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Surnommé "le patient de Genève", Romuald est le 6ème patient en rémission du VIH jamais enregistré. Il est l'invité de Sonia Devillers en cette journée mondiale de lutte contre le sida. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-30-novembre-2023-5468670

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Transcription
00:00 Sonia De Villere, votre invitée ce matin est surnommée le patient de Genève.
00:05 A la veille de la journée mondiale de la lutte contre le sida, Nicolas, je suis heureuse
00:10 de vous présenter un homme franco-suisse de 51 ans qui représente à la fois un cas
00:14 passionnant pour la recherche et un espoir pour l'humanité.
00:17 Contaminé par le VIH à l'âge de 17 ans, il est aujourd'hui guéri.
00:21 Ils sont 6 dans le monde, mais son cas est unique.
00:25 Bonjour Romuald !
00:26 Bonjour Sonia !
00:27 Soyez le bienvenu, le virus a complètement disparu de votre corps ?
00:31 Tout à fait !
00:32 Complètement ?
00:33 Complètement !
00:34 Bon, alors on va revenir au moment où pour le coup il est entré dans votre organisme.
00:40 Vous étiez lycéen à ce moment-là.
00:44 Qu'est-ce que vous saviez du sida quand vous aviez 17 ans Romuald ?
00:48 Très peu de choses parce que c'était à une époque où à l'école on n'en
00:52 parlait pas.
00:53 Ma famille non plus, c'était encore relativement nouveau.
00:56 Je n'étais vraiment pas au courant de tout ça.
00:59 C'était en 1989-90 et ce n'est pas encore une époque où il y avait énormément de
01:05 publicité là-dessus, de prévention.
01:07 Et quand le diagnostic est tombé, vous avez été entouré ?
01:12 Non.
01:13 Très peu.
01:14 Ma famille n'était pas au courant au début, je n'ai pas osé leur dire.
01:18 Oui, j'ai des amis, mais en tout cas la famille non.
01:22 Je me suis un peu retrouvé tout seul avec ce diagnostic sans savoir trop quoi en faire
01:28 et en penser.
01:29 J'ai un bel homme en face de moi.
01:31 Vous avez mené une carrière de mannequin, une carrière de chanteur.
01:36 Vous avez mené une carrière sous thérapie, sous monothérapie, sous bithérapie, sous
01:42 trithérapie.
01:43 Tout à fait.
01:44 Et les effets secondaires ?
01:45 J'en ai eu très peu.
01:47 J'ai eu la chance d'avoir très peu d'effets secondaires, voire pas du tout.
01:51 Et je suis tombé, si je puis me permettre, à l'époque où les traitements avaient
01:56 beaucoup évolué.
01:57 C'est-à-dire qu'on n'était plus au stade de la ZT ?
02:00 Non, plus du tout.
02:02 Vous avez eu ces effets secondaires qui ont beaucoup stigmatisé les malades du sida ?
02:07 Vous avez eu les pommettes creusées ?
02:09 Oui, ce que l'on appelle la lipodystrophie.
02:12 Oui, dans le visage.
02:13 Beaucoup les pommettes et puis les joues.
02:16 Après, il y a la chirurgie, les injections d'acide hyaluronique pour compenser cela.
02:22 Oui.
02:23 Romuald, quelques années après, longtemps après, même en 2018, on vous diagnostique
02:30 une leucémie.
02:31 Tout à fait.
02:32 Cette leucémie, elle est due à la présence du virus du sida dans votre organisme ?
02:36 Non, pas du tout.
02:37 Pas du tout.
02:38 Mais elle a été bénéfique pour le VIH, car c'est grâce à cette leucémie certainement
02:45 qu'il y a eu cet effacement.
02:47 On va expliquer ce qui s'est passé.
02:50 Vous êtes frappé en 2018, je l'ai dit, par une leucémie rare qui est en train de
02:56 vous dévorer.
02:57 Vous avez vécu quand même trois années d'enfer.
03:01 Oui.
03:02 Chambre stérile, traitement très lourd, chimiothérapie, radiothérapie.
03:06 C'était la période la plus difficile de ma vie.
03:10 Et puis une greffe.
03:12 Pourquoi une greffe ?
03:14 Afin de renouveler le sang qui était infecté et pour me redonner des cellules propres
03:21 sans contamination du cancer.
03:23 Voilà.
03:24 Donc c'est une greffe de moelle osseuse.
03:26 Et là, surprise, votre organisme rejette la greffe.
03:30 Oui, ce qu'on appelle une GVH.
03:32 C'est-à-dire ?
03:33 Alors en fait, les défenses immunitaires, notre corps humain est très bien fait.
03:37 Ils reconnaissent que c'est un corps étranger et nos défenses font leur travail et essayent
03:41 de rejeter ce greffon.
03:43 Voilà pourquoi on prend très souvent ce que l'on appelle des immunosuppresseurs,
03:47 plus communément appelé un anti-rejet.
03:49 Voilà.
03:50 Alors vous, votre organisme rejette la greffe.
03:54 Il faut savoir que vous êtes six dans le monde à avoir guéri du sida.
03:59 Vous êtes le sixième homme au monde.
04:02 Mais votre particularité à vous, c'est que les autres aussi ont été greffés.
04:06 Votre particularité à vous, c'est que votre organisme a rejeté la greffe.
04:10 Tout à fait.
04:11 Les cinq premiers patients ont bénéficié de cette fameuse mutation qu'on appelle
04:15 CCR5.
04:16 Et quand ils ont trouvé ma greffe de moelle osseuse, parce qu'il fallait avant tout,
04:21 en priorité, me trouver une greffe compatible, ils n'ont pas trouvé cette mutation CCR5.
04:27 Et donc, tout le monde, et moi le premier, pensait que cela ne fonctionnerait pas.
04:33 Et par miracle, cela a tout de même fonctionné.
04:36 C'est ça.
04:37 On peut imaginer que votre corps, en rejetant la greffe, est devenu une espèce de combattant
04:42 plus plus plus et a expulsé le VIH de votre organisme.
04:46 Tout à fait.
04:47 Voilà pourquoi je dis que cette leucémie a été bénéfique.
04:49 C'est un mal pour un bien.
04:51 Un mal pour un bien.
04:54 Un mal pour un bien.
04:56 En fait, on s'est parlé hier pour préparer cet entretien, Romuald, on n'a fait que
05:00 rigoler au téléphone.
05:03 Il faut quand même qu'on dise aux auditeurs qui ne vous voient pas que vous ne me voyez
05:07 pas non plus.
05:08 Vous êtes malvoyant.
05:09 Oui.
05:10 Voilà.
05:11 Donc en fait, quand vous étiez enfant, vous étiez très très myope.
05:12 J'étais très myope.
05:13 Dans ma famille, on était très myope.
05:15 Et j'ai eu ce que l'on appelle un décolement de rétine et ensuite un glaucome.
05:20 Glaucome qui a été déclenché par du silicone qu'on m'a mis dans l'œil afin de maintenir
05:26 ma rétine.
05:27 C'est ça.
05:28 Donc en fait, ça n'a rien à voir avec la séropositivité.
05:31 Rien du tout.
05:32 Sauf qu'en fait, à force de traitements, ça a beaucoup dégradé votre vue.
05:36 Oui, ma vue a terriblement baissé.
05:37 De plus, avec les traitements comme la chimiothérapie, la radiothérapie, on peut dire maintenant
05:42 que je suis quasiment non-voyant.
05:44 Alors qu'avant, je voyais, il y a quelques années, beaucoup mieux.
05:46 Bon, c'est ce que je me disais.
05:50 C'est que je me disais, entre la séropositivité qui est guérie maintenant, mais la séropositivité
05:55 pendant toutes ces années, la leucémie et être quasi aveugle, c'est quand même…
05:59 J'appelle ça un cumul de mandats.
06:01 Je sais qu'en France, on n'a pas droit, mais voilà.
06:05 Vous savez, il y a un avantage aussi au fait que je ne vois plus parce que je me rappelle
06:10 de mon visage quand j'avais 20 ou 22 ans et je ne vois pas mes rides.
06:13 Et c'est très bien.
06:14 Donc dans ma tête, elle est restée gravée la mémoire d'un gars de 20 ans.
06:17 Et c'est très bien comme ça.
06:19 Alors, il faut quand même qu'on raconte le travail des médecins.
06:22 Les hôpitaux de Genève, l'Institut Pasteur.
06:27 À Genève, la professeure Alexandra Calmy, à Pasteur, Asier Saez-Ciron, qui a décrit
06:33 votre cas.
06:34 Le docteur Rougemont qui vous suit.
06:36 C'est un traitant, tout à fait.
06:37 Il y a un moment, Romuald, ils vous ont proposé de passer le pas et d'arrêter le traitement.
06:44 D'arrêter le traitement.
06:45 Alors, c'était à mon choix de le faire.
06:48 Mais quitte à me mettre en danger, j'ai voulu le faire pour moi, bien sûr, mais aussi
06:54 pour la recherche.
06:55 Parce que si j'étais resté dans ma zone de confort, je ne serais pas avec vous aujourd'hui.
06:59 Il n'y aurait pas eu cet effacement et cette guérison.
07:01 Pour la recherche, il faut qu'on comprenne quand même que vous êtes un cas mondialement
07:09 scruté et que vos analyses de sang passent sans cesse la frontière.
07:16 Ils voyagent plus que moi, on dit assez.
07:18 25 tubes de sang sont donnés tous les mois à Paris.
07:22 J'ai plaisir à dire qu'ils bougent plus que moi, en tout cas.
07:26 Ce qu'il faut quand même qu'on se rappelle, parce que c'est demain la journée mondiale
07:31 de lutte contre le sida, Romuald, c'est qu'en France, il y a plus de 5000 personnes qui
07:37 sont découvertes séropositives chaque année, encore aujourd'hui, en 2023.
07:41 Et on ne parle même pas de ceux qui ne sont pas testés et donc qui portent la maladie
07:48 et surtout qui contaminent autour d'eux sans le savoir.
07:51 Et vous, vous avez accepté de parler pour dire qu'on peut vivre avec le sida, on peut
07:56 guérir du sida et en même temps, pour parler aux jeunes d'aujourd'hui.
08:01 Tout à fait, parce que je trouvais important de sortir un peu du bois, comme je dis, afin
08:07 de montrer qu'on peut très bien vivre aisément avec un traitement, que les traitements ont
08:12 beaucoup progressé et vraiment, ce n'est plus comme il y a des années en arrière.
08:16 Voilà quoi.
08:17 Oui, mais que la prévention, elle est utile quand même.
08:20 Il faut continuer à se protéger.
08:22 Tout à fait, parce qu'on en parle de moins en moins.
08:24 Les jeunes peuvent penser qu'avec la PrEP, et la PrEP c'est une chose, mais il faut
08:29 se protéger parce que le sida, malheureusement, n'est pas encore fini.
08:33 Merci Romuald.
08:34 Merci à vous.
08:35 Et merci pour les plaquettes de chocolat que vous nous avez apportées de Genève.
08:38 C'était ça ou la fondue !
08:39 Vous restez avec nous parce qu'il y a Mathieu Noël qui vient de s'asseoir à côté de
08:48 nous.
08:49 Merci.
08:50 Merci Sonia De Villers.

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