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Lundi 27 novembre 2023, SMART BOURSE reçoit Alexandre Tavazzi (Responsable CIO office et recherche macroéconomique, Pictet Wealth Management)

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00:00 Évoquons plus largement les perspectives 2024 sur le plan de la macroéconomie, sur le plan des marchés,
00:14 avec notre invité qui est en visioconférence avec nous depuis la Suisse, Alexandre Tavazi.
00:19 Bonjour et bienvenue Alexandre, ravi de vous retrouver.
00:22 Merci beaucoup d'être avec nous, vous êtes responsable CIO Office et Recherche Macro chez PICTE,
00:26 Wealth Management. Alexandre, question très ouverte sur l'idée ou le scénario qui vous paraît peut-être le plus intéressant pour 2024.
00:36 Qu'est-ce qui guide vos réflexions à ce stade ? C'est vrai que quand on regarde les prix de marché un peu globaux,
00:42 on a le sentiment que les investisseurs sont très attachés au moment où on se parle à l'idée d'un soft landing américain
00:48 qui semble rester une idée centrale, tenace, quand bien même c'est un scénario qui est réévalué en permanence.
00:54 Oui, c'est également le cas de notre côté. C'est un scénario que nous avons retenu comme étant le scénario principal pour l'année prochaine,
01:01 mais je dois l'avoir avec un taux de confiance relativement faible, c'est-à-dire à peu près 60%,
01:06 avec à ne pas négliger un scénario plus dur, puisque nous l'avons entendu tout à l'heure,
01:10 le fait que les taux d'intérêt restent à un niveau élevé pendant plus longtemps probablement que ce qui est généralement pressé par le marché,
01:16 laisse courir le risque d'une situation où des sociétés très endettées ou des petites ou moyennes capitalisations seraient forcées à faire défaut,
01:22 parce que simplement 2024, vraiment ce sera l'année de refinancement pour pas seulement l'entreprise.
01:27 Donc le scénario de la désinflation immaculée, comme on l'appelle, reste le scénario principal dans nos prévisions,
01:33 mais à ne pas exclure non plus un scénario plus dur en termes de croissance économique.
01:36 Est-ce que c'est ce qu'on voit dans le pricing des baisses de taux dans le marché, Alexandre ? Comment vous regardez ce calendrier ?
01:44 Alors évidemment, ce sont des anticipations qui sont amenées à bouger, bien sûr, qui ne reflètent pas forcément les convictions des uns et des autres.
01:51 C'est un agrégé de convictions, on va le dire comme ça, Alexandre.
01:54 Comment vous regardez ce calendrier de baisse de taux qui est anticipé pour 2024 par les investisseurs aujourd'hui ?
02:00 Je dirais légèrement trop optimiste. Dans nos prévisions, nous avons calé la première hausse, pardon, la première baisse de taux d'intérêt au mois de juin de l'année prochaine.
02:10 Il y a quand même un facteur de résilience de l'inflation. On le voit actuellement, parce que finalement, les entreprises aux États-Unis notamment,
02:17 hésitent avant de réduire leur force de travail. Ce sont des entreprises qui ont passé les 24 derniers mois à chercher des nouveaux collaborateurs.
02:25 On se rend compte qu'avec un ralentissement économique, probablement, les entreprises vont chercher à réduire ailleurs les baisses de coûts,
02:31 notamment, probablement, en réduisant l'investissement, mais en essayant tant que possible de garder le nombre de personnes qu'ils ont aujourd'hui.
02:37 C'est un élément de support pour la consommation, bien évidemment, mais c'est un élément également du support pour l'inflation, puisque la consommation se tiendrait bien.
02:45 C'est la raison pour laquelle nous pensons que les premières baisses de taux d'intérêt interviendraient, mais pas avant le mois de juin de l'année prochaine.
02:51 Donc nous sommes un peu à décalage par rapport à ce qui est aujourd'hui anticipé par les marchés.
02:55 Petite question subsidiaire dans la course aux baisses de taux. C'est une question que j'aime bien poser, parce que je sais qu'il y a une séquence historique
03:03 qui veut que la Fed soit leader à la fois pour les mouvements de hausse de taux et pour les mouvements de baisse de taux.
03:09 Mais est-ce que dans le monde actuel, il y a une histoire qui permettrait à la BCE de trouver des arguments suffisants et un consensus suffisant pour peut-être entamer les baisses de taux ?
03:19 Avant la Fed, ou en tout cas ne pas prendre trop de retard par rapport à une Fed qui déclencherait des baisses de taux au cours du mois de juin ? Pour reprendre votre scénario, Alexandre.
03:29 La réponse est oui, parce que dans notre scénario de croissance économique en 2024, l'Europe sera légèrement moins bonne qu'aux États-Unis.
03:36 Nous avons des prévisions de croissance de 0,8 % aux États-Unis, de 0,6 % en Europe. Et nous devons constater qu'en Europe, les grands blocs économiques sont faibles aujourd'hui.
03:45 L'Allemagne a un sérieux problème simplement de modèle d'affaires, étant donné qu'elle n'a plus accès à de l'énergie de façon aussi bon marché qu'auparavant.
03:54 La France a également un problème avec finalement les pays qui étaient les pays problématiques il y a 10 ans, qui sont en train de mieux se comporter aujourd'hui.
04:02 Donc si nous devions voir une faiblesse plus marquée encore en Allemagne, ceci ouvrirait probablement la porte à la BCE pour baisser les taux d'intérêt plus rapidement.
04:09 Et puis l'inflation en Europe est moins tenue qu'aux États-Unis, ce qui permettrait effectivement dans le cas d'une baisse de l'inflation aux environ des 2 %, à la BCE probablement d'agir avant les États-Unis.
04:20 Comment vous regardez justement le modèle d'affaires allemand ? Il y a eu le ralentissement de la mondialisation, le choc énergétique avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
04:33 Et puis il y a la question budgétaire qui devient là aussi une partie du modèle allemand qui est en train d'être fragilisé considérablement, puisqu'il y a des règles constitutionnelles en Allemagne.
04:43 Alexandre, ce qui se passe autour du dead break de la règle d'or allemande et du besoin quand même de réaliser des investissements d'avenir importants,
04:52 là on parle d'une enveloppe de 60 milliards qui devait être réallouée à la transition énergétique, pour dire les choses simplement.
04:58 Alexandre, c'est un corner qui concerne l'Allemagne en tant que telle. C'est quelque chose qu'on va retrouver plus globalement dans la gestion des finances publiques
05:07 et les questions de finances publiques au-delà de l'Allemagne et au niveau européen ?
05:12 Alors c'est un vrai problème pour l'Allemagne parce qu'on doit retoquer le budget 2023. Vous l'avez mentionné, donc effectivement le frein à l'endettement va devoir être enlevé pour le budget 2023.
05:22 Ça pose la question du budget allemand 2024 parce qu'on ne pourra probablement pas faire les dépenses fiscales qui avaient été anticipées.
05:28 Donc c'est un facteur de ralentissement en termes d'investissement fiscal. Mais le problème a se posé aux États-Unis également, puisqu'on a un déficit américain maintenant
05:36 qui est au niveau le plus élevé si on enlève la pandémie. Donc c'est un problème qui est important.
05:42 Et on a un déficit important aux États-Unis alors qu'on est en situation de plein emploi. Ça ne s'est encore jamais passé.
05:48 En historique, chaque fois qu'on était en situation de plein emploi, le déficit s'était résorbé.
05:53 Et si on met ceci en accord avec les élections américaines qui auront lieu au mois de novembre, la question de la situation fiscale des États-Unis va venir.
06:01 Et on le voit dans le marché puisqu'à chaque fois qu'on a une échéance d'émissions d'obligation du gouvernement, on voit que l'or commence à bouger,
06:08 que le dollar a certaines hésitations. Donc c'est un facteur qui aujourd'hui est difficile à évaluer dans le marché,
06:14 mais qui va certainement être un des facteurs essentiels pour l'évolution des taux longs en 2024.
06:19 On est au moment, Alexandre, où le regard du marché vis-à-vis de ces programmes d'émissions de dette publique est en train de changer.
06:27 Le marché a été très satisfait de voir quand même une politique budgétaire très agressive pendant ces dernières années.
06:36 Ça a été positif pour la croissance, ça a été positif pour les marchés d'actifs risqués, les marchés actions.
06:41 On arrive à un moment où le regard va changer un peu ?
06:45 Très probablement. En fait, depuis le mois de juin de cette année, on a vu une reconstitution de prime sur la partie longue des taux d'intérêt aux États-Unis.
06:52 C'est la fameuse prime à terme qui fait que simplement, si je décide d'investir dans un pays qui a un problème fiscal,
06:58 je dois être mieux rémunéré pour le fait d'acheter une obligation à long terme, en l'occurrence ici de 10 ans, par rapport à une obligation à court terme.
07:05 Il est très probable que cette prime va continuer à se reconstituer en 2024, ne serait-ce que pour la raison suivante.
07:11 Le Trésor américain décide de refinancer une grande partie de ce déficit en émettant essentiellement des obligations à court terme, 3-6 mois.
07:18 Ce qui veut dire qu'on n'a pas encore bloqué à long terme un coût de financement qui est élevé.
07:22 Le résultat, c'est qu'aujourd'hui, le Trésor américain dépense 15 % de son budget uniquement en charge de taux d'intérêt,
07:28 donc il ne serait-ce que pour payer les intérêts sur la dette américaine, avec un taux moyen de coût d'endettement pour l'État américain qui est légèrement inférieur à 3 %.
07:37 Si le gouvernement américain devait commencer à émettre des obligations à long terme, on bloquerait un coût de financement beaucoup plus élevé,
07:44 avec des conséquences simplement qui seraient qu'on devrait dépenser une partie plus importante du budget pour les intérêts de la dette.
07:50 Donc c'est quelque chose qui jusqu'à maintenant a relativement bien fonctionné, mais il est probable que l'année prochaine la situation sera différente.
07:56 Bon, avec un calendrier politique intense, vous avez rappelé les élections américaines,
08:00 mais qui viendront presque en point d'ordre d'une séquence d'élections politiques à travers le monde,
08:05 qui sera une séquence intense au cours des prochains mois et des prochains trimestres, Alexandre.
08:10 Comment est-ce que toutes vos réflexions macro se traduisent en plan d'investissement, en stratégie d'investissement pour 2024 ?
08:17 Avec quelle classe d'actifs, avec quel segment de marché est-ce que vous êtes le plus à l'aise,
08:22 et avec lesquels vous attendez peut-être les meilleurs rendements ou les meilleurs risques-rendements pour 2024 ?
08:29 La réponse est relativement simple en termes de risques-rendements.
08:33 Pour nous, ce sont les obligations de bonne qualité, donc le crédit de bonne qualité,
08:36 qui devrait nous donner les meilleurs paramètres en termes de risques-rendements.
08:39 Nous avons des prévisions attendues de rendement sur cette classe d'actifs entre 5 et 7 %,
08:44 jusqu'à 9 % pour des obligations émergentes en monnaie locale,
08:48 alors que pour les actions, nous avons des rendements légèrement plus faibles, aux environs des 3 % aux États-Unis,
08:52 et 5 à 6 % pour le marché européen et le marché japonais.
08:56 Donc étant donné que les obligations ont des volatilités qui sont moins élevées,
09:00 ça reste pour nous la partie principale de nos portefeuilles.
09:03 Et puis ensuite, cet aspect fiscal devrait se traduire à un moment donné par éventuellement des situations de stress sur les marchés,
09:10 ce qui voudrait dire que l'or continue à avoir sa place dans nos portefeuilles.
09:14 Regardez aujourd'hui, les taux d'intérêt montent, on est quand même à passer 2 000 $ l'once,
09:17 ce qui semble indiquer effectivement qu'on a des situations de stress qui favorisent l'or.
09:21 Donc pour faire très simple, nous allons commencer l'année en étant surpondérés du côté des obligations
09:26 et qui pondéraient du côté des marchés actions, en gardant cette optionnalité,
09:30 cette protection de portefeuille que constitue l'or dans les portefeuilles.
09:34 À plus de 2 000 $ l'once, effectivement, l'once d'or qui reste ferme et sur des niveaux élevés.
09:39 Merci beaucoup Alexandre.
09:41 Alexandre Davasy qui discutait avec nous des perspectives 2024,
09:44 telles qu'elles ont été réfléchies chez Pictet Wealth Management.
09:48 Alexandre Davasy, responsable CIO Office et Recherche Macro chez Pictet Wealth Management,
09:52 qui était avec nous en visioconférence depuis Genève.
09:55 Voilà pour cette édition du lundi de Smart Bourse.
09:57 On se retrouve pour la grande édition à 17h en direct.
10:00 Tous les programmes sont à retrouver bien sûr en replay sur bsmart.fr
10:03 ou en podcast sur l'ensemble de vos plateformes.
10:05 [Musique]

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