La bande de 22H Max réagit à la pétition lancée contre le fait de donner le nom du chanteur à une nouvelle station du métro parisien.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Peut-on baptiser en 2023 une nouvelle station de métro parisienne du nom de Serge Gainsbourg ?
00:05 Ligne 11 du métro, quartier des Lilas, station Serge Gainsbourg, c'est ce qui était prévu,
00:11 c'est peut-être ce qui est toujours prévu, sauf qu'il y a une pétition qui a été lancée,
00:14 et déjà plus de 3 700, on le voit sur ce chiffre-là, 3 700 signatures contre ce nom.
00:21 Et je vais vous lire des extraits de la pétition.
00:22 « Les violences envers les femmes et les tendances pédocriminelles,
00:26 voire incestueuses de Serge Gainsbourg, pour ne citer qu'elles, sont pourtant de notoriété publique,
00:30 et nous sommes révoltés que sa personne soit mise à l'honneur dans le métro de Paris. »
00:35 Attendez, il y a même pire que ça, ils disent que Serge Gainsbourg a chanté
00:38 « des féminicides sadiques et des viols incestueux ».
00:43 Le politique moins correct n'a plus de limite, c'est la cancel culture, on n'a plus de limite.
00:49 Pourquoi disent-ils ça ? Parce que quand même je me suis penchée là-dessus.
00:54 Alors parce que vous vous souvenez, il y a ce clip, entre autres, le clip « Lemon Incest »
00:59 dans lequel on peut voir Serge Gainsbourg aux côtés de sa fille Charlotte Gainsbourg,
01:03 dans un grand lit, lui en chemise, elle en sous-vêtements.
01:07 On est dans la provocation, le second degré, voire le 18ème degré.
01:13 On a besoin de ce droit, de ce droit à l'ironie, de ce droit au second degré.
01:18 On ne peut pas renoncer à ça, on ne peut pas se retrouver enfermé dans le premier degré.
01:24 Le premier degré, c'est typiquement ce qui nous tire tous vers le bas.
01:27 Il faut pouvoir se donner la liberté de l'ironie, se donner la liberté de la provocation.
01:33 Gainsbourg, c'était ça. Gainsbourg, c'est la magie de la provocation.
01:37 C'est un talent fou, incandescent, infernal. On en a besoin.
01:41 C'est une des icônes dans notre mythologie française.
01:46 Et moi, je suis effarée, mais je ne peux pas dire que je suis étonnée, Maxime.
01:51 Alors là, aucun étonnement. Je vois bien qu'au fond, le moralisme vient s'emparer de tout.
01:58 Et ce qui est terrible, c'est que non seulement le moralisme s'empare de tous les sujets,
02:04 mais en plus, fait céder les uns aux autres.
02:07 Parce que tout le monde se dit "là, on ne peut pas prendre le risque, c'est très très dangereux".
02:11 D'avoir des hordes de moralistes sur le tour.
02:14 - Vous parliez de l'hémorragie, en 1984, quand on revient en parole.
02:18 Écoutez les paroles de Gainsbourg dans cette chanson.
02:20 - L'amour que nous ferons jamais ensemble est le plus beau, le plus violent, le plus pur, le plus amoureux.
02:35 - Je reviens en parole que vous avez entendu chanter par Charlotte Gainsbourg.
02:43 L'amour que nous ne ferons jamais ensemble.
02:46 - C'est clairment dit.
02:48 - L'amour que nous ne ferons jamais ensemble est le plus beau, le plus violent, le plus pur, le plus enivrant.
02:52 Voilà ce que fait chanter Gainsbourg à Gainsbourg.
02:55 Serge Gainsbourg à Charlotte Gainsbourg.
02:57 Péricoles, vous vous en fondrez aussi.
02:58 - On ne peut pas soupçonner un instant Gainsbourg.
03:00 Mais là, vous voyez, c'est très grave parce qu'on arrive au stade d'avant le blasphème.
03:05 On est tué pour du blasphème, sous forme de dessin ou sous forme de parole.
03:09 Il a blasphémé.
03:10 Et là, on est en train de faire entrer une oeuvre artistique, une chanson.
03:14 C'est une forme de blasphème moral.
03:16 C'est un tentatoire à la pudeur, c'est un tentatoire à la morale.
03:18 On va donc l'interdire.
03:19 Et là, déjà, nous avons des gens qui nous disent il faut arrêter de stigmatiser les religions.
03:23 Il n'y a plus à faire de croquis anti-religieux de quelque confession que ce soit.
03:27 Sinon, ben oui, ils tuent, mais en même temps, ils ont été provoqués.
03:30 Et là, on s'attaque aujourd'hui à Gainsbourg.
03:31 Ça veut dire, et Anna le dit bien, il n'y a pas de limite.
03:34 Ça va s'arrêter où ?
03:35 Où est le seuil de la morale ?
03:37 Où est le seuil de la police morale ?
03:39 Ça va être quoi ?
03:40 Mais le départ est confessionnel malgré tout.
03:42 C'est une forme de religion.
03:43 C'est une forme de religion ?
03:44 Ah oui, et là, on jette un anathème sur une chanson
03:47 parce qu'on considère sur des critères totalement idéologiques
03:49 qu'elle porte atteinte à la moralité de l'enfant et à la pudeur.
03:53 C'est aberrant.
03:54 Le simple fait que ce problème soit posé nous signale que nous sommes dans une situation...
03:56 J'aurais quand même d'autres exemples à vous servir de Gainsbourg dans un instant.
04:00 Quand même, cette pétition est une pétition d'imbécile.
04:02 Où est-ce qu'on va s'arrêter ?
04:03 Qu'est-ce qu'on fait du métro Robespierre ?
04:04 Parce qu'il en a tué un peu plus que Gainsbourg.
04:06 Qu'est-ce qu'on fait du métro Bacquin ?
04:08 Franklin Roosevelt, président des États-Unis sympathiques,
04:10 mais il a quand même lancé son pays dans la guerre.
04:12 Il a un peu lancé le chantier de la bombe atomique.
04:15 Qu'est-ce qu'on fait de Félix Faure,
04:16 qui recevait sa maîtresse prostituée à l'Élysée, qui en est mort ?
04:19 C'est peut-être pas très respectueux des femmes non plus.
04:21 On pourrait peut-être débaptiser Félix Faure.
04:23 Et le métro Convention, qui a couché aussi de la terreur.
04:25 Enfin, on n'en finit jamais.
04:26 C'est encore les ravages de cette stupidité qu'est la cancel culture.
04:30 On peut revisiter l'œuvre de Gainsbourg.
04:31 On peut critiquer sa vie, son œuvre.
04:33 Mais de là à vouloir débaptiser la porte d'Élila,
04:36 parce que le poids sonneur d'Élila est dans notre patrimoine commun.
04:39 Le moraliste américain.
04:40 Je vais peut-être réussir à vous mettre d'accord.
04:42 Alors, au-delà du fait que je n'ai pas de problème avec Serge Gainsbourg,
04:44 et évidemment, il faut être en capacité de provoquer et de devenir grave.
04:49 J'ai vu que vous faisiez une petite grimace quand je disais qu'il fallait,
04:50 qu'on pouvait être dans le 18e degré, la provocation.
04:53 Oui, oui, non, non.
04:54 C'est qu'en fait, là-dessus...
04:54 Pourquoi vous grimacez ?
04:55 Parce que je me suis souvenu d'un documentaire que j'ai vu
04:58 à l'époque du décès de Jen Birkin.
05:01 Et là où je grimace, c'est que Jen Birkin, elle raconte très bien les violences.
05:03 Les violences, absolument.
05:04 Elle parle des violences.
05:06 Elle parle des violences conjugales.
05:07 Et c'est pour ça qu'elle est partie.
05:09 Donc, moi, il y a un petit truc qui me gêne.
05:10 Autant sur la dimension, les Moneys in Ceste, Charles Gainsbourg,
05:13 il n'y a pas de sujet.
05:13 Pour moi, ce n'est pas un sujet.
05:15 En revanche, elle l'a dit.
05:17 Et elle l'a dit très clairement.
05:18 Donc, dans le moment...
05:19 Et c'est aussi dans la pétition.
05:20 Ah ben voilà, tant mieux.
05:22 Mais enfin, je ne sais pas.
05:23 Pas forcément si précisément, mais c'est aussi dans la pétition.
05:26 Mais en fait, à un moment, il y a quand même...
05:29 Ben, pardon, je suis désolée.
05:30 Nous sommes tous coupables.
05:32 À ce livre-là, l'humanité entière est coupable d'un jour comme il l'est.
05:36 Mais je suis désolée aussi.
05:37 En fait, à un moment, on peut quand même se poser la question
05:40 de l'opportunité au vu de ce qu'a pu dire Jen Birkin.
05:43 Il a déjà son musée.
05:45 Il a déjà beaucoup d'espace.
05:46 Moi, je serais d'avis, pardon, de donner un nom de bouche de métro
05:54 à Jen Birkin et à une fan.
05:55 Laura, peut-être.
05:56 Mais maintenant, on est tellement en déficit.
05:59 Il n'y a pas besoin de l'exonérer.
06:00 Il n'y a pas besoin d'un contre l'autre, en fait.
06:03 Non, ce n'est pas une question d'un contre l'autre.
06:04 C'est qu'en fait, on est en déficit sur la toponomie,
06:07 sur les avenues, sur les places.
06:08 Et ça, il y a des chiffres.
06:10 Il y a même eu, figurez-vous, des cahiers qui ont été,
06:13 enfin, dans Portrait de France, qui ont été envoyés aux collectivités
06:16 en mode, vous savez quoi, il faudrait que dans l'espace public,
06:18 on ait plus de femmes et plus de personnes issues d'ailleurs.
06:22 Parce qu'il y a des gens, à l'image de Manouchian,
06:24 Misak Manouchian, qui va être panthéonisé, en fait, fin janvier
06:27 ou début février, je ne me souviens plus exactement.
06:30 Bon, et bien dans ce cas-là, on va trouver la bonne solution.
06:33 Mettons une femme.
06:34 Non, mais attendez, attendez, je me refais un tournatiste.
06:35 En mode, en espace public, pour Jane Birkin, peut-être que
06:38 "Sèvre Babylon in Babylon", ça ne serait pas bon.
06:42 Non, mais juste, c'est important ce que dit Laura Madilla
06:45 sur ce point-là, où effectivement, Jane Birkin a parlé de ça,
06:47 a parlé de ces violences.
06:48 Il y a d'autres exemples qui sont donnés,
06:50 qui peuvent paraître plus anecdotiques, mais Gainsbourg,
06:53 ivre, qui vient chez Drucker, insulter Whitney Houston
06:56 pour dire "I want to fuck her".
06:58 Oui.
06:59 Voilà, c'est un comportement vis-à-vis des femmes.
07:01 On peut aussi comprendre que certains se disent
07:03 "Est-ce qu'on est vraiment sûr de vouloir baptiser
07:06 une station de métro de ce nom-là ?"
07:07 Mais si on baptise la station de métro, ce n'est pas pour cette partie-là
07:09 de son œuvre qui est très contestable et qu'il ne pourrait plus le faire
07:11 aujourd'hui sans déclencher un grand scandale et se trouver mis au bord.
07:14 C'est parce qu'il a écrit le porte-sonneur des Lilas,
07:16 qui est une magnifique chanson.
07:18 C'est pour ça que le porte des Lilas doit se baptiser Gainsbourg.
07:21 On peut le mettre ailleurs.
07:22 Si on ajoutait Jane Birkin à une station de métro,
07:25 les deux sous-chics sont plus souvent chics chez Jane Birkin que dans le métro.
07:28 Tous les êtres humains ont un casier suspect dans leur vie privée
07:31 qui peut être ressorti à dernier.
07:32 Ils comptaient les femmes !
07:33 Ils croyaient que Louise Michel était une sainte,
07:35 que Charlotte Corday était une sainte,
07:37 et que Manon Rolland n'était pas une femme politique
07:38 qui intriguait et qui était répréhensible.
07:40 Ils croyaient que les femmes de pouvoir n'ont pas abusé de leur pouvoir
07:42 parce que quand on a le pouvoir, on en abuse.
07:44 Est-ce qu'elles ont frappé les mecs ?
07:46 Dans un mouvement de société très important,
07:49 on corrige tout cela, on lutte,
07:51 et en effet pour la violence physique, le chantier est beaucoup plus important.
07:55 Sur la violence psychologique, on pourrait en redire beaucoup.
07:58 Il y a encore du boulot des deux côtés.
08:01 Mais arrêtons de procéder par l'effacement du passé
08:04 et la mise au banc de tous ceux qui n'auraient pas été purs
08:08 avec nos valeurs d'aujourd'hui dans des valeurs d'il y a 50 ans.
08:11 - Sans effacer, moi je dis qu'il faut plus de femmes dans l'espace public.
08:13 - Voilà.
08:14 Et par exemple, Juliette Drouet, il n'y a pas assez de lieux baptisés Juliette Drouet
08:19 parce qu'elle a été dans l'ombre de l'histoire.
08:20 - Moi j'ai une école Anne Sylvestre qui a ouvert à côté de chez moi et j'étais ravie.
08:24 - Voilà.