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Le président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius, est l'invité de Questions politiques. Il réagit aux multiples recours par le gouvernement de l'article 49.3 de la Constitution pour adopter des projets de loi sans un vote de l'Assemblée nationale.

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00:00 *Musique*
00:08 Bonjour, ravie de vous retrouver dans "Questions politiques", l'émission politique du dimanche sur France Inter, diffusée sur France Info, la télé, et en partenariat avec le journal "Le Monde".
00:19 Une heure d'émission aujourd'hui pour prendre de la hauteur face à la situation politique du moment.
00:24 Sommes-nous en crise, dans une crise politique, après la motion de rejet adoptée lundi, 25 ans que cela n'était pas arrivé ?
00:31 Faut-il parler de malaise démocratique ? Y a-t-il un problème de gouvernance dans notre pays ?
00:36 Le président du Conseil constitutionnel va nous aider, j'espère, à y voir un petit peu plus clair.
00:40 Et puis comment analyser l'apparent succès de la diplomatie climatique à la COP 28 ?
00:46 Nous poserons la question à celui qui reste aujourd'hui le grand artisan de l'accord de Paris.
00:50 Vous l'aurez compris, Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, ancien Premier ministre, ancien président de l'Assemblée nationale, est notre invité ce midi dans "Questions politiques".
01:00 *Musique*
01:07 Et nous sommes bien sûr ensemble en direct jusqu'à 13h. Bonjour Laurent Fabius.
01:11 Bonjour.
01:12 Merci d'avoir accepté notre invitation.
01:13 Avec plaisir.
01:14 J'ai à mes côtés, comme chaque dimanche, pour vous interviewer Nathalie Saint-Cricq de France Télévisions. Bonjour Nathalie.
01:19 Bonjour à toutes et à tous.
01:21 C'est mieux que la semaine dernière, effectivement.
01:23 Oui, d'accord, j'ai mis les hommes en premier.
01:25 Et bonjour Françoise Fresos du journal Le Monde.
01:27 De même. Bonjour à toutes et à tous.
01:29 Alors on va bien sûr, comme toujours, commencer avec vos images de la semaine. Qu'est-ce qui a marqué l'actualité ?
01:33 Je me tourne vers vous pour commencer, Laurent Fabius. Quelle est la photo que vous avez sélectionnée et qu'on va voir bientôt s'afficher ?
01:40 Alors j'en avais donné plusieurs, donc... Ah oui, c'est celle-là que vous avez sélectionnée.
01:44 Oui.
01:45 Dites-nous ce qu'on voit.
01:46 On voit Joe Biden serrant la main du président Zelensky.
01:52 Si j'avais eu le droit à deux photos, j'aurais aussi mis la photo du Conseil européen,
02:01 où d'un côté on a acté le début des négociations pour l'entrée de l'Ukraine, et de l'autre, on a refusé de lui accorder de l'argent.
02:12 50 milliards.
02:13 Quel est le point commun entre ces deux situations ?
02:16 C'est une semaine d'oscillation, à la fois des États-Unis et de l'Europe, vis-à-vis de l'Ukraine.
02:23 D'un côté, l'accueil par Biden de Zelensky était bon, mais de l'autre, il est reparti sans argent et sans munitions.
02:30 Et idem, si je puis dire, en ce qui concerne ce qui s'est passé en Europe.
02:35 Or, face à l'agression russe, on ne va pas s'en sortir avec une oscillation.
02:40 Et c'est ça qui me préoccupe beaucoup, parce qu'à la fois il faut aller au soutien des Ukrainiens,
02:49 qui sont en difficulté en ce moment, y compris sur le plan militaire,
02:52 pas seulement pour les aider eux, mais pour nous aider nous.
02:56 C'est ça que les gens ne voient pas toujours.
02:58 Parce que si on laisse Poutine, qui a fait une conférence de presse cynique et triomphante, comme d'habitude,
03:06 si on le laisse aller, on ne sait pas où ça peut s'arrêter.
03:11 Il y a 617 000 soldats russes sur le sol ukrainien en ce moment.
03:14 Oui, c'est ce qu'il a dit.
03:16 Les plus savants ont calculé que ça voulait dire qu'il y avait déjà 300 000 morts du côté russe.
03:23 Mais surtout, il faut bien comprendre qu'à la fois l'attaque russe contre l'Ukraine,
03:31 c'est une attaque qui du point de vue du droit international est absolument insupportable.
03:38 Et que si on laisse faire, après tout ce qui a déjà été fait, ça veut dire que l'ensemble des pays est menacé.
03:45 Et puis il y a un autre aspect qui est un peu compliqué, donc je ne vais pas rentrer trop dans les détails,
03:50 c'est que tout ceci aboutit, dans ma réflexion d'ancien ministre des Affaires étrangères,
03:55 à ce que c'est une incitation gravissime à la dissémination nucléaire.
04:00 Parce que quand vous y réfléchissez, au fond beaucoup de pays se disent
04:05 que la seule manière, en particulier dans les autocraties, de me défendre, c'est d'acquérir l'arme nucléaire.
04:11 Et je sens ça dans les conversations que j'ai avec d'anciens collègues, et ça c'est très très dangereux.
04:16 Et Laurent Fabius, quand vous citez l'histoire de l'Ukraine,
04:20 finalement Biden ne demanderait pas mieux que Dédé Zelenski, mais il a une opposition de la Chambre.
04:26 Et de notre côté, enfin du côté européen, on ne demanderait pas mieux, enfin certains pays, mais on a la Hongrie.
04:32 Est-ce que ça veut dire que vous considérez qu'on doit outrepasser ou qu'on peut,
04:36 comment peut-on outrepasser ce genre de choses ?
04:38 Alors on peut faire sortir Viktor Orban une fois, puisque la règle c'est la même.
04:42 Alors en ce qui concerne les Etats-Unis, c'est la situation pré-électorale,
04:45 peut-être qu'on reparlera des Etats-Unis, tout à l'heure on va parler du climat.
04:50 Oui, on va parler de la France et du climat aussi.
04:52 Oui, mais c'est très sur l'unanimité, la notion d'unanimité est nécessaire.
04:55 Philippe, pour ne pas l'oublier, la décision la plus importante qui sera prise l'année prochaine en matière de climat,
05:01 c'est l'élection américaine.
05:02 Bien sûr.
05:03 Alors, par rapport à votre question, oui, maintenant de plus en plus, dans le débat,
05:08 va intervenir la grande question, qu'est-ce qu'on fait par rapport à l'élargissement programmé ?
05:13 Donc, il y a plusieurs pistes possibles, est-ce qu'on supprime l'unanimité,
05:19 ça veut dire modifier les traités, ce qui est d'une complexité terrible,
05:22 est-ce qu'on fait quelque chose d'ajusté, est-ce qu'au contraire on dit souveraineté nationale, souveraineté nationale,
05:28 et il faut absolument que ces débats soient clarifiés, sinon c'est déjà difficile à 27, imaginez à 35.
05:36 Et donc, oui, on ne peut pas permettre qu'un seul pays bloque tout le monde,
05:44 mais d'un autre côté, la souveraineté ça existe.
05:47 Et donc c'est cette conciliation qu'il faut trouver, et qui va être, à mon avis, présente dans le débat européen, et bien au-delà.
05:53 Et ajusté, vous dites, ça pourrait être quoi ? Juste pour qu'on comprenne, parce que vous dites,
05:56 unanimité c'est pas bien, modification c'est compliqué, donc on fait quoi ?
05:59 Non, ce que je dis c'est que, faisons attention à ça, je n'ai pas à prendre position sur des questions politiques trop précises,
06:09 je suis venu à votre émission d'abord parce que je vous apprécie toutes les trois,
06:13 et parce que j'ai mis politique avec un grand P.
06:15 Mais je ne voudrais pas que, à chaque question que vous me posez, je vous dise "ah, je suis pas à la réponse, je ne peux pas répondre à ça".
06:20 Oui, vous avez un droit de réserve malgré toi respecté.
06:21 Un devoir, c'est ça.
06:22 Un devoir.
06:23 Mais, ce que je veux dire c'est que, évidemment que l'Europe est la perspective.
06:28 On comprend bien que par rapport à la Chine, par rapport aux Etats-Unis, par rapport à l'Inde, par rapport à ce qui se passe,
06:33 il faut avoir la force européenne.
06:35 Mais il faut arriver à trouver cette conciliation.
06:37 Et c'est très compliqué, mais c'est à ça qu'il faut se consacrer dans les mois qui viennent, pour ceux qui en sont responsables.
06:45 Une petite question encore sur les grandes questions internationales qui nous bousculent en ce moment.
06:49 On parle au moins de l'Ukraine parce qu'on parle beaucoup de ce qui se passe en ce moment, évidemment, au Proche-Orient.
06:53 Ce matin, la France demandait une nouvelle trêve immédiate et durable.
06:58 Ça paraît possible ou pas ?
07:00 C'est évidemment très très souhaitable, mais c'est un drame absolument épouvantable.
07:07 Parce que, bien sûr, l'attaque du Hamas, l'attaque terroriste du Hamas, est insupportable.
07:14 Mais les Etats-Unis sont incapables de l'imposer ?
07:16 Dans la réplique qui a lieu, il faut respecter le droit international et les personnes.
07:20 Alors, est-ce que les Etats-Unis, puisque c'est eux quand même qui sont les plus puissants dans cette région, peuvent imposer les choses ?
07:27 J'ai vu des déclarations du président Biden qui vont dans ce sens, mais j'ai vu aussi les déclarations de monsieur Netanyahou qui n'y vont pas.
07:35 Quand Olivier Faure, qui est quand même le premier secrétaire du PS, tweet "personne ne doit se taire", il ne s'agit pas d'une riposte, en parlant de ce qui se passe à Gaza.
07:44 Le 7 octobre est devenu un prétexte, non seulement...
07:47 Je vous arrête, madame Sarkozy, c'est le genre de questions auxquelles je ne veux pas répondre.
07:50 Non, je ne veux pas répondre.
07:51 Allez, on avance. Vous, Françoise, quelle image avez-vous choisi pour cette semaine ?
07:55 Eh bien, l'image du drame de la semaine, qui est... On voit sur cette image Elisabeth Borne à l'Assemblée nationale, mardi, au lendemain de l'adoption de la motion de rejet du projet de loi sur l'immigration.
08:07 Et face à Elisabeth Borne, on voit Gérald Darmanin, la mine défaite, presque sonnée comme un boxeur.
08:13 Qu'est-ce qu'il s'est passé cette semaine ? Gérald Darmanin pensait avoir trouvé une méthode pour faire adopter le texte.
08:20 Il était parti très à droite, avait essayé ensuite de revenir très à gauche et avait beaucoup développé la méthode Darmanin, qui consiste à déjeuner, dîner, recevoir les parlementaires.
08:31 Et en fait, ça a échoué. Et depuis, donc, Elisabeth Borne essaye de reprendre la main.
08:36 Et elle a jusqu'à lundi soir pour essayer de trouver un accord.
08:40 Et on voit bien que dans ce moment assez dramatique se jouent deux choses.
08:44 D'abord, la capacité à continuer à gouverner dans le cadre d'une majorité relative.
08:48 On a vu qu'à la fois sur les retraites et sur l'immigration, ça tanguait très fortement.
08:53 Et deuxièmement, quelle coloration donner à ce quinquennat ?
08:56 Est-ce qu'il faut aller vers la droite pour essayer de stabiliser les choses ?
09:01 Et c'était l'option Darmanin. Est-ce qu'il faut essayer d'incarner encore le dépassement ?
09:06 C'était ce qu'avait essayé de faire Elisabeth Borne.
09:08 Mais à chaque fois, on voit bien que les deux personnalités là sont affaiblies.
09:12 Et Emmanuel Macron est à nouveau confronté à cette interrogation.
09:18 Comment relancer son quinquennat ?
09:20 Et je dirais plus comment le relancer alors que la menace de l'extrême droite est de plus en plus puissante.
09:25 On termine avec la photo de Nathalie Saint-Cricq. Qu'est-ce qui vous a marqué cette semaine ?
09:29 Il m'a marqué la lettre de François Zardy au Président de la République,
09:33 qui est publiée chez nos confrères de la Tribune aujourd'hui.
09:36 Et qui est une lettre qui est à la fois très simple, sans grandiloquence, sans amphigouilles, sans démonstration excessive.
09:41 J'en lis une phrase.
09:43 "Nous comptons sur votre empathie et espérons que vous allez permettre aux Français très malades et sans espoir,
09:48 elles-mêmes atteints de la cancer, d'aller mieux, de faire arrêter leur souffrance,
09:52 quand ils savent qu'il n'y a plus aucun soulagement possible."
09:55 Et ce qui est presque le plus touchant, c'est qu'elle signe "merci" à l'avance.
09:58 C'est-à-dire que c'est à la fois on dirait une lettre d'une petite fille presque au Père Noël.
10:02 Alors deux choses. Est-ce que vous pensez qu'on a trop traîné ?
10:05 Ou qu'on a une espèce en forme de manque de courage pour essayer d'y aller ?
10:09 Parce qu'on se dit que ce serait un merveilleux débat pour l'Assemblée.
10:11 Au lieu d'entendre les vociférations qu'on entend parfois.
10:14 C'est typiquement l'endroit où on a envie d'entendre ce genre de choses.
10:17 Donc pourquoi ne pas le faire ?
10:19 Alors je sais qu'on est peut-être prudents, qu'on n'arrête pas de se battre sur fin de vie,
10:23 droit à mourir dans la dignité, suicide assisté,
10:25 comme quand on dit "partir à la place de mourir", c'est un certain nombre de circonlocutions qui empêchent d'égarer.
10:30 Et deuxièmement, pourquoi dans un pays parlementaire, et vous parlez beaucoup de gouvernance,
10:35 dans votre discours à l'Académie des sciences morales et politiques,
10:37 pourquoi dans ce pays, c'est à Emmanuel Macron qu'on s'adresse ?
10:40 Comme si c'était lui qui devait faire pouce en haut, pouce en bas,
10:43 comme à Rome avec les gladiateurs.
10:46 Est-ce que c'est logique que ce soit une personne, comme ça, dont on a l'impression qu'elle détient les clés ?
10:51 - Laurent Fabius.
10:52 - Alors, sur la lettre elle-même, j'ai exactement eu le même sentiment que vous.
10:55 C'est une lettre très émouvante, parce qu'à la fois très simple,
10:58 où elle parle pour elle, mais surtout pour les autres.
11:02 Bon, et... Bon, c'est une lettre très très très forte.
11:06 Alors, c'est un problème éminemment très compliqué.
11:09 Mais il y a eu déjà beaucoup de réflexions, il y a eu une convention qui s'est réunie là-dessus,
11:15 il y a eu une ministre qui travaille, il y a des engagements qui ont été pris,
11:19 et à titre personnel, j'espère qu'on va vraiment proposer une solution.
11:23 Il est... Ça demandera beaucoup de discussions au Parlement, vous avez raison de dire que c'est vraiment la...
11:28 - Vous dites, à la fin 2024, dans le meilleur des cas.
11:30 - Au Parlement, ensuite, j'imagine que, comme c'est loi très délicate,
11:36 elle sera elle-même soumise au Conseil constitutionnel.
11:38 Nous avons d'ailleurs, déjà, je ne sais pas si vous vous rappelez,
11:42 pris des décisions, non pas, évidemment, sur la nouvelle loi, mais sur la base de l'ancienne loi.
11:48 En particulier dans une affaire qui s'appelle l'affaire Lambert.
11:51 - Oui, bien sûr.
11:52 - C'était en 2017, et puis aussi sur les directives assistées.
11:57 Et à chaque fois, je ne veux pas simplifier à l'excès,
12:00 mais les principaux problèmes, du point de vue du droit, et des principes qui se sont posés, c'est quoi ?
12:05 D'abord, évidemment, il y a la liberté individuelle.
12:10 Il y a ce qu'on appelle le droit à la dignité.
12:14 Mais le droit à la dignité, il y a deux exceptions, deux conséquences possibles.
12:17 Certains disent le droit à la dignité, ça veut dire qu'il faut garantir, vraiment, que la vie est là.
12:23 Et d'autres disent, oui, mais dignité, ça veut dire qu'on ne peut pas souffrir à l'excès.
12:28 Et puis, il y a aussi la liberté de conscience des médecins.
12:30 Et il va falloir trouver courageusement un point de passage.
12:36 L'autre point que vous soulevez, c'est, est-ce que tout doit remonter au président de la République ?
12:40 - Oui, bien sûr.
12:41 - Bon, dans, effectivement, la conférence que j'ai faite à l'Institut,
12:46 je dis, et sans viser ce président, mais d'une manière générale, avec le recul que j'ai,
12:51 puisque j'ai le privilège d'avoir à la fois dirigé l'exécutif,
12:56 présidé le législatif et maintenant présidé le conseil constitutionnel.
12:59 Donc je vois à peu près comment les choses se passent.
13:01 Je pense que la formule "un président qui préside, un gouvernement qui gouverne
13:09 et un parlement qui légifère et qui contrôle", ça a l'air d'une tautologie sémantique,
13:14 mais en fait c'est une réforme très profonde.
13:17 Et finalement, quand je regarde les différents présidents, je reviens,
13:22 ça peut vous paraître un peu paradoxal, à la pratique qu'avait le général de Gaulle,
13:27 qui disait souvent "je m'occupe des choses essentielles,
13:31 pour le reste, il y a un gouvernement et un Premier ministre".
13:34 A l'époque, c'est vrai que le Parlement ne jouait pas assez de rôle.
13:36 Aujourd'hui, il faut que le Parlement joue un rôle plus fort.
13:39 Et j'ajoute, et j'ajoute, parce que ça, c'était pas perceptible il y a 30 ans ou 40 ans,
13:45 qu'on souhaite une participation de la population plus importante.
13:50 Un régime, ça peut pas être on vote une fois tous les 5 ans, et puis entre-temps, il n'y a rien.
13:55 Alors, c'est difficile, parce qu'il y a la démocratie représentative,
13:59 qui est notre manière de fonctionner, il y a la démocratie participative,
14:04 il y a un moment où les deux doivent être conciliés,
14:07 mais je crois, et c'était ce qui était implicite dans votre question,
14:10 qu'on est en 2023, dans une société très développée, démocratique,
14:16 il n'est pas possible que tout remonte, quelles que soient ses qualités éminentes, à une seule personnalité.
14:22 - Mais ce qui est intéressant dans ce cas-là, c'est que précisément,
14:24 il y a eu une convention citoyenne, à la fin de vie,
14:27 ensuite, il y a eu une amance de débat au gouvernement, au Parlement,
14:31 et on voit qu'au fond, personne n'a vraiment la clé, parce que c'est un sujet extrêmement...
14:36 - Oui, c'est un sujet très complexe, mais il y a un moment où...
14:39 - Il faut conclure.
14:41 La vie politique, avec un grand P, et la vie publique,
14:46 à un certain moment, ça se traduit par des décisions.
14:50 - Ça tarde trop, là, quand même, pour lui, non ?
14:52 - Non, je ne veux pas porter de jugement sur telle ou telle situation,
14:56 mais si vous voulez, un équilibrage à trouver,
15:00 et évidemment, il y a un certain nombre de réformes à opérer,
15:03 d'autant que les Français, je crois, sont très très favorables à une évolution.
15:09 - Voici le résultat du scrutin.
15:16 Votants 548 exprimés 535, majorité 268 pour 270, contre 265.
15:24 L'Assemblée nationale a adopté.
15:29 En conséquence, le projet de loi est rejeté.
15:33 Prochaine séance, demain, à 9h.
15:37 Questions orales sans débat.
15:39 La séance est levée.
15:42 - Alors, on vient d'entendre la présidente de l'Assemblée nationale, Yael Broun-Pivet.
15:47 Laurent Fabius, à quoi est-ce que l'on a assisté, cette semaine, à l'Assemblée nationale ?
15:51 Est-ce que l'on est dans une crise politique ?
15:53 Comment définir le moment politique dans lequel nous sommes, en ce moment ?
15:57 - Je crois surtout qu'on a un vrai malaise démocratique.
16:01 J'avais déjà utilisé cette expression à plusieurs reprises, du malaise démocratique,
16:06 mais là, on le sent d'une manière extrêmement forte.
16:11 Alors, il y a des exemples évidents, au-delà même de ces épisodes.
16:17 Remonter à ce qui s'est passé au moment des Gilets jaunes,
16:21 les émeutes de 2023,
16:25 la participation électorale qui, maintenant, devient infime.
16:29 Tout cela fait qu'il y a un malaise profond.
16:33 Mais, ce que je dis dans ma conférence à l'Institut,
16:37 c'est que ce n'est pas simplement un malaise de la base,
16:40 c'est aussi, d'une certaine manière, un malaise des élus et du sommet.
16:43 - C'est-à-dire ?
16:44 - Eh bien, prenons des choses très concrètes.
16:47 Depuis 2020, il y a, chaque mois, en moyenne, 40 maires qui démissionnent.
16:53 C'est quand même un chiffre extrêmement impressionnant.
16:56 Éléments plus anecdotiques, si je puis dire, ou en tout cas plus savoureux.
17:02 Vous connaissez sans doute, comme moi,
17:06 toute une série de personnalités auxquelles on a demandé d'être ministre,
17:09 voire même d'être Premier ministre.
17:11 - Et qui déclinent.
17:12 - Et qui déclinent.
17:13 Bon, moi, j'ai connu une époque, je ne veux pas jouer les anciens combattants,
17:16 où les gens attendaient à leur téléphone,
17:18 et si on ne leur téléphonait pas, ils disaient "tu n'as pas mon numéro, il faut que je le donne".
17:22 Bon, et ça donne une excellente colimédie de boulevard.
17:25 Mais au-delà de ces anecdotes, il y a un malaise de la base,
17:30 un malaise du sommet, si on peut dire,
17:33 et les deux se renvoient à la balle.
17:35 C'est-à-dire, comme la base n'a pas le sentiment d'être suffisamment écoutée,
17:42 évidemment, elle trouve qu'il est très difficile de justifier et de voter,
17:47 ou alors elle vote aux extrêmes,
17:49 et comme les élus, les dirigeants, eux-mêmes,
17:52 sentent bien que leur légitimité est mise en cause,
17:56 ils n'ont pas envie, c'est le moins de le dire,
17:59 de prendre ce type de fonction.
18:02 - Mais ça, ça valait sur les retraites, ce que vous dites.
18:04 Mais là, l'analyse valait pour les retraites.
18:06 - Non, mais ça vaut du maillard général.
18:08 - Mais sur l'immigration, les Français étaient plutôt d'accord avec un texte.
18:11 Et là, au fond, ça revient à dire la représentation nationale sexonaire...
18:16 - Non, alors, ne confondons pas la procédure et le fond.
18:19 Bon, les Français sont devenus des grands spécialistes de l'article 49 à l'INEA 3.
18:24 - Pas seulement, mais oui, celui-là en particulier.
18:26 - J'ai lu ça l'autre jour.
18:28 J'étais dans une classe de lycée, et il y avait deux vedettes,
18:31 Kylian Mbappé et le 49-3.
18:33 J'étais extrêmement surpris.
18:35 Bon, maintenant, ils deviennent peu à peu aussi des spécialistes de la motion de rejet.
18:40 Je préférais que la culture constitutionnelle,
18:42 qui est très très importante, positive,
18:44 se fasse dans des circonstances un peu plus calmes.
18:47 Bon, mais il y a eu une motion de rejet, elle a été votée, très bien.
18:50 Qu'est-ce qui peut se passer maintenant ?
18:52 Enfin, en tout cas, de mon point de vue,
18:54 on nous a expliqué qu'il y avait trois cas de figure.
18:57 Premier cas de figure,
18:59 ce qu'on appelle la commission mixte paritaire n'aboutit pas.
19:04 Dans ce cas-là, si j'ai compris, il n'y a plus de texte.
19:07 Deuxième cas de figure, la commission mixte paritaire se réunit,
19:11 elle aboutit, mais le texte est rejeté par les votants, par les parlementaires.
19:17 Dans ce cas, là aussi, ça s'arrête.
19:20 Troisième cas de figure, il y a une commission mixte paritaire,
19:23 elle aboutit à un texte, et ce texte, finalement, est adopté.
19:27 Dans ce cas, je pense qu'il sera déféré au Conseil constitutionnel,
19:32 et dans ce cas-là, nous dirons ce que nous en pensons sur le plan du droit,
19:37 puisque nous sommes la loi des lois, si je puis dire, la constitution.
19:40 Nous le dirons au mois de janvier.
19:43 Voilà !
19:44 - Voilà, attendez, le 49-3, on n'a rien compris.
19:46 Et je pense que le gouvernement n'a pas compris non plus.
19:48 Pour ceux qui sont des spécialistes, mais pas forcément des hyper-socialistes du 49-3,
19:54 en gros, on a un droit limité au 49-3 pour ce qui est des textes normaux,
19:59 pas des textes budgétaires.
20:01 On s'est demandé si le gouvernement avait le droit, une dernière fois,
20:05 d'utiliser le 49-3 pour ce texte de loi.
20:08 Finalement, Emmanuel Macron a écarté, et la décision que vous avez rendue,
20:12 pas vous particulièrement, mais le Conseil constitut,
20:15 on n'a pas compris si, en gros, ils avaient encore un 49-3 sous le bras, ou si pas.
20:19 - Alors, je cite un peu. Je dis effectivement...
20:21 - Je crois qu'on perd quelques auditeurs.
20:22 - Je dis...
20:23 - Non, bon, attendez.
20:24 - On a eu un recours du Rassemblement national, vous avez rendu une décision.
20:27 - On avait le droit de le faire une dernière fois.
20:28 - Et effectivement, vous n'avez pas été très clair, vous n'avez pas tranché.
20:30 - Refus, si, si.
20:31 - Non, non, vous n'avez pas tranché.
20:32 - Alors, je vais essayer d'être clair sans jouer...
20:35 - Le professeur de droit.
20:36 - Le professeur de droit constitutionnel.
20:38 Bon, le 49-3, vous savez, le mécanisme.
20:43 Le mécanisme a été modifié en 2008,
20:48 et désormais, il est possible d'utiliser le 49-3 une fois par session,
20:56 sauf pour les lois de finances ou les lois de financement de la Sécurité sociale,
21:01 où on peut l'utiliser plusieurs fois.
21:02 - La preuve, on en est à la 22e...
21:04 - Voilà, voilà le droit, j'allais dire, de base.
21:07 Alors, récemment, une autre question a été posée, Mme Saint-Cricq, qui est la suivante.
21:14 Un 49-3 avait été utilisé dans une session extraordinaire.
21:20 Et la question se posait, double.
21:25 Premièrement, comme la première ministre n'était pas présente physiquement
21:30 pour soulever le 49-3 et avait demandé au ministre des Relations et à Parlement de la représenter,
21:36 est-ce que c'était une faute impardonnable ?
21:40 Nous avons dit, avec mon sens, non, elle pouvait se faire représenter par M. Riester.
21:45 Bon, laissons ça de côté.
21:47 Deuxième question, comme le 49-3 avait été soulevé dans une session extraordinaire,
21:54 est-ce que sur le même texte, il pouvait être soulevé dans une question ordinaire ?
21:59 Nous avons répondu oui.
22:01 Une autre question qui ne nous était pas posée et à laquelle, donc, nous n'avons pas répondu,
22:06 car nous sommes des gens polis, était de savoir si,
22:11 puisque un 49-3 a été utilisé sur un texte qui déjà avait été utilisé pour une session extraordinaire,
22:19 est-ce qu'il peut y avoir sur un autre texte une session extraordinaire ?
22:23 Si la question nous est posée, nous y répondrons.
22:25 - Je ne veux pas aller beaucoup plus loin, là, aujourd'hui.
22:27 - Juste, ça veut dire que, dans la session ordinaire dans laquelle nous sommes,
22:30 et dans laquelle nous resterons jusqu'à la fin du mois de juin,
22:32 est-ce que le gouvernement a encore la possibilité d'utiliser un 49-3 ?
22:36 - Alors, sur les questions financières, etc., oui.
22:38 Sur le reste, s'il l'utilise, et s'il y a un recours, nous dirons ce qu'il faut en décider.
22:45 - Une question sur l'immigration.
22:47 On a bien vu que le gouvernement avait l'intention d'organiser un débat sur l'immigration.
22:52 On a ce sentiment, aujourd'hui, en France, et si on ouvre la réflexion sur toute l'Europe,
22:57 quand on voit ce qui s'est passé aux Pays-Bas, quand on voit ce qui se passe en ce moment en Grande-Bretagne,
23:00 on a le sentiment que toutes les démocraties européennes sont en train de se casser les dents sur le débat de l'immigration.
23:05 Pourquoi ça ?
23:07 - Parce que c'est un problème sérieux, et que, vous citez l'Europe,
23:14 une politique migratoire a été définie à un moment où la question était de la libéralisation des échanges.
23:23 Et aujourd'hui, nous sommes évidemment dans une situation différente,
23:28 où il faut voir qui on accepte, qui on n'accepte pas, les conséquences que ça a, les limitations.
23:34 Et c'est donc la recherche, qui est actuelle, mais qui n'est pas aboutie, d'un nouveau pacte migratoire.
23:40 Et à partir du moment où on comprend bien que les règles européennes anciennes ne correspondent pas à la situation nouvelle,
23:47 du coup, vous voyez ce désajustement dans toute une série de pays.
23:50 Alors on dit "mais c'est parce que les cours de justice européennes, la Cour de justice européenne, la Cour européenne de droit de l'homme,
23:57 ne font pas leur travail". Je pense que c'est pas ça le problème principal.
24:00 Le problème principal, c'est qu'il s'agit pour les autorités politiques, que ce soit la Commission ou le Conseil,
24:06 de prendre une politique migratoire, qui se traduira par des directives européennes, etc.
24:12 Et à partir de là, qui corresponde à la réalité de la situation, à ce que les gens souhaitent.
24:17 - François Sressouas.
24:18 - Il y a toute une contestation, comme vous le dites, sur l'ordre juridique européen,
24:24 pas seulement dans les pays comme la Hongrie, mais aussi en France,
24:29 où on voit d'abord le Rassemblement national, et puis une partie de la droite,
24:33 maintenant faire campagne en disant "on ne peut pas retrouver le contrôle de nos frontières
24:38 et de notre politique migratoire si on ne remet pas en jeu cet ordre européen".
24:43 Alors vous, en tant que président du Conseil constitutionnel, qu'est-ce que vous leur répondez ?
24:47 Est-ce que vous pensez d'abord que c'est le sujet ? Est-ce que c'est le vrai sujet ? Et qu'est-ce que vous leur répondez ?
24:52 - Alors là aussi, je ne voudrais pas être trop technique, mais il y a quelques notions à avoir à l'esprit.
25:01 Dans notre système, en haut des normes juridiques, c'est la Constitution.
25:08 Bon. En même temps, il y a des traités internationaux que nous avons signés,
25:13 que nous devons respecter, nous appartenons à l'Europe.
25:16 Et il peut y avoir parfois des contradictions.
25:20 Dans ce cas-là, si on veut introduire un traité qui est contraire à la Constitution,
25:27 il faut réviser la Constitution. Ça a déjà été fait dans le passé.
25:32 Ensuite, ce que vous dites est exact, c'est-à-dire un certain nombre de gens,
25:39 de plus en plus, disent "mais le problème, c'est que nous ne sommes pas maîtres chez nous,
25:46 et au fond, il faudrait que la loi nationale puisse l'emporter sur toutes les décisions européennes".
25:53 Bon, évidemment, les choses sont beaucoup moins simples que cela.
25:57 D'abord, parce que l'Europe, si on admettait ce principe, c'est-à-dire que chaque pays,
26:03 pas seulement la France, mais les autres,
26:05 pourraient faire prévaloir la loi nationale sur les décisions européennes, il n'y a plus d'Europe.
26:12 Et l'Europe nous rend quand même beaucoup de services.
26:15 Imaginez ce que serait la stabilité monétaire, la force économique, si nous n'avions pas l'Europe.
26:23 Donc, on comprend bien que si on veut qu'il y ait une Europe efficace,
26:28 il faut qu'il y ait quand même des normes européennes.
26:30 Simplement, et c'est là où les choses doivent être faites avec finesse,
26:34 il faut que les gouvernants et les juges, que ce soit les juges européens ou les juges nationaux,
26:39 comprennent que, même s'il faut respecter bien sûr la norme européenne,
26:44 il faut quand même laisser de la place à ce qu'on appelle, nous, dans notre jargon,
26:48 l'identité constitutionnelle française.
26:51 Alors ça peut être quoi ?
26:52 Alors ça veut dire, par exemple, que ce sont des dispositions qui,
26:56 sans être contraires à l'ordre européen, montrent quelle est la spécificité française.
27:01 Je vais vous prendre un exemple, parce que nous avons jugé cela.
27:04 Il y avait la question de savoir si, lorsque l'on expulsait des immigrés,
27:10 et qu'on les raccompagnait par l'avion,
27:14 est-ce qu'on pouvait le faire par des compagnies de sécurité privées,
27:20 ou est-ce qu'il fallait que ce soit la police d'État qui s'en charge ?
27:24 Il a été jugé, dans une décision qui s'appelle Air France,
27:27 que, comme il y avait une spécificité française qui tenait au fait que,
27:33 lorsqu'il s'agit de tâches comme ça, vraiment importantes,
27:37 ça ne pouvait être que des autorités publiques,
27:41 il a été jugé, ce qui n'est pas contradictoire avec la réglementation européenne,
27:46 que, pour ce genre de tâches, c'était des polices publiques,
27:49 et non pas des polices privées qui pouvaient le faire.
27:51 Et on peut généraliser ce type d'approche.
27:56 Il faut aussi que les juges, aussi bien les juges européens que les juges nationaux,
28:02 et les législateurs, à la fois respectent une approche européenne,
28:07 sinon il n'y a plus d'Europe, mais en même temps comprennent que la réalité nationale, ça existe,
28:11 la souveraineté nationale, ça existe.
28:13 - Prenez un exemple pour les gens dans la rue, qui n'ont pas Bac+ 74 en droit.
28:19 L'histoire de l'Ousbec, il y a un Ousbec qui est subsonné de radicalisation,
28:23 qui est inscrit d'ailleurs au fichier FSP-RT, donc qui est sous-P,
28:29 qui est expulsé, contrairement à l'avis de la CODH, Cour Européenne des Droits de l'Homme,
28:35 qui va en Ousbégistan, qui n'est pas un modèle de démocratie,
28:38 tout le monde est d'accord là-dessus.
28:40 Le Conseil d'État s'inspire de la décision de la Cour Européenne,
28:45 et en gros, on nous dit "vous allez rire, vous allez le reprendre,
28:48 et vous allez payer l'avion pour le faire revenir".
28:51 Comment voulez-vous que les gens comprennent, et n'aient pas un moment de fureur,
28:55 en disant "mais la Cour Européenne des Droits de l'Homme, on ne peut pas se protéger,
28:59 au nom du... c'est un régime qui ne lui garantit pas, ce qui est sûr, d'être tranquille".
29:05 Comment voulez-vous que nous, les gens normaux, ne soient pas...
29:08 - Madame Saint-Cricq, ne faisons pas de démagogie entre nous,
29:11 et allons au fond des sujets, qui évidemment sont sérieux et difficiles.
29:17 C'est la question de la CEDH.
29:21 Vous avez deux juridictions européennes qui sont différentes.
29:25 La Cour de Justice de l'Union Européenne, ça c'est pour l'Union Européenne,
29:28 et puis la Cour Européenne des Droits de l'Homme, qui elle, siège à Strasbourg,
29:32 qui applique une convention qui a été passée en 1950,
29:36 et qui s'inspire de la Déclaration Universielle des Droits de l'Homme.
29:39 Ce sont deux juridictions différentes, qui d'ailleurs, n'ont pas les mêmes pouvoirs,
29:43 puisque la Cour de Justice de l'Union Européenne, quand elle prend des décisions,
29:46 elles sont vraiment obligatoires, et on est obligé de modifier notre droit.
29:50 Tandis que la Convention Européenne des Droits de l'Homme, c'est pas mineur,
29:54 mais les décisions s'appliquent à un individu, c'est autre chose.
29:58 Là, quel est le problème, pour autant que je le comprenne ?
30:02 Et d'ailleurs, c'est pas le Conseil Constitutionnel qui tranche là-dessus,
30:04 c'est soit le Conseil d'État, soit la Cour de Justice.
30:07 Le problème, c'est que la Convention de Rome a dit,
30:13 il y a toute une série de choses que vous pouvez faire,
30:15 mais ce que vous ne pouvez pas faire, c'est de mettre, d'exposer quelqu'un à la torture ou à la mort.
30:22 Et quand on lit ce texte, évidemment, c'est difficile d'être...
30:28 - On peut y se crier.
30:30 - Là, ce cas particulier, c'est qu'on n'a pas attendu des délais, etc.,
30:40 et on a renvoyé cette personne, en Ouzbékistan, je crois, oui,
30:46 et effectivement, compte tenu de la nature du régime, il y a un risque considérable.
30:53 Alors, comment peut-on éviter ça ?
30:57 Je pense que, d'une part, il faut que notre législation, notre pratique,
31:04 soit telle que ça permette d'éviter ce genre de cas.
31:09 Deuxièmement, que les juges de la Cour européenne des droits de l'homme,
31:13 eux-mêmes, dans leur interprétation, comprennent la réalité.
31:17 Mais je ne vais pas entrer trop dans les détails,
31:19 il faut bien comprendre que ce qui est proposé par certains,
31:23 consistant à dire "oui, mais là, il suffirait qu'on dise que pour ce cas-là, au fond, on n'est pas d'accord",
31:30 si on veut vraiment s'exonérer de ces dispositions, et je vais au raccourci,
31:36 ça veut dire, au bout du compte, qu'on sera obligé de sortir de la Convention européenne des droits de l'homme.
31:44 Il y a un pays qui est sorti, la dernière date, c'est la Russie.
31:47 Donc, ce que je veux dire, c'est quoi ?
31:50 Je suis, comme vous, choqué par ce que j'entends, qui n'est pas du bon sens.
31:56 Je pense qu'il y a un gros effort à faire, à la fois dans les législations, oui,
32:01 et dans l'application par les juges.
32:04 - Ce dialogue-là, il existe ou pas ?
32:07 - Ce dialogue des juges, il existe, mais je dirais de manière informelle.
32:11 C'est-à-dire, je ne trahis pas de secret,
32:15 lorsque il y a une affaire très délicate qui peut concerner la Cour de justice,
32:21 ou qui nous paraît importante à nous, membres du Conseil constitutionnel,
32:26 eh bien, il peut arriver que je décroche mon téléphone,
32:29 et que j'appelle mon collègue de la Cour de justice.
32:32 Ils feront ce qu'ils ont à faire,
32:35 mais au moins qu'ils soient informés de la difficulté, et réciproquement pour nous.
32:39 - Alors, on entend, en vous écoutant, toute la difficulté.
32:42 - J'espère ne pas être trop compliqué, si je suis...
32:44 - Non, non, absolument pas, je vous le dirai, je suis là pour ça.
32:46 - Arrêtez-moi, arrêtez-moi.
32:47 - On comprend, effectivement, la complexité du dossier de l'immigration.
32:51 Il faut qu'on avance, et il va falloir qu'on parle de la COP28 aussi,
32:54 mais une dernière question sur l'immigration.
32:56 On entend aussi beaucoup parler d'un référendum.
32:59 Il y a énormément de formations politiques aujourd'hui qui en appellent à ça,
33:02 à la droite, l'extrême droite.
33:03 Est-ce que c'est une solution, selon vous ?
33:05 Est-ce qu'effectivement, ça permettra un débat sur l'immigration,
33:07 ou est-ce que c'est voler le débat qu'on attend aussi à l'Assemblée sur ce genre de sujet ?
33:11 - Alors, je réponds là aussi en tant que juriste.
33:15 Qu'est-ce que ça signifie, un référendum sur l'immigration ?
33:18 Première question.
33:19 Ça ne signifie pas, est-ce que vous êtes pour ou contre l'immigration ?
33:23 Un référendum, c'est un référendum sur un texte,
33:26 de 10 articles, 20 articles, 30 articles, 40 articles.
33:29 Et là, il faut répondre par oui ou par non.
33:32 Et moi, je suis partisan d'une manière générale,
33:37 qu'on consulte davantage la population,
33:39 parce que je vous le disais au début de l'émission,
33:41 on a besoin de ce souffle démocratique.
33:43 Mais il faut bien comprendre que répondre par oui ou par non...
33:47 - C'est pas pour toutes les textes.
33:48 - ... à 55 articles de loi, c'est pas très facile.
33:52 Bon, donc, je tenais d'abord à préciser,
33:55 qu'est-ce que ça veut dire, un référendum sur l'immigration ?
33:58 Deuxième point, j'ai peur là d'être encore un peu complexe,
34:02 mais enfin, bon, il faut aller au fond des choses.
34:04 Il y a deux types de référendum dans notre Constitution.
34:08 Il y a un référendum dit de l'article 11,
34:10 et un référendum de l'article 89.
34:12 Ça veut dire quoi ?
34:13 Le référendum de l'article 11, c'est une loi, une loi normale,
34:17 qui, simplement, est une loi référendaire.
34:21 Alors, c'est à l'initiative du Président de la République,
34:24 et, ou maintenant, référendum d'initiative partagée.
34:28 Et là, la liste des domaines sur lesquels peut porter le référendum est très précise.
34:33 C'est soit l'organisation des pouvoirs publics,
34:35 soit une réforme de la politique économique, sociale ou environnementale.
34:39 La question est donc soulevée,
34:41 est-ce que l'immigration,
34:43 est-ce que c'est une politique économique, sociale, environnementale ?
34:48 Bon, ça dépend du texte, mais il y a des débats entre spécialistes,
34:51 et vous avez vu qu'il y avait eu une réunion qui avait eu lieu à Saint-Denis,
34:54 à l'initiative du Président de la République,
34:56 et qui a conclu que c'était très douteux que ça puisse être fait par l'article 11,
35:03 sauf si la Constitution était modifiée.
35:08 Alors, c'est l'autre référendum.
35:10 Si on veut réviser la Constitution,
35:12 il faut utiliser l'article qui s'appelle "de la révision",
35:15 il n'y en a pas deux, il y en a un, c'est l'article 89,
35:18 et là, ça veut dire que, du coup,
35:21 on réviserait la Constitution pour rendre possible un référendum.
35:25 Mais pour réviser la Constitution,
35:27 il faut d'abord que les deux assemblées se mettent d'accord sur le même texte,
35:33 et ensuite au choix,
35:35 soit qu'on soumette le texte auquel ils ont abouti
35:39 au congrès qui doit trancher à la majorité de 3/5ème,
35:44 soit qu'il y ait, si c'est un projet du président de la République, un référendum.
35:48 Et vous voyez bien donc la complexité,
35:50 et je ne fuis pas du tout la réalité juridique,
35:53 c'est que dire qu'on pourrait directement faire un référendum
35:58 sans changer la Constitution,
36:00 les juristes en discutent, nous verrions nous ce que nous déciderions,
36:03 mais ça paraît assez complexe,
36:05 et si on veut réviser la Constitution,
36:07 est-ce qu'il y aura une majorité des 3/5ème qui dira "oui,
36:13 on change la Constitution,
36:15 et désormais on peut saisir par référendum sur l'immigration".
36:19 Toutes les questions qu'on vous pose en fait sont en lien
36:22 avec des revendications qui sont émises par l'extrême droite.
36:25 Comment en étant arrivé dans ce pays, politiquement,
36:28 pour qu'au fond, on en soit à débattre ainsi,
36:31 du référendum, du changement des règles européennes,
36:34 qu'est-ce qu'on a raté en gros ces dernières années, démocratiquement ?
36:39 Je ne veux pas, là encore, m'immiscer dans la politique,
36:44 alors je fais appel à Laurent Fabius, début des années 80.
36:51 J'avais lu quelque part que ce Laurent Fabius avait dit
36:55 "le Front National pose des bonnes questions,
36:58 mais il apporte de mauvaises réponses".
37:01 Mais ça, c'était Laurent Fabius d'il y a 40 ans.
37:05 On va parler d'écologie ?
37:07 Il peut être stable, le Laurent Fabius ?
37:10 Oui, mais maintenant, il n'a plus à se prononcer.
37:12 D'accord, on l'a tout essayé.
37:14 Allez, on va parler d'écologie, parce que la pendule avance.
37:17 On va parler de la COP 28, avec cet accord de Dubaï.
37:21 Est-ce qu'il est historique ou pas ?
37:23 Faut-il se satisfaire de transitionner hors des énergies fossiles ?
37:27 Je vous propose d'abord de réécouter le président de cette 28ème COP
37:30 aux Émirats Arabes Unis, Sultan Al-Jaber, au moment du coup de marteau final.
37:36 "Hating no objection, it is so decided".
37:40 Voilà, il n'y a pas d'objection, donc c'est décidé, on entend le coup de marteau.
37:50 Vous aviez été très ému, vous, au moment du coup de marteau final,
37:54 à votre COP, quand vous la présidiez à Paris.
37:57 Racontez-nous.
37:58 Oui, alors, j'étais à Dubaï, parce que...
38:02 Sultan Al-Jaber, faites attention, c'est pas "le" Sultan Al-Jaber,
38:07 comme je l'entends parfois de la part de gens qui se disent spécialistes,
38:11 c'est son prénom, bon.
38:13 Donc, j'étais là-bas, et d'ailleurs, si on entend ça au micro,
38:18 j'ai attrapé, comme beaucoup de gens qui étaient là-bas, avec la clim,
38:23 une mauvaise clim.
38:25 Qu'est-ce que vous avez vu là-bas ? Qu'est-ce qui était positif ?
38:27 Qu'est-ce qui a changé ?
38:29 D'abord, il y a une différence entre la COP 21 que j'ai présidée
38:34 et l'ensemble des COP annuelles.
38:37 C'est que la COP 21, elle s'est traduite par un traité international,
38:42 qui s'appelle l'accord de Paris, qui est à valeur obligatoire.
38:45 Il y a beaucoup de juges, maintenant, à travers le monde,
38:49 qui prennent des décisions vis-à-vis des gouvernements,
38:52 vis-à-vis des particuliers, vis-à-vis des entreprises,
38:54 à partir du texte de l'accord de Paris.
38:56 - Qui est obligatoire, mais qui n'est pas contraignant.
38:58 Il n'est pas contraignant, cet accord de Paris ?
39:00 - Si il est incorporé en droit interne, il est contraignant.
39:03 Il y a des pays qui ne l'ont pas incorporé en droit interne,
39:07 mais par exemple, prenons le cas de la France,
39:09 il y a eu des décisions prises par le tribunal administratif,
39:13 le conseil d'État, etc.
39:15 Et il a valeur, dans le cas où il a été incorporé en droit interne,
39:21 il a valeur contraignante.
39:22 Alors que les COP, elles, sont très importantes.
39:25 Mais ce sont des décisions, qui sont laissées à l'application des différents États.
39:32 - On a senti l'expérience.
39:33 - Alors, si il y avait à résumer le résultat de la COP 28,
39:40 ça tiendrait en 6 mots, un accord majeur à renforcer rapidement.
39:47 Je m'explique.
39:49 Un accord.
39:50 Ce n'était pas du tout évident, pas du tout évident,
39:52 qu'un accord soit obtenu, compte tenu du climat général,
39:55 des relations internationales, de la difficulté des problèmes, etc.
39:59 Et je suis un de ceux qui rend hommage au travail qu'a fait la diplomatie émérienne,
40:03 en particulier Al-Jaber et son équipe,
40:06 parce qu'ils sont arrivés à un résultat qui, même quelques jours avant,
40:10 n'était pas du tout acquis.
40:12 Donc, pour ça, il faut saluer l'accord.
40:16 C'est un accord majeur.
40:17 Pourquoi ?
40:18 Ça a été souligné par beaucoup de vos collègues.
40:20 D'abord, parce que c'est la première fois qu'on dit expressément,
40:23 même si c'était un secret de polychinelle,
40:25 que ce qui est concerné lorsqu'on parle des émissions fossiles,
40:32 c'était le charbon, le pétrole et le gaz.
40:35 Enfin, on comprenait bien que ce n'était pas les cacahuètes.
40:37 - C'est toujours mieux quand c'est dit clairement.
40:40 - C'est mieux quand c'est dit clairement.
40:42 D'autre part, parce que, sans entrer dans trop de détails techniques,
40:45 on a mis sur pied un fonds qui s'appelle
40:48 "Fonds pour les pertes et dommages".
40:50 C'est-à-dire que même si on arrive, ce qui est hautement souhaitable,
40:53 à limiter les dégâts,
40:57 les dégâts, quand même, ils sont là.
40:59 Ils vont continuer d'être là.
41:00 Et donc, on a opérationnalisé ce fonds.
41:03 Ça, c'est une bonne chose.
41:04 Ensuite, l'engagement a été pris d'aller vers un triplement
41:08 des énergies renouvelables.
41:10 Et d'ici 2030, il y a un doublement de l'efficacité énergétique.
41:15 Et puis...
41:16 - Il y a le nucléaire aussi.
41:18 - Et le nucléaire, ça concerne en particulier la France.
41:21 Donc, c'est un accord, et c'est un accord majeur.
41:23 Ça, c'est sûr.
41:24 En même temps, j'ajoute, à renforcer rapidement.
41:28 Pourquoi ?
41:29 Parce que, sur le plan financier, il ne le contenait pas du tout.
41:32 Or, si on veut que, notamment, les pays en développement
41:37 évitent d'utiliser pétrole, charbon, etc.
41:40 Il y a des sommes massives, absolument massives,
41:43 à trouver, qui ne sont absolument pas là.
41:45 D'autre part, il y a cette question que vous m'avez posée
41:49 sur qu'est-ce que veut dire "transitionner"
41:52 et "transitionner pour le système énergétique".
41:55 Alors, c'est là où il y a de la créativité linguistique.
41:58 L'accord qui a été passé concerne l'utilisation
42:03 pétrole, gaz, charbon, pour le système énergétique,
42:06 mais pas pour le reste.
42:07 C'est-à-dire, par exemple, l'utilisation du pétrole
42:09 pour le plastique, ou l'utilisation du pétrole
42:11 pour les engrais, n'est pas concerné.
42:14 - Mais ça veut dire que là, dans la transition,
42:16 il faut plus s'appuyer sur le gaz, par exemple,
42:18 que sur le charbon ?
42:19 - Alors, c'est ce que dit John Kerry, notamment.
42:21 - Il y a un petit paragraphe qui le dit.
42:24 Moi, je suis plus réservé.
42:26 Évidemment, il faut qu'il y ait une transition.
42:28 Mais on ne peut pas faire croire que le gaz n'est pas polluant.
42:32 Il l'est. Il l'est. Il l'est moins que le charbon,
42:34 mais il l'est.
42:35 Et puis, je répondrai si vous avez une question
42:38 de supérintérêt là-dessus, il y a tout un débat
42:40 autour de ce qu'on appelle la capture et le stockage
42:42 du carbone, qui est un débat préoccupant,
42:46 parce que...
42:47 - Non, mais c'est fondamental, vous êtes d'accord ou pas ?
42:50 - Non, je vous donne les chiffres, parce qu'il faut
42:52 toujours revenir à des choses précises.
42:54 Actuellement, toutes les opérations de capture
42:59 et du stockage de carbone qu'on réalise pour l'année 2022
43:03 représentent 45 millions de tonnes concernées.
43:08 Or, les émissions, c'est 45 milliards de tonnes.
43:12 Et donc, penser qu'on va résoudre le problème
43:16 à partir de ces technologies qui peuvent être intéressantes
43:19 pour le ciment, pour d'autres choses, pour l'acier...
43:21 Non, on peut les utiliser...
43:24 - On n'utilisera pas nos anciennes mines de charbon, par exemple,
43:26 pour les capter ?
43:27 - Ça ne doit pas être un faux semblant.
43:28 Donc, je dis que l'accord majeur, j'insiste sur ce point,
43:32 pour lequel il faut féliciter les émirats,
43:35 est à renforcer, et qu'il est à renforcer rapidement.
43:39 Parce que ce qui est dit aussi, rappelé de manière...
43:41 - Mais c'est pas rapidement, c'est comment renforcer ?
43:43 - Alors... - Et par qui ?
43:44 - Pourquoi ? Alors... - Nathalie Françoise ?
43:46 - Rapidement, ça veut dire maintenant.
43:48 Ce n'est pas en 2050 qu'on va régler le problème.
43:51 C'est avant 2030.
43:52 Et les chiffres, ils sont cités dans l'accord,
43:56 à partir des travaux excellents, à la fois des Nations Unies
43:59 et de l'Agence internationale pour l'énergie.
44:02 Aujourd'hui, si nous voulons être en ligne
44:07 avec une augmentation maximum de la température de 1,5°C,
44:11 qui a été fixée à Paris, là, sous ma présidence,
44:14 il faudrait diminuer de 43% les émissions d'ici 2030,
44:20 et de 60% d'ici 2035.
44:23 Or, elles sont en train d'augmenter.
44:25 Ça veut dire qu'en 6 ans, il faudrait passer
44:28 d'une augmentation à une baisse de 43%.
44:32 Vous voyez l'immense difficulté.
44:35 Donc, rapidement, ce n'est pas en 2050 qu'on va régler le problème.
44:39 Je me rappelle une conversation que j'avais eue avec M. Blumberg,
44:44 qui s'occupe et s'occupait déjà beaucoup du climat.
44:48 Il m'a dit "M. Fabius, il y a une erreur à éviter,
44:50 c'est de parler uniquement du long terme."
44:53 Il reprenait la phrase de Keynes.
44:54 "A long terme, nous sommes tous morts."
44:56 Bon, c'est maintenant que ça se joue.
44:59 Et les COP ont été positives.
45:01 Je cite un chiffre qu'on ne cite jamais.
45:03 Au moment où nous avons fait l'accord de Paris,
45:05 la tendance était entre une augmentation de 4° et 5°.
45:10 Maintenant, grâce à l'accord de Paris et aux décisions subséquentes,
45:14 nous sommes autour de 3°.
45:16 Mais il faut descendre à 1,5°.
45:19 Et si nous ne le faisons pas...
45:20 Vous croyez encore que c'est possible, ça ?
45:23 Je répondrai comme Léon Blum.
45:26 Je le souhaite, je le crois, parce que je l'espère.
45:29 Ça demande un effort considérable.
45:32 Un effort financier, un effort social.
45:34 Parce que si vous voulez imposer aux gens,
45:37 sans mesure d'accompagnement,
45:39 des choses qu'ils ne peuvent pas accepter,
45:41 évidemment c'est le refus.
45:42 Et j'ajouterai deux derniers éléments
45:45 que peut-être on n'a pas toujours à l'esprit.
45:48 Le premier élément, c'est que...
45:52 Bon, je ne suis pas archéomarxiste,
45:55 ce n'est pas ma réputation ni ma conviction.
45:59 Mais j'ai regardé les cours de bourse des sociétés pétrolières
46:03 depuis l'accord de Dubaï.
46:07 Et ils ont monté entre 1 et 2%.
46:12 Donc pensez qu'automatiquement,
46:15 à partir des décisions qui ont été prises à Dubaï,
46:19 et qui, je le répète, sont bonnes,
46:21 il va y avoir un renversement radical.
46:26 Comme disait un de mes maîtres,
46:30 il y a des poissons volants,
46:32 mais ce n'est pas la majorité des poissons.
46:33 Deuxièmement, je suis préoccupé parce que...
46:40 Bon, les gens qui sont à la tête des négociateurs,
46:44 je les connais tous,
46:46 ce sont des amis ou des fils de l'accord de Paris,
46:50 et plusieurs d'entre eux vont s'en aller.
46:52 Et donc la mémoire de ce que nous avons fait à Paris,
46:57 qui est quand même la mère de toutes les batailles,
46:59 je ne voudrais pas qu'ils s'en aillent.
47:01 Ensuite, quand je disais,
47:03 et je réponds ainsi à la question de Mme Saint-Cricq,
47:05 quand, comment, dès maintenant ?
47:07 Alors, nous avons une COP chaque année.
47:09 L'année prochaine, c'est en Azerbaïdjan, à Bakou.
47:15 C'est d'ailleurs très contesté.
47:16 Oui, je vous réponds là-dessus dans un instant.
47:17 Il y a une tribune ce matin dans la presse.
47:18 Et dans deux ans, c'est au Brésil.
47:20 Bon, j'espère que Bakou, si ça a lieu à Bakou, sera positif.
47:23 Mais je compte beaucoup, beaucoup, beaucoup sur la COP brésilienne,
47:28 qui sera Paris +10, avec la force de Lula,
47:32 avec ce que veulent faire les Brésiliens.
47:34 En tout cas, il faut agir très vite.
47:35 Pour ce qui concerne l'Azerbaïdjan,
47:37 je vous explique pourquoi ce choix a été fait.
47:40 Dans les règles qui concernent les COP,
47:43 qui sont dictées par l'ONU,
47:44 il y a une tournante des endroits géographiques.
47:50 Et là, ça devait être un pays de l'Europe de l'Est.
47:53 Mais il faut l'accord de tout le monde.
47:54 Or, la Russie a mis son veto.
47:56 Il y a eu des propositions.
47:57 La Russie a dit "j'en veux pas".
47:58 Et la Russie n'a accepté que l'Azerbaïdjan.
48:03 Et il y aurait eu une solution alternative.
48:06 Si on trouve pas de solution,
48:07 ça a lieu en Allemagne à Bonn.
48:09 Mais finalement, ça n'a pas été souhaité.
48:11 Donc, comme je suis diplomate,
48:12 vous me demandez si c'est une erreur ou pas une erreur,
48:15 je dirais "c'est problématique".
48:17 Merci Laurent Fabius.
48:18 On va laisser Nathalie se désaltérer
48:21 pour essayer de retrouver son souffle
48:22 et à cesser de tousser.
48:24 Vous restez bien sûr avec nous.
48:25 Nous accueillons notre second invité de questions politiques.
48:28 France Inter.
48:33 Questions politiques.
48:36 Karine Bécard.
48:37 Nathalie, est-ce que ça va mieux ?
48:39 Oui.
48:40 Non.
48:41 Bonjour Stéphane Zumsteig.
48:42 Bonjour.
48:43 Merci de nous avoir rejoint sur le plateau de questions politiques.
48:45 Vous êtes le directeur du département politique et opinions
48:47 à l'Institut de sondage Ipsos.
48:49 Et on vous a invité parce qu'on avait envie de savoir,
48:51 en cette fin d'année politiquement un peu tourmentée,
48:54 comment vont la France et les Français.
48:55 Stéphane Zumsteig,
48:56 est-ce que les Français sont déçus de la démocratie
48:59 dans laquelle ils vivent aujourd'hui ?
49:00 En tout cas, ils terminent cette année d'un point de vue politique
49:02 en tout cas un peu désabusé.
49:04 Alors il y a le contexte international évidemment,
49:06 il y a la poursuite de l'inflation,
49:07 mais la réforme des retraites
49:08 et toutes les polémiques autour ont laissé
49:11 une relation très abîmée entre les Français et l'exécutif,
49:14 mais la classe politique en général aussi.
49:16 Et le spectacle qui leur a été servi la semaine dernière,
49:19 enfin cette semaine pardon,
49:20 à l'Assemblée nationale n'a sans doute pas arrangé les choses.
49:23 Donc ce que l'on constate aujourd'hui dans les différentes enquêtes
49:25 qu'on peut, dans différents baromètres,
49:26 qu'on peut réaliser depuis une dizaine d'années,
49:28 c'est que le consensus qui existait autrefois sur la démocratie,
49:31 qu'elle soit parfaite ou imparfaite,
49:33 était de toute façon le seul système envisageable
49:35 dans un pays comme la France.
49:36 Eh bien ce consensus n'existe plus.
49:37 Vous avez toujours une majorité des Français
49:39 qui considèrent que la démocratie est le moins mauvais des systèmes,
49:42 mais il y a aujourd'hui un tiers des Français
49:44 qui considèrent qu'il y a d'autres systèmes
49:46 qui sont aussi bons que la démocratie.
49:48 Un peu plus autoritaires ?
49:50 Un peu plus d'autoritarisme,
49:51 un peu moins de place à la démocratie représentative notamment.
49:54 Et ce sentiment, un tiers, un gros tiers des Français,
49:57 cette proportion a significativement augmenté
49:59 ces dix dernières années.
50:00 Alors si on revient 18 mois en avant,
50:03 les Français ont rêvé d'une nouvelle politique
50:05 après les élections législatives.
50:07 Ils ont espéré un nouveau rapport de force
50:09 avec une majorité relative à l'Assemblée.
50:12 Ça a raté. Les Français sont déçus ?
50:14 Oui, les Français sont déçus,
50:15 d'autant plus que vous venez de le dire,
50:16 à l'issue de ce second tour en juin dernier,
50:18 ils étaient satisfaits, ils manifestaient leur satisfaction
50:21 à l'égard de cette défaite relative du président
50:23 qui n'avait pas tous les pouvoirs entre ses mains.
50:25 Mais ce que les Français voulaient,
50:26 c'était davantage de majorités,
50:28 alors des majorités de projet au cas par cas,
50:30 voire des coalitions.
50:32 Et ça n'a pas fonctionné,
50:33 et c'est pour ça que je parlais tout à l'heure
50:34 d'un spectacle un peu, d'un sentiment désabusé.
50:37 Ils se navrent du spectacle de majorités
50:40 qui ne se constituent jamais
50:42 et de partis politiques quels qu'ils soient.
50:44 Ça vaut tant pour le bloc présidentiel
50:46 que pour la gauche ou pour la droite,
50:47 des partis qui privilégient finalement
50:49 la tactique politique à la petite semaine.
50:51 On l'a vu, et on l'a vu justement ces derniers jours,
50:54 plutôt que de travailler sur les débats de fond.
50:56 - Françoise.
50:57 - J'ai une question à tous les deux d'ailleurs.
50:59 En fait, la Ve République, elle a quand même montré
51:01 qu'elle surmontait beaucoup de crises depuis 1958.
51:06 Est-ce qu'elle est quand même adaptée
51:07 à cette situation actuelle de majorité relative
51:10 avec un bloc de trois qui ne s'entend pas ?
51:12 Est-ce que c'est durable
51:14 ou la crise qu'on vit aujourd'hui, cette semaine,
51:16 montre qu'au fond, on n'y arrive pas ?
51:18 - Ce qui change, c'est la fracturation de la vie politique,
51:21 du spectre politique.
51:23 Il n'y a pas une opposition, il y a des oppositions
51:25 qui n'ont rien à voir les unes avec les autres.
51:27 Mais moi, je pense que là où la Ve République
51:29 atteint ses limites, ce n'est pas la faute du texte,
51:31 c'est plus la faute d'une absence de culture,
51:34 de coalition des politiques français.
51:37 - Mais qu'on n'a désespérément pas en France.
51:39 - Voilà.
51:40 Un parti politique ou un homme politique
51:42 ou une femme politique est prête à s'allier avec quelqu'un,
51:44 mais c'est pour qu'il s'en serve comme béquille
51:45 et pour finalement le tuer à la fin politiquement.
51:47 On le voit bien avec tout ce qui se passe depuis 18 mois,
51:49 les attermoiements entre le Bloc présidentiel
51:51 et les Républicains.
51:53 On se retrouve dans une situation un petit peu ubuesque
51:55 où les Français se sentent floués.
51:57 Ils se sentent floués à la suite de la réforme des retraites.
51:59 Ils ne voulaient pas de ce texte, ils l'ont eu.
52:01 Là, très clairement, toutes les enquêtes politiques
52:03 le montrent, toutes les enquêtes d'opinion, pardon,
52:05 le montrent, ils sont pour une politique migratoire
52:08 plus restrictive, en tout cas,
52:10 et jusqu'à présent, on verra ce qui se passera demain
52:12 et après-demain en cas de vote.
52:14 Ils n'ont pas un texte qu'ils voulaient.
52:16 Donc quelque part, il y a ce sentiment que le système est bloqué,
52:18 de la faute de la classe politique
52:20 et donc quelque part, tout ça entretient ce fossé croissant
52:22 entre le personnel politique et le peuple français.
52:25 Laurent Fabius, vous pouvez nous donner votre avis.
52:28 Je suis assez d'accord avec cette analyse.
52:30 Je pense que la Constitution,
52:33 j'avais des travaux à faire là-dessus récemment
52:36 et j'ai parlé d'une stabilité adaptative.
52:39 C'est une chose positive d'avoir une Constitution stable.
52:43 Mais avec des adaptations,
52:46 et il n'y a pas beaucoup d'adaptations,
52:49 or je crois qu'elles seraient nécessaires,
52:51 et puis il y a ce que vous dites à juste titre
52:53 sur la culture du compromis.
52:55 Alors ça pose toute une série de questions
52:58 qui un jour ou l'autre devront être résolues
53:00 sur le mode de scrutin, sur d'autres éléments.
53:03 Mais c'est vrai qu'on sent ce fossé grandissant
53:09 qui est extrêmement dommageable
53:11 et qui est une des explications de la montée des extrêmes.
53:14 Mais la question de Françoise, elle est précise.
53:16 La question c'est est-ce que finalement
53:18 une majorité minoritaire est compatible
53:20 avec la Ve République, avec notre Constitution ?
53:22 Oui, il y a des armes constitutionnelles.
53:25 Les armes ont des limites.
53:28 On a parlé d'un parlementarisme rationalisé.
53:32 Mais le parlementarisme rationalisé,
53:35 ça ne peut pas être le parlementarisme corseté.
53:38 Donc je crois qu'il faut essayer de mettre
53:41 de la souplesse dans le système
53:43 et de répondre aux problèmes des gens.
53:45 C'est ça qu'il demande.
53:46 On reste sur le trop corseté.
53:48 Vous l'avez utilisé plusieurs fois.
53:50 Merci infiniment Stéphane Zumstag
53:52 d'être venu sur le plateau de Questions politiques.
53:54 Un grand merci à vous Laurent Fabius
53:56 d'être venu ce dimanche dans Questions politiques.
53:58 C'était la dernière émission de cette année,
54:00 2023, il n'y aura pas Questions politiques
54:02 le jour du réveillon de Noël,
54:04 ni le jour du réveillon de la nouvelle année.
54:06 Rendez-vous donc en 2024
54:08 avec toute l'équipe bien sûr.
54:10 Fabienne Lemoile à la rédaction en chef,
54:12 Amaury Bauchet à la programmation.
54:14 En attendant, je vous souhaite comme chaque dimanche
54:16 une excellente fin de week-end.
54:18 Et nous une bonne fête, enfin deux bonnes fêtes.
54:20 Pareil nous.

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