Pierre Rosanvallon, historien, sociologue et professeur émérite au Collège de France, est l'invité du Grand Entretien. Il participait dimanche à la manifestation contre l'antisémitisme, et analyse également la polarisation actuelle de la classe politique et de la société française. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-lundi-13-novembre-2023-4440952
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00:00 France Inter, Léa Salamé, Nicolas Demorand, le 7/10.
00:06 Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin dans le Grand Entretien l'historien et sociologue
00:11 Pierre Rosanvalon, professeur émérite au Collège de France.
00:14 Son dernier livre en date s'intitule « Les épreuves de la vie, comprendre autrement
00:19 les Français » publié aux éditions du Seuil.
00:22 Question/réaction au 01 45 24 7000 et sur l'application de France Inter.
00:28 Pierre Rosanvalon, bonjour.
00:29 Bonjour.
00:30 Merci d'être à notre micro.
00:32 Nous voulions ce matin avoir votre regard de spécialiste de la démocratie française
00:37 et de son histoire au moment où la classe politique française paraît plus polarisée
00:42 que jamais et où la société française fait face à une résurgence de l'antisémitisme.
00:48 Hier, une grande marche civique contre l'antisémitisme a rassemblé 182 000 personnes en France,
00:56 105 000 à Paris.
00:58 Vous y avez participé à Paris.
01:00 Pourquoi vous a-t-il paru important d'être dans la rue hier ?
01:04 D'être dans la rue pour deux raisons.
01:07 La raison première, évidente, une raison de solidarité.
01:10 Parce que les actes antisémites se sont multipliés de façon alarmante depuis un mois.
01:17 Donc la solidarité, pour moi, s'imposait.
01:20 Et la deuxième raison, c'est que ce n'était pas simplement une solidarité, c'était
01:23 aussi la volonté d'avoir la mémoire de ce que veut dire l'antisémitisme.
01:29 D'avoir la mémoire de ce que veut dire l'antisémitisme et en même temps de faire
01:33 nombre.
01:34 Cette manifestation, c'était pour la première fois en tout cas de toutes les très nombreuses
01:41 manifestations avec lesquelles j'ai participé, une pure manifestation d'individus.
01:45 Il n'y avait pas de banderoles, il n'y avait pas de groupes constitués à l'intérieur.
01:51 Chacun était venu comme personne.
01:53 Il n'y avait pas de slogan.
01:55 Il y avait simplement de temps en temps, quand des personnes aux fenêtres applaudissaient,
02:00 la foule applaudissait en même temps.
02:02 Il y a eu quelques Marseillaises qui ont été chantées.
02:04 Mais il y avait une gravité et le sentiment que ce qui était important, c'est la présence.
02:11 De montrer qu'il y avait une présence forte de solidarité.
02:15 Et de ce point de vue-là, le nombre, l'ampleur, la présence, le calme, la dignité, ça vous
02:20 a rassuré ?
02:21 Ça m'a rassuré pour l'immédiat.
02:24 Disons que c'est un bon signe.
02:25 Oui, c'est un bon signe.
02:27 Après, on a dit, vous l'avez même remarqué, puisque vous nous l'avez dit avant d'entrer
02:31 dans ce studio, qu'il y avait peu de jeunes.
02:33 Il y avait peu de jeunes.
02:35 Il y a peu de personnes de la diversité.
02:38 Ça, c'était deux traits massifs.
02:40 Et je crois que le fait qu'il y ait peu de jeunes, j'ai deux petites filles qui ont 15
02:44 ans et donc je m'intéresse à ce que pensent les très jeunes.
02:47 Et je suis très frappé par le fait que, pour nous, quand des adultes pensent antisémitisme,
02:54 ils pensent Shoah, ils pensent Vichy, ils pensent Affaire Dreyfus.
02:59 Alors que là, pour des beaucoup plus jeunes, non.
03:01 Ils pensent immédiatement le rapport au conflit israélo-politique.
03:06 Ils pensent Gaza.
03:07 Ils vous répondent Gaza, vos petites filles.
03:09 Exactement.
03:10 Parce que c'est l'actualité immédiate.
03:12 Ils ne voient pas l'histoire longue.
03:14 Or, je crois qu'on ne peut pas comprendre la situation actuelle si on oublie que l'histoire
03:21 d'Israël s'inscrit dans une histoire très longue de l'antisémitisme, dans une histoire
03:26 très longue des pogroms.
03:27 C'est ce que vous leur expliquez, vos petites filles ?
03:29 Oui, j'essaie de leur expliquer.
03:31 Et effectivement, elles découvrent quelque chose dont on ne parle pas beaucoup autour
03:34 d'elles.
03:35 Revenons sur ce chiffre.
03:37 1159 actes antisémites relevés en France depuis l'attaque du Hamas contre Israël.
03:44 C'est trois fois plus d'événements antisémites que pour toute l'année 2022, a précisé
03:48 le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.
03:51 L'ampleur de cette résurgence de l'antisémitisme vous a-t-elle surpris ? Diriez-vous que cette
03:57 résurgence est d'ampleur historique, même s'il est compliqué d'écrire l'histoire
04:02 en direct ? Et est-elle selon vous la conséquence exclusive du conflit israélo-palestinien
04:08 ?
04:09 Non, elle n'est pas la conséquence exclusive du conflit israélo-palestinien.
04:13 Bien sûr, on vient de l'évoquer, il joue un rôle très important aujourd'hui.
04:18 Mais il y a eu la trace, ce que montrent ces événements, c'est la présence, la persistance,
04:26 je dirais, de tout un antisémitisme latent dans la société française.
04:31 Qu'est-ce que cet antisémitisme latent, que signifie-t-il ? Il a plusieurs dimensions.
04:38 Au XIXe siècle, l'antisémitisme, c'est l'anticapitalisme, c'est l'anti-monde de
04:44 la banque.
04:45 Le juif, c'est le capitalisme, le banquier.
04:47 Après, dans l'affaire Dreyfus, le juif, ça va être le traître à la patrie, celui
04:52 qui au fond, non seulement a fait sécession, mais a fait défection.
04:58 Et puis, le juif, c'est aussi dans cet imaginaire typique du XIXe siècle, qui va durer de façon
05:06 fortement exprimée jusqu'au milieu du XXe siècle, ça va être l'image de celui qui
05:12 fait sécession, qui vit à part.
05:14 Au fond, derrière cette haine historique du juif, il y a l'idée que les juifs sont
05:20 en trop, que les juifs n'ont pas leur place dans la société.
05:24 Vous l'entendez, là ? Vous l'entendez dans ce qui se passe depuis le 7 octobre ?
05:28 Oui, je l'entends.
05:29 Et même à l'intérieur du conflit israélo-palestinien, il y a une façon de voir renaître cela au
05:35ssi, parce qu'il n'y a pas simplement le conflit de territoire, il y a aussi une partie,
05:44 et notamment le Hama, c'est le cas, qui veulent détruire l'État d'Israël.
05:48 Donc, je pense que les événements actuels, en général, s'inscrivent dans une histoire
05:54 longue de l'antisémitisme, et que les pensées simplement en rapport aux événements courants
06:01 seraient un tort.
06:02 Et que les événements courants eux-mêmes ont un rapport à l'histoire longue de l'antisémitisme.
06:06 Le sociologue Michel Viviorca disait hier à France Info qu'il y a au fond trois antisémitismes.
06:12 L'antisémitisme issu des populations du monde arabo-musulman, où s'exprime la haine
06:17 d'Israël, est clairement lié au conflit.
06:20 La gauche de la gauche, qui renoue avec une vieille tradition, ou avec des moments et
06:24 des affects antisémites, ça, ce serait le deuxième antisémitisme.
06:27 Et le troisième, c'est toujours l'antisémitisme d'extrême droite.
06:31 Est-ce que vous êtes d'accord avec cette hiérarchie-là, avec cette catégorisation-là ?
06:35 En la précisant.
06:37 C'est-à-dire que sur le premier point, il y a une évidence, le rapport israélo-palestinien.
06:41 Sur le second point, oui, il y a eu toute une histoire d'antisémitisme qui est une
06:46 histoire de gauche.
06:47 Le premier à avoir écrit au XIXe siècle un livre qui s'appelle "Les Juifs, rois
06:51 de l'époque", c'est un socialiste utopique.
06:54 Et Proudhon reprendra le mouvement.
06:57 Et il y avait à la fin du XIXe siècle un auteur antisémite très connu, un peu oublié
07:02 aujourd'hui, qui s'appelait Auguste Chirac.
07:04 Sans lien de famille avec Jacques Chirac.
07:07 Mais où publiait-il vraiment ses propos orduriers ? Dans la revue Socialiste.
07:13 Qui était pourtant une revue des modérés du parti.
07:17 Donc il y a toute une histoire de…
07:20 Vous vous retrouvez aujourd'hui de cette histoire de la gauche de la gauche et de
07:23 l'antisémitisme ?
07:24 Elle est latente en tout cas dans le débat public.
07:27 Regardez le gang des barbares, c'était tout de même l'idée que c'est les juifs
07:31 qui ont l'argent, en général.
07:32 Et donc l'anticapitalisme, c'est naturellement, je dirais, nourri, greffé sur cette forme.
07:41 Donc le second point, c'est tout à fait exact aussi.
07:44 Vyvorka dit aussi que les Français ne sont pas aussi antisémites qu'on voudrait le
07:49 croire, mais notre pays souffre d'un manque de bienveillance à l'égard du monde juif.
07:55 Manque de bienveillance.
07:57 Pierre-Rosan Ballon, est-ce que vous reprendriez ce terme ?
08:00 La bienveillance veut dire un manque d'attention aux difficultés de groupes sociaux.
08:06 Oui, certainement.
08:08 Et là, je pense que ça n'est pas simplement…
08:12 On voit bien que la question de l'antisémitisme, elle a des champs très larges.
08:18 Elle s'exprime de façon virulente chez certains.
08:20 Elle s'exprime de façon latente également.
08:23 Et puis elle s'exprime aussi par des formes d'inattention, d'indifférence, de secondarisation
08:29 des problèmes.
08:30 C'est-à-dire ?
08:31 De secondarisation des problèmes, c'est au fond de considérer que ces incivilités,
08:37 parfois vis-à-vis de citoyens juifs, elles sont au fond relativement secondaires.
08:43 François Mitterrand avait participé en 1990 à la manifestation après la profanation
08:47 du cimetière juif de Carpentras.
08:49 Emmanuel Macron lui a choisi de ne pas manifester.
08:52 Il l'a expliqué, "je n'ai jamais été à une manifestation quelle qu'elle soit,
08:55 mon rôle est de bâtir l'unité du pays et pas de manifester".
08:58 Vous avez compris son absence ?
09:00 Je comprends qu'elle soit discutée.
09:03 Mais je comprends son point de vue, sa rationalité aussi.
09:08 Puisqu'il a fait une déclaration absolument non équivoque dans Le Parisien libéré,
09:14 qui était une condamnation extrêmement vive.
09:17 Dans Le Parisien tout court.
09:18 Il est élu.
09:19 Il est élu libéré.
09:20 Bon alors, Le Parisien tout court.
09:23 Et il a fait une déclaration très nette.
09:27 Ensuite de savoir s'il aurait pu, comme l'avait fait François Mitterrand après,
09:32 en 1990, aller en tête de cortège, saluer les personnes, ça se discute.
09:37 Mais vraiment, se polariser sur cette question-là, me paraît ne pas traiter au fond les questions
09:44 dont on doit traiter aujourd'hui.
09:45 Mais quand il écrit aux Français sa certitude que les marches organisées contre l'antisémitisme
09:52 exprimeront ce qui est l'essence même du projet français, à savoir le refus de l'assignation
09:58 à différence, la défense de l'universalisme, ces mots aujourd'hui, Pierre Rosanvalon,
10:03 pensez-vous qu'ils résonnent encore ? Qu'ils ont encore une portée ?
10:07 Je pense qu'ils devraient avoir une portée.
10:11 Parce que nous sommes dans un pays où, évidemment, actuellement, il y a un moment fort d'antisémitisme
10:18 qui existe partout dans le monde et qui rebondit dans notre pays.
10:22 Mais le projet républicain, c'est aussi un projet de mettre fin aux discriminations.
10:27 C'est un projet de construire une société des égaux.
10:29 Et nous voyons bien, chaque jour, combien, dans de nombreuses situations, dans de nombreux
10:34 quartiers, il y a de la discrimination qui se manifeste envers tout un ensemble de populations.
10:41 Donc je crois qu'il est effectivement juste, dans ce moment présent, il fallait marquer
10:46 le coup sur ce regain d'antisémitisme.
10:49 Mais le projet républicain, c'est aussi de permettre à chacun d'avoir sa place dans
10:54 la société.
10:55 Et aujourd'hui, bien des discriminations empêchent que ce soit effectivement le cas.
11:00 La participation du RN a créé la polémique, vous le savez.
11:03 Hier, dans Le Monde, l'historien Grégoire Kaufmann déclarait la nouveauté incroyable
11:07 de cette marche.
11:08 Bien sûr que le fait que le Rassemblement National ait été convié.
11:11 Le parcours accompli depuis la profanation du cimetière juif de Carpentras en 90 est
11:16 vertigineux.
11:17 La présence sidérante du RN à la manifestation de dimanche est le signe d'une profonde recomposition
11:22 du jeu politique.
11:23 La manifestation de dimanche restera un moment essentiel dans l'histoire du parti d'extrême
11:27 droite.
11:28 Un plafond de verre a explosé.
11:29 Vous êtes d'accord avec lui ? Oui, à condition de préciser.
11:33 Un plafond de verre a explosé, mais en même temps, il faut ramener la présence.
11:39 Puisque nous disions tout à l'heure que c'était tout un ensemble d'individus qui
11:43 étaient venus.
11:44 Il y avait 100 000 individus.
11:45 Eh bien Marine Le Pen était un cent millième de la manifestation.
11:48 Donc ne consacrons pas à un cent millième de la manifestation 50% des commentaires.
11:54 C'est la première chose que l'on peut dire.
11:56 La deuxième chose, c'est qu'il faut prendre le temps de montrer qu'aujourd'hui, il y
12:04 a aussi une critique de l'antisémitisme ambiguë.
12:08 Parce que c'est une critique de l'antisémitisme qui vise par ricochet à accuser d'être les
12:16 champions de l'antisémitisme les populations immigrées et les populations de banlieue.
12:23 Donc il y a là, je dirais, une sorte de perversité dans une certaine forme d'antisémitisme
12:29 qui au fond ne vise pas tant à protéger et à défendre les juifs qu'à stigmatiser
12:36 sur un nouveau mode tout un ensemble de populations.
12:39 Donc sur ce point, il me semble très important de dire que si l'on fait profession de foi
12:46 d'antisémitisme, on ne peut qu'applaudir.
12:48 Mais c'est une profession de foi qui ne doit pas être instrumentalisée premièrement.
12:53 Et deuxièmement, qui doit bien prendre, exprimer également qu'on est solidaire de toute
12:59 une histoire critique de l'antisémitisme.
13:03 Et sur ce point, quand je vois une personnalité comme Éric Zemmour qui se présente comme
13:09 un champion de la lutte antisémite, mais qui peu de temps auparavant célébrait Pétain
13:16 comme étant le protecteur des juifs.
13:18 Il y a une critique de l'antisémitisme des années 2020 qui va de pair avec une apologie
13:25 de l'antisémitisme des années 1940 qui mérite tout de même réflexion.
13:29 Et quand vous entendez l'historien Serge Klarsfeld déclarer jeudi que la participation
13:36 du RN à la manifestation était tout à fait positive, quand je vois un grand parti issu
13:41 de l'extrême droite abandonner l'antisémitisme, le négationnisme et marcher vers des valeurs
13:47 républicaines, je m'en réjouis a-t-il dit.
13:50 Comment recevez-vous ces mots Pierre Rosanvalon ?
13:52 Et bien étant donné ce qu'est l'histoire de Klarsfeld, je ne peux que l'écouter avec
13:58 attention et de dire que c'est une parole importante.
14:02 Le problème n'est pas d'être d'accord ou pas avec elle, c'est le fait que des personnes
14:06 aussi importantes que lui dans la lutte contre l'antisémitisme le disent.
14:11 C'est un signe, un signal, mais un signal qu'il faut peut-être inscrire dans une attention
14:19 quotidienne aujourd'hui à ce qui ne se dépreuve pas.
14:23 Mais après on pourrait vous dire Pierre Rosanvalon que là on est parti, en vous écoutant ce
14:28 matin, il n'y a plus de problème avec le RN en fait.
14:31 Il y a une dédiabolisation qui est atteinte, une banalisation qui est là.
14:35 La banalisation n'est pas là s'il s'agit de prendre en compte l'ensemble de l'histoire
14:42 de France.
14:43 Quelle lecture ? Je dirais que la critique de l'antisémitisme s'inscrit dans une histoire
14:48 longue, dans une critique longue de l'histoire de France.
14:51 Et ceux qui voudraient redevenir les champions de l'antisémitisme aujourd'hui mais qui
14:57 ne partagent pas cette histoire longue, il y a un problème.
15:00 Voyons si cette histoire longue est partagée, c'est un premier point.
15:03 Et deuxième point, on ne peut pas faire profession d'antisémitisme si en même temps on se
15:10 fait le champion des discriminations dans d'autres domaines dans la société française.
15:14 Car l'antisémitisme c'est un poison du lien social.
15:19 Et ce poison du lien social il se manifeste aussi sur d'autres terrains.
15:23 Donc luttons contre tous les poisons du lien social dont l'antisémitisme n'est que la
15:28 forme historique la plus ancienne, la plus forte et la plus dramatique par les effets
15:34 qu'il a produits.
15:35 Parce que les effets qu'il a produits c'est tout simplement la solution finale.
15:39 On passe au standard d'inter.
15:42 On nous attend François, bonjour.
15:44 François, vous nous appelez de Paris ?
15:45 Oui, bonjour.
15:46 J'étais à la manifestation hier.
15:49 Et je voudrais savoir quand Mme Bronte-Pivet et M.
15:56 Boucher vont prendre la tête d'une manifestation pour protester contre la colonisation des
16:05 terres palestiniennes depuis des décennies.
16:09 Alors que M.
16:12 Eli Barnavi, M.
16:14 Ofer Bronstein, des Israéliens partisans de la paix et du dialogue, ont demandé pendant
16:22 des années que l'on torde le bras au gouvernement israélien pour l'obliger à faire la paix.
16:30 Les gouvernements israéliens ont laissé se développer, voire encourager le Hamas.
16:38 Et ont laissé des colons lutter, tuer des manifestants pacifiques en Suisse Jordanie
16:51 qui luttaient contre la colonisation.
16:53 A-t-on cette manifestation ? Parce qu'hier à cette manifestation à laquelle j'ai participé,
16:59 il y avait une très sympathique petite bourgeoisie blanche à cheveux gris.
17:03 Et où étaient les gens des quartiers ? Où étaient ceux qui déplorent jour et nuit
17:09 les deux poids deux mesures ?
17:11 Merci François pour cette intervention.
17:14 Pierre Rosenvallon.
17:15 Vous avez tout à fait raison.
17:18 Cette manifestation avait un objectif immédiat.
17:23 Mais que la discussion critique sur la colonisation en Israël se mène, c'est non seulement nécessaire
17:33 mais c'est tout à fait urgent.
17:35 Car on le voit bien aujourd'hui, la question va être celle des lendemains de la riposte.
17:41 En préparant cette interview, vous nous avez dit que vous vous affligiez du niveau du discours
17:45 politique actuel.
17:46 Que le langage politique manque de résonance avec la réalité dites-vous.
17:50 Expliquez-nous.
17:51 Parce que je pense que la vie réelle des Français est très absente de la vie politique.
17:57 Elle est très absente des discours politiques.
17:59 Elle est absente quand on voit maintenant que du côté droit, ce qui polarise la vie
18:04 politique c'est la course à l'échalote entre la droite et l'extrême droite pour
18:09 savoir qui sera le plus impitoyable pour réprimer les migrants ou pour faire changer la vie
18:16 dans les quartiers.
18:18 Et là, au fond, on fait comme si toute la vie de la société française se résumait
18:23 à cette question de la dureté vis-à-vis des migrants.
18:26 Alors que les sondages les plus élémentaires montrent bien que les Français ont bien d'autres
18:30 soucis en tête.
18:31 Même si ces questions d'immigration sont importantes pour eux, ils mettent très nettement
18:36 en tête les questions de l'emploi, de leur pouvoir d'achat, de la santé, du cadre de
18:41 vie, de leur transport.
18:43 Donc, je dirais, les conditions même de la compétition électorale font que du côté
18:49 droit, la société est complètement oubliée.
18:50 Du côté du gouvernement, la société d'un certain point de vue est également oubliée
18:55 parce que le gouvernement ne voit la société qu'à travers le prisme de ses statistiques.
19:00 Et notamment donc à travers le prisme des revenus.
19:03 Et donc, il y a une politique d'échec dans tous les domaines.
19:06 Mais ça, c'est une vision je dirais très surplombante de la société.
19:10 Et on ne parle pas non plus de sa réalité.
19:12 Et la gauche ? Et la gauche, elle est en quelque sorte enfermée
19:16 dans une analyse qui est à la fois juste et impuissante.
19:19 Une analyse des méfaits du néolibéralisme, une analyse des problèmes majeurs posés
19:25 par les inégalités.
19:26 Mais c'est un discours globalisant qui au fond, n'interagit pas avec la société,
19:34 qui ne mobilise pas les gens.
19:36 Qui est presque parfois un discours de démobilisation.
19:38 Et donc, aujourd'hui, il est très important qu'au fond, la vie réelle de la société
19:45 reprenne le dessus dans les discours politiques.
19:48 Et si elle ne le reprend pas, pour les raisons que je viens d'expliquer rapidement du côté
19:52 du gouvernement, de la droite ou de la gauche, et bien peut-être, est-ce que ça doit être
19:56 du point de vue du travail d'enquête que fait parfois la presse, du travail des sciences
20:01 sociales, de rendre les problèmes réels de la société présents.
20:08 Et peut-être qu'à ce moment-là, on aura aussi des politiques publiques qui seront
20:13 moins éloignées de la société, qui ne voudront pas tout résoudre simplement avec
20:17 des chèques lointains, mais avec une prise en compte des réalités vécues au quotidien.
20:21 Ces réalités vécues au quotidien, ce sont celles dont parlaient syndicalistes, et celles
20:25 qu'exprimaient les gilets jaunes.
20:27 C'est celles que l'on voit bien quand on est sur le terrain dans le pays.
20:30 - Merci Pierre-Rosan Ballon d'avoir été au micro d'Inter ce matin.
20:35 Je rappelle le titre de votre dernier livre, « Les épreuves de la vie, comprendre autrement
20:42 les français » paru aux éditions du Seuil.
20:45 Il est 8h45.