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Comme chaque semaine dans "À l'épreuve des faits", notre journaliste Céline Pitelet tente de démêler le vrai du faux dans l'actualité de la semaine.

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00:00 comment se porte l'école de la République.
00:02 À Issou, dans les Yvelines, les enseignants du collège ont exercé leur droit de retrait.
00:05 C'était lundi, ils ont cessé de faire classe.
00:07 Après un incident survenu la semaine dernière dans un cours,
00:11 on va voir ce qui s'est passé des élèves de 6e.
00:14 On détournait le regard pour ne pas voir ce tableau du 17e siècle,
00:18 pour ne pas voir ces femmes nues peintes par Giuseppe Cesari.
00:22 L'enseignante de français qui a fait le choix
00:24 de montrer ce tableau de la Renaissance dans un cours consacré à l'art
00:28 a ensuite été accusée de racisme, d'islamophobie,
00:31 incident qui a marqué les enseignants, les élèves et leurs parents.
00:35 Ma fille est arrivée à l'école ce matin avec un stress.
00:39 Elle ne se sent pas du tout en sécurité,
00:41 elle voit qu'il y a des choses qui dérapent au niveau du système scolaire
00:44 et là encore plus pour une première année de 6e.
00:46 Ce matin elle me disait "Maman j'ai un petit peu peur parce que
00:49 cette histoire là j'ai peur que ça va tourner sur nous".
00:52 Après je l'ai expliqué, voilà donc.
00:54 Ma fille n'a pas pris mal cette image là.
00:58 Ils ne comprennent pas cette polémique et ils la regrettent.
01:04 Le ministre de l'éducation nationale, Gabriel Attal, s'est rendu sur place.
01:08 A Issou, il a annoncé une procédure disciplinaire à l'endroit des élèves impliqués,
01:12 des renforts en moyens humains pour l'établissement
01:15 et il a rappelé les valeurs de l'école républicaine.
01:19 A l'école française, on ne conteste pas l'autorité, on la respecte.
01:24 A l'école française, on ne conteste pas la laïcité, on la respecte.
01:29 A l'école française, on ne détourne pas le regard devant un tableau,
01:34 on ne se bouge pas les oreilles en cours de musique,
01:36 on ne porte pas de tenue religieuse.
01:38 Bref, à l'école française, on ne négocie pas ni l'autorité de l'enseignant
01:44 ni l'autorité de nos règles et de nos valeurs.
01:47 Alors, ce qui s'est passé au collège à Issou, est-ce que c'est un fait isolé
01:51 ou est-ce que ça fait écho à des situations que rencontrent de plus en plus les enseignants ?
01:55 J'ai posé la question à Carole Zerbi, elle est proviseure de lycée à Paris
01:59 et elle est membre de l'Observatoire de la laïcité du SNPDEN, une SA.
02:05 Ça fait écho à des situations qu'on rencontre de plus en plus
02:10 qui font partie de ce qu'on appelle les contestations d'enseignement.
02:15 C'est-à-dire qu'un enseignant traite quelque chose du programme dans son cours,
02:23 quelque chose qui fait partie des programmes de l'éducation nationale
02:28 et il est contesté dans cet enseignement.
02:31 Et ça arrive malheureusement de plus en plus souvent.
02:35 Par exemple, les professeurs de SVT peuvent avoir du mal à aborder la question de la théorie de l'évolution,
02:42 à aborder des questions de sexualité.
02:46 Dernièrement, on me rapportait des professeurs de science
02:51 qui se sont vus contester la réalité de l'homme qui a marché sur la Lune en 1969.
02:58 Des contestations de faits historiques ou des refus de voir telle ou telle chose.
03:06 Pour Samuel Paty, c'était refuser de voir les caricatures,
03:10 et bien là c'est refuser de voir un tableau sur lequel il y a des femmes nues.
03:15 Et nous sommes en direct avec Maxime Répert.
03:17 Merci beaucoup d'être avec nous.
03:18 Vous êtes vice-président du SNALC et vous êtes professeur d'histoire-géographie.
03:23 Est-ce que vous aussi vous constatez que de plus en plus d'élèves contestent le contenu des enseignements à l'école ?
03:31 Oui, et pas que les élèves d'ailleurs.
03:34 Également des parents qui se permettent de contester, de juger, voire même de vouloir faire votre travail.
03:42 C'est-à-dire notre travail en proposant des lectures, des références, etc.
03:49 Donc on se retrouve dans une situation où on a l'impression, si vous voulez,
03:55 que les parents et les élèves deviennent des purs consommateurs de l'éducation nationale.
04:02 Ils consomment, ils méprisent parfois les professionnels que nous sommes.
04:08 Et on le voit de plus en plus.
04:10 Et ça a quelle conséquence sur le respect des programmes et aussi sur l'état d'esprit des enseignants ?
04:17 L'état d'esprit est marqué tout simplement par un constat, celui de l'insécurité.
04:25 À la fois une insécurité physique, on l'a vu avec ce qui s'est passé pour Samuel Paty, Dominique Bernard,
04:32 et très récemment notre collègue qui a été menacé par une élève de 5ème avec un long couteau.
04:39 Donc il y a ce côté-là.
04:42 Et puis derrière, il y a le côté psychologique.
04:44 C'est-à-dire qu'on ressent de plus en plus un sentiment de dégradation du métier,
04:53 une image du métier qui est de plus en plus battue en brèche,
05:00 par des comportements de moins en moins tenables pour nos collègues.
05:07 Vous restez avec nous Maxime Repere, je reviendrai vers vous dans un instant.
05:10 D'abord Fanny, un mot des chiffres.
05:12 Parce qu'hier le ministre Gabriel Attal a communiqué sur les atteintes à la laïcité.
05:17 Que nous disent ces chiffres ?
05:19 Vous regardez, il nous montre l'évolution sur ces derniers mois de ces signalements.
05:23 Donc pour des faits d'atteinte à la laïcité, vous le voyez, ce que ça dit c'est qu'ils ont été particulièrement élevés,
05:30 ces chiffres, au mois de septembre et d'octobre, en augmentation et qu'ils ont chuté au mois de novembre.
05:35 On était à plus de 1000 faits d'atteinte à la laïcité au mois de septembre, plus de 1800 au mois d'octobre,
05:42 et 460 seulement au mois de novembre.
05:45 Au mois de septembre, il y en avait 40% de plus qu'au mois de juin et en grande majorité,
05:51 ils étaient liés à des atteintes pour des signes ou des tenues religieuses portées.
05:55 Novembre, vous le voyez, les signalements sont au plus bas sur un an.
06:00 Le ministère de l'Éducation nationale met en avant des circonstances exceptionnelles
06:04 pour justifier la forte hausse des atteintes à la laïcité au mois de septembre et au mois d'octobre.
06:09 Oui, ces deux mois, il le rappelle, le ministre, ont été marqués par des circonstances d'utile particulière.
06:14 Souvenez-vous, tout d'abord, il y a eu l'interdiction à la rentrée scolaire de septembre du port de La Baïa et du Camis
06:21 dans les établissements scolaires au mois d'octobre.
06:24 Ensuite, il y a eu l'assassinat de Dominique Bernard.
06:27 On en parlait à l'instant à ce professeur de français tué à Arras.
06:30 Et puis, il y a eu ensuite dans la foulée les sanctions liées aux incidents durant les hommages qui lui ont été rendus le 16 octobre.
06:37 Des phénomènes exceptionnels qui ont contribué à faire remonter le nombre d'incidents au mois de septembre et au mois d'octobre,
06:46 selon le ministère, contrairement au mois de novembre où, selon le ministère, il n'y a eu aucun événement exceptionnel.
06:53 Je vous propose d'écouter Gabriel Attal.
06:55 C'est la fin du port de La Baïa et des tenues religieuses à l'école.
06:59 On voit que ça entraîne une baisse des chiffres d'atteinte à la laïcité.
07:04 Maintenant, évidemment que ça reste un enjeu de mobilisation et notamment s'agissant des contestations d'enseignement avec parfois des élèves
07:13 qui contestent un enseignement du professeur, que ce soit en histoire géographique, en sciences de la vie et de la terre, en musique, en arts plastiques, en lettres.
07:22 Et ça reste pour moi un enjeu de mobilisation.
07:24 Alors, quel ressenti des enseignants ?
07:27 Regardez ce que disait le sociologue Benjamin Moignard, spécialiste du climat scolaire,
07:32 que la moitié des enseignants considèrent que la laïcité est menacée à l'école,
07:36 que ça exprime, selon lui, une préoccupation qui n'était pas aussi forte il y a 10 ou 15 ans.
07:42 Sur les contestations maintenant des contenus de l'enseignement,
07:45 le SNPDEN et l'UNSA éducation, dans un rapport de mars dernier,
07:52 déclarent que sur les 1000 personnels de direction de l'enseignement qui ont été interrogés,
07:58 plus d'un quart, 26%, déclarent qu'il y a eu au moins un fait de contestation de contenu d'enseignants
08:05 au nom de la vérité religieuse qui s'est manifestée.
08:09 Dans le détail, on remarque qu'il y en a plus dans les banlieues de grandes villes ou encore dans les métropoles
08:14 et qu'il y en a moins dans les petites villes ou encore les villages.
08:16 Merci beaucoup Fanny.
08:18 Maxime Repère, est-ce qu'en tant qu'enseignant, vous êtes formé à faire face à ces situations,
08:23 à savoir comment réagir quand de telles atteintes à la laïcité se produisent dans vos salles de classe ?
08:29 Pas du tout. Je voudrais intervenir sur trois points par rapport à ce qui vient d'être dit concernant la laïcité.
08:39 Premier point, les chiffres qui ont été donnés hier concernent des atteintes,
08:44 notamment par rapport au port de La Valle, donc effectivement il y a une baisse en novembre.
08:47 Ça ne veut pas dire que la laïcité n'est pas en danger, elle l'est et on remarque de plus en plus d'incidents,
08:54 de contestations du contenu des programmes par des élèves, des enseignements,
09:02 mais aussi par des parents. Ça c'est le premier point.
09:06 Le deuxième point, on parlait dans les déclarations de situations exceptionnelles.
09:12 Je me rends compte que ces derniers temps, chaque jour il se passe quelque chose au niveau du climat scolaire,
09:18 chaque jour il y a un incident et je me rends compte que l'exceptionnel devient de plus en plus le quotidien
09:24 des personnels que nous sommes, des professionnels, et c'est un quotidien qui devient de plus en plus difficile à tenir.
09:33 Et enfin, troisième point par rapport à ça, il y a un phénomène qui vient un petit peu mettre à mal ces chiffres,
09:43 c'est le phénomène du pas de vague que le SNALC dénonce depuis des années et des années,
09:48 et du fait de ce pas de vague, on est en droit légitimement de penser que les chiffres qui sont donnés régulièrement sont sous-estimés.

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