Ancien avocat et désormais romancier très singulier, Mathieu Simonet propose des actions poétiques, comme dans son livre "La fin des nuages". C’est d’abord un récit de deuil, car Mathieu Simonet a perdu un être très cher, Benoît, qui a fondé un grand festival de musique chaque été sur le parvis de l’hôtel de ville de Paris. Chaque année, l’angoisse de Benoît, c’était qu’il pleuve… Ce qui n’arrivait jamais. Benoît est décédé en 2020 d’un cancer et cette année-là, le festival a été annulé pour cause de pandémie. L’auteur invité sur le plateau de La Grande Librairie était alors en deuil, a cette idée folle et magnifique, qu’il pleuvrait ce jour-là, que le dernier souffle de Benoît provoquerait de la pluie. Et le jour du festival, il a plu.
Ce livre est aussi une enquête, qui raconte comment des faiseurs de pluie ensemencent les nuages, et plaident pour que ces nuages aient des droits et soient même inscrits au patrimoine de l’Unesco.
Cet ouvrage pose des questions environnementales, géopolitiques, sanitaires, légales... avec toujours cette question en tête : à qui appartiennent les nuages ?
Ce livre est aussi une enquête, qui raconte comment des faiseurs de pluie ensemencent les nuages, et plaident pour que ces nuages aient des droits et soient même inscrits au patrimoine de l’Unesco.
Cet ouvrage pose des questions environnementales, géopolitiques, sanitaires, légales... avec toujours cette question en tête : à qui appartiennent les nuages ?
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00:00 -Les nuages, très concrètement, appartiennent à personne.
00:03 C'est un bien commun.
00:04 C'est parce qu'ils n'appartiennent à personne
00:07 que chacun peut faire ce qu'il veut,
00:09 parce qu'il n'y a pas d'encadrement.
00:11 C'est pour ça qu'un de mes désirs,
00:14 et je ne suis pas le seul à porter ce désir,
00:16 ce serait que les nuages puissent entrer
00:19 dans le patrimoine mondial de l'UNESCO
00:21 pour que tout le monde puisse les protéger.
00:24 Donc j'espère que ça aboutira un jour.
00:27 -Le patrimoine naturel immatériel de l'UNESCO.
00:30 Maxime Chattam, Hélène Doriaud, je me tourne vers vous.
00:33 -On parle beaucoup de la dimension quasi-scientifique
00:37 autour des nuages dans le roman.
00:39 Ce qui m'a bouleversé dans le roman,
00:41 outre tout ce que j'ai appris sur les romans,
00:44 notamment comment on crée la pluie,
00:46 c'est la condensation des nuages.
00:48 Moi, c'est la dimension humaine.
00:51 J'ai envie de vous dire merci,
00:52 parce que j'ai lu votre livre parce que vous étiez là ce soir.
00:56 J'ai été profondément ému. -C'est très touchant.
00:59 -C'est-à-dire que dans un roman, ce qui est très difficile,
01:03 c'est de parvenir à créer une histoire
01:05 avec des personnages, de rendre tout ça très vrai,
01:08 et qu'il y ait une synergie entre les personnages,
01:11 leurs émotions et l'histoire.
01:13 Vous vous racontez votre vie, une histoire vraie,
01:16 et il y a tout ça.
01:17 Toute la partie derrière sur à la fois le festival,
01:20 la dimension que ça va amener sur vous, sur Benoît,
01:24 et puis aussi sur les nuages, ça marche super bien,
01:27 mais ça a un sens, parce que derrière,
01:30 vous nous racontez votre vie avec Benoît,
01:32 notamment son décès, tout ce qui est autour de ça,
01:35 tous ces moments de vie très forts, très poignants.
01:38 J'ai posé le livre en m'arrêtant sur des phrases,
01:41 parce que c'était vrai, en plus, c'était très bien écrit,
01:45 et j'étais vraiment bouleversé.
01:47 -Hélène Dorian ?
01:48 -Moi, j'ai été aussi très touchée par cette histoire,
01:52 par cette manière aussi d'articuler, disons,
01:55 les phénomènes naturels et l'autre phénomène naturel,
01:58 qui est le deuil, en fait.
02:00 Je trouve ce livre magnifique sur le deuil et sur les traces.
02:03 Alors que l'événement ne pouvait pas avoir lieu,
02:07 donc la trace concrète de la présence et de la vie de Benoît,
02:11 ce que vous faites, c'est que vous allez dans l'invisible,
02:15 vous allez voir le dernier souffle de sa vie,
02:17 est-ce qu'il peut avoir une portée ?
02:20 Et c'est ça aussi, qu'est-ce qu'on porte des êtres
02:22 après leur mort, comment on continue à les faire vivre ?
02:26 Alors, vous, c'est à travers les nuages, à travers la pluie,
02:29 et surtout cet acte poétique très concret,
02:32 et là, on revient à l'écriture,
02:34 parce que l'écriture est une manière d'incarner aussi ce deuil.
02:38 Alors, les gens vont écrire sur ce qu'ils vont voir dans les nuages,
02:42 et souvent, on se dit, on voit parfois le visage
02:44 des personnes décédées dans les nuages.
02:46 Et je trouve ça magnifique, un très beau livre sur le deuil,
02:49 particulièrement, en plus de tout ce qu'on y apprend, bien sûr.
02:53 -C'est vrai que Christophe disait tout à l'heure
02:55 que ce qui est important, c'est de pouvoir raconter des histoires.
02:58 Et je pense que quand on perd un amoureux ou quelqu'un qu'on aime,
03:02 ou quand il nous arrive quelque chose d'affreux,
03:04 on peut toujours raconter une histoire,
03:07 et ça nous tient toujours debout.
03:09 Et donc, ça, c'est un point important.
03:11 La 2e chose, c'est que Benoît ne voulait pas que j'écrive sur lui,
03:14 il m'avait demandé de ne jamais écrire sur lui,
03:17 il l'a dit quelques mois avant de mourir,
03:19 parce qu'il a vu le film "Coco",
03:21 et le film "Coco" dit qu'on ne meurt vraiment
03:24 que quand plus personne ne pense à nous,
03:26 et donc, aujourd'hui, on pense à lui.
03:28 -Quelle que soit la réalité, même si elle est glauque,
03:31 difficile, injuste, on peut toujours raconter une histoire,
03:35 et cela peut la rendre merveilleuse
03:37 ou au moins supportable.
03:38 C'est en tout cas la seule chose sur laquelle
03:41 nous conservons une certaine maîtrise.
03:43 En ce sens, écrire est parfois la seule option qui s'offre à nous.
03:47 Ce que je n'ai pas dit, c'est que ce livre vient
03:49 après 4 ans de silence, vous ne pouviez plus écrire.
03:52 -Oui, j'ai jamais eu le syndrome de la page blanche.
03:55 Après la mort de Benoît,
03:57 puis Benoît est mort un mois avant le confinement,
04:00 donc c'était un peu le monde qui s'arrêtait,
04:03 on a vécu 15 ans ensemble avec Benoît,
04:05 on était très fusionnels,
04:07 pour la première fois, je n'arrivais plus à écrire.
04:10 Et...
04:12 Alors, voilà.
04:14 Je pense aussi que quand on a besoin de temps,
04:18 en fait, il faut accepter que quand on perd quelqu'un,
04:21 il faut accepter ce temps qui s'étend.
04:23 Et ce temps qui s'étend, c'est beau aussi,
04:26 parce que c'est un temps de silence.
04:28 -Oui, et c'est un temps de contemplation
04:31 et d'émerveillement dans votre livre,
04:33 ce qui est très beau, parce qu'on n'en a pas parlé,
04:36 mais en réalité, il y a le droit des nuages,
04:38 mais il y a aussi notre droit fondamental
04:40 à préserver les nuages, préserver le fait
04:43 qu'il y ait toujours encore des nuages,
04:45 comme préserver le fait qu'on ait un ciel bleu,
04:48 comme préserver le fait qu'on ait un ciel étoilé.
04:50 C'est pas forcément donné, ça.
04:52 -Oui, et ce qui est intéressant, c'est qu'aujourd'hui,
04:55 l'UNESCO protège le patrimoine matériel, culturel et naturel,
04:59 le patrimoine immatériel, culturel,
05:01 mais il ne protège pas encore le patrimoine immatériel, naturel,
05:04 pour protéger peut-être le bleu du ciel, les ciels étoilés,
05:07 ou certaines formes de nuages,
05:09 pour savoir si c'est du patrimoine matériel,
05:12 enfin, si c'est matériel ou immatériel.
05:14 -Qu'est-ce qu'on fait, Mathieu Asselineau ?
05:16 Dans le livre, vous nous donnez des actions à faire.
05:19 C'est tout le cas chez vous.
05:21 -Par rapport au fait qu'on peut toujours se raccrocher
05:24 à une histoire, il y a des gens qui ne se sentent pas légitimes
05:27 à écrire. Tout à l'heure, Hélène parlait de l'importance des mots.
05:31 C'est comme le sport, c'est important que tout le monde
05:34 se sente légitime à écrire.
05:36 C'est ce que j'appelle la littérature horizontale
05:39 et la littérature verticale, c'est dire qu'il y a quelques personnes
05:42 qui peuvent écrire. L'écriture, c'est comme être sur une piste de danse.
05:46 Ce qui est beau, c'est quand on danse tous.
05:49 Souvent, il faut juste se sentir légitime à écrire.
05:51 C'est pour ça que je demande aux gens, non seulement d'observer
05:55 les nuages, de s'allonger, mais aussi d'écrire ce qu'ils voient.
05:58 Ca fait une performance littéraire collective,
06:01 une espèce de boom collective de mots qu'on peut renouveler