12 sont ceux qui sont les plus sombres, je trouve.
04:15 Et donc, je n'avais jamais vraiment compris, même enfant,
04:18 cette idée de "ben c'est comme ça", vous voyez,
04:21 ne poser plus la question du pourquoi.
04:23 La fatigue des adultes à la fin, ne plus vouloir répondre à cette question.
04:28 Il y a un âge où on n'a plus le droit de demander tout le temps "pourquoi tout ?"
04:31 De questionner des choses qui sont censées être immuables.
04:33 "Ben c'est comme ça."
04:34 Le système économique, "ben c'est comme ça."
04:36 Le système politique, "c'est comme ça."
04:38 On ne peut faire autrement.
04:40 Et c'est ça qui crée l'impuissance.
04:43 C'est de ne pas réaliser, c'est de se tromper
04:45 dans la distinction des mythes et des fictions.
04:48 Très rapidement, c'est que la seule réalité avec laquelle on ne peut négocier,
04:53 ce sont les limites planétaires.
04:55 On a 9 limites planétaires qui ont été délimitées
04:59 par des chercheurs norvégiens et suédois.
05:02 On a déjà dépassé 6.
05:04 Si on atteint des seuils au-delà de ces seuils critiques,
05:07 on rentre dans des systèmes d'instabilité,
05:10 d'instabilité climatique, d'instabilité de la biosphère.
05:12 Et donc là on voit l'emballement.
05:14 C'est-à-dire que dans les modèles mathématiques, sur les ordi,
05:17 c'est pas juste un peu pire à chaque fois,
05:20 c'est plus vraiment ce qui se passe.
05:22 Ça devient un peu hors de contrôle.
05:24 Donc ça, on s'inscrit dans un monde qui est limité.
05:27 Que ça nous plaise ou non, on manque d'eau cet été en France.
05:30 Que ça nous plaise ou non, si le climat se réchauffe trop,
05:34 eh bien on va avoir des étés caniculaires.
05:37 Que ça nous plaise ou non, la forêt amazonienne se met à émettre
05:40 plus de CO2 qu'elle en absorbe à cause des feux de forêt.
05:43 Donc ça, on ne peut pas négocier avec ça.
05:45 C'est là la seule réalité, ce sont ces limites-là.
05:48 Après, comment est-ce qu'on habite le monde à l'intérieur de ces limites ?
05:52 Eh bien là, c'est éminemment une question.
05:54 Je dis en rien que c'est facile.
05:56 Je dis en rien que changer ton modèle économique en tiges,
05:59 bien sûr que c'est compliqué, ça demande du temps, ça demande du travail.
06:02 En revanche, c'est une fiction.
06:04 Une fiction, c'est une histoire qu'on se raconte pour faire sens.
06:07 On consent à une fiction économique.
06:09 Vous et moi, on décide qu'un billet de 10 euros vaut 10 euros
06:12 parce que c'est pratique pour diluer l'échange dans le temps.
06:15 Et donc, eh bien, il vaut 10 euros parce qu'on y consente.
06:18 Mais c'est là une fiction.
06:19 Si vous me dites non, ben non, je refuse.
06:21 Qu'est-ce que c'est le sauvetage de papier ?
06:23 Mais tout s'effondre d'un coup.
06:24 Je veux dire, ça ne marche plus.
06:25 Tout repose sur la confiance.
06:27 Donc les fictions reposent sur une confiance.
06:29 C'est qu'on peut décider de désobéir, de refuser,
06:33 de renoncer à des fictions qui menacent les conditions mêmes d'existence.
06:37 D'où l'idée du soulèvement, qui est donc vital.
06:41 Pour vous, c'est vital.
06:42 Il faut y aller.
06:43 Pas seulement pour moi.
06:45 Il est vital pour les gens que je rencontre dans mon activisme
06:49 qui meurent déjà des conséquences du dérèglement climatique
06:52 et qui sont bien plus nombreux et nombreuses que ce qu'on peut imaginer.
06:55 En fait, moi je travaille beaucoup sur une pipeline,
06:58 enfin pas sur la pipeline, contre la pipeline du confinement,
07:02 en Ouganda, entre l'Ouganda et la Tanzanie.
07:04 C'est fait par une entreprise française, Total Energy,
07:06 et une entreprise chinoise, qui s'appelle KNOK,
07:08 si jamais ça vous intéresse.
07:11 Et en fait, j'ai pu rencontrer ces personnes-là.
07:13 Et dans mon quotidien, c'est de rencontrer des activistes partout à travers le monde
07:17 qui viennent, ou qui nous contactent, ou qui viennent aussi en Europe
07:21 pour nous dire, voilà, en fait, ce sont vos banques qui finançaient ça,
07:24 c'est votre développement, c'est votre responsabilité aussi historique,
07:28 qui font en sorte que nous sommes quelque part victimes d'une guerre
07:32 que nous n'avons jamais déclenchée.
07:34 Et ils sont, eux, en première ligne vital,
07:38 des conséquences du dérèglement climatique.
07:40 Ce sont des personnes qui doivent quitter leur terre,
07:42 qui sont obligées à la migration.
07:45 Ce sont des personnes qui voient, là je parlais avec quelqu'un,
07:48 des îles du Pacifique, et elle dit, nous, on est,
07:51 c'est la première fois dans l'histoire que des pays entiers
07:54 sont menacés de disparition.
07:56 C'est-à-dire qu'il y a eu des guerres, il y a eu des nations qui ont disparu,
07:58 il y a eu des États, il y a eu des...
08:00 Mais un territoire entier qui disparaît sous les eaux,
08:03 c'est nos petites îles du Pacifique.
08:05 Il y a des territoires qui m'ont trié de la carte,
08:07 il y a des pays qui n'existeront plus.
08:09 Et c'était bouleversant de la voir et de dire, mais imaginez ce que ça fait.
08:12 Quand on vous dit, votre pays n'existera plus.
08:15 Après, vous, peut-être que dans votre vie, vous allez assister au moment
08:18 où votre pays n'existera plus.
08:20 Et en fait, c'est aussi pour ça que je me dis,
08:22 c'est pour ces gens que j'ai la chance immense de pouvoir rencontrer
08:26 et de voir dans leurs yeux, quelque part, notre responsabilité aussi à nous,
08:30 dans un pays où, alors en ce moment, c'est un peu délicat,
08:33 mais où, en tout cas, il nous est encore permis une forme de contestation
08:36 sans risquer nécessairement la peine de mort,
08:39 sans risquer d'être tués, puisque c'est le cas de...
08:42 Vous savez, il y a un activiste dans le monde tous les trois jours
08:45 qui est tué, en moyenne.
08:47 Un activiste environnemental seulement.
08:49 Donc, éminemment, beaucoup au Brésil, en Amazonie.
08:52 Mais c'est énorme.
08:54 Donc, dans un État de droit, quand bien même il est de plus en plus difficile de le faire,
08:58 il est d'autant plus urgent de le faire, je trouve.
09:01 - Vous évoquez la peur aussi, qui peut être motrice,
09:05 et dont on accuse parfois les écologistes d'agiter devant nos yeux.
09:12 Mais vous dites, en fait, justement, il ne faut pas avoir peur.
09:15 La peur, en fait.
09:16 - Il ne faut pas se tromper de peur, d'abord.
09:19 C'est-à-dire que la peur fait partie de notre monde politique.
09:23 On est gouverné par des fausses peurs, je trouve.
09:26 Là, c'est subjectif.
09:28 Moi, je trouve que c'est des peurs factices, par exemple,
09:30 quand on va créer la peur de l'autre.
09:32 On crée la peur de l'inconnu, et donc de l'altérité.
09:36 Et tous les débats politiques qu'on a pu avoir
09:38 sont quand même vraiment centrés souvent sur cette question,
09:41 la question de la peur de l'autre.
09:43 On va gouverner par l'idée de dire, il y a une peur,
09:47 qui pour moi, crée toute pièce, mais moi, je suis le sauveur,
09:50 je vais vous permettre de lutter contre cette chose qui vous fait peur,
09:53 donc votez pour moi, et je vais maintenir cet ordre,
09:55 ça va aller, machin.
09:57 Les peurs sont déjà présentes dans l'espace public.
09:59 En revanche, ce sont des peurs qui sont complètement factices pour moi,
10:02 et de même dangereuses.
10:04 En revanche, il y a des peurs légitimes.
10:07 C'est-à-dire qu'avoir un sentiment de peur face à un monde malade,
10:11 c'est plutôt sain, c'est une réaction saine.
10:14 La maladie, elle n'est pas de ce côté-là.
10:16 L'anomalie, elle n'est pas de ce côté-là.
10:18 Au contraire, ce qui m'inquiète, c'est beaucoup plus le cynisme,
10:21 la froideur avec laquelle certains dirigeants sont capables
10:23 de prendre des décisions dont ils savent pertinemment
10:26 qu'ils condamnent et qu'ils embarquent dans leur chute
10:28 une partie du monde vivant,
10:30 et de générations qui n'habitent pas encore le monde.
10:32 Ça m'inquiète beaucoup plus, ce cynisme, cette froideur-là,
10:35 qu'une inquiétude, qu'une angoisse profonde nichée en nous
10:39 dans lequel l'impuissance se nourrit de ce sentiment.
10:45 Et donc, ce que je sais de dire, c'est qu'à la base,
10:48 la peur, c'est quelque chose qui est inventé par notre corps
10:51 qui est un réflexe vital.
10:53 Si une voiture nous fonce dessus, si on n'a pas peur,
10:56 eh bien, on va se faire rouler dessus.
10:57 Donc, on va mourir, a priori.
10:58 Enfin, ça va pas être super agréable.
11:00 En revanche, si on a une peur à la hauteur du danger,
11:02 on va pouvoir faire des signes au conducteur
11:04 pour qu'il change sa route, on va pouvoir fuir,
11:06 faire un pas de côté.
11:07 En fait, il y a des peurs qui nous sauvent.
11:09 La peur peut être quelque chose qui nous sauve.
11:12 En revanche, tout l'enjeu est dans ce qu'on en fait.
11:15 C'est-à-dire, soit on refuse d'en parler.
11:17 Pour moi, c'est ce qui se passe.
11:18 C'est-à-dire qu'on n'arrête pas de nous dire
11:20 "Attention, il ne faut pas trop faire peur,
11:21 il faut être positif, il faut parler de solutions,
11:25 il ne faut pas trop angoisser."
11:27 Donc, du coup, il y a une réalité,
11:29 mais c'est le sentiment qu'on pouvait avoir,
11:31 que moi j'avais quand j'étais petite fille,
11:33 et qu'on nous demande quand on est chez le médecin
11:35 d'attendre dans la salle d'attente.
11:37 Je trouvais ça horrible, comme sentiment, vous voyez,
11:39 de ne pas savoir ce qui se passe,
11:41 de nous déposséder un peu de notre propre diagnostic.
11:44 Il y a cette chose, pendant que c'est nos parents qui le font.
11:47 C'est-à-dire que moi, si je vais chez le médecin,
11:48 j'ai envie qu'il soit capable de me dire
11:49 "Voilà ce qui vous arrive, ni plus ni moins."
11:52 Et après, ça m'appartient en effet ce que j'en fais.
11:54 Est-ce que je vais me traiter ?
11:55 Quels sont les effets secondaires ?
11:56 Voilà, tout ça est un objet de débat.
11:58 Mais en revanche, je n'ai pas envie de lui dire
12:00 "Mentez-moi parce que je ne voudrais pas avoir trop peur."
12:02 Personne ne fait ça, c'est très bizarre.
12:05 C'est un peu la même chose.
12:06 Je veux dire, je suis désolée,
12:07 le fait est que l'état actuel climatique et biologique du monde
12:11 n'est pas génial.
12:12 Bon, ça voilà, il faut le dire.
12:14 On ne peut pas mentir, il est temps de ne plus croire au Père Noël.
12:17 Donc une fois que c'est le cas,
12:19 une fois qu'on le dit, maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?
12:22 Et si on a du coup une peur à la hauteur de l'urgence,
12:26 eh bien, c'est le meilleur moyen, vous savez,
12:28 le meilleur moyen d'éviter la catastrophe,
12:29 c'est de l'anticiper.
12:31 Parce que s'il y a un feu dans notre maison
12:33 et qu'on est incapable de prévoir le feu,
12:35 de savoir comment réagir en cas de feu,
12:38 eh bien, le jour où ça arrive vraiment,
12:40 on va plutôt gêner les pompiers, en fait.
12:41 On va paniquer, on ne va pas être prêts.
12:43 Donc je crois que le meilleur moyen d'éviter les catastrophes,
12:45 c'est de les penser comme étant possibles d'advenir
12:48 et donc de les préparer.
12:50 Et c'est pour ça que la peur, il ne faut en rien
12:53 l'extraire de l'espace public et de l'espace politique
12:58 parce que sinon, ce que ça fait,
12:59 c'est qu'on le relègue dans l'intime.
13:01 Et c'est là où c'est dangereux parce que ça nous abîme.
13:03 Ça nous ronge, on en a honte, on se sent seul.
13:06 Et c'est là vraiment où la peur crée de l'apathie.
13:08 C'est là et seulement là où la peur crée de l'apathie.
13:10 C'est quand c'est une peur qui nous rend seule,
13:13 qui nous rend solitaires.
13:14 - Vous décrivez, comme Salomé Saquet le décrit
13:17 dans son dernier livre, la jeunesse étant forte
13:19 et effectivement à tout à fait conscience,
13:21 en revanche, de la situation.
13:23 - Eh bien, je ne suis pas tout à fait d'accord avec ça
13:27 parce qu'en fait, moi oui, j'ai la jeunesse autour de moi
13:31 parce que ma bulle, les gens que je côtoie
13:33 et donc évidemment que j'ai envie de vous dire
13:34 empiriquement, bien sûr, les jeunes sont beaucoup plus engagés,
13:37 c'est une question de génération climat, etc.
13:39 Sauf que quand on regarde, et dans l'histoire,
13:41 et dans la sociologie, déjà dans la sociologie,
13:43 il y a des chercheurs de Savipov qui ont montré,
13:45 donc l'Institut de recherche de Sciences Po,
13:47 qui ont regardé tous les mouvements,
13:49 enfin pas tous les mouvements, mais beaucoup,
13:50 ont étudié beaucoup de mouvements justement écologiques
13:52 et qui ont montré que c'est en rien une question d'âge.
13:55 On peut avoir l'impression, parce que le traitement médiatique
13:58 qui a été fait, l'engagement écologique qui a été mis
14:01 beaucoup en avance, celui des marches pour le climat,
14:03 des très jeunes, des grèves de l'école, etc.,
14:06 donc qui en effet étaient très jeunes.
14:08 Mais en réalité, quand on regarde dans les associations,
14:11 trois quarts des bénévoles sont des personnes retraitées.
14:15 D'où l'importance de partir à la traite aussi en bonne santé.
14:18 Voilà, c'est pas gagné, donc...
14:21 Non mais voilà, on ne fait plus trop de tables d'actualité,
14:23 mais encore un peu.
14:24 Mais donc en fait, il y a aussi cette question de se dire,
14:26 moi, les premiers écolo que je connais,
14:28 ce sont mes parents, mes grands-parents aussi,
14:30 ce sont eux qui vont, même, c'est drôle,
14:32 on a fait plein d'actions plus locales,
14:34 où c'est eux qui vont connaître les PLU,
14:36 qui vont aller faire les réunions publiques,
14:38 qui vont connaître le maire, qui vont aller tracter.
14:40 Et puis on est aussi une génération très climatosceptique.
14:44 On a de plus en plus de climatosceptiques en France.
14:46 Chez les jeunes notamment, les dernières études,
14:49 c'est 17% des moins de 25 ans sont climatosceptiques.
14:52 Mais comment on peut expliquer ça ?
14:55 Je vais répondre dans une seconde,
14:57 d'ailleurs, c'est assez flippant.
14:59 Mais juste, pour finir, cette question de génération,
15:01 c'est très important pour moi,
15:03 parce que si on crée un clivage générationnel,
15:05 on se trompe d'endroit.
15:07 Vous savez, dans l'espace médiatique et politique,
15:09 il ne peut pas y avoir beaucoup de polarisation,
15:11 parce que quand on est face à un plateau, c'est un pour et un contre.
15:13 Donc si on pense que c'est là le problème,
15:15 je vais me retrouver à devoir être Camille à 25 ans,
15:17 très bien, on va donner la parole à quelqu'un de 70 ans.
15:19 Vous êtes boomer ?
15:20 Ah là là, c'est une petite jeune effrontée.
15:22 Et donc en fait, le débat est complètement stérile et inintéressant,
15:24 c'est pas ça qui se passe.
15:26 C'est pas moi contre mon grand-père,
15:28 c'est moi contre, par exemple,
15:30 un PDG d'une entreprise fossile
15:32 qui s'assure qu'on reste bien dépendant du pétrole.
15:35 Là, il y a une vraie polarité.
15:36 Là, il y a un vrai rapport de force.
15:38 Là, il y a une vraie fracture qui est intéressante
15:40 et qui est importante politiquement et qui crée quelque chose.
15:42 Donc n'oublions pas déjà que dans l'histoire,
15:44 l'écologie, on n'a rien inventé,
15:46 et qu'on est aussi une génération très contradictoire.
15:50 On est aussi une génération qui fait la queue,
15:53 par exemple, pour des chiennes de fast fashion,
15:56 qui surconsomment,
15:58 parce qu'on est nés dans la surconsommation, dans les réseaux sociaux.
16:00 Donc en fait, je crois qu'on perd beaucoup de temps
16:03 avec cette fracture générationnelle.
16:04 Déjà, elle ne correspond à rien dans la réalité,
16:06 donc bon, passons.
16:08 Et en plus de ça, je ne crois pas que ce soit très intéressant
16:11 de se penser par rapport à notre âge.
16:14 La manière dont on habite le mois, je connais des vieux boomers,
16:16 je peux vous le dire, et des très jeunes boomers aussi.
16:18 Comme je connais des très vieux écolo,
16:20 comme des très jeunes écolo.
16:21 Et sur la question de maintenant, de pourquoi,
16:24 on a de plus en plus de climato-sceptiques,
16:26 alors, c'est avec une théorie que je vous donne,
16:28 c'est qu'on a toujours l'idée que les vérités,
16:32 elles passent par plusieurs étapes.
16:33 D'abord, elles ne sont pas considérées du tout,
16:36 elles sont ignorées.
16:37 Donc pendant longtemps, l'écologie, c'était quand même pas un sujet.
16:40 Je ne sais pas si vous pensez aux écolo de il y a longtemps.
16:42 Moi, je vois ma mère, c'était vraiment un non-sujet.
16:46 Après, on les moque, on les moquait.
16:48 Donc là, c'est toute la période de grandes blagues.
16:51 Ils sont mignons les écolos.
16:53 Bon, ça, c'est partout où on a.
16:55 Et ensuite, elles sont combattues, les idées.
16:57 Donc là, je pense qu'on arrive au moment,
16:59 où même moi, à ma courte échelle de militantisme,
17:01 je l'ai senti, comment c'était un non-sujet.
17:03 On était dans les rubriques à la fin,
17:05 on était les quelques minutes à côté,
17:07 on était la journée spéciale.
17:09 Ensuite, comment on a été moqué en long, en large, en travers.
17:12 Et là, vraiment, on commence à faire peur.
17:14 Je l'ai vu avec le mot de mon livre,
17:16 les réactions de toutes parts,
17:18 de certains ministres, de politiciens.
17:20 En fait, je me dis, wow, ok, là, vraiment,
17:22 c'est un sujet qui commence à terrifier l'ordre établi,
17:26 l'ordre en place.
17:27 Donc, on est à ce moment de fracture.
17:29 Donc, c'est normal et évident que,
17:31 derrière l'ordre de bataille, se musclent, bien sûr.
17:35 Donc, quand nous, sur le terrain des idées,
17:37 on est en train de faire émerger
17:39 que l'écologie est quelque chose d'urgent, d'important,
17:42 que ce n'est pas pour les générations futures,
17:44 que c'est maintenant.
17:45 Évidemment, que de l'autre côté,
17:46 on va peut-être payer un peu plus de climatosceptiques.
17:48 Vous mettez des algorithmes qui mettent des articles en premier.
17:51 Évidemment qu'on muscle le discours contraire.
17:53 C'est presque bonne guerre, j'ai envie de dire.
17:56 - Et pour cette raison-là,
17:58 et pour d'autres que vous expliquez dans votre livre,
18:00 il y a des raisons d'espérer.
18:01 C'est aussi un livre qui n'est pas triste, au contraire,
18:03 qui donne envie d'agir.
18:05 - J'espère, sinon c'est bien raté.
18:09 Non, en fait, parce que l'espoir, pour moi, c'est un espoir lucide.
18:13 Et que je cite un passage sur Rebecca Solnit,
18:17 qui est une autrice américaine,
18:18 que je trouve merveilleuse,
18:19 puisqu'elle travaille sur des périodes très sombres de l'histoire.
18:21 Donc, elle est notamment sur la guerre en Irak.
18:23 Et en fait, elle montre que
18:25 c'est parce que c'est incertain qu'il nous est permis d'espérer.
18:29 Et même seulement parce que c'est incertain.
18:31 Si on vivait avec l'idée du grand soir,
18:34 vous voyez les t-shirts où c'est écrit
18:36 "nous reste 100 jours à vivre",
18:38 "120 jours à vivre", "200"...
18:39 Si c'était vraiment cette horloge où tout allait exploser,
18:42 dans les films qu'on a pu voir,
18:43 le traitement qui se fait dans les films,
18:45 par exemple, "Don't Look Up",
18:46 vous voyez cette météorite qui arrive,
18:47 où il nous reste quelques heures, quelques mois,
18:49 quelques semaines, quelques années avant une grande explosion.
18:52 Eh bien là, en soi, si on était condamné à cela,
18:56 en fait, on n'aurait plus de raison d'espérer,
18:58 on n'aurait même plus de raison d'agir.
19:00 Moi, je ne serais pas en train de faire ça.
19:02 Si j'étais sûre que ça allait arriver,
19:04 arrêtons, je serais en train de naviguer à travers je ne sais pas quel océan.
19:08 En revanche, on n'est pas non plus dans la situation
19:12 où on est certain que rien n'arrivera.
19:14 C'est-à-dire que des effondrements sont déjà parmi nous partout.
19:18 On perd, par exemple, les espèces d'oiseaux.
19:20 En ce moment, la dernière étude, c'est sur les oiseaux des champs.
19:22 C'est catastrophique.
19:23 La biodiversité.
19:25 On va atteindre 1,5 degré en 2027, là, au rythme où on en est.
19:28 Donc on est sur quand même quelque chose
19:29 où il y a déjà beaucoup de raisons de s'indigner là, maintenant,
19:32 sans même penser un demain.
19:34 Juste là, maintenant, il n'y a que des raisons d'avoir une indignation
19:38 qui nous élève.
19:40 Et donc, c'est dans cet entre-deux,
19:42 dans l'urgence et en même temps dans le temps long,
19:44 dans l'incertitude,
19:46 que réside l'action.
19:48 Parce que l'action est donc l'espoir aussi.
19:51 Parce que l'espoir finir, c'est cette idée que...
19:54 Il y a Georges Didu-Berman,
19:55 qui est un philosophe qui est merveilleux
19:57 et qui fait des...
19:59 Je vous recommande qu'il fait des livres.
20:01 Il fait des conférences pour les enfants.
20:03 C'est un philosophe qui fait des livres sur l'obéissance,
20:06 la liberté, les émotions.
20:08 Il fait pour la base de la recherche, non ?
20:10 Mais il a aussi fait ça pour trois conférences qu'on a faites seulement pour les enfants.
20:13 Je le lis en n'étant plus enfant,
20:15 mais c'est parfait, c'est magnifique.
20:16 Parce que quand on parle d'enfant,
20:17 on est obligé d'enlever tous les artefacts.
20:19 Et il parle de ça et il dit, en fait,
20:22 désobéir,
20:24 c'est ce qui me permet...
20:26 Désobéir à ce qui est injuste,
20:27 c'est ce qui me permet de retrouver de l'espoir.
20:29 Parce que c'est retrouver aussi la liberté digne.
20:33 C'est retrouver la liberté digne de regarder en face.
20:36 C'est être capable de regarder en face.
20:38 C'est être capable de se dire,
20:39 "Moi, je vais pouvoir me regarder dans un miroir.
20:41 "Moi, je vais pouvoir regarder mes enfants dans les yeux.
20:43 "Je vais pouvoir, si je mors demain,
20:45 "ne pas avoir trop honte de mon existence, en fait."
20:47 Et c'est un peu là que tout se joue.
20:49 Et c'est pour ça qu'il y a beaucoup encore d'espoir,
20:51 aussi pour cette question de dignité.
20:53 Moi, si je le fais, c'est pas...
20:55 Sincèrement, pas franchement parce qu'on m'aurait prouvé
20:57 par A+B que ça marche,
20:59 mais parce que je sais
21:01 que je ne supporterais pas le monde autrement.
21:04 Et que je le fais par dignité,
21:08 par la question à laquelle je réponds.
21:10 C'est pas tant, "Est-ce que je vais sauver le monde ?"
21:12 mais plutôt, "Qui je veux être, en fait,
21:14 "pendant la courte période
21:16 "pendant laquelle je vais habiter le monde ?
21:18 "Qui je veux être quand j'habite le monde ?"
21:21 (musique douce)
21:25 (musique douce)
21:29 (musique douce)
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21:51 (musique douce)
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