quand la dépendance détruit les familles
Opioïdes = Fentanyl, Codéine, méthadone, morphine..
Opioïdes = Fentanyl, Codéine, méthadone, morphine..
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00:00:00 Ce petit garçon tellement vivant, tellement éveillé, c'était un petit blondiné.
00:00:08 Il était plutôt joyeux en fait, dans son tempérament.
00:00:12 Sensible, une grande sensibilité depuis sa naissance en fait.
00:00:18 Avec sa guitare, il a toujours une guitare quelque part avec ses mots.
00:00:22 Il a eu sa licence avec mention, il était motivé par ce qu'il faisait, il a lu plaisir.
00:00:29 Il avait des migraines de façon ponctuelle pendant l'enfance.
00:00:33 Et puis après, vers l'âge de 16-17 ans, ça a commencé à devenir beaucoup plus fréquent.
00:00:38 Il a pris de la codéine.
00:00:40 Je lui ai donné de la codéine, parce qu'il y avait des médicaments à base de codéine
00:00:46 qui étaient en vente libre à cette époque-là.
00:00:48 Et moi, comme j'étais aussi migraineuse, c'était des médicaments auxquels j'avais recours,
00:00:51 moi-même, pour qu'il n'y ait plus de migraine.
00:00:53 La codéine, c'est un antidouleur puissant.
00:00:57 Simon y est devenu accro.
00:00:59 Moi, j'ai le sentiment de m'être battue.
00:01:03 J'ai le sentiment de m'être battue pendant 2 ans pour essayer de le sortir de là.
00:01:09 Et j'y suis pas arrivée. J'y suis pas arrivée.
00:01:14 Simon avait 25 ans. Il est mort d'une overdose de ces antidouleurs.
00:01:23 Comment se méfier de médicaments prescrits par un médecin et vendus sur ordonnance ?
00:01:27 On connaît tous le Doliprane et l'aspirine,
00:01:31 mais avez-vous entendu parler des antidouleurs opioïdes ?
00:01:35 Certains sont fabriqués à base d'opium, d'autres imitent ses effets.
00:01:40 Leurs noms ? Paracétamol-codéiné, morphine ou encore tramadol.
00:01:45 L'an dernier, un Français sur 5 a reçu une ordonnance pour ces médicaments.
00:01:49 Ils sont aujourd'hui la 1re cause d'overdose dans notre pays.
00:01:53 On parle de la cocaïne, on parle du H, on parle de tout ça. Et ça, c'est quoi ?
00:01:59 Une nouvelle drogue légale qui s'ajoute à celle plus connue, comme les anxiolytiques et l'alcool.
00:02:05 C'est du rhum.
00:02:08 Toutes ces substances peuvent créer une addiction forte et rapide,
00:02:12 l'envie irrépressible de consommer, même quand on sait que ça nous fait du mal.
00:02:18 C'est destructeur, c'est destructeur.
00:02:20 Une jolie maison, un mari aimant, Nadine semble avoir tout pour être heureuse.
00:02:26 Pourtant, à cause d'une simple douleur au genou depuis 6 ans,
00:02:30 elle ne peut plus se passer de sa dose quotidienne de médicaments opioïdes.
00:02:34 C'est horrible, vous feriez n'importe quoi pour en avoir.
00:02:39 Quelquefois, je lui dis effectivement, t'en prends trop.
00:02:42 Mais que faire ? Elle me dit, j'ai mal, j'en peux plus, je vais crever.
00:02:46 Anéantie par la mort de Simon, Elga, sa mère, cherche des réponses.
00:02:50 Avec elle, nous menons l'enquête.
00:03:02 Nomadisme médical.
00:03:09 Vente sur Internet.
00:03:16 Nous découvrons à quel point il est facile de se procurer
00:03:18 des antidouleurs opioïdes dans notre pays.
00:03:20 La dépendance est une maladie chronique.
00:03:28 À seulement 22 ans, Valentin a été reconnu malade alcoolique.
00:03:32 Pour ses parents, c'est un cauchemar de tous les instants.
00:03:36 Le plus difficile, c'est de le voir se détruire.
00:03:39 Mais oui, mais regarde, en un après-midi, t'as bu un tiers de la bouteille.
00:03:44 On a l'impression qu'on vit avec quelqu'un qui nous est complètement étranger.
00:03:48 Face aux risques de dépendance, nous ne sommes pas égaux.
00:03:52 Souvent, la propension à l'addiction se niche dans nos failles,
00:03:55 blessures intimes ou traumatismes d'enfant.
00:03:58 Pour se défaire de l'enfer, il faut prendre conscience de sa maladie,
00:04:06 puis accepter de se soigner, à l'hôpital ou dans des centres de désintoxication.
00:04:12 Je me retrouve, je suis moi, maintenant.
00:04:14 Comme disent mes enfants, on a retrouvé notre maman d'avant.
00:04:16 Mais toute leur vie, les anciens dépendants savent
00:04:19 qu'ils devront faire taire leur envie de reconsommer.
00:04:22 Alcool, médicaments, quelles sont ces drogues légales qui détruisent les familles ?
00:04:29 Simon vivait dans un studio du centre-ville de Grenoble.
00:04:33 Étudiant en sociologie, il aimait la musique par-dessus tout.
00:04:39 Cette vidéo est l'une des dernières qu'il ait envoyée à sa mère.
00:04:44 Elle a été la première vidéo de son fils,
00:04:48 qui a été envoyée à l'école de l'âge de 5 ans.
00:04:51 Il a été élu en 1936,
00:04:54 et a été élu en 1936.
00:04:56 Cette vidéo est l'une des dernières qu'il ait envoyée à sa mère.
00:05:00 Elle vit sur les bords du lac de Genève.
00:05:04 Depuis la mort de Simon, il y a un an...
00:05:07 - Regarde, il y en a d'autres.
00:05:09 Elga tente de se reconstruire auprès de sa fille, Mathilde, 3 ans.
00:05:14 - Tu veux faire la salade de ce soir ? - Oui.
00:05:18 Et de son fils, Raphaël, 15 ans.
00:05:22 Simon était l'aîné de cette fratrie.
00:05:24 Raphaël avait 12 ans de moins que son grand frère.
00:05:29 Simon était son modèle.
00:05:34 - Je pense à lui tous les jours, clairement.
00:05:37 Je me dis que lui, il aurait aimé ça, que lui, il aurait pas du tout aimé ça.
00:05:41 Pourquoi tu m'as laissé tout seul ?
00:05:43 C'est un grand frère, c'est censé veiller sur son petit frère tout le long de sa vie.
00:05:46 Je suis désolé, mais...
00:05:47 Voilà, je lui en voulais un petit peu, puis au bout d'un moment, j'ai fait...
00:05:50 Du coup, tu es parti, tu nous as quittés, c'est à moi de m'en sortir tout seul.
00:05:54 Dans cette famille brisée, chacun tente de faire son deuil comme il peut.
00:05:59 Elga, elle, a besoin de comprendre
00:06:02 comment son fils aîné a pu tomber sous l'emprise des médicaments.
00:06:05 Infirmière libérale, elle consacre tout son temps libre à enquêter.
00:06:10 Ce matin, elle appelle un médecin qui a suivi Simon pendant plusieurs années.
00:06:18 L'un des premiers à lui avoir prescrit de la codéine.
00:06:21 Je vous appelle, je ne sais pas si vous vous souvenez de moi, je suis la mère de Simon.
00:06:26 Est-ce que vous vous souvenez ?
00:06:28 Oui.
00:06:29 Oui ? Donc, je voulais vous informer que Simon est décédé.
00:06:34 Qu'est-ce qui s'est passé ?
00:06:36 Qu'est-ce qui s'est passé ? En fait, je pense qu'il a fait une dépression respiratoire
00:06:43 sur un abus médicamenteux de codéine en tout.
00:06:48 J'ai besoin de comprendre, j'ai besoin d'avoir certaines informations.
00:06:51 Bonne question.
00:06:55 Votre fils, en somme, est quelqu'un de particulièrement intelligent,
00:07:04 de particulièrement sensible, malheureusement, d'une dépression.
00:07:07 Oui.
00:07:10 Et avec un abus médicamenteux très important qui était très difficile à traiter.
00:07:20 Oui, je ne suis même pas surpris que le bout d'un poids n'a pas eu sa chance d'issue.
00:07:29 Vous pensez qu'il y a quelque chose qu'on aurait pu faire de plus ?
00:07:34 Oui, évidemment, on peut toujours faire plus, mais je pense que l'issue n'était pas évitable.
00:07:41 Vous pensez que l'issue n'était pas évitable ?
00:07:44 Non.
00:07:45 Par rapport à son comportement à lui ? Par rapport au fait qu'il était résistant ?
00:07:48 Il a été très difficile de se faire une place dans ce monde.
00:07:52 Et d'être heureux et ne pas plonger dans les toxiques pharmacologiques.
00:07:59 Tragique, tragique.
00:08:02 Au revoir.
00:08:04 [Bip bip bip]
00:08:05 Grosso modo, il me dit que de toute façon, son discours, c'est qu'on n'aura rien pu faire.
00:08:15 Il y a un sentiment de colère où au final, on est dans une impuissance.
00:08:21 Et au final, qu'est-ce qu'on voit ? C'est que même les médecins, même le corps médical est dans une impuissance totale.
00:08:27 En fait, il était perdu d'avance.
00:08:29 C'est ce qu'on me dit.
00:08:33 [Musique]
00:08:35 Elga savait son fils fragile, mais elle refuse ce discours fataliste.
00:08:39 À Grenoble, elle repart sur les traces de Simon.
00:08:45 Elle veut rencontrer les personnes qui étaient les plus proches de lui juste avant sa mort.
00:08:51 À commencer par ses anciennes petites amies.
00:08:54 Il y a d'abord Sandra, qui a vécu un an avec Simon.
00:08:59 Et puis Méilis, son dernier amour.
00:09:04 Elga les connaît bien.
00:09:06 Pour la première fois, elle ose aborder ce sujet douloureux avec elle.
00:09:11 - Toi, Sandra, puisque tu as été la première, est-ce que tu t'es rendue compte qu'il y avait un problème avec les médicaments, qu'il en a bu ses ?
00:09:20 - Il a commencé à prendre de la codéine pour ses migraines, quoi.
00:09:24 Quand il est arrivé... Enfin, au début de notre relation, quoi, quand on est arrivés à Grenoble.
00:09:29 - Il avait des migraines à peu près de la même taille ?
00:09:31 - Il avait des migraines à peu près à quelle fréquence, tu te souviens ?
00:09:34 - Très fréquemment.
00:09:35 - C'est-à-dire 2 fois, 3 fois par semaine ?
00:09:37 - Il se levait avec une migraine, il se couchait avec une migraine, quoi.
00:09:40 Je me rendais compte qu'il en prenait beaucoup, après, qu'il était vraiment dépendant de ses médicaments.
00:09:46 Je sais pas si je m'en suis rendue compte à l'époque.
00:09:48 - Le seul problème dans notre relation, ça a toujours été qu'il a jamais admis auprès de moi qu'il prenait quoi que ce soit.
00:09:57 C'était limite, enfin, comme un fantasme, parce que moi, je voyais rien, concrètement, par des états, de temps en temps.
00:10:05 - Tu savais pas si tu étais vraiment dans le juste ou pas, quoi ? T'avais des doutes ?
00:10:09 - Bah non, puis même plusieurs mois après son décès, j'étais pas sûre qu'il prenait vraiment des choses,
00:10:15 parce que c'était de la confusion permanente entre ce que mon instinct me disait, me chuchotait, et ce qu'il me disait.
00:10:25 Personne dans son entourage ne semblait donc réellement savoir quelle quantité de codéine Simon prenait chaque jour.
00:10:33 Personne, sauf peut-être une collègue de travail dont il était proche.
00:10:38 - Oui ? - Oui, bonjour Sophie, c'est Elga.
00:10:45 - Comment tu t'es rendue compte que Simon avait une addiction aux médicaments ?
00:10:52 - C'est lui qui m'en avait parlé. Il m'en a parlé très rapidement, qu'il prenait beaucoup de médicaments.
00:11:01 - Et tu as une idée de la quantité qu'il prenait ? Il te le disait ?
00:11:05 - Je me souviens l'avoir vu le matin, au réveil, prendre une plaquette de clipal.
00:11:15 - Ouais.
00:11:16 - Le clipal, c'est un mélange de codéine et de paracétamol.
00:11:20 - Ouais.
00:11:22 - Donc...
00:11:23 - Une plaquette, il y a au moins 10 comprimés dans la plaquette. Il la prenait en entier ?
00:11:28 - Oui, il prenait toute la plaquette, souvent le matin au réveil.
00:11:32 - D'accord.
00:11:34 - J'essayais de lui faire prendre conscience de la quantité qu'il pouvait prendre.
00:11:39 Chaque fois, il me répondait que son corps était habitué, et que du coup, ça avait moins d'effets sur lui, qu'il tenait...
00:11:46 Enfin, voilà, il en souffrait, il voulait arrêter aussi, mais il n'a pas trouvé la méthode pour pouvoir arrêter sur le long terme.
00:11:56 Pourquoi Simon n'arrivait-il pas à arrêter ses médicaments ?
00:12:02 Comment peut-on devenir si accro à la codéine ?
00:12:06 Pour le comprendre, nous sommes partis à l'hôpital de Clermont-Ferrand, dans ce centre où l'on traite la dépendance aux opioïdes.
00:12:14 A sa tête, le spécialiste français des antalgiques Nicolas Autier.
00:12:19 Pour lui, la dépendance de Simon était aussi liée à son tempérament dépressif.
00:12:25 - Ce traitement qui a pu soulager sa douleur au début lui permet aussi de mieux gérer sa vie au quotidien en apaisant une tension psychique, par exemple.
00:12:37 Certains patients le font avec d'autres produits, l'alcool le plus fréquent, d'autres utilisent le cannabis, par exemple, et c'est le même principe.
00:12:43 Alors on n'est plus dans la bonne indication.
00:12:45 Les médicaments antalgiques opioïdes ne sont pas des bons antidépresseurs, ne sont pas des bons anxiolytiques, même s'ils peuvent en donner l'impression lors des premières prises.
00:12:54 Sur les 13 millions de consommateurs d'antidouleurs opioïdes en France, on estime que 17% vont devenir dépendants.
00:13:03 Sans le savoir, ils entrent alors dans l'engrenage infernal du manque, exactement comme des toxicomanes.
00:13:11 - Quelqu'un qui a une réelle addiction à un antalgique opioïde ne pense qu'à ça du matin au soir et parfois du soir au matin.
00:13:18 Puisque sa seule préoccupation, comme un patient qui prendrait de l'héroïne, c'est de trouver suffisamment de traitements pour en avoir.
00:13:25 Les opioïdes sont classés en deux catégories.
00:13:30 Les opioïdes légers, comme le paracétamol codéiné et le tramadol.
00:13:37 Et les opioïdes forts, morphine, oxycodone ou encore fentanyl.
00:13:43 Des médicaments notamment prescrits pour les douleurs cancéreuses et inscrits sur la liste officielle des stupéfiants.
00:13:49 Mais quelle que soit leur puissance, les opioïdes présentent tous les mêmes risques d'addiction.
00:13:55 Peu importe l'âge ou le milieu social, n'importe qui peut très vite devenir dépendant.
00:14:05 A Toulouse, une femme a accepté de montrer ce que souvent les autres cachent.
00:14:10 Dans cette belle villa située dans une banlieue chic de la ville, elle vient de se lever.
00:14:20 Elle a 60 ans et elle s'appelle Nadine.
00:14:26 A priori, elle n'a rien d'une toxicomane.
00:14:32 Pourtant, depuis 6 ans, elle est accro aux antidouleurs morphiniques, des opioïdes forts, ultra puissants.
00:14:39 - Ça va faire effet dans 20 minutes, à peu près 20 minutes. Et au bout d'une heure, vous êtes mieux.
00:14:45 Il est 8 heures, premier caché de la journée.
00:14:49 Elle en prendra un comme celui-là toutes les 4 heures jusqu'à ce soir.
00:14:53 Toujours le même rituel devant Daniel, son mari, tellement habitué qu'il n'y fait plus attention.
00:15:02 Pourtant, la liste ne s'arrête pas là.
00:15:05 - Bon, ben, voilà tous les médicaments que je prends dans la journée.
00:15:10 Je commence par l'antidépresseur, qui joue sur les douleurs.
00:15:15 Ensuite, les morphiniques, donc j'ai de l'oxynormoro.
00:15:21 En fait, la morphine par voie orale, ça, j'en prends, on va dire, pour casser les crises,
00:15:28 mais vous êtes obligé d'en prendre à peu près toutes les 4 heures.
00:15:31 Et le patch que l'on met, qu'on pose en haut du corps, qui dure 72 heures.
00:15:37 Un patch qui contient une molécule 100 fois plus forte encore que la morphine.
00:15:42 - Je ne comprends pas comment je suis arrivé là, mais en même temps, je ne peux pas faire sans.
00:15:47 C'est un cercle vicieux, c'est une obsession.
00:15:52 Aujourd'hui, quand je vois Nadine prendre autant de cachets de morphine, ça me fait mal au ventre, quoi.
00:15:59 Ça me fait peur.
00:16:01 Et puis, je dis que c'est pas une vie, quoi.
00:16:04 - Je n'ai pas de vie. Je... Voilà.
00:16:07 Je prends les cachets, j'attends que la douleur se stompe, puis elle repart, je reprends les cachets.
00:16:13 Je fais rien d'autre. Je fais rien d'autre.
00:16:18 Un mariage d'amour, 2 enfants, aucun problème d'argent.
00:16:23 Daniel est chef d'entreprise. Nadine, assistante de direction dans l'aéronautique.
00:16:29 Rien ne semble la prédisposer à tomber sous l'emprise des médicaments.
00:16:34 - Avant tout ça, moi, j'étais quelqu'un de dynamique, assez speed.
00:16:38 J'avais un métier... Voilà, avec beaucoup de contacts, je voyais beaucoup de monde.
00:16:43 J'étais du sport, j'allais au théâtre, au cinéma.
00:16:46 On peut dire qu'on avait une vie agréable.
00:16:49 Bah oui, parce qu'on faisait ce que l'on voulait.
00:16:52 - En plus, j'avais un âge où j'étais libérée de la contrainte des enfants, faire des devoirs, tout ça.
00:16:59 Voilà, mes enfants allaient bien. Ca aurait dû être une période bien.
00:17:02 Et c'est... Voilà. Et ça a été l'inverse.
00:17:05 Sa vie bascule un jour d'hiver, il y a 7 ans.
00:17:08 Ce matin-là, sur la route de son travail,
00:17:14 une autre voiture l'apercute.
00:17:17 - J'ai eu énormément de dématomes, de contusions, le coup du lapin, enfin bref.
00:17:23 Et ensuite, j'ai repris le travail, mais j'avais très mal... Très mal aux genoux.
00:17:29 Des douleurs violentes jusqu'au jour où j'ai eu un malaise au bureau.
00:17:33 Je me suis... Je me suis évanouie.
00:17:36 Donc on m'a amenée chez le médecin.
00:17:38 Et là, je l'ai supplié de me calmer de cette douleur, donc il m'a donné de la morphine.
00:17:43 - Le premier comprimé, c'est assez génial, parce que vous avez plus mal.
00:17:47 Il y a plus de douleurs, donc ça y est, on a enfin trouvé ce qu'il fallait, quoi.
00:17:52 C'est un effet très apaisant.
00:17:58 Vous êtes un peu dans le coton, vous êtes bien dans vos têtes.
00:18:03 Mais la douleur revient, encore et encore, obsédante.
00:18:09 Nadine prend de plus en plus de morphine.
00:18:12 3 ans après son accident,
00:18:15 elle rentre à l'hôpital pour se faire poser une prothèse du genou.
00:18:19 L'opération et la rééducation se passent bien.
00:18:22 Son genou ne la fait plus souffrir.
00:18:25 Mais très vite, de nouvelles douleurs apparaissent.
00:18:31 Désormais, Nadine a mal partout.
00:18:35 Elle ne comprend pas.
00:18:37 - Donc j'ai fait la tournée de tous les spécialistes, neurologues, rhumato.
00:18:42 Et bon, j'avais rien de spécial, mais des douleurs de plus en plus intenses, donc voilà.
00:18:48 Elle n'imagine pas que ces nouvelles douleurs
00:18:51 proviennent de sa consommation quotidienne de morphine depuis presque 3 ans.
00:18:56 Sans le savoir, elle ressent les symptômes caractéristiques du manque.
00:19:03 - Ça se traduit par une sorte de syndrome grippal.
00:19:08 Une sorte de grippe majeure avec des douleurs dans tout le corps.
00:19:12 Des tremblements, des frissons, la chair de poule, une transpiration
00:19:17 et des angoisses extrêmement importantes.
00:19:20 - C'est des douleurs partout, dans les jambes, dans les bras, de l'électricité.
00:19:27 Vous êtes endolori comme si vous avez passé dans un broyeur.
00:19:33 Tout se joue dans son cerveau, dans ce qu'on appelle le système de la récompense.
00:19:38 Les premières prises de morphine procurent un pic d'euphorie
00:19:41 qu'il cherche sans cesse à retrouver.
00:19:44 Mais habitué à son shoot de morphine, pour qu'elle continue à faire effet,
00:19:48 le cerveau de Nadine lui en réclame toujours plus.
00:19:51 Il veut sa dose.
00:19:54 - Un moment donné, j'étais dans un cercle vicieux
00:19:58 où je prenais tellement de morphine, j'étais à 12 comprimés par jour.
00:20:02 - Quelquefois, je lui dis, effectivement, t'en prends trop.
00:20:05 Mais que faire ? Elle me dit, j'ai mal, j'ai un peu bu, je vais crever.
00:20:08 La situation de manque est vite apparue. Elle apparaît très vite.
00:20:15 Oui, oui, je l'ai vue. Oui, on l'a vue.
00:20:17 On était au restaurant, il faut presque ne pas attendre la fin du repas pour partir.
00:20:21 Il n'y a qu'une solution, c'est prendre le cachet, vite, vite, prendre le cachet.
00:20:25 - Je me faisais peur, je me disais, mais tu vas faire une overdose, et puis...
00:20:30 Puis en même temps, j'avais tellement mal, j'essayais de balancer,
00:20:37 faire le pour et le contre, et puis tant pis, j'avais trop mal.
00:20:40 Je comprends ce qu'on ressent, les drogués avec des drogues illicites, on va dire.
00:20:45 Quand ils se font manquer.
00:20:47 Franchement, je comprends très bien... Enfin, j'imagine que c'est pire, en plus.
00:20:53 C'est horrible. Il faut y avoir n'importe quoi pour en avoir.
00:20:57 Ainsi, les opioïdes provoqueraient les mêmes effets dévastateurs que les drogues illégales.
00:21:04 Depuis 20 ans, les dérivés morphiniques que prend Nadine
00:21:09 sont même à l'origine d'une tragédie sanitaire.
00:21:12 Aux Etats-Unis...
00:21:15 - Where's 108?
00:21:17 200 personnes meurent chaque jour à cause de ces médicaments.
00:21:20 Filmée par la police, ici, une overdose sur un parking, en plein jour.
00:21:27 Dans un supermarché, cette fillette vient de voir sa mère s'écrouler.
00:21:44 Des parents devant leurs enfants.
00:21:46 Des retraités en pleine rue.
00:21:51 Ce ne sont pas les profils habituels des toxicomanes...
00:21:55 Mais des citoyens ordinaires qui sont touchés.
00:22:00 - Hé, mec, réveille-toi!
00:22:04 L'addiction aux opioïdes tue plus que les armes à feu et les accidents de la route réunis.
00:22:10 Et a même fait reculer l'espérance de vie de 2 ans.
00:22:13 - Come on, pull him out. Get him on the ground.
00:22:15 Tout commence à la fin des années 90.
00:22:19 Johnson & Johnson et Purdu Pharma, deux laboratoires pharmaceutiques,
00:22:24 inondent le marché américain d'antidouleurs opioïdes.
00:22:27 Le fentanyl et l'oxycontin.
00:22:31 Des opioïdes forts, les plus puissants de leur catégorie.
00:22:35 - Il y a eu une promotion de ces médicaments
00:22:41 en termes de prescription auprès des médecins et des pharmaciens
00:22:45 par les laboratoires pharmaceutiques.
00:22:48 Ces laboratoires proposent même d'essayer gratuitement leurs produits.
00:22:52 - On a offert à certains patients les premières doses d'oxycodone ou de fentanyl.
00:22:57 Et il rassure le public à coup de spots publicitaires.
00:23:01 - Certains patients peuvent avoir peur de prendre des opioïdes
00:23:08 parce qu'ils pensent que c'est trop fort ou addictif.
00:23:11 Mais c'est loin d'être vrai.
00:23:14 Moins d'un pour cent des consommateurs d'opioïdes deviennent dépendants.
00:23:19 En réalité, le risque d'addiction s'approcherait des 20 %.
00:23:24 En 1998, Purdu Pharma va jusqu'à mettre en scène des patients
00:23:30 qui vantent les bienfaits des antidouleurs opioïdes.
00:23:36 - Depuis que je prends ce nouvel antidouleur, je n'ai pas raté une journée de travail.
00:23:40 - Quand j'ai commencé l'oxycontin il y a deux mois,
00:23:43 c'est la première fois que je me suis sentie bien depuis mon opération il y a dix ans.
00:23:47 - À chaque fois que je regarde d'anciennes photos de moi, j'ai l'air si mal et si triste.
00:23:54 Et maintenant, je suis complètement différente.
00:23:58 Je me sens différente, la vie est à nouveau merveilleuse.
00:24:04 Le résultat de ce marketing offensif est dévastateur.
00:24:07 Le nombre d'overdoses mortelles explose.
00:24:11 En 2010, les autorités de santé commencent enfin à contrôler les prescriptions.
00:24:17 Mais il est trop tard.
00:24:20 Des dizaines de milliers d'Américains devenus accros sont contraints de se fournir au marché noir,
00:24:25 où la morphine est encore plus puissante et encore plus mortelle.
00:24:30 En 2020, la crise des opioïdes a déjà fait 500 000 morts aux Etats-Unis.
00:24:35 - Ça a probablement impacté cette crise des opioïdes plusieurs générations d'Américains,
00:24:39 avec des familles qui ont été décimées, avec des conséquences extrêmement importantes.
00:24:43 Notamment, on a vu augmenter de manière significative le nombre d'orphelins aux Etats-Unis,
00:24:47 dont les parents étaient décédés d'overdoses aux opioïdes.
00:24:50 En France, les prescriptions de fentanyl et d'oxycontin sont plus encadrées
00:24:57 et ces médicaments n'ont pas créé de crise sanitaire.
00:25:00 Mais depuis 20 ans, la consommation globale d'opioïdes a été multipliée par 3.
00:25:06 Une augmentation sans doute liée à l'évolution des mentalités,
00:25:09 pour une meilleure prise en compte de la douleur.
00:25:12 En 2002, la loi Kouchner dispose que toute personne a le droit de recevoir des soins
00:25:18 visant à soulager sa douleur et que celle-ci doit être en toute circonstance prévenue,
00:25:23 évaluée, prise en compte et traitée.
00:25:27 Résultat, le nombre de prescriptions explose.
00:25:30 Les avancées de la médecine ont parfois des effets pervers.
00:25:34 De retour chez Nadine, nous avons voulu comprendre
00:25:41 comment des médecins ont pu lui prescrire toujours plus de morphine pendant 6 ans,
00:25:45 sans jamais l'alerter.
00:25:48 Chaque fois que j'allais voir un médecin, on me rajoutait un médicament de plus.
00:25:51 On me demandait à combien vous en êtes.
00:25:53 Je disais, mettons, 6 par jour.
00:25:56 Voilà, combien vous en voulez ?
00:25:58 Ben, peut-être, je monte à 8 pour être bien.
00:26:01 Donc voilà, j'avais des ordonnances très facilement.
00:26:03 Un peu comme au supermarché.
00:26:05 C'est horrible.
00:26:06 Moi, je ne suis pas médecin.
00:26:08 Je fais confiance aux médecins.
00:26:10 Si vous prenez 6x caché de morphine,
00:26:14 c'est qu'il y avait droit.
00:26:18 Pour obtenir sa codéine, Simon, lui, allait voir différents médecins.
00:26:25 C'est ce qu'on appelle le nomadisme médical.
00:26:29 En reconstituant son dossier de santé,
00:26:32 Elga découvre ainsi qu'à plusieurs reprises, dans un délai très court,
00:26:35 son fils s'est fait prescrire une quantité impressionnante d'antidouleurs opioïdes.
00:26:42 - Donc, le 23 juillet, il y a eu des triptans, du laroxyle, du tramadol.
00:26:48 Et le 6 août, il revient, donc 2 semaines après,
00:26:54 et on lui represcrit du kétoprophène, du dicodin.
00:26:57 Le 8 août, il a eu une ordonnance de Skenand, d'actis Skenand.
00:27:01 Donc ça, c'est de la morphine, carrément.
00:27:03 Avec son métier d'infirmière, Elga connaît bien tous ces noms de médicaments.
00:27:08 - En fait, j'ai du mal à y voir clair,
00:27:10 parce que ça se chevauche.
00:27:12 Les ordonnances, elles se succèdent les unes aux autres,
00:27:15 et c'est toujours le même cocktail.
00:27:17 Les dates des consultations s'enchaînent.
00:27:22 Elga se rend compte que 2 mois avant son overdose,
00:27:31 Simon a réussi à se faire prescrire 400 comprimés de médicaments opioïdes.
00:27:39 La veille de sa mort, le 20 juin, il s'en faisait encore prescrire.
00:27:44 Pour sa famille, le corps médical est sûrement en faute.
00:27:52 Sa grand-mère ne comprend pas que les médecins
00:27:55 aient laissé son petit-fils s'enfoncer dans l'addiction sans réagir.
00:27:59 - J'en veux aux médecins, A-U-X, au pluriel,
00:28:07 de ne pas avoir pris conscience, ce sont des médecins,
00:28:12 donc qu'ils n'aient pas pris conscience de l'état de Simon,
00:28:17 de son état qui s'aggravait au fur et à mesure que le temps passait,
00:28:23 notamment pendant les derniers mois,
00:28:26 où c'était flagrant à n'importe quels yeux,
00:28:29 donc à des yeux de médecin, je ne comprends pas, ça a échappé.
00:28:33 - C'est une drogue facile, en fait.
00:28:35 - C'est une drogue facile, c'est extrêmement dangereux.
00:28:38 On parle de la cocaïne, on parle du H, on parle de tout ça,
00:28:42 et ça, c'est quoi ?
00:28:44 - Elga veut mettre les médecins face à leurs responsabilités.
00:28:49 Elle retourne à Grenoble,
00:28:52 la ville où Simon s'est fait prescrire tous ses cachets.
00:28:55 - J'aimerais que les médecins aussi se posent la question
00:28:59 de savoir ce qu'ils auraient pu faire
00:29:02 et ce qu'ils pourraient faire si jamais ils se retrouvent confrontés
00:29:06 aux mêmes 4 figures.
00:29:08 C'est le but, en fait, qu'il soit pas mort pour rien.
00:29:12 Elle se rend dans le centre médical,
00:29:15 où Simon a consulté à de nombreuses reprises
00:29:18 quelques semaines avant sa mort.
00:29:20 C'est de là que venait la plupart de ses ordonnances.
00:29:23 Nous l'équipons d'une caméra cachée.
00:29:26 - En fait, je viens vous voir pour une raison très précise.
00:29:31 - Le médecin de garde, ce jour-là, n'a jamais vu Simon.
00:29:34 Mais il a déjà été confronté à ce type de patient.
00:29:38 - Il y a eu du squénom, de l'actisquénom.
00:29:41 Il y a eu de la codéine, de la codéine, du kétoprophène.
00:29:45 L'ordonnance, c'est quasiment du copier-coller à chaque fois, quoi.
00:29:48 - Oui, oui, oui.
00:29:49 - C'est ça qui est...
00:29:50 Entre l'obligation de soulager la douleur
00:30:05 et la crainte de faire des prescriptions abusives,
00:30:07 les médecins sont souvent tiraillés.
00:30:09 Selon ce médecin, il serait donc facile
00:30:34 d'obtenir les ordonnances que l'on veut
00:30:36 en multipliant les consultations.
00:30:38 Nous avons tenté l'expérience avec le tramadol,
00:30:42 un opioïde léger qui inquiète de plus en plus
00:30:45 les autorités de santé.
00:30:47 - Le tramadol, c'est un opioïde
00:30:50 et une sorte d'antidépresseur mélangé.
00:30:54 Et ça veut dire que ça a les effets indésirables de l'un
00:30:57 et les effets indésirables de l'autre.
00:30:59 Pourtant, 12 millions de boîtes sont vendues chaque année.
00:31:02 C'est l'antidouleur opioïde le plus prescrit en France.
00:31:05 Mais selon l'Agence nationale du médicament,
00:31:08 ce serait aussi le plus meurtrier.
00:31:10 En caméra cachée, nous sommes allés voir
00:31:14 plusieurs médecins à Paris et en banlieue,
00:31:16 en prétextant une simple douleur dentaire.
00:31:19 Alors, est-ce facile de se faire prescrire du tramadol ?
00:31:23 - Bonjour, je ne vais pas vous déranger.
00:31:25 Très bonjour.
00:31:26 En fait, je me suis fait dévitaliser une dent il y a 2 semaines.
00:31:29 Mon dentiste m'a mis ce tramadol topogique sans
00:31:32 pendant 14 jours.
00:31:33 Je n'en ai plus depuis hier matin.
00:31:35 J'ai rendez-vous avec lui que mercredi prochain,
00:31:37 il est en congé.
00:31:38 Est-ce que vous pouvez me remettre du tramadol, s'il vous plaît ?
00:31:40 - Sans nous connaître, et en seulement 10 minutes,
00:31:51 ce médecin nous en a prescrit une boîte entière.
00:31:54 Nous enchaînons les rendez-vous.
00:31:57 À chaque fois, le même scénario.
00:32:01 - C'est la première fois qu'on se voit ?
00:32:02 - Oui, c'est la première fois qu'on se voit.
00:32:03 - Donc là, vous vous êtes fait dévitaliser une dent, quoi ?
00:32:05 - Il y a 2 semaines.
00:32:07 - Oui.
00:32:08 - Il m'a prescrit du tramadol pour 14 jours.
00:32:11 Je n'en ai plus depuis hier matin.
00:32:13 - Ça ne va pas mieux, ça ne se règle pas ?
00:32:15 - Non, ça ne va pas mieux.
00:32:16 - Je vous le remets pendant 5 jours.
00:32:19 À ce moment-là, vous avez une grande boîte.
00:32:21 - Oui, je le remets après avec lui.
00:32:23 Merci beaucoup.
00:32:28 - J'ai pris mon dernier cachet ce matin.
00:32:30 Et en fait, je ne l'ai pas...
00:32:31 - Ça ne vous fait très, très mal.
00:32:32 - Ah oui ?
00:32:33 - Je vais vous le mettre pour 10 jours.
00:32:34 - OK.
00:32:35 Super, merci beaucoup.
00:32:37 - C'est quelle dent que vous voulez que je vous prête ?
00:32:41 - Molère, en haut à droite.
00:32:42 - OK, bonjour.
00:32:43 Je vais juste vous faire un couche-feu.
00:32:45 Même ceux qui vont prendre le temps de nous examiner
00:32:48 n'y verront que du feu.
00:32:49 - Donc c'est celle-ci, là.
00:32:51 Vous avez du mal, là ?
00:32:52 - Ah ouais, très mal.
00:32:54 OK, super.
00:32:55 Merci beaucoup.
00:32:57 En seulement 3 heures,
00:32:59 5 médecins sur les 6 que nous avons vus
00:33:01 nous ont fait une ordonnance de tramadol.
00:33:03 - Ferme la porte.
00:33:05 Un total de 150 comprimés,
00:33:07 quand la dose maximale conseillée est de 8 par jour.
00:33:10 - La 1re responsabilité, quand on parle d'un médicament,
00:33:13 c'est celui qui va la prescrire.
00:33:15 Il doit s'assurer d'avoir les bonnes informations
00:33:17 s'il prescrit un médicament.
00:33:18 Sinon, il vaut mieux ne pas le prescrire.
00:33:20 Et s'il le prescrit, sa responsabilité, c'est de le surveiller.
00:33:23 Donc c'est le médecin, individuellement, nous tous médecins,
00:33:26 qui a le dut de surveiller d'abord nos prescriptions.
00:33:28 Pour soulager les patients,
00:33:32 sans risquer de tomber dans l'abus médicamenteux,
00:33:35 il faut d'abord connaître les mécanismes de la douleur.
00:33:38 À l'hôpital Pierre-Paul Riquet de Toulouse,
00:33:42 ce centre de soins offre une prise en charge globale
00:33:44 des douleurs chroniques,
00:33:45 en cherchant à comprendre leurs causes profondes.
00:33:48 Car si le ressenti douloureux est d'abord physique,
00:33:52 tout part de la tête.
00:33:55 - Dans le Géma, il y a tellement de choses
00:33:57 qu'il y a derrière le mot.
00:33:59 Il y a le Géma, il y a "je suis mal",
00:34:01 "je suis anxieuse", "je suis déprimée", "je suis seule".
00:34:04 Pour le docteur Kanta Grelle, spécialiste de la douleur,
00:34:08 personne n'en a la même perception.
00:34:10 Ça dépend du vécu de chacun.
00:34:12 - Il y a le côté éducation.
00:34:15 Si on vous dit "ben non", quand vous tombez,
00:34:18 on vous dit "non, mais tu te relèves, tu pleures pas,
00:34:20 ça fait pas mal, tu avances".
00:34:22 Ça sera pas pareil que "oui, tu as mal, mais qu'est-ce qui se passe ?"
00:34:26 et l'inquiétude qu'on va avoir,
00:34:28 ce côté traditionnel ou culturel,
00:34:32 est-ce qu'on l'exprime, est-ce qu'on l'exprime pas ?
00:34:34 Est-ce qu'il faut dire qu'on a mal ou pas ?
00:34:36 Donc après, notre rôle, c'est d'identifier le problème.
00:34:39 Finalement, pourquoi ils en sont là avec les médicaments ?
00:34:42 Pourquoi ils sont à cette échelle du médicament ?
00:34:44 C'est ça la difficulté, c'est de leur dire
00:34:46 "attendez, il y a en face quelqu'un qui vous dit
00:34:48 "mais attendez, moi j'ai mal, il voulait que j'arrête le médicament".
00:34:50 Sinon, il serait pas là.
00:34:52 Sans prise en charge adaptée,
00:34:55 impossible d'arrêter seuls les antidouleurs opioïdes.
00:34:58 Car l'addiction à ces médicaments va très très vite.
00:35:02 "Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire, Simon..."
00:35:07 Pour Simon, tout s'est joué en seulement 3 ans.
00:35:10 En 2016, il quitte la maison de sa mère
00:35:14 pour suivre ses études à Grenoble.
00:35:18 Quand elle lui rend visite,
00:35:20 Elga commence à comprendre que quelque chose ne va pas.
00:35:23 J'ai vu qu'il y avait des symptômes physiques.
00:35:26 Des tremblements, beaucoup de tremblements.
00:35:28 Des difficultés d'élocution.
00:35:31 Il était pas dans son état normal.
00:35:33 Mais il minimisait en fait, à chaque fois.
00:35:36 Quand je lui disais "mais regarde comment tu parles,
00:35:38 "tu n'arrives pas à t'exprimer, t'es ralenti".
00:35:41 Il me disait "c'est parce que j'ai pas bien dormi la nuit dernière,
00:35:45 "ça ira mieux demain".
00:35:48 Elga s'inquiète.
00:35:50 Mais Simon parvient toujours à la rassurer.
00:35:52 Le déclic a lieu un an plus tard, à la naissance de sa fille.
00:35:57 Simon vient faire la connaissance de sa sœur.
00:36:01 Son corps le trahit.
00:36:04 Il est venu me voir à la maternité.
00:36:06 Et il a fait des convulsions devant moi.
00:36:08 Et là, quand je l'ai vu faire des convulsions,
00:36:12 pour moi, c'était clair qu'il y avait un lien avec les médicaments.
00:36:17 Elga prend conscience que quelque chose de grave peut arriver.
00:36:21 Mais quand l'addiction est trop forte,
00:36:24 même l'amour d'une mère n'y peut rien.
00:36:26 Pour sauver son fils, Elga a pourtant tout tenté.
00:36:31 J'ai proposé à Simon, à plusieurs reprises,
00:36:36 de l'accompagner chez certains médecins.
00:36:38 Mais il a toujours refusé.
00:36:40 Je lui ai dit "écoute, t'étais juste en train de te détruire,
00:36:45 qu'est-ce que tu cherches ?"
00:36:47 J'ai essayé de le secouer.
00:36:51 J'ai essayé de lui dire que j'allais lui couper les vies.
00:36:55 La dernière chose que je lui ai dite, c'est
00:36:59 "écoute, on va louer un appartement à côté de chez moi,
00:37:02 comme ça, je serai plus proche de toi,
00:37:04 et puis je pourrai venir te voir plus souvent."
00:37:07 Mais en fait, il n'y a rien qui marche.
00:37:09 Et puis Simon s'enfonce.
00:37:13 Elga réussit à le convaincre de se faire hospitaliser.
00:37:16 Il a alors passé 2 jours aux surchances,
00:37:19 sur un brancard,
00:37:21 avec une envie, c'est de repartir.
00:37:23 Moi, je travaillais, je discutais en même temps avec lui par SMS.
00:37:27 Il me disait "j'en ai marre, je vais partir."
00:37:29 Je lui disais "non, il faut que tu tiennes le coup."
00:37:32 C'était une démarche qui était quand même très très difficile pour lui.
00:37:35 Simon finit par voir le psychiatre de garde,
00:37:39 mais aucun ligne est disponible en addictologie.
00:37:42 Il est transféré en unité psychiatrique fermée.
00:37:45 Donc ça, il l'a très très très mal vécu.
00:37:49 Il me dit "ils me prennent pour un fou, ils m'ont enlevé ma ceinture."
00:37:52 Ça a été super violent pour lui, en fait.
00:37:56 Il a demandé à sortir, et ils l'ont laissé sortir.
00:38:02 Sans suivi, sans même un rendez-vous avec un addictologue,
00:38:07 on lui a dit "si vous êtes tenté de prendre la boîte,
00:38:10 vous nous rappelez, on vous trouvera une place au service d'à côté en addictologie."
00:38:14 15 jours plus tard, Simon est retrouvé mort dans son appartement.
00:38:22 Une overdose d'un mélange de codéine et d'anxiolithique.
00:38:26 "Would you know my name?"
00:38:29 "If I saw you in heaven"
00:38:35 "Would you be the same?"
00:38:40 "If I saw you in heaven"
00:38:46 "I must be strong"
00:38:51 Le soir de sa mort, j'étais en contact avec lui, on discutait par texto.
00:38:55 Et puis du coup, on se quitte, le soir je lui dis "bonne nuit" etc.
00:38:58 Et le lendemain matin, il avait pas répondu à mon dernier message,
00:39:03 j'ai compris pourquoi après.
00:39:05 C'était pas compréhensible pour moi, mon grand frère qui était là-bas à Grenoble,
00:39:12 ça veut dire qu'il est mort et que je pourrais plus jamais le revoir.
00:39:23 Ouais, je lui en ai voulu de me laisser seul.
00:39:26 Maintenant, c'est comme ça.
00:39:29 Faut que je retienne ce qu'il m'a dit, ce qu'il a pu me dire de faire,
00:39:35 et comment gérer, et ça ira.
00:39:39 Au terme de son enquête, aucune réponse n'est venue apaiser la douleur d'Elga.
00:39:45 Un an après la mort de son fils, elle est toujours aussi révoltée.
00:39:52 J'en arrive à la conclusion qu'il y a une défaillance dans le système,
00:39:57 dans la coordination des différentes personnes, dans la prise en charge,
00:40:00 dans le système psychiatrique aussi.
00:40:03 Maintenant, est-ce que moi, personnellement, ça va me faire accepter la mort de mon fils ?
00:40:09 Je pense que j'accepterais jamais qu'il soit mort.
00:40:12 Je peux pas accepter d'avoir perdu un enfant.
00:40:15 C'est pas possible, ça.
00:40:20 Comme Simon, entre 200 et 800 personnes meurent chaque année en France d'une overdose d'opioïdes.
00:40:26 Le haut de la fourchette inclut les médicaments obtenus de façon frauduleuse.
00:40:30 Car aujourd'hui, il n'y a même plus besoin d'ordonnances pour s'en procurer.
00:40:35 Sur Internet, nous avons tapé "commander du tramadol sans ordonnance".
00:40:42 Tout de suite, de nombreuses propositions.
00:40:48 Première surprise, sur la plupart des sites, le produit est épuisé.
00:40:53 Deuxième surprise, on nous propose des cachets à l'unité,
00:40:58 entre 2 et 6 euros le comprimé, 30 fois plus cher qu'en pharmacie.
00:41:03 Des comprimés dont on ignore la composition réelle et potentiellement dangereux pour la santé.
00:41:09 Nous décidons de nous intéresser à cette boîte de tramadol de 60 pilules,
00:41:14 pour un total de 378 euros.
00:41:17 Une fois le produit dans notre panier, nous recevons un mail d'un certain monsieur Dubois.
00:41:23 Sous sa signature, l'indication "département des ventes" et des horaires de bureau.
00:41:29 Nous trouvons un prétexte pour entrer en contact avec lui.
00:41:34 30 secondes plus tard, il nous appelle.
00:41:39 - Oui, allô ?
00:41:45 - Oui, je trouvais que le tramadol était un peu trop cher,
00:41:49 donc je voulais savoir ce que vous pouviez me proposer.
00:41:52 Ou autre chose que du tramadol, peut-être, mais qui se rapproche.
00:41:56 - Le timpatadol, c'est bien comme du tramadol.
00:42:02 - Au niveau de la composition, c'est vraiment comme le tramadol ?
00:42:06 - Je ne voudrais pas d'effet secondaire, vous voyez.
00:42:09 - Il y a des clients qui condamnent même ce produit, vous comprenez ?
00:42:12 Ils ne veulent pas d'effet secondaire.
00:42:14 L'homme nous propose un autre médicament, mais qu'est-ce que c'est ?
00:42:18 Un opioïde fort, donc plus puissant.
00:42:21 En général, il est prescrit pour les douleurs cancéreuses.
00:42:25 - Et pour le timpatadol, qu'est-ce que vous pouvez me proposer ?
00:42:32 - Ah, c'est un an, c'est cher, quand même.
00:42:39 - Bon, bien joué, donc.
00:42:40 - 80% comprimé, plus 20, en bonus, donc 200 comprimés à 370 euros.
00:42:44 - Ouais, 200 comprimés, 370 euros, ok, ouais, parce que c'est plus fort.
00:42:48 Et si je veux une facture, je ne peux pas en avoir.
00:42:50 - Non, non, non, monsieur.
00:42:52 - Ce n'est pas très légal, c'est pour ça ?
00:42:54 - Oui, oui, oui, oui.
00:42:55 - Vous êtes où, vous ?
00:42:56 - Nous sommes en France.
00:42:57 - Vous êtes en France ? Vous êtes à Paris ?
00:42:58 - Oui, nous sommes à Paris.
00:43:00 - Non, mais parce que là, vous venez de m'appeler, il y a écrit Londres dessus.
00:43:03 C'est pour ça que ça me fait peur.
00:43:04 Mais ce monsieur Dubois a réponse à tout.
00:43:08 - Vous savez pourquoi ? Parce qu'on travaille international.
00:43:10 - Ah, vous travaillez international.
00:43:12 - On travaille au Canada. On le vit au Canada. On travaille partout.
00:43:16 - D'accord.
00:43:17 - C'est parce que nous, on n'est pas seulement en Europe.
00:43:18 Ne vous inquiétez pas, monsieur Carapel, ne vous inquiétez pas.
00:43:20 - Merci beaucoup. Merci, monsieur Dubois. Au revoir.
00:43:23 10 jours plus tard, un paquet nous est livré par transporteur.
00:43:28 Dans cette enveloppe, pas de boîte, mais une simple feuille de papier.
00:43:32 A l'intérieur, 6 plaquettes de comprimés.
00:43:37 Sur l'emballage, le nom d'une société indienne
00:43:40 qui n'a déposé aucune demande d'autorisation pour vendre ses médicaments en Europe.
00:43:44 Leur provenance, Deradoun, au nord de New Delhi, à 6 500 km d'ici.
00:43:53 S'il est aussi facile de trouver des opioïdes sur Internet,
00:43:59 c'est parce que depuis 20 ans, aux 4 coins du monde,
00:44:02 le trafic de médicaments explose.
00:44:05 Aujourd'hui, il produirait 200 milliards de dollars de retombées économiques par an.
00:44:09 C'est plus que la cocaïne et 20 fois plus que l'héroïne.
00:44:13 En France, ceux qui traquent cette nouvelle forme de criminalité,
00:44:19 ce sont les hommes de l'Office central de lutte contre les atteintes
00:44:23 à l'environnement et à la santé publique.
00:44:25 Un groupe conjoint de gendarmes et de policiers.
00:44:28 - Je vais vous montrer une petite vidéo.
00:44:32 Le chef du groupe Trafic organisé, c'est le capitaine Njole.
00:44:36 Nous lui faisons visionner notre entretien avec M. Dubois.
00:44:41 Il n'est pas surpris.
00:44:45 - Il dit ce qu'il veut, il a pris un nom qui est bien gaulois, Dubois,
00:44:50 un nom qui est bien métropolitaine.
00:44:53 Il fait tout pour vous rassurer et pour essayer de conclure la vente.
00:45:01 - Le trafic de médicaments, pour le délinquant,
00:45:03 il y a un faible investissement.
00:45:05 Il y a une faible prise de risque et un bénéfice qui peut être énorme.
00:45:09 Forcément, ça rapporte beaucoup plus.
00:45:12 On a une augmentation de ce genre de trafic.
00:45:15 Le délinquant qui est autrefois trafiqué de l'héroïne
00:45:19 ou du stupéfiant de manière générale,
00:45:22 se reporte sur le trafic de médicaments.
00:45:24 - Mais sur Internet, tout est virtuel.
00:45:28 Les sites de vente se créent et se ferment en un clic.
00:45:31 Pour remonter les filières, l'un des seuls moyens,
00:45:34 c'est de tracer ces médicaments dès leur arrivée sur le sol français.
00:45:38 En banlieue parisienne, nous sommes allés au centre de tri postal
00:45:42 de Chili-Mazarin, un gigantesque entrepôt de 16 000 m2.
00:45:47 C'est le plus grand bureau postal de France.
00:45:51 Chaque jour, 30 000 colis y transitent,
00:45:54 en provenance ou à destination du monde entier.
00:45:58 Tout ce qui entre sur le territoire peut faire l'objet de contrôles douaniers.
00:46:02 Dans cet espace sécurisé,
00:46:05 ils sont 10 agents à traquer du matin au soir
00:46:08 les marchandises illégales ou importées de façon frauduleuse.
00:46:12 - Des médocs...
00:46:17 Là, dans la matinée, on a trouvé du tabarnak guillet,
00:46:20 on a trouvé du cannabis, on a trouvé des psychotropes.
00:46:22 Et c'est toujours comme ça, en fait.
00:46:24 Bon, là, on a encore des médicaments.
00:46:27 A profusion.
00:46:28 Alors ça, c'est le type de colis qui arrive parfois.
00:46:32 On ne sait pas trop comment c'est possible.
00:46:35 Ce sont des médicaments français qui arrivent de l'étranger.
00:46:39 Et c'est du tout ou rien.
00:46:43 On a du beurre de carité pour les cheveux,
00:46:46 on a des anxiolytiques, barbituriques, ophéno-barbitale.
00:46:50 Si ce sont des médicaments à coordonnance, il faut une ordonnance.
00:46:53 Là, on ne voit aucune ordonnance.
00:46:54 S'il y a des médicaments qui sont des stupéfiants,
00:46:58 donc la plupart du temps, c'est des opioïdes avec la morphine, etc.,
00:47:02 ou s'il y a des médicaments qui sont des psychotropes,
00:47:04 ben là, on peut tout saisir.
00:47:05 - Dans ce colis en provenance d'Afrique,
00:47:08 des médicaments probablement détournés de l'aide humanitaire
00:47:11 avant de revenir dans notre pays
00:47:13 pour y être revendus 10 à 15 fois leur prix d'origine.
00:47:16 Pour les trafiquants, aucune mise de fonds n'est nécessaire.
00:47:20 Le bénéfice est de 100 %.
00:47:23 - Ces médicaments étaient forcément achetés
00:47:25 avec l'argent de la Sécurité sociale.
00:47:27 Donc en plus des infractions douanières,
00:47:29 on a des infractions de droits communs
00:47:31 et au code de santé publique.
00:47:33 - Immédiatement saisis, ce colis sera placé sous scellé
00:47:37 et fera l'objet d'une enquête judiciaire.
00:47:39 Le trafic de médicaments est puni de 7 ans d'emprisonnement
00:47:44 et de 750 000 euros d'amende.
00:47:46 Quant aux consommateurs, ils risquent 3 ans de prison
00:47:51 et une amende de 175 000 euros.
00:47:53 Avec le boom du e-commerce,
00:47:56 les douanes trouvent de plus en plus de pilules frauduleuses.
00:47:59 Le nombre de saisis a été multiplié par 4 en 2 ans.
00:48:03 A Toulouse, cela faisait 6 mois
00:48:15 que nous n'étions plus en contact avec Nadine.
00:48:17 Mais il y a quelques jours,
00:48:20 elle nous a appelées pour nous faire part d'une très bonne nouvelle.
00:48:23 Demain, elle rentre à l'hôpital pour se sevrer.
00:48:27 Pour la 1re fois depuis 6 ans,
00:48:30 elle devra arrêter tous ses médicaments opioïdes.
00:48:34 -C'est l'inconnu.
00:48:36 J'appréhende de souffrir,
00:48:38 j'appréhende que les douleurs ne soient pas calmées.
00:48:41 Je ne sais pas vivre sans médicaments.
00:48:43 Il va falloir que je change mon rythme de vie,
00:48:46 parce que...
00:48:48 C'est bizarre.
00:48:52 J'ai l'impression qu'on m'enlève ma béquille.
00:48:54 -Si Nadine a enfin décidé de se soigner,
00:48:58 c'est bien sûr pour elle,
00:49:00 mais c'est aussi pour sauver son couple.
00:49:02 Passionnée de nature,
00:49:04 de randonnées et de voyages,
00:49:06 ils ont dû y renoncer.
00:49:08 Car sous l'emprise des médicaments,
00:49:10 Nadine n'est plus capable de profiter des plaisirs de la vie.
00:49:13 Depuis 6 ans, sa dépendance a même eu des répercussions
00:49:17 sur la carrière de son mari.
00:49:19 -C'est vrai que ça a été un gros souci pour tous les 2,
00:49:22 notamment quand j'ai travaillé.
00:49:24 La difficulté de partir en déplacement,
00:49:27 d'annuler au dernier moment les déplacements
00:49:29 parce que tu n'étais pas bien,
00:49:31 de trouver quelqu'un pour me remplacer,
00:49:33 de rentrer des fois très rapidement du bureau
00:49:36 parce que je me sentais très mal.
00:49:38 -Quand je l'appelais, en 4h de l'après-midi,
00:49:41 en panique parce qu'il fallait m'emmener à l'hôpital,
00:49:44 en fait, on ne m'emmenait pas à l'hôpital,
00:49:46 j'ai culpabilisé.
00:49:48 Puis après, je l'ai empêchée.
00:49:50 Notre vie n'a plus été ce que c'était.
00:49:54 Mais ça nous a, oui, constrarié beaucoup de projets.
00:49:57 La vie sociale s'est diminuée aussi beaucoup.
00:50:01 -Je...
00:50:02 A un moment donné, j'ai arrêté d'inviter les gens
00:50:05 parce que c'était trop fatigant.
00:50:07 Non, je savais pas si je les ai invité le mercredi,
00:50:10 si le samedi, j'allais être en forme pour faire un repas.
00:50:16 Donc ça, j'ai arrêté au bout d'un moment.
00:50:19 -Daniel a toujours tout supporté.
00:50:22 Mais avec ce sevrage,
00:50:24 il espère bien retrouver leur vie d'avant.
00:50:27 -Revivre, tout simplement, revivre.
00:50:29 -C'est ça.
00:50:30 -Faire des choses tout à fait naturelles
00:50:33 qu'on a du mal à faire aujourd'hui.
00:50:35 Aller boire un café en ville, ça paraît tout bête.
00:50:38 Mais c'est difficile, avec les douleurs.
00:50:40 On est prêts à partir, et puis on va partir,
00:50:43 c'est plus possible.
00:50:44 Donc on range la voiture, on reste à la maison.
00:50:47 J'espère que la solution, c'est de partir le lundi
00:50:50 et de la semaine qui suit.
00:50:52 -Daniel n'est pas le seul à espérer
00:50:56 que ce sevrage change la vie de famille.
00:50:59 Leur fille Camille est venue soutenir sa mère
00:51:06 la veille de son entrée à l'hôpital.
00:51:08 -En fait, ce soir, il faut que j'enlève,
00:51:12 que je ne prenne plus rien.
00:51:14 J'enlève le pas, je prends plus de morphine,
00:51:16 tout ça à partir de minuit.
00:51:18 Parce que, si j'ai bien compris,
00:51:20 il faut arriver en état de manque, en fait.
00:51:24 -D'accord.
00:51:26 -Bon, ben, on jette tout ça.
00:51:29 Poubelle.
00:51:31 On va dire adieu à tout ce poison.
00:51:37 Ça me fait mal au coeur.
00:51:39 -Vas-y, tu auras une vie meilleure.
00:51:41 Et on pourra refaire beaucoup de choses ensemble.
00:51:44 -On va se faire des petits projets, quand même,
00:51:46 toutes les deux. -Ah ben oui.
00:51:48 -Comme on faisait avant. -Comme avant.
00:51:50 -Vous avez le sentiment qu'elle est vraiment accro ?
00:51:53 -Oui.
00:51:54 Ma mère s'est beaucoup cachée.
00:51:56 Pour prendre les médicaments, oui.
00:51:58 -Oui, je me cachais, donc.
00:52:00 -Elle voulait pas nous montrer réellement
00:52:02 tout ce qu'elle prenait.
00:52:04 Peut-être par honte, par... Je sais pas.
00:52:06 -Je pense que c'est...
00:52:08 Pas par honte, mais pour pas que vous soyez tristes
00:52:11 de voir votre mère comme ça, quoi.
00:52:13 Parce que moi, enfin, j'ai toujours été dynamique.
00:52:17 Et je sais qu'à un moment, j'étais...
00:52:20 Je sais pas si tu te souviens, il y a une période
00:52:22 où j'étais vraiment irascible.
00:52:24 Tu me disais "je te reconnais pas".
00:52:26 J'avais du mal, je pensais que tu m'en voulais, quoi.
00:52:29 Et je me rendais pas compte, en fait, que j'avais changé.
00:52:32 -Vous aviez honte pour elle ?
00:52:34 -Honte, non. -De la tristesse.
00:52:36 Beaucoup de tristesse.
00:52:38 -En fait, on se l'est jamais vraiment dit.
00:52:40 Et moi, je pense que j'occultais beaucoup de choses.
00:52:43 Le pire de tout pour une mère,
00:52:45 c'est de rendre ses enfants malheureux, quoi.
00:52:51 -Le lendemain matin, il est 8 h.
00:52:54 Nadine doit être à l'hôpital dans moins d'une heure.
00:53:03 Elle n'a pris aucun opioïde depuis plus de 12 h.
00:53:07 Le manque commence à se faire sentir.
00:53:11 -Là, c'est rude. J'ai... J'ai très froid.
00:53:17 Ou alors j'ai des bouffées de chaleur, j'ai des nausées.
00:53:20 J'ai mal partout.
00:53:22 Ca fait évident.
00:53:24 On est en retard de prise en charge.
00:53:26 -Pour réussir à décrocher,
00:53:31 Nadine devra prendre le même produit de substitution
00:53:34 que celui prescrit aux héroïnomanes pour se sevrer.
00:53:37 De la méthadone,
00:53:39 un traitement lourd qui nécessite d'être très encadré.
00:53:42 Pour ça, elle sera hospitalisée au centre antidouleur de Toulouse.
00:53:48 Nadine devra y rester 5 jours.
00:53:51 -Et voilà.
00:53:56 -Vous allez bien, la chambre ?
00:53:58 -Oui, super.
00:54:00 Allez, vas-y, ciao, bonne semaine.
00:54:03 -Tu m'appelles ? -Oui, je t'ai pas reçu.
00:54:06 -Tu peux me téléphoner ? -Oui.
00:54:08 -Je vais téléphoner. -Ciao.
00:54:14 -Avant de recevoir sa 1re dose de méthadone,
00:54:17 Nadine doit attendre.
00:54:19 Elle ne doit plus avoir de traces d'opioïdes dans son corps.
00:54:23 -Je me sens pas bien.
00:54:29 Il faudrait que je m'allonge et qu'on me donne quelque chose.
00:54:33 J'ai hâte de voir une infirmière et un médecin.
00:54:36 Qu'on me donne quelque chose, rapidement.
00:54:39 J'ai une sensation d'inconfort.
00:54:41 J'ai envie de... Je sais pas, de bouger, de courir.
00:54:45 -Plus le temps passe,
00:54:53 plus Nadine ressent les effets du manque.
00:54:56 C'est le docteur Cantagrel qui va s'occuper d'elle.
00:55:06 -Ca va ? -Non, là, je n'en peux plus.
00:55:08 J'en peux plus, je rigole pas. J'ai envie de vomir.
00:55:11 J'ai horriblement mal partout.
00:55:13 -On va vous donner la 1re dose ?
00:55:15 -De méthadone ? -Oui.
00:55:17 -Un liquide ? -Oui.
00:55:19 -Et ça fait rapidement ? -On va attendre 1 heure.
00:55:22 Si ça suffit pas, vous avez une 2e dose.
00:55:24 -D'accord. -Et après, plus rien.
00:55:26 -Ca doit calmer les douleurs et le...
00:55:28 J'ai envie de vomir. -Oui.
00:55:30 -Je fais ma 1re dose.
00:55:32 -La méthadone, c'est de la morphine synthétique.
00:55:35 Contrairement au cachet de méthadone,
00:55:37 elle ne provoque pas de pic d'euphorie.
00:55:39 Et ses effets antalgiques durent plus longtemps.
00:55:42 -Nos objectifs, c'est d'arriver à la stabiliser
00:55:45 et de faire en sorte qu'elle ne prenne qu'un seul médicament
00:55:48 une fois par jour et d'être confortable
00:55:51 et ne plus avoir ce besoin, quand ça va pas,
00:55:54 quand elle est stressée, de revenir sur le médicament.
00:55:57 J'ai tout pété.
00:55:59 -Bon, j'y vais, hein ? -Ouais.
00:56:01 -J'aurais un bon. De toute façon, je ne reçois pas rien.
00:56:04 -Non. -Ca vous fait peut-être...
00:56:06 -Ca vous fait peur ? -Ouais, ça me fait peur.
00:56:09 Voilà. Ca a bon goût, mais bon...
00:56:17 Je risque de me sentir mal ?
00:56:21 -Non, pourquoi ? -Je sais pas.
00:56:23 Je suis peur, c'est ça. Je perds les pédales.
00:56:26 J'aime pas ne pas avoir le contrôle, ça me fait peur.
00:56:29 -Vous allez avoir le contrôle de la prise du médicament ?
00:56:33 -Ouais, j'espère. J'en ai marre, franchement.
00:56:36 J'ai plus rien arrivé là, quoi.
00:56:41 Je me dis...
00:56:46 C'est un tel enfer pour s'en défaire, franchement.
00:56:50 Si on savait, j'aimerais en prendre un.
00:56:53 J'ai supplié qu'on me donne de la morphine, à un moment donné.
00:56:56 Ils m'ont pas alertée qu'il fallait pas en prendre aussi longtemps.
00:57:00 -Allez, je vous laisse.
00:57:03 Musique douce
00:57:05 -Plus l'addiction est longue, plus elle est difficile à traiter.
00:57:09 En plus de la méthadone, Nadine devra effectuer
00:57:13 un long travail psychologique.
00:57:15 Pour sortir de la dépendance, il faut souvent s'éloigner
00:57:21 de son environnement habituel et de toute tentation.
00:57:24 En région parisienne, à Melan en Yvelines,
00:57:28 le centre Gilbert-Rabhi propose des cures de désintoxication
00:57:31 à tout type de produits.
00:57:33 Substances illicites, tabac, alcool, médicaments.
00:57:37 Cet homme vient d'arriver.
00:57:41 -Bonjour, monsieur. -Bonjour.
00:57:43 -Je suis l'infirmière. Je vais vous installer dans la chambre.
00:57:46 -Il s'appelle Emmanuel, il a 49 ans.
00:57:50 Lui n'est pas dépendant aux opioïdes.
00:57:53 Depuis 10 ans, il est accro aux benzodiazépines,
00:57:56 un mélange de somnifères et d'antidépresseurs.
00:58:00 -Voilà.
00:58:01 -Aujourd'hui, c'est son 1er jour de sevrage.
00:58:05 C'est son médecin traitant qui l'a fait admettre ici,
00:58:08 en hospitalisation complète.
00:58:10 -Asseyez-vous, monsieur. Quelqu'un vous a accompagné ?
00:58:13 -Oui. -C'est qui qui vous a accompagné ?
00:58:15 -C'est une personne d'opinion de l'autre.
00:58:17 -D'accord. Vous venez de loin ?
00:58:19 -Encore sous l'effet des médicaments,
00:58:22 Emmanuel a du mal à s'exprimer.
00:58:24 -D'accord. Dites-moi tout ce que vous prenez.
00:58:27 -Pas de souci.
00:58:29 -Vagum, c'est à 50.
00:58:32 J'ai pris du...
00:58:35 Du Xanax 50, possible.
00:58:38 Je me suis gamin. Entre 12 et 10.
00:58:42 -12 et 10 comprimés ? -Oui.
00:58:44 -De vagum ou de Seresta ? -Ou de Seresta.
00:58:47 -D'accord. En même temps. -En même temps.
00:58:49 -Et combien de fois par jour ?
00:58:51 -C'est répété. 4 fois.
00:58:53 -Vous pouvez prendre 4 comprimés ?
00:58:55 -Oui. -4 fois...
00:58:57 -Moi, j'avais de la boîte.
00:58:59 -La boîte.
00:59:01 -C'est pour lire à quel point j'en suis.
00:59:04 Je me lève, je suis défoncé. Je suis où ?
00:59:07 J'imagine que je suis toujours avec quelqu'un.
00:59:10 Et cette personne-là, elle n'est pas là physiquement.
00:59:13 Je vais lui parler, mais ma réponse, elle n'est pas là.
00:59:17 -Vous pensez parler à quelqu'un qui n'est pas là.
00:59:20 Donc vous avez des hallucinations.
00:59:22 -Exactement.
00:59:24 -L'infirmière doit maintenant vérifier
00:59:27 qu'aucun médicament n'est caché dans ses affaires.
00:59:30 -Ces petits bonbons.
00:59:32 Je mets un petit peu de bazar, vous rangerez après.
00:59:35 -Oui, ça va.
00:59:37 -C'est de l'hinge sale ? -Non.
00:59:39 -Hein ? -Oui.
00:59:41 -Vous êtes obligé de tout garder.
00:59:43 -Oui, mais ça me surprend.
00:59:45 -Aucun patient ne doit garder de médicament dans la chambre,
00:59:48 même s'il vient pour un problème d'alcool.
00:59:51 On garde tous les médicaments à l'infirmerie.
00:59:54 -Oui, j'ai un valet.
00:59:56 -Et à leur sortie, on rend les médicaments
00:59:58 qui sont toujours prescrits et pas ceux qui sont arrêtés.
01:00:01 C'est l'objectif. -C'est l'objectif.
01:00:03 -C'est l'objectif. -Je vais arrêter mes conneries.
01:00:06 -Emmanuel était ouvrier spécialisé.
01:00:08 A cause de sa dépendance, il ne travaille plus
01:00:11 et vit seul de la location adulte handicapé.
01:00:14 -14,8. -C'est bien, ça, non ?
01:00:16 -Ca va.
01:00:18 -Avec des outils addictifs comme le sien...
01:00:20 -Je vous laisse prendre l'appareil et vous soufflez comme dans un ballon.
01:00:23 -Une dépendance en cache souvent une autre.
01:00:26 Son dossier médical indique qu'il a d'abord été alcoolique
01:00:29 avant de remplacer l'alcool par les médicaments.
01:00:32 -C'est bon, c'est pas dur ? -C'est négatif.
01:00:35 -Avant d'établir un protocole de soin,
01:00:39 il faut d'abord dresser le profil addictologique d'Emmanuel.
01:00:42 Si tôt arrivé, il a rendez-vous avec un psychiatre.
01:00:45 -Bonjour, monsieur. -S'il vous plaît, installez-vous.
01:00:48 Allez-y.
01:00:50 -Le docteur Sobarron va le prendre en charge.
01:00:53 -Vous avez commencé à abuser au niveau de l'alcool à quel âge ?
01:01:00 -Je vous l'ai dit, il y a 25 ans, pas ?
01:01:03 -25 ans ? -Oui, après, oui.
01:01:05 -Et il y avait des facteurs un peu qui ont précipité vos abus ?
01:01:08 -Oui, c'est ça. -Où c'est arrivé un peu comme ça ?
01:01:11 -Je comprends rien.
01:01:13 -Je suis alcoolique, après, je suis médicinaliste,
01:01:16 après, je fume les médicaments.
01:01:19 -Et les médicaments, c'est arrivé comment ?
01:01:22 C'est arrivé pendant vos abus d'alcool ?
01:01:25 -Ah non, non, ça, c'était l'alcool, c'était l'alcool,
01:01:28 les médocs, c'était les médocs.
01:01:30 Bon, je choisis ça largement, les médicaments, quand même.
01:01:33 -D'accord. Dans vos choix, dans les addictions,
01:01:36 c'est votre addiction... -Exact.
01:01:38 -Préférée ? -Ah oui.
01:01:40 -Qu'est-ce que vous préférez comme benzo ?
01:01:43 -Comme benzo ? J'adore ça. -La marque.
01:01:46 -J'aime bien, j'adore. J'aime bien le...
01:01:49 -Céresta ? -Céresta, oui, c'est sûr.
01:01:52 C'est celui-là qui... Ah, c'est...
01:01:55 -Témesta. -Témesta, voilà.
01:01:57 Elle a été remplacée par... -Oui, parce que justement...
01:02:00 Vous procurez des effets parallèles. -Oui, oui, oui.
01:02:03 -L'exomie. -Non.
01:02:05 -Xanax. -Non, c'est nul, ça.
01:02:07 -Alprazolone, Xanax, c'est nul. -Oui, j'aime pas.
01:02:10 -Vous pourriez imaginer un monde sans benzo, là ?
01:02:13 -Bah, je suis moque, hein. Je suis moque.
01:02:15 Chez moi, lorsque je n'ai plus de médicaments,
01:02:18 je fouille. Des fois, je prends du sac.
01:02:20 Des fois, je retrouve un... Un sandwich à l'air.
01:02:23 "Waouh, trop bien !" Pour pouvoir faire une bonne nuit.
01:02:26 -Le centre Gilbert-Rabhi s'étend sur 7 hectares
01:02:31 et peut accueillir 150 malades.
01:02:33 L'une des addictions les plus fréquentes en France,
01:02:36 c'est l'alcool.
01:02:38 80 % des patients sont ici pour un sevrage alcoolique.
01:02:42 Chaque jour, les horaires fixes des soins
01:02:47 et les repas pris en groupe font partie de la thérapie.
01:02:50 Les patients retrouvent un cadre et une vie en société
01:02:55 qu'ils avaient perdues à cause de leur addiction.
01:02:58 -Le fait d'être ici en cure,
01:03:02 ça nous permet aussi de réapprendre
01:03:05 les gestes du quotidien, le rythme, le lever,
01:03:08 la toilette, l'hygiène dans sa globalité,
01:03:12 d'être à table, d'échanger, de partager,
01:03:16 de découvrir des petits saleurs
01:03:19 qu'on allait complètement oublier
01:03:22 parce que l'alcool, l'alcool, l'alcool...
01:03:25 -Avec le toxique, notamment l'alcool,
01:03:28 on ne mange plus du tout.
01:03:30 Là, on dialogue entre nous
01:03:32 et surtout, on réapprend à manger équilibré.
01:03:35 -Parmi les malades alcooliques,
01:03:37 un quart seulement seraient des femmes.
01:03:40 -Coucou ! -Salut ! Tu vas bien ?
01:03:44 -Ici, 2 mères de famille partagent la même chambre
01:03:47 depuis 2 mois.
01:03:48 -Ca a été le sport, impeccable.
01:03:50 -On est trop mortes ? -On recommence demain.
01:03:53 -L'alcoolisme des femmes est plus difficile à chiffrer
01:03:56 car souvent, elles boivent en cachette
01:03:58 et elles vont plus rarement consulter.
01:04:00 -C'est la descente aux enfers.
01:04:02 C'est pas bien pour un homme,
01:04:04 mais pour une femme, c'est terrible.
01:04:06 Je crois que c'est pire.
01:04:08 Je faisais plus rien.
01:04:10 Je me lave quand même le minimum,
01:04:12 je faisais mon pyjama, je traînais,
01:04:14 je fais pas manger.
01:04:15 Au début, quand je suis arrivée,
01:04:17 je me maquillais pas, j'étais en survêtement.
01:04:20 Quand j'ai vu que toutes les femmes
01:04:22 s'habillaient bien, faisaient un effort
01:04:24 de se maquiller, j'ai dit que c'était pas moi.
01:04:27 Je me maquillais, je me recoiffais, je bois pas,
01:04:30 je suis moi, maintenant.
01:04:32 On a retrouvé notre moment d'avant.
01:04:34 -Vous pensez encore à l'alcool ?
01:04:36 -C'est quelque chose qui peut être présent,
01:04:39 car je pense qu'on reste quand même fragiles.
01:04:42 J'ai vu des gens ici court-chuter au bout de 15 ans,
01:04:45 des gens court-chuter au bout de 6 mois.
01:04:47 Ca dépend vraiment de chaque personne.
01:04:49 Mais je pense que c'est quelque chose
01:04:51 qui restera toujours présent.
01:04:53 -Le sevrage ne fait pas tout.
01:04:55 Il faut aussi réapprendre à vivre à l'extérieur,
01:04:58 sans alcool.
01:05:00 Accomplir quelque chose de ses mains
01:05:05 permet de fixer la tension
01:05:07 et de retrouver un peu d'estime de soi.
01:05:10 -On est catalogués comme étant des personnes mauvaises,
01:05:16 des personnes menteuses.
01:05:18 Et pourtant, quand on s'engage en disant qu'on arrête,
01:05:22 on est persuadés qu'on va arrêter.
01:05:25 -On sait qu'on se fait du mal à soi-même.
01:05:28 Mais en buvant, on devient un peu égoïste,
01:05:31 on devient menteur, tout ce qu'on n'est pas,
01:05:34 tout contraire de ce qu'on est en réalité.
01:05:37 -Le plus dur après une cure,
01:05:40 ce sont toujours les premiers mois dehors.
01:05:43 Un an après un sevrage alcoolique,
01:05:46 le taux de rechute s'approche des 60 %.
01:05:50 Dans les Pyrénées-Orientales, du côté de Font-Romeu.
01:05:54 Ce jeune homme qui se filme s'appelle Valentin.
01:06:00 Lui aussi est alcoolique.
01:06:02 -Oui, Valentin, il est à 60 kg en peu.
01:06:06 -Hospitalisé dans une clinique privée,
01:06:09 lui aussi suit une cure de désintoxication.
01:06:12 Et lui aussi a juré à ses proches que cette fois-ci,
01:06:16 c'était la bonne.
01:06:18 C'est sa 5e cure en 7 ans.
01:06:21 -Petit footing matinal, profitez-en bien.
01:06:24 Ca va pas être tous les jours comme ça.
01:06:27 -Pour prouver sa bonne volonté,
01:06:29 Valentin poste régulièrement sur les réseaux sociaux.
01:06:32 Mais comme à chaque fois, avant même la fin de sa cure...
01:06:36 -Salut.
01:06:37 -Il finit par annoncer qu'il abandonne.
01:06:40 -Je vais décevoir beaucoup d'entre vous.
01:06:43 Mais je vais quitter le centre
01:06:45 où je suis en poste de cure actuellement.
01:06:48 Parce que mes parents n'ont pas voulu que je le quitte
01:06:52 il y a 10 jours, quand je leur ai dit
01:06:55 que je ne me sentais pas à ma place,
01:06:58 que ça ne me plaisait pas.
01:07:00 Ils ont dit "non, vas-y, force-toi, force-toi".
01:07:04 Je me suis forcé.
01:07:06 Et le seul moyen, du coup,
01:07:08 pour pouvoir quitter cet endroit-là,
01:07:11 qui ne me plaît pas du tout,
01:07:13 c'était de rompre mon contrat avec eux.
01:07:17 Donc j'ai bu.
01:07:19 Donc là, je vais aller souffler pour me faire virer.
01:07:23 -À cause de l'alcool,
01:07:25 Valentin a perdu son travail de serveur et son appartement.
01:07:29 A 28 ans, il est retourné dans la Loire, près de Saint-Etienne...
01:07:34 -Allez, viens. Et rentre.
01:07:36 -Pour vivre chez ses parents.
01:07:39 ...
01:07:43 -Sa mère s'appelle Carole.
01:07:45 Avant d'être retraitée, avec son mari Mic,
01:07:48 ils étaient éducateurs spécialisés.
01:07:51 Au cours de leur carrière,
01:07:53 ils ont connu beaucoup d'enfants en difficulté.
01:07:56 Mais quand ils s'étagent de leur propre fils,
01:07:59 ils se sont retrouvés totalement démunis.
01:08:02 -Moi, j'ai perdu de la confiance en Valentin
01:08:07 depuis plusieurs années.
01:08:09 Parce que ça fait des années qu'il ment, qu'il cache des choses.
01:08:13 Et ça, c'est quelque chose qui m'est insupportable.
01:08:16 Mais d'être dans la méfiance à ce niveau-là,
01:08:20 on a l'impression qu'on vit avec quelqu'un
01:08:24 qui nous est complètement étranger.
01:08:27 -Le plus difficile, c'est de le voir se détruire.
01:08:30 De voir le changement de comportement qu'il a.
01:08:33 C'est plus le même enfant.
01:08:36 -Je ressens à travers le regard que...
01:08:40 Ben...
01:08:42 Je suis rien.
01:08:44 Je suis le vilain petit canard.
01:08:47 Je suis là, mais j'embête plus qu'autre chose.
01:08:50 -Ses parents ont accepté qu'ils reviennent vivre chez eux,
01:08:54 à la condition express qu'ils ne boivent pas sous leur toit.
01:08:58 Mais sa mère n'arrive plus à lui faire confiance.
01:09:01 Alors, dès qu'il s'absente, elle fouille sa chambre.
01:09:04 -Je vais peut-être regarder sous le lit, des fois.
01:09:09 Qu'il peut mettre quelque chose.
01:09:13 Non.
01:09:15 Je viens voir dans les vestes.
01:09:19 Ah.
01:09:22 Voilà.
01:09:24 Dans la dernière...
01:09:27 J'ai trouvé 2 bouteilles.
01:09:30 Une de vodka et une bouteille de rhum.
01:09:34 C'est pour lui montrer que je suis pas dupe.
01:09:38 En quelque sorte, il se moque de nous, là.
01:09:41 -L'addiction, c'est un séisme pour les familles.
01:09:45 Pour comprendre le huis clos qui se joue
01:09:48 entre Valentin et ses parents,
01:09:50 nous leur avons demandé de filmer leur quotidien.
01:09:53 Ils ont accepté de se livrer sans aucun tabou.
01:09:57 Il est midi.
01:10:00 Dans sa chambre, Valentin boit déjà.
01:10:04 -C'est du rhum.
01:10:10 Mes parents sont pas au courant.
01:10:13 Mais sans doute, hein.
01:10:16 -Quelques heures plus tard...
01:10:19 -Je dors. Maintenant. Je dors.
01:10:23 -Valentin n'hésite pas à se filmer, totalement saoul.
01:10:28 Il titube.
01:10:31 Se dirige vers le bureau de son père pour lui parler.
01:10:36 -T'as envie de discuter ?
01:10:39 -Non, je peux peut-être te suivre pour aller te coucher.
01:10:43 -Puis il retourne dans sa chambre pour continuer à boire.
01:10:47 -Ferme-la.
01:10:50 Ferme-la. Pixel !
01:10:53 -Dans la maison, les mêmes scènes se reproduisent sans cesse.
01:10:58 -Les bouteilles qui étaient dans la chambre de Valentin,
01:11:02 que j'ai trouvées, qui étaient cachées.
01:11:05 -Eh ben voilà. -Voilà.
01:11:07 -On comprend mieux pourquoi il était pas très bien.
01:11:10 -On sait pas comment l'aider. On sait pas comment faire.
01:11:14 Parfois, on arrive à se dire "mais qu'est-ce qu'on a fait ?"
01:11:19 pour qu'il soit comme ça.
01:11:23 -Je bois parce que je n'ai rien d'autre à faire.
01:11:31 Je suis dans la campagne, célibataire, de retour chez mes parents.
01:11:43 C'est horrible.
01:11:47 Voilà.
01:11:50 -Valentin s'est toujours senti à part.
01:11:55 Petit dernier de 3 enfants,
01:11:58 il a beaucoup d'écart avec son frère et sa sœur.
01:12:02 Eux n'ont jamais posé problème.
01:12:05 Après leur départ de la maison, Valentin grandit en fils unique.
01:12:11 Il cherche à attirer l'attention et comble sa solitude avec ses copains.
01:12:16 -Quand est-ce que je me suis rendue compte que Valentin m'avait...
01:12:22 Il était jeune. Il avait 15, 16 ans,
01:12:26 quand il commençait à s'alcooliser régulièrement.
01:12:30 Mais bon, à l'époque, il y avait beaucoup d'autres jeunes qui faisaient ça.
01:12:35 -Qu'est-ce qu'il buvait ?
01:12:38 -D'alcool fort. De la vodka, du rhum, des jets.
01:12:43 -Je reconnais que j'ai plutôt pris les choses en disant
01:12:47 que c'est un passage et qu'il fera comme tous les autres.
01:12:52 Une fois que c'est terminé, il passera à autre chose.
01:12:56 -On a discuté un petit peu,
01:13:00 mais il me disait que non, que c'était occasionnellement.
01:13:05 J'ai fait confiance, ce que je n'aurais pas dû.
01:13:10 Parce que ça continuait,
01:13:14 et ça a été de pire en pire les années passant.
01:13:18 -Plus la consommation est précoce, plus le risque d'addiction augmente.
01:13:23 A 19 ans, Valentin boit tous les jours.
01:13:28 -Je n'arrivais pas à dormir les soirs,
01:13:32 et je me suis mis à m'acheter une bouteille de vodka par soir.
01:13:36 Donc je buvais une bouteille de vodka de 70 cl tous les soirs,
01:13:41 tout seul, dans ma chambre, pour dormir.
01:13:46 -Tu ne te sentais pas en danger ? -Non, du tout.
01:13:50 Même quand j'étais sous la douche et que je vomissais,
01:13:54 je sortais de la douche et je retournais boire.
01:13:58 -Cela fait désormais un mois
01:14:01 que Valentin est revenu vivre chez ses parents.
01:14:05 -Ca, maman ? -Oui.
01:14:08 -Tu as besoin d'aide ? -Non, je vais couper des pâtes pizza.
01:14:13 -Je vais essayer de remplacer ça.
01:14:16 -Dans la cuisine familiale, tout semble normal,
01:14:20 mais la cohabitation est de plus en plus tendue.
01:14:24 Malgré ses promesses, Valentin continue à boire en cachette.
01:14:28 Pour le faire réagir, son père menace de le mettre à la porte.
01:14:32 -C'est un choix très difficile,
01:14:35 mais il ne comprend pas toute la difficulté,
01:14:39 la douleur que ça produit autour de lui.
01:14:43 -Et toi, Valentin, comment tu vis ça ?
01:14:47 -Honnêtement, je m'en fous,
01:14:51 parce que mon père, pour moi, il ne m'a jamais aimé.
01:14:56 Mon père, il ne m'a jamais aimé,
01:15:00 et c'est normal qu'il puisse me foutre à la rue
01:15:04 du jour au lendemain.
01:15:07 Et c'est ça qui me fait le plus mal, c'est tout.
01:15:11 -Il a toujours pensé ça, Valentin ?
01:15:14 -C'est quelque chose de compliqué,
01:15:17 c'est qu'il pensait ça alors que ça n'a jamais été le cas.
01:15:21 -8 fois 8, 32, bim, la tête écrasée sur la table.
01:15:25 Je suis désolé.
01:15:28 -On l'a entendu combien de fois, ça ?
01:15:31 -Tu me prends pour un con ? Non.
01:15:34 Et jusqu'à ce que tu dises oui.
01:15:37 Même s'il me disait que si je t'engueule,
01:15:40 c'est parce que je t'aime, oui.
01:15:43 Ma mère, quand elle m'engueulait,
01:15:46 elle m'aimait aussi, mais pas de la même manière.
01:15:50 C'est pour ça que j'ai commencé à boire jeune,
01:15:54 et j'ai vu que mon frère avait 9 ans de plus que moi.
01:15:58 Je ne le voyais pas comme un père, j'avais peur de lui.
01:16:02 Je voyais mon frère comme un exemple.
01:16:05 Mon frère avait 19 ans, 20 ans.
01:16:08 Il faisait la fête avec ses potes, il buvait l'apéro.
01:16:12 Moi, je faisais pareil, sauf que j'avais 9 ans de moins.
01:16:16 C'est comme ça que je suis tombé là-dedans.
01:16:20 ...
01:16:23 -Le souvenir de Valentin, c'est une enfance
01:16:26 dans un climat de grandes tensions.
01:16:29 ...
01:16:32 -Oui, j'ai été violent à plusieurs reprises.
01:16:35 -Violent comment ?
01:16:37 -A mettre des claques, à faire "bon",
01:16:40 et puis à pas me contrôler, quoi.
01:16:44 ...
01:16:47 -Je sais qu'ils m'ont vu, oui.
01:16:50 On en a parlé.
01:16:52 -Vous vous en voulez ?
01:16:54 -Bien sûr que je m'en veux.
01:16:56 Suite à ça, j'avais pris contact,
01:16:59 j'ai engagé une thérapie suite à ça.
01:17:02 -Mick s'est soigné.
01:17:04 En tout, il a eu 2 accès de violence.
01:17:07 Selon lui, il ne porte pas toute la responsabilité
01:17:11 de l'alcoolisme de son fils.
01:17:16 -Je repasse les films dans la tête pour dire,
01:17:20 bon, est-ce que ce qu'il dit,
01:17:23 est-ce que c'est bien dans la réalité ?
01:17:26 -Il n'y a pas ce qu'il dit que c'est bien la réalité.
01:17:30 -Pour moi, non.
01:17:32 Il y a une petite partie,
01:17:35 mais après, il est dans une répétition
01:17:39 de choses de fait qui est plus que...
01:17:42 Enfin, incidérante, oui.
01:17:44 -Je suis dans une perception que ça arrange bien Valentin
01:17:48 d'avoir un mauvais objet pour boire.
01:17:51 Il faut une raison.
01:17:53 -L'addiction, c'est comme une prison mentale et physique
01:17:57 qui empêche de vivre sa vie.
01:17:59 Dans sa chambre, Valentin ressasse.
01:18:02 -Faites l'amour, picolez, faites tout ce que vous aimez.
01:18:05 -Au lieu de l'apaiser, l'alcool renforce son mal-être
01:18:09 et les tensions montent au sein de la famille.
01:18:12 Son père filme.
01:18:14 -Mais oui, mais regarde, en un après-midi,
01:18:21 t'as bu quoi, là ?
01:18:23 -Un verre de bouteille.
01:18:25 -T'as bu un tiers de la bouteille.
01:18:27 -De toute façon, tous les médecins, dans tous les centres de cure,
01:18:31 tous les sevrages que j'ai faits m'ont dit que mes parents
01:18:35 étaient toxiques, surtout mon père.
01:18:37 Que mon père allait me casser la gueule,
01:18:39 que mon père allait me tuer.
01:18:41 -Tout le monde me l'a dit.
01:18:43 Tu peux prendre contact avec eux.
01:18:45 -Mais j'ai pas besoin de prendre contact avec eux.
01:18:48 C'est toi qui es malade, Valentin.
01:18:50 -J'ai pas envie de dire bipolaire.
01:18:52 -Mais continue ton délire.
01:18:54 Tu sais une chose, tu vas partir en hôpital,
01:18:57 tu reviendras pas à la maison.
01:18:59 Tu reviendras à la maison une fois que tu seras guéri.
01:19:02 -Quand il boit, Valentin peut devenir violent.
01:19:10 -Le lendemain, sa mère nous raconte qu'il a même essayé de l'étrangler.
01:19:15 -J'ai eu peur et en même temps, il y avait un effet de sidération.
01:19:22 J'étais sidérée en même temps par le fait qu'il m'agresse
01:19:26 parce qu'il ne l'avait jamais fait.
01:19:28 -Je me souviens absolument pas.
01:19:30 J'avais rien mangé, j'avais pris mes cachets
01:19:36 et une demi-bouteille de vodka pure.
01:19:39 Elle m'a dit ça quand je me suis relevé vers minuit
01:19:42 pour aller fumer une cigarette.
01:19:44 Je suis remonté dans ma chambre et j'ai fini la bouteille.
01:19:48 -Je me sens en danger, je me sens pas en sécurité.
01:19:54 Le soir, quand on se couche avec mon mari,
01:19:57 on se ferme à clé dans notre chambre pour être sûr qu'il rentre pas,
01:20:01 qu'il vienne pas nous surprendre dans un sommeil,
01:20:04 pour faire quoi que ce soit.
01:20:06 Enfin, je suis tout le temps seule qui vit.
01:20:09 -L'alcool me détruit, ça, je m'en suis totalement contre.
01:20:17 Je sens aussi que ça peut détruire ma famille,
01:20:21 mais très honnêtement, comme je vous ai dit,
01:20:25 j'ai plus de sentiments.
01:20:27 -6 mois plus tard, ses parents ont fini par baisser les charges
01:20:31 et se sont rendus à la maison.
01:20:33 Aujourd'hui, Valentin vit seul dans un appartement situé près de chez eux.
01:20:38 Aux dernières nouvelles, il continue de s'alcooliser.
01:20:42 Quel que soit le produit consommé,
01:20:47 seul le malade peut mettre fin à l'enfer qu'il vit
01:20:50 et fait vivre aux autres,
01:20:52 en prenant vraiment la décision d'arrêter.
01:20:55 -Je suis désolé, je suis désolé.
01:20:59 -Vraiment la décision d'arrêter.
01:21:01 A Toulouse, Nadine tient bon.
01:21:07 Elle continue à être suivie au centre antidouleur.
01:21:10 Cela fait 2 semaines qu'elle a pris son 1er traitement à la méthadone.
01:21:14 Pour faire le point sur son processus de sevrage...
01:21:18 -On y va ? -Oui.
01:21:20 -Bonjour. -Bonjour.
01:21:22 -Elle voit régulièrement son médecin et une addictologue.
01:21:26 -Alors, comment ça va ?
01:21:28 -Mieux. -Bien mieux.
01:21:30 -J'ai beaucoup d'énergie, donc j'ai fait pas mal de choses.
01:21:33 -Plus qu'avant ? -Comme avant, quand j'étais normale.
01:21:36 Mais vraiment, plus qu'avant.
01:21:38 J'allais faire 3 courses, j'ai fait un peu de piano,
01:21:41 j'ai eu du monde, j'ai tenu tout le repas,
01:21:44 alors que ça m'arrivait rarement.
01:21:46 -Et après, la fin de soirée, ça donnait quoi ?
01:21:49 -Je suis fatiguée. Vers 16h, 17h30, ça commençait.
01:21:53 J'avais mal, j'avais des douleurs.
01:21:55 -Qu'est-ce qu'il faudrait améliorer, là, actuellement ?
01:21:59 -Pour que ça soit parfait.
01:22:01 La même chose, mais que ça me dure jusqu'à 22h.
01:22:05 -C'est difficile pour ces patients qui prennent des médicaments
01:22:09 toutes les 2h, de se dire qu'ils n'auront plus qu'un médicament
01:22:13 par 24h. Ils ont l'anxiété, l'inquiétude de manquer de médicaments.
01:22:17 Ca prend du temps d'expliquer, d'accompagner les patients
01:22:21 sur ce projet. Une fois que c'est acté, ça se passe plutôt bien.
01:22:25 -Ca fait longtemps qu'on n'a pas joué. Ca fait du bien.
01:22:37 -Aujourd'hui, Nadine retrouve une vie presque normale avec son mari.
01:22:41 Le couple partage à nouveau des moments de plaisir.
01:22:47 -Les 1ers jours ont été difficiles. Elle a été très fatiguée,
01:22:51 nauséeuse, difficulté à marcher, des sensations de vertige.
01:22:55 Et puis là, depuis, on va dire, ça a duré 3-4 jours,
01:22:59 le temps qu'on arrive à réajuster le dosage.
01:23:03 Et puis là, depuis, ce dosage-là, qui n'est pas encore parfait,
01:23:07 malgré tout, elle est nettement mieux. Je la retrouve telle qu'elle était
01:23:11 il y a quelques années, avant qu'elle ait eu tous ces problèmes.
01:23:16 -Donc voilà la méthadone.
01:23:19 -Désormais, 2 prises de méthadone remplacent la vingtaine de cachets
01:23:23 qu'elle prenait chaque jour. -Donc là, c'est pratiquement l'heure.
01:23:27 Je prends les 10 mg en fin de journée.
01:23:31 Voilà, je prends le somme du soir. Ca n'a aucun effet,
01:23:35 ni calmant, ni euphorisme, c'est neutre. -Et les autres, vous manquent ?
01:23:39 -Il me manque une prise vers le soir, où j'ai envie d'être calme,
01:23:44 d'être tranquille, d'être apaisée, voilà.
01:23:48 Et ça, ça me manque encore. J'avoue que...
01:23:52 Heureusement que j'en ai pas, qu'il faut pas en avoir.
01:23:56 -Quand Nadine ne ressentira plus aucun manque,
01:24:00 elle pourra envisager de diminuer progressivement ses doses de méthadone.
01:24:04 Selon les médecins, sortir de 6 ans d'addiction aux antidouleurs opioïdes
01:24:08 est un chemin difficile qui peut prendre des années.
01:24:12 -Maman, j'ai un petit tas. -Alors ? Il a poussé ?
01:24:16 -Il a grandit. -Il a grandit ?
01:24:20 -Quant à Elga, peu à peu, elle essaye de retrouver goût à la vie.
01:24:24 -C'est ton arbre ? -Ouais. -On l'a planté pour toi.
01:24:27 Ma présence de Mathilde, elle a été primordiale.
01:24:30 C'est ce qui m'a permis de continuer à avancer,
01:24:33 d'y aller dans la vie tout le temps.
01:24:36 Les moments les plus difficiles, c'était quand j'étais pas avec Mathilde.
01:24:40 Je suis emportée par son énergie à elle.
01:24:44 C'est comme s'il me manquait un morceau de moi-même.
01:24:48 Pour moi, j'ai 3 enfants, j'ai toujours eu 3 enfants.
01:24:52 En plus, Simon, c'est l'aîné. J'avais 23 ans quand il est né.
01:24:56 C'est toute ma vie. J'ai toujours vécu avec mes enfants
01:25:00 et avec Simon en particulier.
01:25:04 Tu veux jouer un peu ? T'en fais c'est beau.
01:25:08 Non ?
01:25:10 -Je t'aime, maman. -Moi aussi, je t'aime, ma chérie.
01:25:15 ...
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