Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, était l'invitée du "8h30 franceinfo", mardi 9 janvier 2024.
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00:00 Bonjour Sophie Binet. Bonjour. Après un an, 7 mois et 23 jours passés à Matignon,
00:08 Elisabeth Borne quitte ses fonctions. Est-ce que selon vous elle a été une bonne Première
00:12 Ministre ?
00:13 Elle part après 23-49-3, après une réforme des retraites imposée en force contre l'opinion,
00:21 contre la rue, contre le Parlement. Une réforme qui n'était ni nécessaire, ni juste, ni
00:25 justifiée. Elle part après une loi sur l'immigration écrite sous la dictée du Rassemblement
00:31 National. Donc évidemment le bilan n'est pas bon, mais c'est le bilan d'Emmanuel
00:35 Macron, c'est le bilan d'une démocratie gravement abîmée.
00:38 Rien de bon dans le mandat d'Elisabeth Borne ?
00:42 Rien de bon dans ce qu'elle a appliqué avec, comment dire, le sérieux d'une soldate en
00:49 fait. Emmanuel Borne, pardon, Elisabeth Borne, c'est quelqu'un de...
00:52 L'absu...
00:53 L'absu c'est l'absu, c'est l'absus révélateur. C'est quelqu'un de rigoureux et de droit,
00:58 je lui reconnais ses qualités dans le dialogue, c'était plutôt utile. Mais par contre, elle
01:04 s'est comportée comme une soldate vis-à-vis d'Emmanuel Macron au service de sa politique.
01:08 Et je pense qu'il y a un problème de conception en fait du rôle de Première Ministre, où
01:13 aujourd'hui le Premier Ministre est un collaborateur, est un exécutant, est un fusible. Elle s'est
01:19 définie elle-même comme cela, alors qu'un ou une Première Ministre, c'est d'abord un
01:23 ou une chef de gouvernement. Et donc, il faut pouvoir s'affirmer politiquement, prendre
01:28 ses responsabilités, chose qu'elle n'a pas faite sur la réforme des retraites ou sur
01:32 la loi asile-immigration, où elle aurait dû dire stop et dire au Président de la
01:36 République que c'était une erreur et qu'il fallait changer de cap.
01:38 Mais vous aviez au moins humainement de bonnes relations avec elle ?
01:40 Oui, très correcte. Après, c'était très limité, puisqu'il n'y avait pas de matière
01:44 à négocier.
01:45 Vous considérez qu'elle est sanctionnée, qu'elle est sacrifiée ?
01:48 Elle s'est définie comme un fusible et elle joue le rôle de fusible, oui, puisque Emmanuel
01:53 Macron refuse de changer de cap et donc il préfère changer les visages pour faire,
01:58 en espérant faire diversion. Moi, ce que je veux dire ici, c'est que ce qui intéresse
02:01 les salariés, ce n'est pas le nom du ou de la Première Ministre, c'est le contenu de
02:05 la politique qui est mené. Aujourd'hui, le quinquennat d'Emmanuel Macron est un naufrage.
02:09 Ce n'est pas avec des rustines qu'on va réparer le Titanic.
02:12 Ça veut dire que, quelle que soit l'identité du Premier Ministre, vous ne vous attendez
02:16 pas à un changement de politique ?
02:18 Si, j'attends, je souhaite, j'appelle à un changement de politique.
02:22 Mais vous l'espérez, c'est une chose.
02:23 Le débat, ce n'est pas le nom du ou de la personne qui va être premier au Premier
02:28 ministre, c'est le contenu de la politique. Et le problème, c'est qu'Emmanuel Macron,
02:31 dans ce qu'il a dit dans ses voeux, tout va bien, je vais bien. Son quinquennat est
02:35 extraordinaire. Il est dans le déni complet de la situation catastrophique du pays et
02:40 de l'abîme dans lequel il mène le pays. Donc, il faut un changement de cap d'urgence.
02:44 Vous dites que l'incarnation ne compte pas, ne compte pas du tout selon vous. Mais parmi
02:48 les noms évoqués, on entend des noms de proches d'Emmanuel Macron, Julien Denormandie,
02:53 ancien ministre de l'Agriculture, Sébastien Lecornu, actuel ministre des Armées, mais
02:57 aussi celui de Gabriel Attal, actuel ministre de l'Éducation nationale. Lecornu, Attal,
03:03 viennent tous les deux de champs politiques différents. L'un de droite, l'autre de gauche.
03:09 Vous préférez l'un plus que l'autre ?
03:12 Écoutez, Elisabeth Borne était supposée venir de la gauche et c'est elle qui a mis
03:16 en place cette loi Asile-Immigration dictée, écrite sous la dictée du Rassemblement National.
03:21 Donc malheureusement, tout cela n'a plus aucune importance puisque c'est Emmanuel Macron
03:26 qui décide de tout, jusqu'à la composition du cabinet du Premier ministre, jusqu'à
03:30 la composition du gouvernement que le Premier ministre est normalement supposé composer.
03:34 Donc, on voit qu'aujourd'hui, c'est lui qui décide de tout et c'est bien un problème
03:37 démocratique.
03:38 Et puis, même sur Gabriel Attal, personnalité politique préférée des Français, à l'Éducation
03:44 nationale aujourd'hui, ça fait cinq mois. Ce serait trop tôt qu'il quitte ce ministère,
03:49 selon vous ?
03:50 Écoutez, c'est un ministère qui est extrêmement important. Cinq mois, c'est très court, ça,
03:54 c'est sûr. Et pour l'instant, le bilan n'est pas très concluant dans le rapport avec les
03:57 enseignants, c'est le moins qu'on puisse dire.
03:59 Et en attendant, le gouvernement expédie les affaires courantes. Il faut que ça aille
04:02 vite, la nomination du Premier ministre et du nouveau gouvernement ?
04:06 Oui, on a besoin d'avoir un gouvernement qui dirige le pays. On est quand même dans
04:12 un moment où il y a des crises majeures. D'abord, il y a une guerre à Gaza avec toutes
04:16 les dix minutes un enfant qui meurt. Il faut que la France agisse de façon forte pour
04:20 exiger un cessez-le-feu, chose qu'elle ne fait pas. Et donc, ne pas avoir de ministre
04:23 des Affaires étrangères, c'est un problème. Ensuite, il y a des centaines de milliers
04:26 de personnes qui sont sinistrées dans le Pas-de-Calais. Il y a besoin d'avoir un gouvernement
04:30 pour s'occuper de ces questions-là. Et puis, on a des défaillances d'entreprises qui se
04:34 multiplient. Bref, oui, il faut avoir un gouvernement et surtout un cap politique en rupture avec
04:39 la politique menée par Emmanuel Macron et qui renoue avec l'intérêt général. La
04:43 question qui est posée aujourd'hui, c'est celle de l'intérêt général qui a été
04:46 complètement perdue de vue.
04:47 Vous releviez tout à l'heure le texte immigration que vous avez rejeté en bloc à la CGT avec
04:53 200 personnalités, d'autres syndicats et associations. Vous appelez à une marche citoyenne
04:57 le 21 janvier prochain contre, je cite, "une loi qui attaque profondément les valeurs
05:03 de la République". Lesquelles ?
05:05 Les valeurs fondamentales, à savoir le droit du sol qui date de 1789 et de la Révolution
05:12 française, à savoir le droit à la sécurité sociale et à l'universalité de la protection
05:18 qui date du Conseil national de la Résistance et de 1945. Cet appel est inédit parce qu'il
05:24 rassemble des personnalités de bords extrêmement divers, d'horizons très divers, des acteurs
05:29 du monde de la culture, des syndicalistes, des associatifs, etc. Il est inédit à l'image
05:35 de la gravité de cette loi qui est inédite parce qu'elle est en rupture avec l'identité
05:40 de notre République. C'est pour ça que nous appelons à marcher très nombreux et
05:43 nombreuses le 21 janvier prochain. Il y aura en ligne très bientôt 21janvier.fr, un site
05:49 sur lequel on pourra trouver tous les rassemblements à côté de chez soi. Et puis on pourra aussi
05:52 organiser les rassemblements des manifestations parce que c'est une mobilisation citoyenne.
05:57 Le but le 21 janvier prochain c'est que tout le monde puisse dire "c'est pas ça
06:01 la France". La France c'est la solidarité, c'est la liberté, c'est l'égalité,
06:05 la fraternité. C'est pas des discours de haine, de stigmatisation, de mise en opposition.
06:10 C'est se vivre ensemble au quotidien qui fait notre force. C'est pour ça qu'il
06:13 faut qu'on soit nombreux le 21 janvier prochain à marcher.
06:16 Il y a une autre date importante, c'est le 25 janvier, date à laquelle le Conseil
06:21 constitutionnel rendra sa décision concernant cette loi immigration. Et lors de ces voeux
06:25 hier, le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, a rappelé à deux reprises
06:29 que son institution n'était pas une chambre d'appel des choix du Parlement. Il a raison
06:34 selon vous de souligner ça ?
06:36 Oui, il a dit en langage diplomatique quelque chose d'évident, à savoir "ça n'est
06:42 pas possible de voter des lois que l'on sait non constitutionnelles". Parce que c'est
06:47 ce que fait le président de la République, la Première ministre, c'est qu'il save
06:51 de façon explicite, tout le monde le sait, que cette loi n'est pas constitutionnelle
06:55 sur un certain nombre de ses dispositions. Et ils la font quand même adopter, le Conseil
07:00 constitutionnel a autre chose à faire.
07:01 Mais du coup, ça vous rassure ? Une trentaine de mesures pourraient être retoquées par
07:04 le Conseil constitutionnel. Au final, cette loi ne va pas ressembler au projet de loi
07:07 qui a été voté. Ça vous rassure ?
07:09 Non, parce que ce que Laurent Fabius a également rappelé hier en citant Robert Badinter, c'est
07:15 que quand une loi est censurée, c'est forcément qu'elle est mauvaise. Mais ce n'est pas
07:18 parce qu'une loi n'est pas censurée qu'elle n'est pas mauvaise politiquement. Il y a
07:23 la constitutionnalité d'une loi et puis il y a son contenu politique. Et donc j'espère
07:27 qu'il y aura le plus grand nombre de mesures possibles de cette loi de la honte qui va
07:31 être censurée. Mais ce que je crains, et ce qui est probable, c'est qu'il reste l'essentiel,
07:37 à savoir une loi qui stigmatise et qui précarise les étrangers qui sont en France, alors qu'aujourd'hui
07:45 on a besoin de ces travailleuses et de ces travailleurs étrangers. Je rappelle qu'en
07:48 Ile-de-France, c'est quasiment un quart des emplois qui sont occupés par des étrangers,
07:52 que dans certains secteurs essentiels comme les aides à domicile, c'est 60% des aides
07:55 à domicile qui sont étrangères. Et avec cette loi, on va les empêcher de vivre avec
08:01 leur famille, de se projeter à moyen long terme, d'avoir des allocations familiales.
08:04 Il ne faut pas se moquer du monde quand même. En fait, le résultat de cette loi, ce n'est
08:07 pas qu'il y aura moins d'étrangers en France. Les dispositions sociales ne jouent pas sur
08:13 le nombre d'étrangers qu'il y a dans un pays. Ça, il y a plein d'études qui le démontrent.
08:16 L'extrême-droite et l'extrême-droite. Sauf qu'il faut regarder les études des
08:19 chercheurs. Ça, on le sait, ça ne va pas jouer là-dessus. Par contre, ça va jouer
08:22 sur la précarisation des étrangers qui vont être en de grandes difficultés pour pouvoir
08:26 s'intégrer parce qu'ils vont avoir en permanence des freins administratifs et juridiques
08:32 à leur intégration et leur vie quotidienne. C'est ça qui est grave.
08:35 Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, vous êtes avec nous jusqu'à 9h sur
08:38 France Info. On retrouve juste après le Fil Info 8h40 de Sophie Echene.
08:42 La circulation est toujours très compliquée en Ile-de-France. C'est en Normandie ce
08:46 matin à cause de la neige. Il y en a plus que ce qui était attendu, reconnaît Météo
08:50 France. Les autoroutes A12 et A13 sont toujours fermées en ce moment. Six départements sont
08:55 placés en alerte orange neige verglas. Les Sönnes, les Yvelines, l'Orne, l'Orne, le
08:59 Calvados et la Manche. L'affaire avait déclenché une vague de colère en France. Trois policiers
09:03 sont jugés à partir d'aujourd'hui aux assises de Seine-Saint-Denis pour violences
09:07 volontaires. Ils sont impliqués dans la violente interpellation de Théo il y a près de 7
09:11 ans. Ce jeune homme noir, victime d'un coup de matraque dans la zone annale, il est handicapé
09:15 à vie. En Espagne, face à l'explosion des cas de grippe, Covid et autres virus respiratoires,
09:20 le gouvernement prend des mesures. Dès demain, le port du masque sera à nouveau obligatoire
09:24 dans les hôpitaux et les centres de santé publique. Le fils du président nigérien
09:29 déchu Mohamed Bazoum a été remis en liberté hier. Salem Bazoum, accusé de complot, il
09:34 était retenu prisonnier avec ses parents depuis le coup d'état du 26 juillet dernier.
09:38 Avec Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, l'actualité du jour c'est aussi
09:52 le froid. Journée la plus froide en France depuis 6 ans ce mardi. Les départements ont
09:56 déclenché le plan Grand Froid avec l'ouverture de places dans des hébergements d'urgence
10:01 pour les 330 000 sans-abri que compte notre pays. Qu'est-ce que vous demandez de plus
10:06 aux autorités ? En fait, le problème, c'est que cet épisode climatique, il n'a rien
10:10 d'exceptionnel. C'est quand même normal que l'hiver, il fasse froid. Par contre, le
10:14 souci, c'est qu'il n'y a aucune anticipation des pouvoirs publics et surtout qu'il y a
10:18 une crise profonde du logement social et de l'hébergement d'urgence. Quelque part, le
10:23 froid, ça permet de rappeler des chiffres qui, sinon, sont complètement invisibilisés
10:26 et dont on ne parle jamais. Et derrière ces chiffres, il y a des vies et il y a des personnes,
10:29 notamment des 300 000 personnes qui sont sans-abri, quasiment 3000 enfants qui sont
10:34 dans la rue. C'est un problème tous les jours. En fait, ce n'est pas seulement le jour où
10:38 il fait froid. Et donc, ce qu'il faut, c'est que le gouvernement revoie sa politique en
10:42 matière de logement, relance la construction de logements sociaux, relance la mise à disposition
10:48 d'hébergement d'urgence dans la durée, c'est-à-dire pas seulement là, aller payer un peu plus
10:52 d'hôtels pour héberger des familles à l'hôtel pendant trois jours, puis qu'après, elles
10:55 reviennent à la rue. Ce n'est pas possible. Il faut réquisitionner les logements vacants,
10:59 comme le demande par exemple l'adjoint communiste au logement à Paris, Yann Brossard. Oui,
11:03 dans l'urgence, évidemment, il faut le faire. Il y a un problème, c'est qu'en France, il
11:06 y a beaucoup trop de logements vacants.
11:07 On réquisitionne seulement deux propriétaires ?
11:10 Là, en l'occurrence, on a des personnes qui sont à la rue et qui risquent de mourir.
11:15 C'est quand même ça le problème. Il faut resituer un petit peu les choses. Mais le
11:19 souci structurel, c'est la question de la politique de logement social. Moi, ce que
11:23 je veux rappeler ici, c'est deux choses. C'est d'abord que ces 300 000 personnes qui vivent
11:27 à la rue, il y en a un certain nombre qui sont des travailleuses et des travailleurs.
11:30 Le problème, c'est que le travail ne permet plus de vivre. Il ne permet plus d'avoir un
11:34 logement. Et la deuxième chose que je voulais rappeler, c'est qu'on a quand même un gouvernement
11:39 qui a multiplié les contrôles, la stigmatisation des personnes au RSA, qui s'apprête à faire
11:45 une grande réforme du RSA, mais qui ne travaille pas sur le sujet central, à savoir un tiers
11:50 des personnes qui sont éligibles au RSA ne le demandent pas et donc se retrouvent sans
11:54 aucun revenu, alors que normalement, il y a un socle universel pour tout le monde pour
12:00 garantir justement l'accès à des biens indispensables, le fait d'avoir un toit sur la tête et de
12:04 pouvoir se nourrir.
12:05 Face au froid, Sophie Binet, il y a des Français qui galèrent plus que d'autres. Ce sont par
12:10 exemple les habitants du Nord et du Pas-de-Calais. Depuis plusieurs jours, ils vivent les pieds
12:14 dans l'eau à cause des crues. S'ajoute donc le froid qui pourrait conduire au gel des
12:19 maisons. Votre collègue de la CFDT, Marie-Lise Léon, a appelé les employeurs à faire preuve
12:23 de souplesse envers les salariés en leur laissant du temps pour faire les démarches
12:28 administratives. Vous allez dans son sens aussi ? Vous faites la même demande ?
12:32 Oui, moi, je veux dire toute la solidarité de la CGT en direction des centaines de milliers
12:38 de personnes qui vivent dans le Nord et dans le Pas-de-Calais, qui sont pour la deuxième
12:41 fois en trois mois victimes de graves inondations. Côté CGT, on a mis en place un dispositif
12:46 de solidarité pour nos syndiqués qui habitent dans le Pas-de-Calais. Et après, il y a des
12:51 mesures à prendre immédiatement. On a de très nombreuses entreprises qui sont fermées
12:56 du fait de la catastrophe climatique. Les salariés sont en chômage partiel. Le problème,
13:01 c'est que pour eux, c'est la double peine. C'est-à-dire que non seulement ils et elles
13:05 sont victimes d'inondations avec des sinistres à plusieurs milliers d'euros et qui ne seront
13:09 pas toujours remboursés par les assurances. Mais en plus, il y a une perte de salaire
13:13 du fait du chômage partiel. Donc là, je fais une demande simple, urgente et immédiate
13:18 au gouvernement et au patronat. Il faut garantir le maintien du revenu à 100% pour tous les
13:24 salariés qui sont en chômage partiel aujourd'hui dans le Pas-de-Calais et pour qui c'est la
13:27 double peine.
13:28 Pardon, je reviens une seconde sur votre demande au gouvernement, parce que précisément,
13:31 on est dans une situation où Elisabeth Borne devait se rendre aujourd'hui sur place dans
13:35 le Pas-de-Calais. Ça renvoie quel message ? Ça ne va pas y aller au sinistré.
13:39 Ça renvoie le message que c'est la politique politicienne qui domine. Et que comme Emmanuel
13:45 Macron est maître des horloges, il a décidé de faire son remaniement, de faire durer le
13:50 suspense et du coup, il n'y a personne comme interlocuteur dans cette situation catastrophique.
13:54 Il y a quand même les préfets.
13:55 Oui, heureusement que la continuité de l'État est assurée. Mais là, il y a besoin d'une
14:00 décision politique pour garantir la rémunération du chômage partiel à 100% et faire en sorte
14:04 qu'il n'y ait pas des dizaines de milliers de salariés, comme là, c'est en train de
14:07 se passer, qui soient doublement pénalisés avec une perte de leur revenu. Et puis après,
14:11 l'autre chose que je veux dire sur le Pas-de-Calais, c'est qu'il faut aussi avoir une réflexion
14:16 de long terme. On sait que cette zone-là, elle est inondable parce qu'elle est en dessous
14:20 du niveau de la mer. On sait qu'avec le réchauffement climatique, il va y avoir une montée des
14:24 eaux très importante. Ce que ça montre la situation, c'est qu'il n'y a zéro anticipation
14:29 des pouvoirs publics. Il n'y a pas de plan ni d'adaptation ni de limitation de l'impact
14:35 environnemental.
14:36 Là, les maisons, elles sont là.
14:37 C'est là-dessus qu'il faut.
14:38 Les maisons, elles sont là. Donc, ça veut dire, comme là, d'ailleurs, sous-entendu
14:40 Christophe Béchut, que certains pourront être déplacés définitivement.
14:42 Oui, mais en attendant, les maisons, elles sont là. Oui, c'est sûr. Il y a des mesures,
14:47 une évaluation à faire. Est-ce qu'il y a un meilleur entretien à avoir là-bas du
14:51 système de canalisation ? Est-ce qu'il y a des zones qui doivent être déclarées
14:54 inhabitables et des personnes relogées ? Bref, c'est un débat qu'il faut avoir. Mais pour
14:57 ça, il faut avoir du courage politique pour se dire franchement les conséquences du réchauffement
15:02 climatique qui est déjà là. Et puis se dire comment est-ce qu'on empêche la catastrophe
15:06 environnementale avec des mesures d'ampleur que le gouvernement ne prend pas du tout,
15:10 puisque il agit toujours au service des puissants, des multinationales et qu'il ne veut pas rompre
15:14 avec ce dogme-là.
15:15 Sophie Binet, lors de ses voeux hier, le ministre de l'économie, il a encore actuellement,
15:20 Bruno Le Maire a une nouvelle fois tiré la sonnette d'alarme sur les finances de la France.
15:24 Le plus dur était devant nous, c'est ce qu'il a dit, il va falloir trouver 12 milliards
15:28 d'économies pour 2025. Je vois que ça ne vous ravit pas. Avec 3000 milliards de dettes,
15:35 Sophie Binet, est-ce qu'il a raison quand même de dire il va falloir se serrer la ceinture
15:38 ?
15:39 Oui, d'abord, je veux remercier Bruno Le Maire pour ses voeux. Vraiment un grand message
15:43 d'optimisme pour 2024. Donc merci. Ensuite, le disque est un petit peu rayé parce qu'il
15:48 nous répète ça en permanence. Et puis la CGT a une proposition toute simple pour faire
15:52 des économies. Chaque année, la France dépense 200 milliards d'euros à des aides sans condition
15:57 ni contrepartie pour les entreprises. Ça représente un tiers du budget de l'État.
16:01 Mais de quelles aides vous parlez précisément ?
16:04 Oh, eh bien, il y en a beaucoup. D'ailleurs, j'aimerais bien que le gouvernement commence
16:08 par les lister et les évaluer. Chose qui n'existe pas.
16:11 C'est dans le viseur du gouvernement, visiblement. Le crédit impôt recherche, par exemple,
16:16 est dans le viseur de Bercy. Faut aller dans ce sens-là. Faut aller vers les entreprises.
16:21 Il serait temps, effectivement, de parler du crédit impôt recherche. Le crédit impôt
16:25 recherche, c'est plus de 7 milliards chaque année. 7 milliards, c'est un tiers du budget
16:28 de l'enseignement supérieur et de la recherche. Un tiers du budget de toutes les universités,
16:32 organismes de recherche, etc. Sur le crédit impôt recherche, il y a des dizaines de rapports
16:35 qui s'empilent, qui pointent tous le fait que le crédit recherche est capté par les
16:39 plus grandes entreprises et ne va pas forcément financer de la recherche. Je prendrais un
16:42 exemple. Sanofi, qui a touché quasiment un milliard de crédit impôt recherche en 10
16:46 ans et qui a licencié la moitié de ses chercheurs et qui n'a toujours pas trouvé de vaccin
16:50 contre le Covid. Donc, on voit bien qu'il y a un problème avec ce crédit impôt recherche.
16:53 Mais je pourrais lister sur plein d'autres aides. Encore une fois, 200 milliards, c'est
16:56 beaucoup. Vous pointiez le pessimisme, on va dire,
16:59 de Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie. Il y a au moins un point sur lequel il se
17:01 montre optimiste, c'est que les prix dans l'alimentaire devraient baisser. Vous lui
17:05 faites confiance ou il s'avance trop ?
17:06 Bah écoutez, là encore, le disque est un peu rayé parce que ça fait quand même quasiment
17:11 presque un an que Bruno Le Maire nous dit "ayez confiance, les prix vont baisser".
17:15 C'est un peu comme l'eau au Pas-de-Calais. On lui dit "ne vous inquiétez pas, ça va
17:18 baisser". Et bien en fait, ça ne baisse pas, notamment les prix des produits de première
17:21 nécessité, des produits alimentaires. Et par contre, ce qui n'augmente pas, c'est
17:25 les salaires. Et donc, on a des salaires qui, pour la première fois depuis 1970, baissent
17:30 en euros constants avec des travailleuses et des travailleurs qui ne peuvent plus remplir
17:34 leur frigo, qui ne peuvent plus payer leur loyer. Et par contre, ce qui explose en France,
17:39 c'est les dividendes. Et ça, ce qui est choquant, c'est qu'on n'entend pas Bruno Le Maire,
17:42 le président de la République ou la première ministre parler de ça, alors que c'est le
17:45 sujet central. Jamais les dividendes n'ont atteint un tel niveau. Le problème de l'inflation,
17:52 c'est la boucle prix-profit, c'est-à-dire que les profits explosent, ce qui fait augmenter
17:57 les prix. C'est là-dessus que le gouvernement ne veut pas agir. Et au lieu d'agir sur cette
18:02 explosion inédite, je le répète quand même, inédite des dividendes, ce que fait le président
18:06 de la République, c'est qu'il distribue la Légion d'honneur à ses meilleurs amis, c'est-à-dire
18:10 ceux qui distribuent les dividendes. La promotion 2023, Bernard Arnault, l'homme le plus riche
18:19 du monde, meilleur ami du président de la République. Il ne mérite pas la Légion d'honneur.
18:21 Patrick Pouyanné, PDG de Total et de Rothschild, un grand banquier. La Légion d'honneur, ça
18:30 vient pour récompenser l'intérêt général. Moi, ce que je pose comme question, c'est
18:34 quel est le rapport à l'intérêt général, par exemple, au patron de Total pour l'intérêt
18:38 général. Et par contre, ces trois secteurs-là sont les secteurs qui ont distribué le plus
18:42 de dividendes. Donc ce que j'observe, c'est que non seulement le gouvernement n'agit pas,
18:46 mais en plus, il récompense les patrons qui nous volent notre salaire pour aller enrichir
18:51 les actionnaires et augmenter leur salaire.
18:52 Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, vous êtes avec nous jusqu'à 9h. On
18:55 vous retrouve juste après le Fil info. Il est 8h52. Sophie, échaîne.
18:59 Elisabeth Borne laisse une démocratie gravement abîmée. Les mots sur France Info de la secrétaire
19:05 générale de la CGT, Sophie Binet. L'ancienne Première ministre a démissionné. Hier,
19:09 on attend toujours le nom de son successeur. Et alors que plusieurs noms circulent, dont
19:13 celui de Gabriel Attal, Sophie Binet estime que ce sera la même politique et que ce seront
19:17 donc les mêmes critiques. Elle appelle à un changement de cap d'urgence. Il y a 100
19:21 fois plus de micro-particules de plastique dans l'eau en bouteille que ce qu'on pensait
19:25 jusqu'à présent. C'est le résultat de tests sur plusieurs marques populaires publiés
19:29 dans une nouvelle étude. On trouve en moyenne 240 000 minuscules morceaux de plastique par
19:34 litre d'eau. 4 jours après cet incident dans un Boeing 737 Max aux Etats-Unis, une
19:39 porte qui s'arrache en plein vol, deux compagnies aériennes américaines annoncent avoir découvert
19:44 des équipements mal fixés lors de vérifications sur leurs appareils, notamment des boulons
19:48 mal vissés. Et puis le Kaiser Franz Beckenbauer est mort. La légende allemande du football
19:54 avait 78 ans.
19:55 Toujours avec Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, on parlait des salaires juste
20:08 avant le fil info. Chez EDF, la direction propose une augmentation d'un et demi pour
20:12 cent. C'est insuffisant selon les syndicats qui réclament une augmentation supérieure.
20:19 Un préavis de grève a été déposé. Est ce que c'est le bon moment dans cette période
20:22 de froid pour déposer un préavis de grève chez EDF ?
20:25 C'est le bon moment pour faire grève pour son salaire. D'ailleurs, j'appelle tous les
20:29 salariés de France à faire la même chose que les salariés d'EDF, c'est à dire à
20:32 s'organiser pour faire grève pour gagner des augmentations de salaire.
20:34 À un moment où on a besoin d'électricité.
20:36 Oui, mais sauf que les salariés, ils ont besoin d'avoir des salaires qui augmentent
20:41 pour faire face à l'inflation. Et on ne va pas demander aux salariés d'EDF plus qu'à
20:46 d'autres de se sacrifier. Donc là, ce qui se passe à EDF, ça doit au contraire avoir
20:49 un effet d'entraînement pour que l'ensemble des salariés amplifie la mobilisation pour
20:55 gagner des augmentations de salaire. C'est ce qu'on a fait par exemple en décembre à
20:58 Honnêt à Montpellier, où après trois semaines de grève, les salariés ont gagné des augmentations
21:04 de salaire. C'est ce qu'il faut faire partout.
21:05 Pour l'instant, c'est un préavis. Il y aura une grève chez EDF ?
21:08 J'espère qu'il n'y aura pas de grève. Nous, ce qu'on appelle, c'est la direction à venir
21:12 négocier pour au moins garantir le maintien du pouvoir d'achat à EDF. Et ce que je tiens
21:17 à dire, c'est que ce préavis n'est pas du tout lié à la situation climatique.
21:20 Il y a une négociation en cours actuellement. On ne va pas nous demander d'aller négocier
21:24 à froid sans rapport de force. La direction ne nous entend pas. Donc on appelle les salariés
21:28 à se mobiliser. Le jour où elle revient à la table des négociations, la grève s'arrête.
21:32 Ça ne nous fait absolument pas plaisir de faire grève. On perd du salaire les jours
21:35 de grève, je le rappelle.
21:36 Hier, sur ce plateau, Sophie Binet, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher
21:40 a confirmé que le leasing social de voitures électriques à 100 euros est réservé aux
21:45 personnes modestes qui travaillent, donc pas les chômeurs, pas les retraités. Est-ce
21:50 que vous le comprenez ça ?
21:51 Non, pas du tout. Et ça s'inscrit en fait dans la stigmatisation permanente de ce gouvernement
21:57 en direction des chômeurs, comme si les 6 millions de personnes qui sont privées d'emploi
22:02 le choisissaient. Je rappelle qu'être chômeur, c'est une grande violence. Personne ne le
22:07 choisit. Quand on est chômeur, on a moins de revenus et donc par principe, on devrait
22:11 avoir accès à ce type de dispositif.
22:13 Sauf qu'elle dit que l'emploi dispose déjà d'aide pour les personnes qui cherchent un
22:18 emploi pour se déplacer. Et donc là, dans le cadre du leasing social, priorité à ceux
22:23 qui travaillent.
22:24 Alors déjà, je rappelle qu'il y a la moitié des personnes privées d'emploi qui n'ont
22:27 pas d'allocation, enfin même 60% qui n'ont pas d'allocation chômage. Première chose.
22:32 La deuxième chose, c'est que les aides de Pôle emploi sur les frais de déplacement,
22:35 elles sont très ponctuelles et elles ne sont pas liées au fait de s'équiper d'un véhicule
22:38 non polluant. Et la troisième chose, c'est que les zones de faible émission qui sont
22:41 en train de rentrer en vigueur dans les grandes villes, elles s'appliquent à tout le monde,
22:44 aux salariés comme aux chômeurs. Et donc ça veut dire quoi ? Que les chômeurs ne
22:48 pourraient plus rentrer dans les centres-villes parce qu'ils n'auraient pas les moyens de
22:50 s'équiper d'un véhicule non polluant. Donc c'est juste scandaleux. Mais ce que je veux
22:53 dire aussi, c'est que l'enjeu quand même, c'est d'agir à la source. Le problème, c'est
22:57 que les véhicules électriques sont beaucoup trop chers. La CGT demande à ce qu'il y ait
23:01 des véhicules électriques à bas coût produits en France.
23:04 Mais ce n'est pas un vœu pieux ça ?
23:05 Eh bien non, pas du tout. En fait, on a un projet industriel de véhicules électriques
23:10 à autour, qui seraient commercialisés autour de 14 000 euros, produits intégralement
23:14 en France, ce qui montre que c'est possible. C'est possible pourquoi ? D'abord en changeant
23:19 la conception du véhicule, en ayant un véhicule plutôt petit, ce qui est en plus plus
23:23 économe d'un point de vue environnemental, plus vertueux.
23:26 Pardon, mais les constructeurs, ils le savent ça. S'ils savent faire, s'ils peuvent faire,
23:30 il n'y a pas de mauvaise foi.
23:31 Eh bien, expliquez-moi pourquoi Renault-Nissan, Renault-Nissan, donc on connaît bien Renault
23:35 en France. Les Japonais connaissent aussi, ils ont Nissan. Eh bien, Nissan au Japon
23:40 produit un véhicule électrique fabriqué au Japon qui est vendu 17 000 euros, l'équivalent
23:44 de 17 000 euros en yuan, au Japon. Pourquoi est-ce que ce qui est possible au Japon n'est
23:48 pas possible en France alors que les salaires sont à peu près d'un même niveau ?
23:51 On parle encore de la technologie en France, mais on est pas progressiste.
23:53 Pas du tout, parce que le gouvernement japonais a imposé aux constructeurs japonais de construire
23:57 des véhicules à bas coût produits au Japon. C'est tout à fait possible. C'est un choix
24:02 industriel et économique que font les constructeurs pour se dégager toujours plus de marge pour
24:06 leurs actionnaires. Ils préfèrent construire des gros véhicules chers parce que c'est
24:10 ça qui leur dégage des marges et c'est un problème social et environnemental.
24:14 Sophie Binet, sur toute autre chose, avant les fêtes, Emmanuel Macron a provoqué un
24:17 tollé en expliquant sur le plateau de C'est à vous sur France 5 que l'acteur Gérard
24:22 Depardieu rendait fière la France. Est-ce que l'expression du chef de l'État vous
24:27 a aussi heurté ?
24:28 Oui, ça m'a profondément choqué. D'abord, c'est le président de la République, donc
24:34 quand il s'exprime comme ça, c'est une parole qui a un poids, c'est une parole qui revient
24:37 à cracher au visage de toutes les victimes. On ne peut pas dans le même temps dire aux
24:42 femmes, elle est culpabilisée d'ailleurs quand elles ne le font pas, qu'il faut qu'elles
24:44 parlent, qu'il faut qu'elles aillent porter plainte, etc. Et puis dans le même temps,
24:49 défendre les agresseurs dès lors qu'il s'agit d'hommes puissants. Parce qu'en fait, c'est
24:52 ça le discours du président de la République et de tous les défenseurs de Depardieu. C'est
24:55 ah oui, mais c'est un grand acteur. Oui, sauf qu'on peut être un grand acteur et être
24:59 un agresseur sexuel.
25:00 Il dit aussi qu'il y a la présomption d'innocence et qu'il déteste les chasses à l'homme.
25:04 Il a raison aussi de le signifier ça ?
25:05 Alors justement, le terme est bien choisi, chasse à l'homme en fait. Donc ça veut
25:11 dire qu'on empêche les femmes de parler des violences sexuelles dont elles sont victimes.
25:15 La présomption d'innocence, c'est très important. La CGT y est très attachée dans
25:19 le cadre du procès pénal. Mais aujourd'hui, la présomption d'innocence, elle est instrumentalisée
25:23 pour museler les victimes, pour les empêcher de se déclarer victimes et pour nous empêcher
25:28 d'être solidaires. À la CGT, ce que nous disons toujours aux femmes victimes, c'est
25:34 « tu n'y es pour rien, je te crois ». C'est ça dont on a besoin comme parole au plus
25:37 haut sommet de l'État.
25:38 Il faut lui retirer la Légion d'honneur à Gérard Depardieu ?
25:40 Oui, ça serait la moindre des choses. Moi, ce que j'observe quand même, c'est que cette
25:44 situation est un révélateur puisque qui défend Gérard Depardieu ? Soit des personnes
25:48 issues de l'extrême droite qui ont rédigé la tribune de défense de Depardieu, soit des
25:52 agresseurs sexuels puisqu'on se rend compte que dans la tribune, il y a un certain nombre
25:55 de personnes qui, aujourd'hui, sont mises en cause pour agressions sexuelles. Les masques
26:00 tombent.
26:01 Voilà, le président de la République n'est dans aucun des deux cas.
26:02 En l'instant.
26:03 Merci en tout cas Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT d'avoir été avec nous
26:07 ce matin sur France Info. Je vous laisse en compagnie de Salia Brakhlia, le programme
26:11 des informés. Dans cinq minutes, Salia.
26:12 On va revenir sur l'actualité politique qui mobilise cette journée. Qui va succéder
26:17 à Elisabeth Borne ? Pourquoi un remaniement maintenant ? Pourquoi faire ? Avec qui ? On
26:22 répond à toutes ces questions avec Renaud Delis et ses informés. A tout de suite sur
26:25 France Info.