Vendredi dernier, "l’Association pour Les Femmes dans les Médias" a remis à la ministre de la Culture le premier baromètre qui mesure les discriminations envers les femmes dans le secteur des médias et de la culture. Qu’est ce qui ressort de cette étude ? Quelle place pour les femmes dans les médias aujourd’hui ? Faut-il mettre en place des quotas pour faire avancer les choses ?
Retrouvez "La Question du jour" sur : http://www.europe1.fr/emissions/la-question-du-jour
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 9h, 11h.
00:02 Europe 1 Culture Média.
00:04 Avec Thomas Hill. Et Thomas, c'est l'heure de la question Média du jour.
00:06 Vendredi dernier, l'Association pour les femmes dans les médias a remis à la ministre de la Culture le premier baromètre qui mesure les discriminations envers les femmes dans le secteur des médias et de la culture.
00:16 Alors qu'est-ce qui ressort de cette étude ? Quelle place pour les femmes dans les médias aujourd'hui ? Faut-il mettre en place des quotas pour faire avancer les choses ?
00:24 On en débat ce matin avec Françoise Marchetti. Bonjour.
00:27 Bonjour.
00:28 Vous êtes présidente de l'Association des femmes dans les médias, association créée en 2012 par Françoise Laborde.
00:33 Et puis Laura Le Sueur est avec nous. Bonjour.
00:36 Bonjour.
00:37 Vous êtes chef d'entreprise, conférencière, auteure du livre Manifeste contre le féminisme radical et pour un féminisme éclairé, c'est aux éditions du Cherch Midi.
00:45 Françoise Marchetti, d'abord expliquez-nous comment a été réalisée cette grande étude que vous avez faite.
00:50 Alors en fait depuis dix ans, on a essayé de se positionner sur mettre en place des baromètres pour pouvoir après avoir une discussion et mettre en place des boîtes à outils.
01:00 On a fait la même chose avec la parité, où on a fait un constat sociétal, un constat de secteur et après on a travaillé avec tous les groupes, tout le monde répond présent,
01:09 E-Canal, France Télévision, M6, TF1 et Netflix et Amazon, plus tous les producteurs, pour travailler avec nous, pour faire évoluer ça.
01:17 C'est une prise de conscience qui se fait petit à petit. On s'est dit si ça va mal sur la parité, à un moment, qu'est-ce qui se passe sur le terrain avec la diversité ?
01:25 Et en fait les chiffres ne sont pas bons.
01:27 Donc là vous avez interrogé 6 270 personnes, enfin c'est celles qui ont répondu, qui travaillent tous dans les secteurs de la culture et des médias.
01:36 Principal enseignement, les femmes se sentent massivement discriminées dans le secteur des médias et de la culture.
01:41 Alors déjà il y a 8 femmes sur 10 qui sont victimes de sexistes sur leur lieu de travail et la moitié de manière régulière.
01:48 Et 79% des répondants estiment qu'il y a un phénomène de discrimination et ça monte jusqu'à 90% pour les femmes issues de la diversité.
01:57 Vous avez été surpris par les résultats de cette étude ?
01:59 Alors en fait il y a deux surprises, parce qu'on a fait deux axes pour ce baromètre.
02:03 Avez-vous été témoin ? Et avez-vous été victime ? Si oui, qu'avez-vous fait ? Et si vous vous êtes tourné vers votre entreprise, est-ce qu'elle a répondu favorablement ?
02:12 Donc une fois qu'on a compris ce sens de cette étude, on se rend compte que les chiffres sont très mauvais avec les hommes, mais sont épouvantables pour les femmes.
02:18 C'est ça. Quel regard vous portez sur ce constat Laura Le Sueur ? Est-ce que vous-même vous avez été étonnée de ces chiffres en les regardant ?
02:25 Oui alors déjà je voudrais saluer effectivement l'importance de ce baromètre, parce que ça permet de factualiser, ça permet d'alerter, de sensibiliser.
02:31 Il faut mesurer, sinon ça ne compte pas, comme le dit le collectif Sista, compter les femmes pour que les femmes comptent effectivement.
02:38 Alors malheureusement, pour connaître un petit peu le sujet, ces chiffres ne m'étonnent pas, mais on peut se dire qu'à la veille de 2024, ils sont quand même assez surprenants.
02:46 Et ce qui fait réagir, c'est que finalement il y a un petit peu un phénomène de l'arbre qui cache la forêt.
02:50 Parce qu'on parle beaucoup de la parité, on parle de plus en plus de la place des femmes dans les écosystèmes et notamment dans les médias.
02:56 Il y a eu des lois qui ont été promulguées, il y a eu la loi Coppé-Zimmermann en 2010, dix ans après la loi Rixen.
03:01 Mais finalement le fait d'en parler pourrait laisser penser que les choses avancent, la réalité c'est qu'elles progressent lentement,
03:08 mais qu'il y a encore des retours en arrière, ce qu'on appelle des backlash, qu'il y a encore des stagnations,
03:12 et qu'il y a encore des chiffres qui n'ont plus lieu d'être en fin 2023.
03:15 Vous n'avez pas l'impression que les choses évoluent quand même dans le bon sens, globalement ?
03:19 - Ah ! - Il y a du oui, il y a du non.
03:24 Là par exemple l'index, je me permets de rebondir parce que vous avez parlé de l'index,
03:27 le dernier index indique qu'il y a 61% des entreprises de plus de 50 salariés ont répondu, seulement 2% ont la note maximale.
03:34 Donc d'abord elles ne répondent pas toutes, en plus il n'y en a que 2%.
03:37 Ensuite il y a 4% des postes de direction au CAC 40, et si on va au NEXT 40, il n'y a qu'une seule femme.
03:44 Donc moi j'ai vraiment l'impression que c'est un peu comme les féminicides, plus on en parle, il n'y a pas moins de femmes qui sont touchées.
03:55 - Je vais vous donner d'autres chiffres dans un instant qui prouvent que les choses semblent quand même progresser,
04:00 même si ça va toujours trop lentement, et puis surtout on va se demander qu'est-ce qui peut être fait face à cela ?
04:05 Est-ce qu'il faudrait par exemple imposer les choses avec des quotas stricts ? On revient dans un instant sur Europe 1.
04:09 - Culture Média sur Europe 1 avec la suite de la question Média du jour.
04:14 Quelle est la place des femmes dans les médias et la culture aujourd'hui ? On en parle avec vos invitées.
04:19 Thomas Hilde, vous recevez Françoise Marchetti, présidente de l'association des femmes dans les médias,
04:22 et Laura Le Sueur, chef d'entreprise et conférencière.
04:25 - Et on se demande effectivement quelle place ont les femmes aujourd'hui dans les médias, et il y a quelques chiffres qui nous aident.
04:31 Il y a une étude réalisée par le CNC qui montre que les tendances sont à la hausse, avec 39% de réalisatrices en 2022.
04:40 Il y a une autre étude de l'Arccom en 2023 qui montre que la représentation des femmes à la télé et à la radio augmente également.
04:47 On est à 46% à la télé, 42% à la radio, c'est en progrès.
04:52 Mais en revanche, et là c'est intéressant, c'est qu'on voit que leur temps de parole lui stagne à 36%.
04:58 Comment est-ce qu'on peut expliquer ça Laura Le Sueur ?
05:00 - Oui c'est une statistique effectivement intéressante.
05:02 Je pense qu'il faut que les femmes aussi comprennent, il faut les amener à ça,
05:06 parce qu'il y a un conditionnement évident qui a plusieurs sources,
05:09 qu'elles comprennent que la parole n'est pas donnée, elle se prend en réalité.
05:12 Donc c'est-à-dire qu'il faut aussi former, accompagner les femmes à prendre la parole,
05:16 à réagir quand on essaie de leur couper, parce que ça arrive, et donc à faire porter leur voix.
05:21 Et ça c'est quelque chose qui s'apprend, c'est quelque chose qui se travaille.
05:24 Mais effectivement cette statistique est assez percutante.
05:26 - Et à se sentir légitime à parler aussi, parce que parfois ça nous arrive nous aussi
05:30 d'avoir du mal à trouver des expertes sur certains domaines.
05:33 Certaines disent "ah non non, mon chef sera plus légitime pour parler".
05:35 - Alors c'est en train de changer, il y a des associations qui sont regroupées dans le mouvement 2GAP,
05:41 qui est une fédération d'associations de femmes de toutes les strates de la société,
05:46 et elles sont en train de s'organiser.
05:48 Nous PFDM on va y contribuer dans le sens où on va justement faire des trainings,
05:52 les aider à prendre la parole et à se sentir légitime,
05:55 et à se déclarer organisé le matin pour faire les émissions tôt le matin,
06:00 et aller sur les plateaux tard le soir.
06:02 - Alors qu'est-ce qu'on peut faire aussi face à cela ?
06:04 France Télévisions a instauré un système de quotas en 2020 pour la fiction.
06:08 Résultat, la part des réalisatrices dans les fictions produites par le groupe Delphine Ernotte
06:12 a progressé de 10 points par rapport à 2016.
06:15 Bon aussi du côté d'Arte, +12,5 points.
06:19 Apparemment les quotas ça marche pas si mal.
06:21 Qu'est-ce que vous en pensez Françoise Montpetit ?
06:23 - Pour être franche, au départ il y avait notre présidente qui vient de me passer le flambeau,
06:27 Laurence Bachman, grande productrice de fiction, devant l'Eternel,
06:31 qui y croyait, elle y croyait fortement,
06:34 et c'était un gros mot il y a 5 ans encore,
06:36 et une femme courageuse est arrivée, Delphine Ernotte Kouchi,
06:39 qui a dit "Bon il n'y a pas qu'un, ça va pas, donc on va imposer des quotas,
06:43 même si c'est peut-être provisoire, mais on va imposer des quotas."
06:45 Et là d'un seul coup ça a été merveilleux,
06:47 parce que tout le monde s'est senti avoir envie d'avoir des femmes,
06:51 parce que s'il fallait en vendre c'était plus facile.
06:54 Donc du coup on s'est rendu compte qu'il y avait des femmes merveilleuses à la réalisation,
06:57 et on a pris +10 points selon le CNC.
06:59 - C'est une bonne solution, c'est à Laura Lefure, les quotas, qu'est-ce que vous en pensez ?
07:03 - C'est Christine Lagarde qui disait "Avec les quotas on trouve des femmes,
07:06 sans les quotas on trouve des excuses."
07:08 Pour moi je dirais que c'est un mal nécessaire,
07:10 c'est-à-dire qu'on aimerait pouvoir s'en passer finalement,
07:12 on voit que ça porte ses preuves, mais ce n'est pas suffisant,
07:15 c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas uniquement de se dire en temps vers une parité 50/50,
07:18 regardez dans les entreprises, même si on est à parité,
07:21 on retrouve toujours sur les mêmes fonctions,
07:23 les RH, la com, le marketing des femmes,
07:25 par contre la finance, le commerce, si je schématise, ce sont des hommes.
07:28 Donc les quotas sont importants, c'est pas suffisant,
07:30 il faut aller dans le détail, et regarder si dans les lieux de savoir,
07:33 de pouvoir et disons-le d'argent, les femmes sont aussi bien présentes.
07:36 - Et c'est vrai que si on regarde dans le détail par exemple,
07:39 pour ce qui nous intéresse là, on parle de la fiction,
07:42 certes il y a de plus en plus de femmes qui réalisent,
07:45 mais des films qui sont moins dotés en budget.
07:48 - C'est-à-dire par exemple le cinéma, les femmes en 2022,
07:52 avaient un million de moins que les hommes,
07:54 alors déjà elles ne sont pas nombreuses,
07:55 et en plus elles travaillent avec moins de bonnes conditions.
07:57 - Et alors les conclusions de votre étude Françoise Marchetti,
08:00 vous les avez présentées à la ministre de la Culture vendredi,
08:03 à de nombreux représentants du secteur de la culture, de l'audiovisuel,
08:06 qu'est-ce que vous leur demandez aujourd'hui ?
08:08 - Et à la ministre de l'égalité, il y avait les deux.
08:10 On leur demande, là on apporte le premier baromètre sur le secteur,
08:14 avec Mosaïque, RH, BVA et Audience,
08:16 ils ont une vision 100% sur le secteur,
08:19 ils peuvent maintenant l'adapter, c'est pré-négocié,
08:22 donc qu'ils s'en emparent et qu'ils se comparent dans leur propre entreprise,
08:25 et après il y a des choses simples à mettre en place,
08:27 ça peut être des choses qui coûtent cher s'ils ont les moyens,
08:29 mais des choses très simples qui ne coûtent rien.
08:32 - Vous proposez une grande campagne nationale de sensibilisation,
08:35 ça, ça va coûter de l'argent ça par exemple.
08:36 - Ah oui, mais c'est nos métiers tous,
08:38 c'est faire de la télé, du son, de l'image,
08:40 on a des diffuseurs, mais ce n'est pas notre première proposition,
08:43 notre première proposition c'est déjà très opérationnel,
08:45 sur le terrain, des référents, la prise de parole...
08:48 - Vaut les formations aussi à travailler ?
08:51 - À travailler les biais, à travailler les stéréotypes,
08:53 parce que des fois on croit que c'est de l'humour,
08:55 mais en fait c'est de la discrimination ordinaire.
08:57 - On voit qu'en tout cas il y a encore pas mal de travail dans ce domaine,
09:01 merci à toutes les deux d'être venues ce matin,
09:03 Françoise Marchetti, présidente de l'Association des femmes dans les médias,
09:06 et je renvoie vers votre baromètre sur la diversité dans ces secteurs.
09:11 Laura Le Sueur a été avec nous également,
09:13 chef d'entreprise et conférencière,
09:14 auteure du livre "Manifeste contre le féminisme radical,
09:16 pour un féminisme éclairé".
09:18 Merci d'être venues ce matin.