En 1976, la célèbre journaliste Michèle Cotta a eu, sous les yeux, la lettre de démission du Premier ministre Jacques Chirac adressée au président de la République Valéry Giscard d’Estaing… Scoop monumental ou manipulation ?
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00:00 Je rentre dans le bureau de Chirac et Jacques Chirac me dit « Ouf, c'est pas le moment,
00:04 c'est pas le moment ».
00:05 Bon alors on est le 26 juillet 1976, je vais à Matignon demander à Jacques Chirac pour
00:17 l'Express quelles vont être ses vacances, parce que j'avais toute une série sur les
00:22 hommes politiques en vacances.
00:23 Et donc j'arrive à Matignon à 9h du matin, je rentre dans le bureau de Chirac et Jacques
00:29 Chirac me dit « Ouf, c'est pas le moment, c'est pas le moment ».
00:31 Alors je ne comprends pas du tout ce qu'il veut dire.
00:33 Il me dit « Je vous amène chez Marie-France Garot ».
00:36 Alors Marie-France Garot c'était sa conseillère, très redoutée et d'ailleurs redoutable,
00:42 qui avec moi me dit « Ah bon, je sais, Jacques ne veut pas vous parler, ben voilà, je vais
00:46 vous dire ».
00:47 Et elle me met sous les yeux une lettre de démission, la démission de Jacques Chirac
00:52 à Valérie Giscard d'Estaing.
00:54 Alors je lis cette lettre en me disant « Mais qu'est-ce que c'est, c'est une blague,
00:58 c'est une plaisanterie ».
00:59 Elle me dit « Pas du tout, vous êtes en train de lire la lettre que Jacques Chirac
01:02 vient d'adresser à Valérie Giscard d'Estaing ».
01:04 Alors je dis « Écoutez, dans ces conditions, je ne suis pas sûre de faire un papier sur
01:08 le Premier ministre en vacances ».
01:10 Et elle me dit « Vous faites ce que vous voulez, en attendant vous ne dites rien ».
01:13 Alors me voilà sortant de Matignon avec, si c'est vrai, un scoop considérable qui
01:19 est le Premier ministre Jacques Chirac vient de présenter sa démission au président
01:23 de la République.
01:24 Et à la fois, je ne suis pas sûre que la lettre ait été vraiment envoyée.
01:28 Je ne suis pas sûre qu'elle ait été envoyée, je ne suis pas sûre même que ça ne soit
01:32 pas un piège et que je ne me répande pas partout, y compris dans L'Express, en disant
01:39 « Le Premier ministre a démissionné ».
01:41 Donc je demande à la directrice de L'Express, Françoise Giraud, j'ai un scoop terrible
01:46 mais qu'est-ce qu'on fait ?
01:47 Elle me dit « Ecoutez, ça peut être vraiment… ça on peut faire un coup évidemment, mais
01:52 on peut se casser la figure d'une manière… non, écoutez, moi je… attendons, si c'est
01:56 vrai, on le saura dans une semaine ».
01:58 Alors déjà, c'était en juillet, déjà on commence à décaler nos vacances pour
02:03 le mois d'août, et puis je décale la première semaine d'août, j'avais quand même des
02:07 enfants qui attendaient et tout ça, puis rien ne se passe.
02:10 Donc on ne quitte pas son téléphone, on ne quitte pas son bureau.
02:13 Bon bref, ça m'a beaucoup perturbée.
02:15 Finalement, je me suis dit « Je suis tombée dans un… je ne sais pas ce qu'elle a voulu
02:18 me faire, me faire une blague, je ne sais pas, ou alors me gêner à aller me faire
02:24 faire une bêtise.
02:25 Et puis donc, on part à vacances, et le 26 août, un mois plus tard, jour pour jour,
02:29 Valérie Giscard d'Estaing a accepté la démission de Jacques Chirac, et par conséquent,
02:34 c'est devenu évidemment la nouvelle, etc.
02:38 Mais je me suis dit, après j'ai beaucoup pensé à ça, je me suis dit « Est-ce que
02:41 j'aurais dû ? ». On se sent un peu bêta, quoi, après.
02:44 Mais en réalité, j'ai eu raison d'attendre, je pense.
02:47 Et au fond, je me suis dit « Je n'ai rien perdu à attendre, et j'aurais tout perdu
02:51 si je l'avais publié, et si ça ne l'était pas fait ».
02:54 – Vous en avez déjà parlé avec Jacques Chirac par la suite ?
02:56 – Bien sûr.
02:57 C'était… il me disait « Non, je n'ai vraiment pas… je ne pouvais pas recevoir
03:02 à l'époque, puisque je savais que vous faisiez un article sur les vacances du Premier
03:07 ministre, et je n'étais plus Premier ministre quand j'étais en vacances, croyais-je.
03:11 Et puis en réalité, j'ai quand même pris mes vacances en étant Premier ministre.
03:15 Mais enfin, non, non, c'est… J'ai dit à Chirac qu'il m'avait mise quand même
03:21 dans un état de réflexion prolongée sur mon métier.
03:25 Mais enfin, voilà, ça arrive.
03:28 [Musique]