La loi immigration a scindé la majorité en deux, et a suscité une vague de démission. Que ce soit Gérald Darmanin qui avait posé sa démission après la motion de rejet d'une première version de la loi immigration. Aurélien Rousseau, ancien ministre de la Santé, qui a démissionné après l'adoption d'une seconde version du projet de loi immigration. Mais ce n'est pas la première fois que ce genre de démissions. Le décryptage de l'éditorialiste politique, Matthieu Croissandeau.
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00:00 La politique, Mathieu Croissando, tout de suite.
00:03 On a appris hier que la ministre de l'Enseignement supérieur allait à son tour présenter sa démission.
00:07 Qu'elle l'avait présentée, pardon, suite à la loi immigration, emboîtant le pas à Aurélien Rousseau.
00:13 Sa démission a été refusée d'ailleurs.
00:15 Oui, c'est tout un art la démission, surtout quand elle n'intervient pas pour des raisons personnelles,
00:20 mais pour des raisons politiques.
00:21 Et de ce point de vue, on en a eu trois exemples en une dizaine de jours.
00:25 Premier exemple, la vraie fausse démission.
00:27 Celle de Gérald Darmanin qui avait présenté sa démission au président de la République
00:30 au soir du vote de la motion de rejet à l'Assemblée la semaine dernière
00:32 et que le président de la République avait aussitôt refusé.
00:34 En fait, les deux hommes n'avaient aucune envie de se séparer.
00:37 Présenter sa démission pour se la faire refuser, c'était surtout un moyen de se faire
00:40 relégitimer pour le ministre de l'Intérieur.
00:43 Second cas, Aurélien Rousseau, le ministre de la Santé que vous voyez à l'écran.
00:46 Lui, il a claqué la porte après le vote de la loi immigration pour marquer un désaccord politique.
00:51 Donc c'est une raison différente.
00:53 Celle-ci nécessite une justification et la sienne était particulièrement ciselée.
00:56 On se rappelle, cela touche au mur porteur.
00:58 Je ne donne de leçons de gauche ou de morale à personne.
01:01 Je constate cliniquement que ce n'est pas possible pour moi d'expliquer ce texte.
01:05 Le problème, c'est que ça n'imprime pas forcément parce qu'Aurélien Rousseau
01:07 n'était pas très connu des Français.
01:08 C'est pas une personnalité politique très connue.
01:10 Puis, il n'a pas beaucoup de poids politique.
01:11 Troisième cas, la démission pour raison politique, mais qui est refusée.
01:15 Et alors là, on entre dans le bizarre.
01:17 C'est un peu "retenez-moi ou je fais un malheur".
01:19 Ça a traversé l'esprit de plusieurs ministres cette semaine.
01:22 Et donc, il y a ce cas de la ministre de l'Enseignement supérieur,
01:25 qui a démissionné parce qu'elle n'était pas d'accord avec la mesure sur les étudiants étrangers.
01:28 Vous savez que la loi veut leur imposer une caution pour qu'ils viennent faire leurs études en France.
01:33 Mais le président de la République et la première ministre,
01:35 qui lui ont dit en substance "T'inquiète pas parce que nous, on n'est pas d'accord non plus.
01:38 Donc, il faut que tu restes".
01:39 Vous conviendrez que là, on est dans l'inédit.
01:42 - Alors, réussir sa démission, c'est un talent. Il faut quoi ?
01:44 - Il faut d'abord avoir du poids politique.
01:46 Il faut ensuite incarner quelque chose.
01:48 Il faut enfin choisir son moment.
01:50 Et puis, j'allais dire, il faut surtout le faire.
01:52 La star en la matière, c'est évidemment Jean-Pierre Chevallemand.
01:55 Trois démissions au compteur.
01:57 Et l'auteur de cette célèbre phrase, "Un ministre, ça ferme sa gueule.
02:00 Si ça veut l'ouvrir, ça démissionne".
02:02 Cette petite phrase, il l'avait prononcée en février 1983.
02:04 Il venait de se faire recadrer par François Mitterrand dans un conseil des ministres.
02:08 - Ah, c'est si bien ça, je serais plus récent.
02:09 - Non, non, non. Il venait de se faire recadrer par le président de la République en personne.
02:12 Les deux hommes, en fait, s'opposaient sur la politique économique
02:14 et notamment la gestion des entreprises publiques.
02:15 Ça ne lui avait pas porté préjudice parce qu'il a été ensuite plusieurs fois ministre.
02:18 Seconde démission à un moment critique.
02:20 Ça, c'est le sens du timing de Jean-Pierre Chevallemand.
02:22 On est en pleine guerre du Golfe et il démissionne parce qu'il est ministre de la Défense quand même.
02:26 Et il refuse l'engagement des troupes françaises.
02:29 Et puis, troisième démission, j'allais dire jamais deux sans trois.
02:32 Cette fois-ci, il est ministre de l'Intérieur du gouvernement Jospin.
02:35 Et il démissionne en 2000 en désaccord avec le plan du Premier ministre sur la Corse.
02:39 C'est surtout aussi une façon de préparer la présidentielle qui arrive en 2002 à laquelle il veut se présenter.
02:44 Dans un autre genre, j'aurais pu vous parler de Nicolas Hulot,
02:47 prise de guerre d'Emmanuel Macron qui lui claque entre les doigts au bout d'un an,
02:51 à la radio, en direct, sans avoir prévenu ni le président de la République ni la première ministre.
02:55 En fait, une bonne démission, c'est celle qui laisse des traces.
02:58 Et de ce point de vue, on peut dater une forme de rupture d'Emmanuel Macron avec les écologistes.
03:03 Merci Mathieu.