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Jacques BAILLON

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00:00 Il est 7h51, Clémentine, on en a parlé en longueur ce matin de ce projet de parc à loups qui se monte à Cerdon-du-Loiret.
00:08 Une enquête publique démarre aujourd'hui d'ailleurs, et nous nous demandons pourquoi les loups provoquent toujours autant de réactions.
00:14 Est-ce que vous avez peur des loups ? Appelez-nous pour en parler dès maintenant avec un passionné.
00:18 02 38 53 25 25, nous attendons vos interventions, vous êtes nos témoins de l'actu.
00:23 Et vous pourrez en discuter directement avec un grand spécialiste des loups dans notre région.
00:28 Il a écrit de nombreux livres à ce sujet, c'est Jacques Bayon, bonjour.
00:32 Bonjour.
00:33 On l'a entendu dans les reportages diffusés ce matin, ce projet de parc à loups fait plus que polémique.
00:39 Comment expliquez-vous que ça suscite autant de réactions ?
00:43 Il y a beaucoup de malentendus, je pense.
00:45 Le loup depuis quelques centaines d'années trimballe avec lui un cortège de mythes, de légendes, de fausses idées, de confusion de toutes sortes.
00:55 Et cette histoire tombe pile dans la problématique.
01:00 Il ne faut pas confondre l'arrivée du loup en France depuis les années 90, maintenant il est à peu près partout presque,
01:07 avec un enclos à loups.
01:10 Un enclos à loups, quelles que soient les raisons pour lesquelles on le fait, ça n'a rien à voir avec le loup sauvage.
01:15 Et moi, ce n'est pas trop mon affaire de m'occuper des parcs à loups.
01:19 Il y a en France beaucoup de loups en captivité, il y en a 900 à peu près, c'est-à-dire presque autant que de loups libres.
01:24 Ça fait partie d'une demande du public, les parcs à loups, les parcs zoologiques en général.
01:30 Les gens aiment bien aller nager avec les dauphins, regarder les baleines prisonnières dans les marines élandes,
01:36 voir le succès des zoos de type Beauval qui sont des gros succès publics.
01:42 Maintenant, est-ce que ça va durer ? Ce n'est pas sûr.
01:46 Il y a maintenant des lois qui limitent un petit peu l'utilisation de l'animal captif.
01:50 Donc, je pense que les initiateurs, madame Frazier, du parc à loups, sont dans cet ennui-là.
01:57 Ils veulent faire un parc à loups, je ne porte pas de jugement sur le truc,
02:01 mais en même temps, à un moment où ce n'est plus tellement la mode.
02:04 - Oui, c'est vrai qu'on a du mal maintenant à accepter les animaux dans les zoos, dans les cages,
02:09 c'est de plus en plus réglementé.
02:12 Ce phénomène du loup, pour revenir sur cet animal que vous connaissez si bien,
02:17 vous le disiez, ça fait des années, c'est depuis la nuit des temps
02:20 qu'il y a un problème entre l'homme et le loup.
02:23 - Oui, tout à fait. Moi, j'ai commencé à m'intéresser aux loups dans les années 80.
02:26 Pourquoi ? Parce qu'à l'époque, je fréquentais la forêt d'Orléans,
02:28 je faisais de la photo animalière, par exemple, principalement.
02:31 Il y avait beaucoup de cerfs et on les tuait, ces cerfs.
02:34 Je me suis demandé à l'époque pourquoi on tue tant de cerfs.
02:37 En fait, on en tue 100 000 par an en France en ce moment.
02:39 Et 400 000 ou 800 000, c'est plus de sangliers. C'est énorme.
02:42 Donc, on gère cette population.
02:44 Je me suis rendu compte qu'on m'en répondait tout le temps,
02:47 mais on tue les cerfs parce qu'il n'y a plus de prédateurs.
02:49 Ah bon, il n'y a plus de prédateurs ? Oui, effectivement, il n'y a plus de prédateurs.
02:52 Mais donc, avant, il y en avait. Et qu'est-ce qui commençait à se passer avant ?
02:55 Et c'est là qu'a commencé l'éboulement d'une espèce de quête, de ma part,
02:58 de recherche dans les archives, auprès des personnes âgées
03:01 qui avaient encore le souvenir du loup dans leurs familles.
03:04 - Des personnes âgées de la région ?
03:07 - Oui, de la région. - Du Loiret, du centre Val-de-Loire.
03:10 - J'avais demandé à la presse locale de me passer un petit questionnaire
03:12 sur le souvenir du loup qui peut encore exister dans les familles.
03:17 Et j'ai reçu 150 lettres de personnes qui, dans les années 80,
03:20 avaient 70 ou 80 ans ou plus, et qui me disaient
03:23 « Moi, ma grand-mère était bergère à tel endroit, et il y avait des loups. »
03:27 Donc j'ai utilisé tout ça, en croisant les données bibliographiques,
03:30 les sources d'archives et les souvenirs des personnes âgées,
03:34 pour essayer de reconstituer l'histoire du loup, l'histoire locale du loup.
03:37 Après, le loup est revenu en France dans les années 90,
03:40 et donc j'ai continué à m'intéresser au loup.
03:42 Mais là, c'est l'actualité du moment.
03:44 - Est-ce que vous avez peur du loup ?
03:47 Est-ce que cette peur est rationnelle ou irrationnelle ?
03:49 Venez nous le dire ! 0238 53 25 25.
03:53 On pourra en parler avec notre spécialiste.
03:55 Vous êtes nos témoins de l'actu, nous attendons vos appels ce matin.
03:57 - Alors, Jacques Bayon, vous aviez des traces, il y a des centaines,
04:01 enfin des dizaines d'années, le siècle dernier, du loup en centre Val-de-Loire.
04:04 Est-ce qu'aujourd'hui, on peut voir des loups dans notre département, dans notre région ?
04:10 - Alors, vous pouvez en voir si vous avez beaucoup de chance.
04:13 Depuis quelques années, le loup, qui est un animal qui disperse,
04:19 c'est-à-dire que les jeunes loups qui sont dans la meute,
04:21 partent au bout d'un moment, c'est comme dans les familles humaines,
04:24 quittent le clan familial pour aller tenter leur aventure ailleurs.
04:29 Ils peuvent faire des centaines de kilomètres.
04:31 Donc, il n'y a aucune région de France qui est à l'abri de voir passer un loup
04:35 qui vient du Mercantour, par exemple, ou des Vosges.
04:38 En région centre, il y a eu une dizaine d'observations
04:44 qui ont été validées par l'Office français de la biodiversité,
04:47 qui est l'organisme qui pilote tout ça et qui essaye de juger
04:51 ce qui est bon ou faux, ou pas faux, dans les observations.
04:55 Sur 200 signalisations, il n'y en a eu que 10 qui ont été validées.
04:59 Les autres, c'est les confusions, diverses et variées, avec des sangliers,
05:02 avec des chiens, avec toutes sortes de raisons.
05:05 Il y a des gens qui croient voir des loups, vous parlez de la peur du loup, c'est ça.
05:09 On voit un chien, ah, il y a un loup ! Mais non, ce n'est pas forcément un loup.
05:12 - Mais ça peut être un gros chien qui se balade tout seul en forêt,
05:15 ou son maître est derrière et on ne l'a pas vu loin.
05:17 - C'est extrêmement fréquent, notamment avec des races qui ressemblent au loup,
05:19 le chien loup de Sarlos, ou le chien loup de Chèque, par exemple,
05:23 qui ressemble au loup comme deux gouttes d'eau.
05:25 - Donc, finalement, il ne faut pas vraiment avoir peur du loup dans notre région ?
05:30 Il n'y a pas de risque ?
05:31 - Non, il n'y a pas de risque.
05:32 Le loup n'attaque pas l'homme, sauf autrefois, quand il était enragé,
05:36 au Moyen-Âge et encore après, parce que la rage est une zoonose
05:40 qui rend fou que les animaux aient un, les chiens et les loups.
05:43 Et dans nos régions, comme partout en France,
05:46 il y avait des tas de canidés, plus ou moins métissés peut-être de loups et de chiens,
05:51 qui étaient parfois enragés et qui faisaient du dégât dans la population.
05:54 Donc, cette peur du loup vient aussi de ça, du souvenir.
05:57 - Il y a aussi les agriculteurs qui, maintenant, se plaignent des fois
06:00 de se faire décimer le troupeau de brebis, c'est le cas dans les pâturages.
06:03 On n'a pas beaucoup de pâturages dans notre région, donc ça ne devrait pas trop arriver.
06:07 - Si, ça pourrait arriver, parce que s'il est relativement compréhensible
06:12 qu'on puisse embaucher des bergers pour garder un troupeau de 2000 moutons
06:16 dans les Alpes, par exemple, ça va être plus difficile d'embaucher un berger
06:19 pour garder 10 moutons en Béry ou ailleurs.
06:23 Donc, le retour du loup en plaine va poser des problèmes de nature nouvelle
06:28 par rapport au retour du loup dans les montagnes,
06:30 où on arrive à limiter considérablement la prédation sur le bétail
06:35 grâce à l'utilisation de chiens de protection.
06:37 Il y a toutes sortes de méthodes pour s'en prendre du lire.
06:40 Les éleveurs ne le font pas tous, il y en a qui sont rebelles à ça,
06:42 mais il y en a beaucoup qui le font et qui limitent la casse, disons.
06:46 Mais, effectivement, c'est un vrai problème.
06:48 C'est le seul vrai problème intéressant.
06:51 Comment on fait pour limiter la prédation de carnivores sauvages comme le loup
06:55 sur le bétail ? C'est la seule question.
06:58 Le reste, c'est la question des alécubrations, la peur du loup, etc.
07:02 - Il fait tout pour nous éviter, de toute façon, le loup.
07:05 - Absolument, il a peur.
07:07 - C'est pour ça que finalement, on ne risque pas grand-chose.
07:10 Ce sont nos troupeaux, finalement, qui risquent ça.
07:12 Et ça va être encore un débat de société, comme depuis des années,
07:16 et ça va continuer.
07:17 Merci beaucoup, Jacques Bayon, d'être venu avec nous ce matin
07:20 pour répondre à nos questions sur le loup.
07:22 Je rappelle que vous êtes un spécialiste de la question dans notre région
07:25 et je voudrais citer votre livre "Traces de loups, histoire locale du loup"
07:29 en Sologne, en Beauce, dans l'Orléanais, le Gatinet.
07:32 Merci beaucoup, Jacques Bayon.
07:33 - De rien.
07:34 - Je pense que vous reviendrez nous voir pour en reparler.
07:36 - Dès qu'il y aura des vraies décisions à ce sujet.
07:38 - Vous me lancez sur le loup, je n'arrête pas.
07:40 - On pourrait faire trois heures.
07:42 - Merci beaucoup, Clémentine.