La chanteuse Thérèse est atteinte de la polykystose hépatorénale héréditaire, une maladie qui provoque des kystes dans le foie et dans les reins. Après avoir subi une greffe de foie, l'artiste militante est revenue sur sa reconstruction et la façon dont son rapport au corps a évolué.
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00:00 Ça pousse en fait à une tolérance encore plus grande parce que la personne qui m'a donné ce foie, je ne sais pas qui c'est.
00:05 Tout ce que je sais, c'est que cette personne a m'a sauvé la vie en fait.
00:07 Coucou, c'est Thérèse. Je suis musicienne, styliste EDA et je fais tout plein d'actions engagées.
00:15 Aujourd'hui, je suis là pour vous parler de ma maladie qui s'appelle la polykystose hépatorénale héréditaire.
00:20 Du coup, la polykystose hépatorénale héréditaire, c'est en fait une maladie qui fait que j'ai des kystes dans le foie et dans les reins.
00:30 Et c'est des kystes qui à la base sont bénins, mais qui poussent au fur et à mesure dans mon corps à un rythme qui est propre à chaque malade.
00:38 J'ai appris que j'étais atteinte de cette maladie il y a environ 10 ans.
00:41 Ma maman à cette époque-là était elle-même malade et dialysée en attente de greffe pour cette même maladie
00:48 puisque cette maladie est héréditaire et du coup je l'ai héritée de ma mère.
00:51 Au départ, j'ai commencé par une phase d'effondrement.
00:54 Ça a été ça au début, dû à une forme d'injustice.
00:57 Je me demandais pourquoi moi j'avais l'impression d'être une bonne personne, de tout faire bien, de trier mes déchets,
01:04 d'être sympa avec les gens autour de moi, d'être écolo, d'essayer de bien faire les choses dans la vie.
01:08 Et en fait, je trouvais ça hyper injuste que ça m'arrive à moi et que je le découvre autour de 27 ans
01:14 parce que j'avais l'impression justement d'être dans ma vingtaine, d'avoir la vie devant moi
01:17 et ça me donnait la sensation que les taux se refermaient trop tôt.
01:21 La maladie a fait que mon corps à un moment s'est mis à changer,
01:24 que ce ventre poussait de façon totalement involontaire et incontrôlée
01:28 et que je ne pouvais rien y faire et que ce n'était même pas un heureux événement que j'attendais.
01:33 C'était plus quelque chose qui s'apparentait à quelque chose de dramatique, à la mort.
01:37 C'était en 2021 qu'on m'a dit que je pouvais potentiellement aller me faire greffer
01:41 et je me suis mise en disponibilité totale au moment où j'avais un peu fait toute ma checklist
01:47 que je voulais absolument faire avant d'aller me faire greffer
01:50 parce que je savais qu'il y avait des risques potentiels de ne pas bien m'en sortir.
01:54 Et j'ai dit en octobre dernier "go je suis prête à être appelée à n'importe quelle heure du jour et de la nuit".
01:59 Et aujourd'hui, après quasiment un an de greffe, je vais bien, je vais même super bien.
02:05 Je vais mieux qu'avant la greffe et j'ai appris en fait pour la première fois de ma vie
02:09 à demander de l'aide, à dire à mes proches que j'étais pas forcément capable de faire tout toute seule.
02:17 Moi j'ai été élevée dans un culte de la performance de par mon papa et aussi de par la société
02:24 qui nous pousse toujours à être dans cette espèce d'autonomie totale qui dit
02:29 "on est des femmes, on va y arriver toutes seules etc."
02:32 Il y a des moments où c'est important de se rendre compte qu'on n'est qu'humain
02:35 et qu'on n'est pas capable en fait de tout faire tout seul.
02:37 Et qu'il y a des moments dans la vie où on est ultra vulnérable.
02:40 Personnellement je me suis retrouvée dans un état où j'étais plus capable de respirer seule.
02:45 Donc j'étais intubée, je savais plus pisser, je savais plus marcher.
02:50 Et on a dû me torcher le cul en fait.
02:52 Tout ce que j'ai envie de dire c'est de se rappeler en fait que tout ce système dans lequel on vit
02:56 tend à nous faire oublier qu'en fait on est des êtres humains, qu'on a le droit à la maladie,
03:01 qu'on peut avoir peur de la mort mais qu'elle existe aussi.
03:04 Et aujourd'hui si je pleure d'émotion parce que je vais bien en fait,
03:07 je me rends compte que j'ai appris de tout ça et j'ai appris à me dire que
03:11 un, tout seul on n'est rien.
03:13 Ça pousse en fait à une tolérance encore plus grande parce que
03:16 la personne qui m'a donné ce foie je ne sais pas qui c'est.
03:18 Tout ce que je sais c'est que cette personne elle m'a sauvé la vie en fait.
03:20 Et si moi aujourd'hui je parle de tout ça, au-delà du fait que ça puisse me faire du bien,
03:24 c'est parce que je sais qu'il y a plein de gens qui sont malades,
03:27 qui se sentent seules aussi, que ce soit une polycystose hépatorinale ou non.
03:30 Plus on parle de ces difficultés là qu'on traverse tous et toutes,
03:33 moins on se sentira seule et peut-être qu'on se souviendra
03:37 quand on aura envie de chier sur l'autre, sur les réseaux sociaux ou dans la vie,
03:41 ou de frapper son voisin de métro,
03:43 que peut-être qu'il faut y réfléchir à deux fois parce que cette personne elle pourrait nous sauver la vie en fait.
03:47 Le dernier morceau que j'ai sorti s'appelle "Toujours trop".
03:49 C'est une lettre de rupture à tout un système en fait, en entier,
03:53 de se dire que j'ai passé trop de temps à détester mon corps
03:56 en traversant cette épreuve de la greffe.
03:59 Je me suis rendu compte que mon corps était tout,
04:01 sauf une simple enveloppe qui était là pour plaire à telle ou telle personne.
04:05 Tu pourras être la meuf la plus bonne du monde,
04:08 mais si t'es toute seule et en mauvaise santé mentale,
04:11 je pense qu'on passe à côté de l'expérience de la vie.
04:13 Notre corps n'est pas qu'un objet de soumission en fait,
04:15 et qu'il est possible en prenant compte de sa valeur,
04:18 en prenant conscience en fait de sa valeur,
04:21 de reprendre une forme de pouvoir sur notre corps
04:24 et justement d'être autre chose qu'un objet d'oppressé.
04:27 Et je ne parle pas que d'apparence physique au sens séduction du terme,
04:31 je ne parle pas que de la minceur,
04:33 mais je parle aussi d'une question de racisme,
04:36 une question de validisme, une question d'agisme.
04:39 Tout ça est pris en compte en fait,
04:41 et que je pense qu'on peut en faire autre chose.
04:43 Je ne sais pas si c'est vrai, mais je m'accroche à cet espoir,
04:45 parce que sinon en fait je ne me lève pas le matin.
04:47 [SILENCE]