Le sociologue, Mathieu Bock-Côté, était l'invité de Face à l'Info pour parler de la loi immigration : «L'immigration qui transforme en profondeur la France depuis 40 ans est l'immigration légale».
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00:00 Je vous avouerai, et je le dirai sobrement, que j'ai l'impression d'être plongé dans
00:03 une pièce de théâtre qui se veut dramatique mais qui en fait nous sommes devant une comédie.
00:08 Je m'explique.
00:09 On est apparemment devant deux projets absolument contradictoires.
00:14 Le projet du Sénat qui représenterait le projet de la droite dure, le projet ferme,
00:20 le projet résolu.
00:21 Et le projet de la Commission des lois, mais plus largement qui nous vient de Renaissance,
00:26 Sacha Houlier et tout ça, et ce serait le projet plus libéral, plus laxiste et déshumaniste
00:32 chez ces gens pour se donner un peu de noblesse.
00:35 Donc on aurait deux projets qui seraient fondamentalement contradictoires.
00:40 Et si vous votez pour, alors si vous étiez favorable au premier et que vous acceptez
00:44 le deuxième, c'est comme si vous étiez en train de vous trahir et l'inverse.
00:48 Or, bien franchement, je regarde ça et je me dis pourquoi tant d'émotions, pourquoi
00:52 tant de théâtre, pourquoi tant de comédie alors que nous sommes finalement devant deux
00:58 versions différentes d'un projet s'inscrivant dans la même philosophie.
01:02 On n'est pas devant deux projets fondamentalement différents ici.
01:06 Nous sommes devant le même projet avec d'un côté une inflexion un peu à gauche, de
01:10 l'autre côté une inflexion un peu à droite, mais le même projet fondamentalement immigrationniste.
01:16 Et si on n'est pas capable de voir qu'en ce moment le débat public est confisqué,
01:20 le commun est mortel, fini par s'en rendre compte.
01:22 On lui dit voilà le projet dont vous… si vous êtes ferme, si on vous prête une forme
01:27 de fermeté, de radicalité sur l'immigration, voilà le projet du Sénat.
01:30 Et si vous vous prenez pour un homme libéral, tout ça, vous aimez les services publics,
01:34 vous pensez que France Inter c'est le sommet de la culture, alors vous dites ah ben ça,
01:37 c'est mon projet, le projet Houllier.
01:38 Mais pour vous clairement, les deux versions sont immigrationnistes.
01:43 Oui bien sûr, mais avec des nuances, avec des nuances.
01:45 C'est-à-dire du côté du projet du Sénat.
01:47 On met de l'accent, par exemple, une plus grande vigueur pour reconduire les étrangers,
01:52 les clandestins en fait, qui n'ont pas vocation à être ici.
01:55 Très bien.
01:56 Alors ensuite, je suis curieux, pourquoi on s'y opposerait?
01:58 De l'autre côté, on se présente comme les défenseurs de l'état social appliqué
02:04 aux étrangers.
02:05 Bon, d'accord.
02:06 Mais fondamentalement, on est dans la même matrice idéologique.
02:09 Qu'est-ce que j'entends par là?
02:10 On ne parle que d'immigration illégale.
02:13 Fondamentalement, ce projet porte sur l'immigration illégale.
02:15 Or, on oublie que l'immigration qui transforme en profondeur la France depuis 40 ans, ce
02:21 n'est pas que l'immigration illégale.
02:22 Ce n'est même pas d'abord l'immigration illégale, c'est l'immigration légale.
02:27 Et c'est toute une série de systèmes qui provoquent un appel d'air immense, qui eux
02:32 font en sorte qu'il y a une immigration qui rentre parfaitement dans les règles du droit,
02:37 dans les règles de ce qu'ils appellent aujourd'hui l'état de droit.
02:40 Donc, on est dans une situation où le projet de loi gouvernementale, que ce soit la version
02:44 du Sénat ou l'autre, aucun ne remet en question fondamentalement la dynamique démographique
02:52 qui transforme le portrait de la France.
02:55 Et le premier à le reconnaître, et ça vaut la peine de le dire, c'est Éric Ciotti.
02:59 Éric Ciotti, qui est l'homme fort sur l'immigration, c'est le futur ministre de l'Intérieur
03:03 d'un gouvernement de droite, appelons-le comme ça.
03:05 C'est celui qu'ils voudraient l'héritier de Charles Pasquoie.
03:08 C'est un homme qui se veut fier, mais tout ça.
03:10 Mais qu'est-ce qu'il dit?
03:11 Il dit tant qu'on n'aura pas un référendum sur l'immigration.
03:14 Qui permet de transformer fondamentalement nos institutions?
03:18 Qui permettra aussi d'avoir, de multiplier les moyens et de nous donner les moyens de
03:23 ne plus être débordés par cette question?
03:25 Je cite ici souvent cette phrase de Marcel Gauchet, « La question de l'immigration
03:28 pourrait être pour la 5e République, ce que la question de l'Algérie a été pour
03:31 la 4e.
03:32 Tant que nous ne réformons pas en profondeur les institutions, nous serons impuissants
03:37 et nous ne pourrons pas, dans le cadre juridique actuel, arrêter l'immigration massive.
03:44 Or, et on y reviendra dans un instant, ce que souhaitent les Français, pour peu qu'on
03:47 prenne au sérieux les enquêtes d'opinion, on n'est pas obligé, mais pour peu qu'on
03:50 les prenne au sérieux quand elles sont bien faites.
03:52 Et franchement, je reviendrai, on a eu une très très bonne enquête ce week-end, les
03:56 Français ne veulent pas réguler l'immigration pour qu'elle entre de manière légale plutôt
04:00 qu'illégale.
04:01 Ils veulent globalement stopper l'immigration massive et s'en donner les moyens.
04:05 Est-ce que ce projet dans la version Sacha Houllier le permet?
04:08 Non.
04:09 Est-ce que ce projet dans la version du Sénat le permet?
04:11 Non plus.
04:12 Mais on fait semblant.
04:13 Je reviens parce que c'est important qu'on est dans le grand débat entre deux options
04:17 contradictoires.
04:18 Nous sommes ici dans les nuances à l'intérieur du même.
04:21 Alors, on va revenir sur ce sondage, justement, dans le journal du dimanche.
04:25 Un sondage qui cherchait à comprendre en profondeur et qui explorait et précisait
04:31 les attentes des Français en matière d'immigration.
04:34 Et là, ça vaut le coup de s'arrêter.
04:36 C'est absolument passionnant comme enquête parce que, vous savez, quelquefois, il suffit
04:38 de poser la question adéquatement pour aller au-delà des catégories généralement entendues.
04:43 Dans le discours médiatique.
04:45 Et ce qui était intéressant dans ce sondage, c'est qu'il prenait l'immigration comme
04:49 un phénomène global.
04:50 Pas simplement légal, illégal, avec les subdivisions administratives qui sont importantes,
04:56 évidemment, quand il est le temps de gérer ce phénomène, mais l'immigration comme
04:59 phénomène historique.
05:00 L'immigration comme le, je dirais, le qui-dame, comme le commun des mortels l'aperçoit.
05:05 Et là, c'est assez intéressant.
05:07 On va y aller avec quelques chiffres qui viennent du sondage.
05:09 Et chaque fois, j'insiste, les chiffres, ça témoigne d'un appui massif.
05:13 66%, commençons par là, des Français souhaiteraient un référendum sur l'immigration.
05:19 Alors, c'est pas qu'ils veulent être consultés dans le vide comme ça.
05:22 « En immigration, qu'est-ce que t'en penses?
05:23 Ah, bien, j'aime bien.
05:24 J'aime pas.
05:25 » Non, ils ont compris que le référendum, c'est le moyen, aujourd'hui, de donner à
05:30 l'État le pouvoir nécessaire pour stopper l'immigration massive.
05:35 Parce qu'on l'a dit, dans la configuration juridique actuelle, on peut, il y a quelques
05:40 leviers, mais on remet pas en question le cadre qui nous a conduit et qui nous a mêlé
05:44 à subir l'immigration massive.
05:45 Donc, les Français disent « Redonnez-nous le pouvoir, s'il vous plaît.
05:49 » On veut se prononcer sur ça.
05:51 Je note, j'y reviendrai, nous avons reçu au grand rendez-vous Éric Wörth dimanche,
05:56 qui s'opposait, j'y reviendrai parce que c'est important, à un tel référendum.
06:00 On verra pourquoi.
06:01 De même, 67% veulent le primat du droit national sur le droit européen.
06:06 Est-ce que c'est clair?
06:08 Je me dis, est-ce que nos élites pourraient finir par comprendre?
06:12 Près du deux tiers des Français considèrent que la France doit gouverner sa propre politique
06:18 d'immigration et ne pas être soumise à une juridiction extérieure, étrangère,
06:23 post-nationale.
06:24 C'est plutôt clair, la préférence populaire ici.
06:26 On n'est pas devant un 51-49, oh là là, le pays est divisé.
06:29 Le pays n'est pas divisé.
06:31 Le pays se prononce massivement pour un primat du droit national.
06:36 Autrement dit, il n'associe plus de confier à la juridiction bruxelloise, à l'oligarchie
06:41 bruxelloise, aux commissaires politiques bruxellois, aux commissaires…
06:45 Il ne faut plus leur confier la politique d'immigration.
06:47 On a parlé, rappelez-vous, sur ce plateau il y a quelques jours, de Mme Ylva Johansson,
06:51 la commissaire aux affaires internes de l'Union européenne, qui présente l'immigration
06:55 comme un projet.
06:56 Pour elle, c'est un projet l'immigration massive.
06:58 Les Français manifestement disent non, ce n'est pas à vous, Mme Johansson, ancienne
07:01 députée apparentée communiste suédoise, de dire aux Français comment vous devez organiser
07:06 votre politique d'immigration.
07:07 Je poursuis.
07:09 60 % contre l'acquisition automatique de la nationalité.
07:12 Qu'est-ce que ça veut dire?
07:14 Qu'on comprend très bien que la nationalité ne saurait plus être simplement un résidu
07:19 administratif.
07:20 Une nationalité, c'est une culture, c'est une langue, c'est une mémoire, c'est une
07:23 adhésion.
07:24 Quand on nous dit, comme on a pu l'entendre…
07:26 Ça se mérite.
07:27 Oui, ça se mérite ou alors ça s'irrite.
07:29 Parce que c'est aussi la continuité des générations.
07:31 Or, qu'est-ce qu'on voit ici?
07:33 On nous dit de plus…
07:34 On nous dit français de papier, c'est une expression d'extrême droite.
07:36 Un instant.
07:37 Est-ce qu'on a une dissociation de plus en plus marquée entre la nationalité existentielle
07:41 et la nationalité strictement administrative?
07:43 Oui, tout le monde le sait.
07:46 Et le fait est qu'il faut finir par le nommer, ce que disent les Français ici.
07:49 Je vais plus loin.
07:50 Rupture de l'accord avec l'Algérie de 68.
07:53 71%.
07:54 Pas 51, pas 52, pas 53.
07:59 71.
08:00 Ça veut dire que globalement, les Français veulent en finir avec le privilège algérien.
08:03 Ils veulent en finir avec ce privilège accordé à l'Algérie qui permet aux Algériens
08:08 finalement d'avoir un passe-droit immigrationniste pour s'installer en France.
08:11 C'est plutôt clair, encore une fois.
08:13 Ceux qui nous disent « nous sommes à l'écoute du peuple, nous voulons comprendre ce que
08:16 veut le peuple », ils le disent assez clairement.
08:18 Vous avez le droit de vous débloquer les oreilles, c'est permis les enfants.
08:20 Je vais plus loin.
08:22 Quelle est la réaction, et ça c'est important, quelle est la réaction de nos élites globalement,
08:27 des grands partis qui s'opposent là-dedans?
08:28 D'un côté, vous avez la droite libérale, appelons-la comme ça.
08:32 J'ai cité M.
08:33 Wirt, qui est un homme de qualité, la question n'est pas là, mais qui disait dimanche
08:37 au rendez-vous, puis représentait le point de vue de la droite libérale patronale ici,
08:41 la France a besoin d'immigration.
08:43 Pas les immigrants ont besoin de la France.
08:46 La France a besoin d'immigration, et c'est le discours aussi de l'association des restaurateurs,
08:51 qui dit…
08:52 C'est pas le seul, effectivement.
08:53 Je le mentionnais parce que c'est un homme de qualité, donc c'est pas n'importe qui
08:56 qui dit ça, mais il y en a de nombreuses, elle a besoin.
08:58 Donc même si les Français disent « c'est assez, on n'en peut plus, on suffoque, ce
09:03 n'est plus possible », eh bien on dit « on va continuer », parce que certaines catégories
09:08 économiques, certaines milieux économiques en ont besoin pour leurs intérêts catégoriels
09:12 à court terme, sans même se rendre compte qu'ils plombent le pays économiquement à
09:15 moyen et non terme avec cela.
09:17 Donc on leur dit « on sait ce que vous voulez, on le sait ce que voulait les Français, mais
09:20 on ne vous le donnera pas, parce qu'on pense, nous, on a une vision supérieure de l'intérêt
09:24 économique de la France là-dedans ».
09:25 M. Wirt pense de la même manière que M. Mélenchon.
09:28 C'est important.
09:29 M. Mélenchon, qui hier répondait, je reviendrai en deuxième édito, à Marion Maréchal, il
09:34 dit, c'est formidable, « sans l'immigration, le pays s'arrête ». Il demande à Marion
09:40 Maréchal « qu'en dira-t-elle merci aux immigrés qui font vivre le pays ? ».
09:43 Donc la France est un pays assisté.
09:46 La France est un pays qui est incapable de rien faire par lui-même, on l'a bien compris
09:49 dans leur esprit.
09:50 Pour eux, la France n'a pas été capable de se libérer par elle-même.
09:53 Ce sont les forces venues des colonies qui ont libéré la France.
09:56 La France n'a pas été capable de se reconstruire par elle-même.
09:58 Ce sont les travailleurs étrangers qui ont reconstruit la France.
10:00 Dans l'esprit de M. Mélenchon, la France est incapable de faire par elle-même quoi
10:04 que ce soit, et l'immigré est vu comme une présence salvatrice.
10:07 C'est le rédempteur extérieur.
10:08 Ce que je note, c'est que la majorité libérale, ou la majorité centriste, et M. Mélenchon
10:14 ont la même lecture de l'immigration.
10:16 Ils veulent la réguler différemment, mais fondamentalement pour eux, il faut poursuivre
10:21 l'immigration massive.
10:22 Il faut continuer une politique d'immigration massive.
10:25 On pourrait y voir une forme de coup d'état démographique en quelque sorte, une entreprise
10:31 où on change sur le moyen et le long terme la composition fondamentale d'un peuple.
10:35 On pourrait y voir aussi une immense entreprise d'ingénierie identitaire, mais dans un cas
10:39 comme dans l'autre, la rupture est claire entre la classe politique et la population
10:43 parce que les Français, je le redis, ne sont pas divisés pour l'essentiel sur cette question.
10:47 Il y a simplement leurs élites qui ont décidé de ne pas tenir compte de leur préférence
10:50 collective.
10:51 On se souvient de l'édito de Charlotte Dornelas qui parlait justement de la communauté algérienne
10:58 la semaine dernière.
10:59 Le maire de Marseille, Benoît Payon, a affirmé que Marseille était la première ville algérienne
11:05 de France.
11:06 Comment comprendre cette phrase dans le présent contexte ?
11:10 À tout le moins, les hommes de gauche ont le droit de dire des choses que d'autres n'ont
11:13 pas le droit de dire.
11:14 C'est-à-dire, quand de mémoire, Éric Zemmour avait qualifié je ne sais plus quelle ville
11:19 de ville islamisée, on avait dit « c'est inacceptable, c'est un propos qui relève
11:24 du grand emplacement, M. Zemmour ». On l'a poursuivi pour ça.
11:27 Il s'en est tiré, soit dit en passant, parce que de temps en temps, les tribunaux
11:30 évitent de faire du zèle idéologique.
11:31 Pas tous, mais ils en font souvent.
11:34 Quoi qu'il en soit, ce que nous dit le maire de Marseille, c'est tout simple.
11:38 Si vous avez une population de plus en plus algérienne à Marseille, si cette population
11:44 transforme profondément l'identité de la ville, si fondamentalement le référent algérien
11:48 – parce que lorsque les gens arrivent en France, ils n'oublient pas d'un coup la
11:51 référence algérienne – si le référent algérien est de plus en plus présent à
11:55 Marseille, Marseille devient une ville algérienne.
11:58 Ce n'est pas Mathieu Bocoté qui le dit, c'est le maire de Marseille.
12:02 C'est la plus importante, la plus grande ville algérienne en France.
12:06 On comprend donc par cette phrase qu'il y en a d'autres.
12:08 Il y a d'autres villes algériennes en France, mais d'autres qui sont de moindre importance.
12:14 C'est important comme propos.
12:15 La question qu'on peut poser, c'est est-ce que de ce point de vue, Marseille peut être
12:19 à la fois une ville française et algérienne, selon le pape François probablement.
12:23 Mais sur le fond des choses, est-ce qu'à moins de croire qu'elle est juridiquement
12:27 française et culturellement algérienne, ce qui est certain, c'est qu'un peuple
12:31 s'installe, un peuple progresse, un peuple s'installe en réclamant son nom, en changeant
12:36 la culture du pays où il s'installe.
12:38 À l'échelle de l'histoire, il y avait des termes pour nommer cela, mais vous le
12:42 savez, les autorités proscrivent de l'usage de tels termes.
12:45 Donc on dirait simplement que c'est une évolution démographique indésirée.
12:49 Merde.
12:49 [Musique]
12:52 [SILENCE]