Plus de six ans après sa promesse, Emmanuel Macron inaugure l'un de ses plus grands projets culturels. Il s'agira du "cœur battant de la francophonie", selon la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak.
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00:00 Madame la secrétaire générale de l'Organisation internationale
00:02 de la francophonie,
00:05 mesdames et messieurs les ministres,
00:07 monsieur le préfet, monsieur le président du Conseil économique,
00:10 social et environnemental, mesdames et messieurs les députés,
00:14 mesdames et messieurs les sénateurs,
00:16 monsieur le président du Conseil régional des Hauts-de-France,
00:19 monsieur le président du Conseil départemental de l'Aisne,
00:22 monsieur le maire,
00:24 mesdames et messieurs les élus,
00:26 monsieur le secrétaire perpétuel,
00:29 mesdames et messieurs les académiciens,
00:31 mesdames et messieurs les ambassadeurs,
00:32 mesdames et messieurs en vos grades et qualités,
00:35 chers amis,
00:37 je dois dire que j'ai longtemps attendu ce moment
00:42 et que je suis très heureux d'être parmi vous.
00:45 J'aurais voulu convoquer
00:49 tous les auteurs qui ont changé ma vie
00:53 et dont le simple nom évoque pour moi tant de souvenirs,
00:59 beaucoup de nos plus grands auteurs
01:00 qu'on retrouve au détour d'une pléiade
01:03 ou ceux qui forgent notre panthéon plus intime.
01:08 Il y a nombre d'odeurs, de couleurs, de goûts, d'expériences
01:14 que j'ai sans doute vécues dans la littérature française
01:17 avant même de les connaître,
01:19 que notre langue m'a fait percevoir avant même de les vivre.
01:23 Mais si je suis là devant vous,
01:27 c'est peut-être pour tâcher de répondre à 3 questions simples.
01:31 La 1re, pourquoi, dans ce lieu et ce château aujourd'hui,
01:36 faire une cité internationale de la langue française ?
01:40 La 2e, c'est, en quelques mots,
01:42 essayer de dire ce que sera cette cité.
01:45 Et puis, la 3e, plus difficile encore,
01:50 est d'essayer de dire ce que la langue française
01:53 a d'essentiel pour nous tous et toutes aujourd'hui.
01:58 Nous retrouver ici, dans ce beau département de l'Aisne,
02:04 dans ce valois aux confins de l'Aisne et de l'Oise,
02:08 pour un enfant de la Picardie comme moi,
02:12 est une expérience que je n'aurais pas imaginée.
02:16 Elle a pour racine un moment il y a presque 7 ans.
02:19 C'était en mars 2017,
02:22 au cours d'une campagne présidentielle.
02:25 Certains m'accompagnaient,
02:27 Jacques Craballe, qui s'en souvient sans doute,
02:31 et quelques autres.
02:33 Nous descendions à la place du Dr Mouffier
02:36 face à la statue d'Alexandre Dumas.
02:39 1re expérience en arrivant dans cette ville.
02:43 Dumas est né ici.
02:45 Par les hasards de l'histoire et des aventures familiales,
02:50 comme vous le savez, son père, général d'Empire à la retraite,
02:54 qui était lui-même le fils d'un marquis
02:56 parti à Saint-Domingue et d'une esclave noire,
03:00 était insolent, indiscipliné.
03:03 Il avait fini ses jours avec peu de fortune
03:07 dans la famille de sa femme.
03:09 Alexandre Dumas, oui, né ici,
03:10 avec beaucoup de fierté, lui-même revendiqué d'être né
03:13 à deux pas de la Ferté-Milan, où Racine avait vu le jour,
03:17 et de Château-Thierry, où La Fontaine avait grandi.
03:21 La langue française est là partout déjà.
03:26 Dans ce pays, dans ce lieu,
03:30 derrière cette statue, dans ce pays de Valois que j'évoquais,
03:33 qui est, au fond, au coeur d'une carte du tendre
03:37 de la vie politique et littéraire française.
03:40 Nos rois, j'y reviendrai, y ont vécu, chassés,
03:46 parfois décidés,
03:48 et ces paysages ont été au coeur
03:52 à la fois des auteurs que je viens de citer,
03:55 de Racine à La Fontaine.
03:57 Nerval y fut tant inspiré,
04:01 Claudel, là aussi,
04:04 partagea une partie de son imaginaire
04:07 et de sa vie.
04:10 Et donc, oui, le Valois n'est pas un lieu comme les autres,
04:13 épicentre politique et littéraire.
04:16 Et puis, en parcourant quelques mètres,
04:18 nous sommes arrivés devant ce château.
04:21 Il était en mars 2017 totalement fermé à la ville,
04:24 on s'en souvient.
04:26 Claque-murée, et poussant la porte,
04:29 on rentrait dans cette cour qui était totalement délabrée.
04:32 On ne pouvait pas rentrer.
04:35 Il menaçait de s'effondrer.
04:37 Patrimoine en péril.
04:40 Et je prenais alors le soir même à Reims
04:43 l'engagement de pouvoir raviver ce lieu,
04:46 de lui redonner sa force, sa beauté,
04:50 d'y retrouver l'histoire.
04:52 Ce lieu,
04:55 ce château fait partie des quelques-uns
04:58 qui ont été, en effet, si je puis m'exprimer ainsi,
05:01 réinventés par François 1er.
05:03 En effet, François 1er, sortant de sa captivité,
05:07 revient en France et décide,
05:08 avec plusieurs grands architectes de l'époque,
05:10 au début des années 1530,
05:13 de créer ou de réinventer plusieurs de nos lieux,
05:16 donnant d'ailleurs à l'architecture renaissante française
05:19 ses heures de gloire.
05:21 Villers-Cotterêts, Fontainebleau,
05:26 quasiment cousins de ce château,
05:29 Saint-Germain-en-Laye,
05:31 le Louvre dans sa nouvelle figure.
05:34 Et donc, ici même,
05:36 dans ce qu'il appelait lui-même "mon plaisir",
05:39 les travaux sont lancés au début des années 1530
05:41 et ce lieu deviendra un lieu de chasse régulière,
05:44 de séjour régulier et de gouvernement.
05:48 Et donc, en effet, dans ce lieu où, imaginez,
05:51 une seule seconde, Rabelais, Clément Marot
05:54 sont venus passer des séjours,
05:58 François 1er vient chasser et gouverne.
06:02 Henri II l'adore, Molière, dit-on,
06:05 Hidden, certains y ont fait référence.
06:08 Molière, Hidden, Tartuffe, pour lui, 14.
06:12 Puis, au moment de l'an II,
06:14 cela devient une caserne pour soldats
06:17 et le consul Bonaparte décide d'en faire un asile
06:19 pour les mendiants.
06:22 Puis, à travers les âges, ce lieu devient hospice,
06:25 commandant-tour durant la Deuxième Guerre mondiale,
06:28 puis redevient un lieu de solidarité
06:32 pour les sans-abri âgés durant plusieurs décennies,
06:36 avant de tomber progressivement à l'abandon.
06:38 Et l'abandon fut complet en 2014,
06:41 même si une partie du bâtiment fut abandonnée
06:43 bien des années plus tôt.
06:47 Ce lieu, vous l'avez compris, à travers l'histoire,
06:49 ne méritait qu'une chose,
06:52 c'était d'être ranimé.
06:53 Il est au coeur de ce pays de Valois que j'évoquais,
06:56 de cette forêt de Rez,
06:57 qui était, elle aussi, un bijou du patrimoine naturel.
07:01 Il nous fallait donc restaurer ce trésor de notre patrimoine
07:04 et, en quelque sorte, en le restaurant,
07:07 lui redonnant sa vocation.
07:10 Or, celle-ci, sa voix au sens propre du terme,
07:15 est notre langue.
07:19 Toujours, comme dans ce pays,
07:21 au croisement de l'aventure littéraire et politique.
07:25 Car si, en effet, François 1er a pris
07:27 cette décision architecturale,
07:31 il a, ici aussi, pris un acte éminemment important,
07:35 cette ordonnance d'août 1539.
07:38 L'un des textes juridiques les plus anciens
07:40 que l'on retrouve dans les collections
07:43 et dans le parcours ici décidé,
07:46 l'un des textes juridiques les plus anciens
07:49 en vigueur en France.
07:50 Et François 1er, d'ici, décide ainsi
07:54 d'imposer que tous les actes du royaume
07:57 puissent désormais prononcer, enregistrer, délivrer,
08:01 je cite l'ordonnance, au parti,
08:03 en langage maternel français et non autrement.
08:08 C'est-à-dire non plus en latin.
08:11 Savoir si cette expression de langage maternel français
08:14 désignait le français uniquement
08:17 ou englobait d'autres langues maternelles de la France d'alors
08:20 est un débat de spécialistes dans lequel je ne me hasarderai pas.
08:25 Mais le français devient alors, par cette ordonnance,
08:30 la langue de nos lois, de nos textes,
08:33 la langue de la justice,
08:36 et elle devient alors symboliquement
08:41 et réellement ouverte à la compréhension de tous
08:45 et non plus réservée simplement aux clairs et aux lettrés.
08:50 Égalité, règles communes.
08:54 10 ans plus tard, 10 ans à peine, Joachim Dubélé,
08:57 dans sa défense et illustration de la langue française,
08:59 allait mener le combat, mais allait mener le combat,
09:02 si je puis dire, au contact, au réel,
09:05 en expliquant que cette langue n'était pas la langue des barbares
09:08 et qu'elle avait quelques mérites,
09:09 y compris par rapport aux grecs et aux latins,
09:13 conduisant à nouveau une de ces aventures
09:16 entre les anciens et les modernes.
09:20 C'est ça, l'aventure de la langue française.
09:23 Et elle fut toujours animée par ces tensions.
09:26 Et durant 5 siècles,
09:28 le français s'est imposé progressivement,
09:31 langue du royaume, langue forgeant la nation,
09:34 puis langue de la République,
09:36 jusqu'à sa consécration en 1992 dans notre Constitution,
09:40 puis la loi, cher Jacques Toubon,
09:42 qui allait en défendre l'importance
09:44 dans nos textes et usages.
09:47 Aussi, faire revivre ce lieu devait nous conduire
09:51 comme par une évidence
09:54 à en faire un lieu dédié aux Français,
09:58 à notre langue et à l'aventure de celle-ci,
10:02 en fidélité à l'ordonnance de 1539
10:05 et à ce valois si essentiel dans notre littérature,
10:09 et en nous embarquant jusqu'aujourd'hui
10:11 à travers l'histoire et les continents
10:13 pour le faire vivre.
10:15 Alors, maintenant, que sera ce lieu ?
10:21 Cette cité internationale de la langue française
10:24 que vous allez pouvoir découvrir dans quelques instants ?
10:28 A partir de 2017 a commencé un chantier inédit.
10:33 23 000 m2,
10:35 265 000 ardoises,
10:38 des milliers de pierres de taille,
10:41 aux mains de plusieurs dizaines d'entreprises,
10:44 600 compagnons,
10:46 coiffés d'une verrière unique en son genre.
10:50 Ce projet a été voulu comme exemplaire.
10:52 Exemplaire par son efficacité et sa durabilité, comme on dit,
10:58 preuve aussi que les délais courts ne détournent pas du temps long.
11:02 Les clauses d'insertion sociale ont permis de recruter
11:04 150 salariés locaux
11:06 et de réaliser plus de 90 000 heures d'insertion.
11:10 Exemplaire aussi dans sa volonté d'être au service des Cautrésiens.
11:15 Que cela reste leur diamant dans la forêt,
11:18 pour reprendre les mots de l'une d'entre vous,
11:21 celui qui a toujours veillé sur les promenades, les piquenics
11:24 et les premiers romances qu'abritait son parc.
11:27 Jusqu'ici, il y veillait derrière des grands murs,
11:30 comme je le disais, ils vous sont désormais ouverts.
11:34 C'est un lieu aussi unique,
11:38 car jamais une institution n'avait été consacrée
11:41 à l'histoire de notre langue.
11:43 Aucun projet culturel porté par un président de cette ampleur
11:47 n'avait encore été implanté en dehors de Paris.
11:49 Et jamais de tels investissements n'avaient bénéficié
11:54 en matière de culture au département de l'Aisne.
11:57 C'est bien une cité et non pas un musée,
12:01 car le parcours permanent s'enrichit de lieux de vie,
12:04 de rencontres, de loisirs et de savoirs
12:06 où se tiendront des formations, des ateliers,
12:08 des résidences d'articles, des chercheurs, un auditorium,
12:11 un laboratoire de technologie linguistique.
12:14 Chacun doit s'y sentir chez lui.
12:18 Ceci a été possible et je veux en remercier
12:20 les principaux artisans,
12:22 parce qu'il y a eu une alliance extraordinaire
12:25 de beaucoup de forces.
12:27 D'abord, l'ensemble des équipes du ministère de la Culture,
12:32 madame la ministre,
12:34 et je veux remercier vos prédécesseurs,
12:37 l'ensemble de vos équipes, vous-mêmes,
12:39 remercier tout particulièrement également
12:41 l'équipe du Centre des Monuments Nationaux,
12:43 sous la houlette d'abord de Philippe Bellaval,
12:46 puis de Marie Lavandier, et l'ensemble de leurs équipes.
12:49 Paul Rondin, Xavier Bailly, Xavier Nort,
12:51 commissaire principal du parcours,
12:53 Barbara Cassin,
12:56 Zef Gourarrière, Hassane Kassi-Kouyaté,
12:58 les co-commissaires,
12:59 monsieur Dussinetti, qui a joué un rôle aussi important,
13:02 tant d'autres en lien avec le ministère de la Culture,
13:05 l'Organisation internationale de la francophonie,
13:08 main dans la main avec beaucoup de ceux que j'évoquais,
13:12 Olivier Veth, architecte en chef des monuments historiques,
13:15 l'agence projectile qui a aménagé et conçu la scénographie
13:18 et la signalétique
13:20 aux côtés de beaucoup d'entreprises partenaires.
13:24 Mais également les élus du territoire,
13:27 monsieur le maire, monsieur le président
13:28 de la communauté de communes, cher monsieur de Montesquieu,
13:32 qui avait porté le projet dès le début,
13:34 monsieur le président, cher Nicolas Africoteau,
13:37 pour le département,
13:39 monsieur le président de la région, cher Xavier Bertand,
13:42 et cher François de Costaire,
13:43 votre vice-président en charge de la Culture,
13:47 le service de l'Etat, le préfet de l'Aisne
13:50 et le comité de pilotage,
13:52 tous les élus du territoire, et cher Jacques Cramal,
13:56 en évoquant le rôle important que vous avez joué dès le début,
13:59 ont été associés, ont pensé ce lieu
14:02 et vont continuer de le penser, car ça n'est qu'un début.
14:06 La forêt qui est là a abrité à coup sûr
14:10 l'imaginaire des aventures des 3 Mousquetaires
14:13 et de Loupiac à Maastricht.
14:15 Ce lieu est aussi sur la dorsale des aventures de Dumas
14:20 et de ses épopées françaises.
14:23 Rien n'aurait été possible aussi sans la participation
14:25 de tous les opérateurs de l'Organisation internationale
14:28 de la francophonie, cher Louise.
14:31 Le soutien humain et financier de partenaires généreux
14:34 du monde entier, au 1er rang desquels
14:36 le gouvernement du Québec,
14:38 nous ont montré combien le français était un bien commun.
14:41 Ensemble, vous avez façonné une prouesse architecturale,
14:45 muséale, pédagogique,
14:47 que nous allons continuer de faire grandir,
14:49 surtout de faire vivre.
14:50 Vous avez exploité le meilleur du numérique et de l'immersif,
14:53 remonté le temps, collecté nos expressions et régionalismes,
14:57 adapté votre discours à tous les publics,
14:59 rendu palpable l'immatériel,
15:01 mis des mots sur ce qui échappe aux mots,
15:04 justement une langue, son histoire,
15:07 sa spécificité, ses paradoxes.
15:09 Et ce lieu sera évidemment en lien avec tous ceux de la région,
15:14 avec tous les autres lieux, d'ailleurs,
15:16 de Château-Thierry, que j'évoquais tout à l'heure,
15:18 Pierrefonds, Compiègne.
15:20 Il y a justement cette carte complète,
15:24 et je ne suis pas ici exhaustif,
15:26 de toute la région pour faire ce chemin culturel,
15:28 mais aussi la Bibliothèque nationale,
15:30 l'imprimerie nationale, le centre national du livre
15:33 et tant d'autres qui auront à faire vivre et rayonner
15:37 ce qui est autour de notre langue et sans laquelle elle n'est rien.
15:42 Et donc, vous l'avez compris,
15:43 ce projet est à la fois un projet patrimonial
15:48 qui permet de faire revivre cette façade royale,
15:51 l'escalier du roi et de la reine, la chapelle,
15:54 de manière magnifique, et donc,
15:55 ces trésors de notre architecture renaissante française,
15:59 réinventer la cour du jeu de paume, inonder de mots,
16:03 ce sera un lieu de culture vivante,
16:06 un musée odyssée,
16:09 et donc cité à travers laquelle nous irons
16:13 de mot en mot, de livre en livre,
16:16 interactive, immersive,
16:19 salle de spectacle également qui permettra ici
16:22 de partager l'expérience de la langue
16:24 comme vous l'avez à l'instant vécue
16:26 avec plusieurs de nos actrices et acteurs.
16:29 Ce sera un lieu pour les enseignants et leurs élèves
16:32 pour venir apprendre, découvrir, étudier la langue française,
16:36 pour venir se former également aux Français et à la littérature,
16:40 un lieu pour les traducteurs, un lieu pour les artistes,
16:44 et j'y reviendrai tout à l'heure,
16:45 et donc lieu de spectacle ouvert à la ville, à la région,
16:48 et de ce soir, un spectacle sera ici offert,
16:50 mais je sais que cela n'a pas attendu l'ouverture officielle
16:54 et que vous avez, depuis plusieurs mois, ici même,
16:59 déjà commencé à créer et à faire vivre le lieu.
17:05 Voilà répondu rapidement à la 2e question.
17:10 Maintenant, pourquoi, dans un moment aussi difficile,
17:16 grave, lourd pour la nation et pour le monde,
17:20 pourquoi venir parler de la langue française
17:22 et pourquoi est-ce si important ?
17:24 J'entendais les voix qui s'élevaient
17:29 pour dire que c'est bien le moment.
17:31 D'autres pour dire que ce n'est pas le bon projet,
17:33 il ne fallait pas faire ceci, il ne fallait pas faire cela.
17:35 "Projet de Tartuffe, justement", disaient les uns.
17:39 La langue ne se met pas dans un musée,
17:40 ça tombe bien, c'est une cité, elle est ouverte.
17:43 La langue est toujours un objet de controverse,
17:45 et qu'il y ait des débats passionnés sur la langue française
17:47 est un signe de bonne santé.
17:49 Peu de pays ont des débats aussi passionnés sur leur langue.
17:52 Merci de le permettre.
17:54 Les uns disent qu'il y a des bouderies à l'académie.
17:58 La crème de la crème est là.
18:03 Non.
18:04 C'est important pourquoi ?
18:07 Je le dirai au fond de manière simple pour 2 raisons.
18:11 Parce que la langue française
18:13 bâtit l'unité de la nation,
18:17 et parce que la langue française
18:19 est une langue de liberté et d'universalisme.
18:24 Et ces 2 raisons, dans le moment que nous vivons,
18:26 suffisent à justifier l'importance de ce projet
18:30 et du moment que nous partageons.
18:33 Notre unité, d'abord.
18:35 À un moment où les divisions reviennent,
18:39 les haines ressurgissent, où on voudrait renvoyer
18:42 les communautés dos à dos, les religions, les origines,
18:47 la langue française est un ciment.
18:50 C'est un ciment.
18:54 Et elle explique très bien notre rapport,
18:56 tout à la fois à la nation et à la République.
19:01 Et la République, elle est ce qui nous forge.
19:04 Choisissez-la, adoptez-la, vous en êtes.
19:08 Nous sommes un pays qui a adopté tant et tant d'écrivains
19:14 qui n'étaient pas nés dans cette langue, mais l'ont fait vivre.
19:17 Mais surtout, nous sommes un pays qui s'est unifié par la langue.
19:21 C'est le coeur même du choix politique
19:24 fait par François 1er en 1539.
19:26 Face à tous ces royaumes et ces duchés,
19:28 unifier la langue dans ses textes administratifs,
19:30 c'était, en quelque sorte, lutter contre
19:33 toutes les forces centrifuges, tous les irrédentismes,
19:36 et toutes celles et ceux qui voulaient bousculer le royaume.
19:39 Et à chaque moment important, la langue a joué ce rôle.
19:43 L'Académie française, à cet égard,
19:45 et je salue Zim Mortel, monsieur le secrétaire perpétuel,
19:49 mesdames et messieurs les académiciens,
19:52 est un travail tout à la fois de normalisation,
19:55 d'uniformisation pour être sûr que les beaux mots sont là.
19:59 Face à toutes ces langues vernaculaires,
20:02 à ces divisions, à ces incompréhensions,
20:05 mais elle est un travail façonnant l'unité
20:09 du royaume et la nation.
20:12 L'abbé Grégoire n'a pas une autre volonté
20:14 au moment de la Révolution française.
20:16 Et au moment où le maître étalon est décidé,
20:19 la langue française, avec sa force unificatrice,
20:23 normalisatrice, diraient certains,
20:26 est là pour bâtir,
20:29 dans un moment si difficile pour le pays,
20:31 où tout menaçait de s'effondrer, d'éclater,
20:34 l'unité au coeur de la Révolution et de la République naissante.
20:39 Et lorsque la IIIe République,
20:41 après le coup de la défaite de 1870,
20:43 cherche à consolider le pays,
20:46 que fait-elle la langue encore ?
20:50 La 1re mission demandée à nos enseignants,
20:52 c'est la langue française,
20:54 l'apprendre, la transmettre.
20:56 Là où, et Jeunevoix le dit admirablement
20:58 quand il parle de nos soldats dans la guerre de 14-18,
21:01 il y avait encore beaucoup de nos poilus
21:03 qui ne parlaient pas la même langue.
21:06 Ne nous trompons pas.
21:07 Mais durant ces décennies, le français fut cette langue
21:10 qui continuait à unifier.
21:11 Travail sans fin d'unité de la nation,
21:14 de normalisation,
21:18 volonté, au fond,
21:21 d'avoir cette langue une, forte, tenue,
21:25 qui permettait de tenir, ce faisant, le pays en lui-même.
21:29 Alors pour autant, est-elle si simple,
21:32 si unificatrice, si unilatérale ou uniforme ?
21:37 Pas une seule seconde.
21:39 Ductile et rigoureuse, souple et ordonnée,
21:41 elle est figée et mouvante, centralisée et décentrée,
21:44 métisse et unifiée.
21:46 Les oxymores manquent pour décrire les contrastes
21:48 de cette langue qui est rétive à toute étiquette.
21:52 On a souvent tenté de définir le génie de la langue française
21:55 par la clarté, la précision.
21:59 Un des fondements de ce travail de l'Académie,
22:01 c'est la langue de racine.
22:04 Mais rabelée, mal armée, et tant d'autres.
22:09 On l'a cherchée dans la concision,
22:12 méprouste, huissement, et tant d'autres.
22:16 Dans la raison,
22:19 mais Ionesco, Queneau, les Oulipos et tant d'autres.
22:24 Peut-être faut-il renoncer à cerner ce génie singulier
22:27 et accepter qu'il s'agisse de génie pluriel,
22:30 aussi nombreux qu'il y eût de talents
22:32 pour se l'approprier et la faire leur.
22:35 Accepter que la langue de Corneille
22:36 soit aussi celle de Césaire,
22:38 celle de Beauvoir, de Baudelaire,
22:40 des surréalistes et d'Islam.
22:43 Celle de tous les écoliers, en tout cas, grands ou petits,
22:46 qui ont un jour inscrit "Cahier de français"
22:49 avec application en tête d'une page vierge.
22:53 Comme de tous ceux qui ont cueilli au détour de l'existence
22:56 un français buissonnier.
22:58 Tous ceux qui l'ont reçu et tous ceux qui l'ont choisi.
23:03 La langue française nous rassemble
23:06 dans notre unité et notre diversité.
23:10 A travers les voyelles ouvertes des Parisiens,
23:12 les inflexions chantantes des Outre-mer,
23:14 les "A" du Nord qui s'arrondissent en "O",
23:17 les "R" rocailleux de l'Est,
23:19 les "E" muets du Sud qui se font sonore et solaire,
23:23 la langue se colore aussi de nos climats,
23:25 des régions, des humeurs, des traditions.
23:28 Ni tout à fait la même, ni tout à fait nôtre,
23:33 mais une et indivisible.
23:35 Comme la République, comme notre peuple,
23:38 comme son socle de valeur.
23:41 Une car unique, car unie, mais non pas excluante.
23:44 Elle a vécu avec tant de langues vernaculaires,
23:47 de patois, d'argot.
23:49 Surtout, elle peut, elle doit cohabiter harmonieusement
23:52 avec nos 72 langues régionales,
23:55 dont le breton, le basque, le béarnais, le gascon,
23:58 le provençal, tous les Occitans, le catalan, le corse,
24:02 les parlais romans ou créoles, les langues kanak, polynésiennes.
24:06 Un français peut parfaitement se réclamer
24:08 de plusieurs appartenances linguistiques.
24:11 Chacun a le droit de connaître, parler, transmettre
24:14 ça ou ces langues, et c'est un droit non négociable.
24:18 Toutes les langues sont égales du point de vue de la dignité.
24:21 C'est pourquoi je veux que nos langues régionales
24:23 soient encore mieux enseignées et préservées,
24:26 qu'elles trouvent leur place dans l'espace public
24:28 en un juste équilibre
24:30 entre leur rôle d'ancrage de langue régionale
24:33 et le rôle essentiel de cohésion de la langue nationale.
24:37 "Chez tout être humain", écrit Amin Malouf,
24:40 "existe ce besoin d'une langue identitaire."
24:42 Chacun de nous a besoin de ce lien puissant et rassurant.
24:47 Mais il faut entendre dans ce mot d'identité,
24:49 surtout chez vous, non pas une identité
24:51 contre une identité meurtrière,
24:54 mais une identité avec, qui ajoute,
24:58 qui grandit, qui multiplie.
25:01 Et là est précisément la force du français.
25:05 Nous avons besoin de toutes ces langues
25:07 et d'une langue qui soit la même,
25:09 de Lille à Nouméa, de Marseille à Pointe-à-Pitre,
25:13 pour nous sentir appartenir à la même entité nationale
25:16 en nos différences.
25:19 Nous avons besoin du français pour former la France.
25:23 Elle est sa langue, le Richelaguin-Divis,
25:26 déposé dans son oreille, ses livres,
25:28 ses lois par des générations.
25:31 Il y aura toujours de multiples langues dans la République
25:34 et une langue de la République.
25:38 L'un des traits les plus marquants
25:39 dans l'histoire de la France est justement peut-être
25:42 ce travail puissant et permanent consacré par notre nation
25:46 à sa propre formation, quête d'elle-même, par elle-même,
25:50 à travers les mains de ceux qui l'habitent et qui la font.
25:54 Et c'est pourquoi, dans quelques mois,
25:56 quand la nouvelle édition de l'Académie française sortira,
26:01 ce sera un moment solennel et important,
26:03 car c'est un moment de reconnaissance
26:06 dans notre langue de mots qui sont là,
26:08 et c'est la continuation de la forge de notre nation.
26:12 Et c'est pour cela aussi qu'il faut permettre
26:14 à cette langue de vivre, de s'inspirer des autres,
26:16 de voler des mots, y compris à l'autre bout du monde,
26:19 et j'y reviendrai tout à l'heure, de continuer à inventer,
26:23 mais d'en garder aussi les fondements,
26:26 les socs de sa grammaire, la force de sa syntaxe
26:30 et de ne pas céder aux aires du temps.
26:33 Dans cette langue, le masculin fait le neutre.
26:36 On n'a pas besoin d'y rajouter des points
26:38 au milieu des mots ou des tirés
26:41 ou des choses pour la rendre visible.
26:43 (Applaudissements)
26:45 (...)
26:50 La France est une oeuvre née de volonté,
26:53 volonté plurielle, contrastée, contraire, parfois bouillonnant,
26:56 dans le grand creuset tricolore.
26:59 On y lit tous ses tiraillements.
27:01 Ceux d'un peuple à la forge de sa nation.
27:07 L'unité, donc.
27:09 C'est important, la langue.
27:12 Et c'est important parce que chercher
27:15 ce qui nous divise le plus, les malentendus,
27:18 ce qui fait que
27:21 on peut parfois aller jusqu'au pire,
27:24 monter jusqu'aux plus grandes tensions,
27:28 c'est quand la langue fait défaut.
27:31 Lorsque les malentendus naissent
27:32 et que les quiproquos deviennent des sujets de conflit,
27:35 et plus encore,
27:38 lorsqu'on considère que la langue
27:40 n'est plus l'expression des désaccords
27:41 et que la violence peut se substituer,
27:44 la langue est un trésor d'unité,
27:47 surtout en France, à commencer par la France.
27:52 La 2e raison, je l'évoquais,
27:53 c'est que le français
27:55 est la langue de l'universalité, de la liberté.
28:01 Et dans le moment que nous vivons,
28:03 c'est sans doute plus qu'utile de le rappeler.
28:07 L'accent immortel de la langue française,
28:08 sa vibration la plus intime,
28:10 c'est sans doute la révolte de la pensée face à l'arbitraire,
28:15 l'effort d'une sensibilité vers l'idéal.
28:18 C'est d'avoir été la langue du doute cartésien,
28:23 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen,
28:25 de Jacques Husse, d'avoir forgé le traité sur la tolérance
28:29 et le dernier jour d'un condamné.
28:31 Il lui restera toujours quelque chose dans son architecture,
28:35 comme une facilité à offrir ses résonances à l'aveuve,
28:38 l'orphelin et l'opprimé,
28:39 une invitation à prêter ses échos
28:42 aux champs universels de la liberté.
28:45 En disant cela,
28:48 il ne faut pas avoir une seule seconde d'angélisme.
28:52 La propagation du français dans nos régions,
28:55 comme à travers le monde, dans nos colonies,
28:58 s'est faite aussi par la contrainte.
29:01 Son sacre s'est aussi fait contre ses valeurs.
29:06 Mais la grande force de ceux auxquels on a imposé cette langue,
29:10 ce fut d'adopter ses valeurs
29:14 et de les y réinsuffler.
29:16 Ce fut souvent de prendre à leur compte
29:19 la langue des dominateurs
29:21 et la dominer à leur tour en la possédant
29:23 et la retourner en outil d'émancipation.
29:26 C'est la métaphore de Toussaint Louverture.
29:29 C'est lui le plus beau rapport à la langue et à la République.
29:34 Enfant de la colonisation et de l'esclavage,
29:36 émancipé par la République,
29:38 qui se retourne contre l'Empire
29:39 quand il veut revenir sur la colonisation,
29:41 lui, qui reste fidèle à la vraie promesse
29:45 de la France et de la République.
29:48 Il est la métaphore de ce chemin de la langue
29:51 de la colonisation à la décolonisation.
29:54 Car en choisissant pour langue de leur création artistique
29:58 le français,
30:00 ils abolissaient et continuent d'abolir le rapport subi.
30:04 Ils la noblissaient, ils retournaient l'humiliation
30:07 en fierté.
30:10 C'est par Senghor, par Césaire, par Kateb Yassin,
30:13 Mariam Abba, Maurice Condé, tant d'autres,
30:17 qu'a été fondée la possibilité morale
30:20 de dissocier l'opprobre des colonies
30:22 et la beauté du français.
30:25 La langue française, cet outil merveilleux
30:29 dans les décombres de la colonisation,
30:32 ces mots sont de Senghor.
30:35 Et d'ailleurs, tous les grands discours de décolonisation
30:41 n'ont-ils pas été pensés, écrits et dits en français ?
30:46 Et la francophonie ne fut-elle pas cette organisation inédite,
30:51 défendant une langue,
30:53 la paix, la liberté, la démocratie et ses valeurs,
30:57 voulue par des présidents qui n'étaient pas français,
31:01 Bourguiba, Senghor, Lloris, Yannouk ?
31:05 Aventure d'émancipation par le français.
31:11 La plus vaste capitale francophone du monde aujourd'hui,
31:16 celle où le français compte le plus grand nombre de locuteurs,
31:18 n'est pas Paris, mais Kinshasa.
31:21 Oui, le français nous élargit aux dimensions de l'histoire
31:25 et aux dimensions du monde.
31:27 Il n'appartient pas au seul français.
31:30 Notre langue compte plus de locuteurs en dehors
31:32 qu'en dedans de nos frontières.
31:34 Plus de 320 millions de femmes et d'hommes l'ont en partage
31:39 dans des dizaines et des dizaines de pays,
31:41 sur 5 continents, du Vanuatu à l'Acadie,
31:45 des bords de la Loire, aux fleuves Congo jusqu'au Mississippi.
31:49 Tant d'autres prononcent sans le savoir
31:52 des mots enchâssés dans leur langue natale,
31:54 des éclats de cette langue française
31:56 qui a donné 5 000 mots aux Turcs, 30 000 mots à l'anglais.
32:02 Quel plus bel hommage à cette force toujours ardente
32:05 de la langue française que l'élection,
32:07 il y a quelques semaines, du 1er secrétaire perpétuel
32:11 de l'Académie française qui ne soit pas né en France.
32:15 La langue française est cette langue
32:19 qu'on peut apprendre à 4 ans,
32:21 comme Hélène Carrère d'Ancos ou Amine Mahalouf,
32:24 ou même à 20 ans passés, comme François Cheng,
32:28 et cependant trouver en elle l'hospitalité,
32:31 toutes portes ouvertes jusque dans ses plus hauts cénacles.
32:36 Langue qui résonnait dans toutes les cours d'Europe
32:40 comme l'ambassadrice d'une diplomatie
32:42 des mœurs et de l'esprit,
32:43 et dont Pushkin et Tolstoy émaillaient chaque page.
32:46 Langue élue entre toutes par l'Irlandais Beckett
32:50 ou le Japonais Akira Mizubayashi
32:54 pour leur oeuvre, pour écrire, pour créer.
32:58 Langue refuge choisie par Julia Kristeva ou Milan Kundera
33:03 pour échapper à l'étau de fer qui broyait leur pays.
33:06 Langue ave, langue viviere qui servira toujours
33:10 de passeport et de signe de ralliement
33:12 à ceux qui se réclament d'une certaine communauté
33:14 de valeurs et d'art de vivre.
33:17 Il semble y avoir un pouvoir d'affranchissement
33:19 propre à cette langue.
33:21 Oui.
33:23 L'universalité, notre plus belle aspiration,
33:27 souvent notre plus beau titre, disait Paul Valéry.
33:30 Et il ajoutait, observez ce paradoxe,
33:34 avoir pour spécialité le sens de l'universel.
33:40 Oui, la langue française
33:43 est la langue de l'universalité des alliances
33:46 qui ont fondé notre intelligence,
33:48 celle du coeur et de la raison, de la mesure et de la grandeur.
33:53 Oui, la langue française est depuis toujours
33:58 la langue des minorités
34:02 partout à travers le monde,
34:05 la langue de ces minorités dans l'Orient.
34:09 C'est toujours la langue française
34:11 parce qu'elle est celle de la liberté,
34:13 celle qui refuse le dos à dos, la séparation des identités.
34:18 C'est pourquoi parler français à Téhéran, Damas,
34:20 au Caire, à Beyrouth ou à Alexandrie,
34:23 c'était parler en femmes et en hommes libres.
34:26 Et c'est toujours le cas.
34:28 C'est refuser l'incompréhension.
34:32 Et c'est cela,
34:34 ce que le français a toujours à dire au monde aujourd'hui.
34:38 Là où on voudrait continuer de refermer, de replier,
34:43 derrière les religions ou entre l'opposition,
34:45 entre un Occident et un Sud qu'on dit maintenant mondial,
34:48 de refuser la coexistence pacifique.
34:50 La langue française est la plus belle détermination
34:53 que ces divisions ne valent rien.
34:55 Elle en est la preuve. Elle est une volonté.
34:58 C'est pourquoi Villers-Cotterêts
35:03 en sera désormais un des centres à partir d'aujourd'hui.
35:08 Et plus particulièrement, madame la secrétaire générale,
35:11 à l'automne 2024,
35:13 comme le coeur battant du sommet international de la francophonie.
35:18 La francophonie que nous défendons, la voilà.
35:21 Elle est celle qui ouvre des portes aux étudiants
35:24 du nouveau campus franco-sénégalais depuis 2018,
35:27 celle qui a développé, à travers le réseau des alliances françaises,
35:31 des lieux d'échange, de création, de rencontres,
35:34 riches de 829 implantations
35:36 qui en font le plus grand réseau culturel international du monde,
35:40 celle qui finance par 350 millions d'euros chaque année
35:43 les systèmes éducatifs des pays francophones
35:45 sur d'autres continents,
35:47 celle qui a ouvert depuis mars 2018
35:50 72 nouveaux établissements français à l'étranger,
35:54 changeant le quotidien de 40 000 élèves supplémentaires,
35:58 dont les 2/3 sont étrangers.
36:01 Celle qui ne cesse d'irriguer le français,
36:03 d'alimenter les échanges de tous les horizons,
36:06 de l'Asie aux Caraïbes.
36:08 Celle qui invente, ironise, façonne, s'amuse,
36:14 avec une fécondité à nous faire pallir,
36:16 nous autres métropolitains.
36:18 Tout le monde ne connaîtra pas ici le mot "ziboulateur",
36:22 même si les élèves ici présents, tout à l'heure, nous l'ont chanté,
36:25 ou "tatawiné", ou "kamambéré",
36:28 mots qui sont inscrits en bonne place
36:30 sur la verrière de la cour du jeu de paume derrière moi
36:33 et dont la signification pourrait vous surprendre,
36:36 mais je ne veux ici rien vous divulgacher
36:39 pour employer une autre belle invention québécoise.
36:43 Notre dictionnaire des francophones,
36:45 lancé depuis 2 ans, a déjà 600 000 entrées
36:51 et peut tutoyer le million.
36:54 Les rencontres alternées des Premiers ministres québécois
36:57 et français ne cessent de porter leurs fruits.
36:59 Les médias, plateformes en ligne,
37:01 la bibliothèque numérique francophone émerge,
37:04 touchant un public immense,
37:06 et je pourrais énumérer longtemps tous les salons,
37:08 labels, états généraux du livre francophone,
37:11 universités d'été et d'hiver,
37:12 expositions qui fleurissent à travers le monde.
37:15 La francophonie, c'est cela.
37:18 Un lieu de célébration, d'invention, de création
37:22 qui rassemble les forces vives autour du dynamisme créatif,
37:26 culturel, économique aussi de notre francophonie,
37:30 et cette vitalité économique et entreprenariale
37:34 sera au coeur aussi de ce prochain sommet.
37:36 Cher président, merci pour votre engagement.
37:39 Nous le savons, car c'est aussi une langue
37:41 qui permet de commercer, d'échanger à travers le monde.
37:46 Et cette puissance permet aussi à des générations
37:49 de se laisser convaincre de la rejoindre
37:53 et de véhiculer d'un continent l'autre tel ou tel mot.
37:58 Ne le voyons-nous pas ici même, dans cette cité,
38:01 à travers nos paquebots et porte-conteneurs ?
38:06 Voilà l'importance du français
38:10 comme part d'universalité et de liberté.
38:14 Et voilà l'importance de notre francophonie.
38:17 Alors c'est pour cela, et je terminerai
38:19 par cette dernière remarque,
38:22 que seront tout particulièrement honorés dans ces lieux
38:27 5 figures essentielles pour poursuivre ce grand travail
38:31 d'unité et d'universalité de la langue française.
38:35 Les professeurs, les écrivains et créateurs,
38:42 les comédiens, les bibliothécaires
38:47 et les traducteurs.
38:49 Ces figures essentielles, ce sont toutes celles et ceux
38:56 qui transmettent et font vivre le français
38:59 dans cette pulsation constante
39:02 qui fait que le français, comme toute langue,
39:04 se transmet par ses règles,
39:10 son carcan, diraient certains,
39:12 mais la sédimentation de tout ce qui nous a précédés
39:15 et se libère, se crée, se réinvente.
39:20 Nos professeurs seront ici, chez eux,
39:22 et je leur dis à nouveau toute ma confiance,
39:25 car oui, une langue se transmet, s'apprend,
39:27 son orthographe, sa grammaire, sa syntaxe,
39:30 car c'est apprendre un commun.
39:33 En le disant ici, j'ai évidemment une pensée
39:35 pour M. Bernard et tous ses collègues de français.
39:40 Ce professeur est mort, assassiné lâchement,
39:48 parce qu'il allait protéger,
39:50 mais il enseignait depuis des décennies
39:52 le français et la littérature.
39:55 Et dans cette belle région qui est la nôtre,
39:58 à Arras, je suis sûr qu'il avait lui aussi fait découvrir
40:01 tant de ses mots et de ses pièces de littérature à ses élèves.
40:07 Je pense avec lui à tous les M. Germain de la terre,
40:11 auquel Albert Camus rendait hommage
40:12 de manière si bouleversante,
40:14 et au fond, à travers eux, à tous ceux qui transmettent
40:18 l'enthousiasme de notre langue,
40:21 au Bernard Pivot et à leur lecture,
40:25 au Eric Orsenna et à leur grammaire et chanson douce,
40:28 au Alain Rey et à leur formidable dictionnaire,
40:31 qui sont des voyages uniques,
40:32 au Claude Azege et à leurs odyssées
40:36 entre les langues si savantes.
40:40 Tout cela ont changé la vie du jeune Amiénois que j'étais.
40:45 Ils m'ont ouvert des continents par des mots
40:48 et, avec mes enseignants, m'ont permis de découvrir
40:53 qu'on est libre dans cette langue,
40:54 parce qu'on peut y voir et comprendre le monde.
40:58 Alors, je veux qu'ici,
41:01 les professeurs avec leur classe puissent venir
41:03 découvrir des mots,
41:05 que les professeurs puissent venir se former,
41:07 car la France est une puissance éducative,
41:10 et que l'ensemble des professeurs français
41:11 et de toute la francophonie puissent venir y apprendre
41:16 les fondamentaux de ce qu'est la transmission du français,
41:20 de l'importance, en effet, de notre orthographe,
41:24 de l'importance de la dictée
41:27 comme façon de transmettre notre langue.
41:32 Elle est essentielle à tous les âges.
41:35 De l'importance de la lecture à voix haute
41:38 pour porter la langue française, la prononcer,
41:42 permettre à des élèves de sortir de la timidité,
41:45 montrer qu'une langue, ce sont ses sonorités,
41:48 apprendre à la dire, à la porter,
41:51 car la lecture à voix haute change tout.
41:53 Elle apprend un rythme, elle permet de s'exprimer,
41:56 elle donne confiance.
41:58 Apprendre, se faisant les concours d'éloquence,
42:04 et continuer de lutter contre l'illettrisme à tous les âges,
42:09 qui est la pire des barrières,
42:11 car c'est celle dont on n'ose pas parler.
42:15 Un illettré ou une illettrée ne se voit pas et n'ose le dire.
42:21 Mais ce sont des murs qui vous empêchent d'accéder
42:25 au commun de la nation, du pays.
42:27 C'est pourquoi les professeurs, là aussi, à tous les âges,
42:30 ont un rôle indispensable à jouer.
42:32 Ce lieu sera un lieu pour eux,
42:35 épicentre de tout ce travail que nous voulons continuer
42:38 au coeur de l'éducation nationale,
42:41 au coeur aussi de notre enseignement supérieur
42:43 et du réseau que nous voulons avec l'AEFE
42:46 et tous nos enseignants à travers le monde
42:48 que nous avons profondément transformé,
42:50 à qui nous avons redonné de l'ambition,
42:52 avec, comme je le disais, beaucoup plus d'élèves
42:54 et d'élèves non français.
42:57 Ce lieu sera ensuite, 2e visage,
43:00 celui des écrivains, des créateurs.
43:04 Il donne à la langue sa liberté, ses couleurs, sa force.
43:09 Cette cité internationale sera aussi un lieu de résidence,
43:13 en lien étroit,
43:15 évidemment avec la Cité internationale des arts,
43:17 et je l'en remercie,
43:19 mais avec Villa Médicis,
43:21 nos résidences d'artistes du Japon aux Etats-Unis,
43:25 mais nos résidences aussi d'artistes et de création
43:27 à Montfermeil et dans tant et tant de lieux de la République
43:30 où nous avons développé cette ambition.
43:34 Parce que la langue ne s'enferme pas.
43:37 Et cette cité sera aussi une cité épicentre de sa création.
43:41 Et parce que nous avons cessé, ces dernières années,
43:43 de continuer le combat pour celles et ceux qui créent en français,
43:47 qui écrivent des livres ou des scénarios,
43:50 qui écrivent ou mettent le français
43:52 au sein de leurs sculptures ou des séries,
43:57 et qui inventent un imaginaire en français.
43:59 C'est pourquoi nous avons voulu développer et déployer
44:05 une Afrique créative, ou "Creative Africa",
44:08 comme on dit en bas-breton,
44:10 et que nous avons voulu, en effet, multiplier ces bourses
44:13 pour pouvoir créer à travers cet immense continent
44:16 où les locuteurs français sont si nombreux.
44:18 C'est pourquoi aussi, nous avons voulu, ces dernières années,
44:21 défendre notre langue française et notre exception culturelle,
44:25 avec en particulier la défense, en 2018,
44:28 du droit d'auteur et des droits voisins,
44:30 que nous avons européanisés, permettant pas simplement
44:34 de défendre celles et ceux qui créent en langue française,
44:37 mais obligeant les plateformes à produire en français,
44:42 à faire travailler des artistes, des scénaristes,
44:47 des écrivains en langue française
44:50 pour leur propre production.
44:51 Et c'est pourquoi nous continuerons de le faire
44:53 dans cette bataille qui peut paraître si biline,
44:57 complexe de l'intelligence artificielle,
45:00 car se joue là aussi une partie de la création en langue française
45:03 et de notre français.
45:05 Nous en parlions tout à l'heure avec Barbara Cassin.
45:08 L'intelligence artificielle repose sur des algorithmes,
45:11 mais on ne donne à cette intelligence
45:13 que la base, en quelque sorte, sur laquelle elle se nourrit.
45:16 Elle a aujourd'hui un biais formidable.
45:19 Elle est anglo-saxonne.
45:21 A juste titre, nous avons raison de défendre le droit d'auteur
45:25 dans l'intelligence artificielle,
45:27 mais il y a ce qu'on appelle les modèles fondationnels,
45:30 qui sont les modèles d'apprentissage
45:31 de l'intelligence artificielle, son socle,
45:34 sa structure d'esprit, si je devais le dire en termes simples.
45:38 Si on y laisse les biais culturels cognitifs
45:42 de la langue anglaise,
45:44 alors nous sortirons des chemins
45:47 que l'intelligence artificielle est en train d'inventer.
45:51 C'est pourquoi nous devons mettre nos oeuvres,
45:55 notre corpus au coeur de ces modèles dits fondationnels
46:01 pour pouvoir corriger ces biais.
46:03 Et puis travailler aussi sur les intraduisibles qu'il y a,
46:07 corriger les biais qui continueront d'exister
46:09 pour que l'intelligence artificielle
46:12 et les algorithmes qui en procèdent
46:14 soient la plus interlinguistique, plurilinguistique possible
46:19 et qu'elles permettent de voyager l'une l'un ou l'autre.
46:22 Et figurez-vous, ça tombe bien.
46:25 Nous avons une chance en France.
46:27 C'est qu'à côté de l'ordonnance de Villers-Cotterêts,
46:30 parmi d'autres, le même François 1er
46:33 a pris à Montpellier une autre ordonnance royale en 1537,
46:38 celle qui a permis le dépôt légal.
46:41 Et depuis, nous avons ainsi accumulé
46:45 une forme de thésaurus en langue française.
46:48 Eh bien, c'est cela qu'il nous faudra partager
46:51 et réussir à faire vivre pour continuer de créer,
46:54 y compris dans l'intelligence artificielle.
46:58 Nos acteurs et nos comédiens, 3e immense figure
47:02 dont nous avons besoin, seront ici, chez eux.
47:05 Car cette cité internationale sera, je le disais,
47:08 un lieu aussi où l'on dira, où l'on jouera la langue française,
47:12 où l'on jouera avec les mots.
47:14 Votre parcours le montre admirablement.
47:17 Eric Ruff était là tout à l'heure,
47:19 et je le remercie, les actrices et les acteurs du français,
47:22 je le souhaite, je l'espère, viendront ici jouer.
47:26 Il y a une salle formidable, un auditorium,
47:29 et toutes celles et ceux qui disent le français,
47:31 qui disent les textes,
47:33 qui font oeuvre, justement, de se perdre dans les livres,
47:37 de donner le théâtre, de transformer les romans
47:40 pour pouvoir les dire, de dire nos poèmes,
47:43 feront vivre sur scène
47:46 nos auteurs de langue française.
47:51 Ce lieu sera aussi un lieu pour nos bibliothécaires,
47:54 avec eux, nos libraires, nos éditeurs,
47:57 tous ceux qui permettent d'y avoir accès.
47:59 Et je souhaite qu'on continue d'aider ces professions,
48:02 d'ici de les former, d'échanger.
48:05 La 1re salle qui m'a été donnée de voir
48:06 est d'ailleurs une formidable salle de bibliothèque,
48:11 car face aux mots qui parfois nous divisent,
48:14 face aux incompréhensions, parfois à l'ennui
48:16 qui s'installe et qui peut faire commettre le pire,
48:19 les bibliothèques jouent un rôle essentiel.
48:24 Eric Orsenna, toujours, M. Corbin, il y a quelques années,
48:27 m'avait rendu un rapport sur les bibliothèques
48:30 et leur ouverture.
48:31 Je souhaite qu'avec tous les maires de France,
48:33 nous puissions continuer ce travail d'ouverture
48:35 de nos bibliothèques au-delà des heures
48:39 qui sont la plupart du temps les nôtres.
48:42 Ouvrir une bibliothèque le soir, le samedi après-midi,
48:45 même le dimanche, en sachant aménager les horaires,
48:49 c'est permettre à des parents qui travaillent
48:51 et qui parfois rentrent en retard, à des enfants,
48:55 d'avoir accès à des livres
48:56 qu'ils n'ont pas forcément chez eux,
48:58 et surtout de se protéger de l'ennui,
49:01 qui est une maladie dont il ne faut pas oublier
49:05 les risques et les dangers.
49:08 Les bibliothécaires jouent un rôle essentiel
49:11 et ce lieu sera un lieu pour eux.
49:14 Et enfin, les traducteurs, et avec eux, les interprètes.
49:21 Une langue existe,
49:24 s'invente et se réinvente si elle est traduite.
49:28 Et je n'ai jamais vu le français, d'ailleurs,
49:30 comme une langue qui devait résister
49:31 ou avoir peur des autres langues.
49:34 C'est une bonne chose de dire que le français
49:36 doit protéger des faux anglicismes
49:38 ou convoquer des mots anglais quand il n'en a pas besoin.
49:40 Mais quand vous parlez à des gens qui ne parlent anglais,
49:43 refuser de parler leur langue, c'est une absurdité.
49:45 Donc quand vous parlez à des investisseurs internationaux,
49:48 oui, il faut mieux dire "choose France",
49:50 on se fait mieux comprendre.
49:52 Et combat d'anciens.
49:55 Le français peut rayonner, exister,
49:59 en aimant sa rigueur et sa linguistique,
50:00 en étant moderne.
50:03 De même, Amine Malouf disait si joliment, d'ailleurs,
50:05 qu'il fallait 3 langues.
50:08 Il donnait tout de suite une place à l'anglais,
50:10 comme ce nouveau latin,
50:11 et il fallait une autre pour pouvoir, justement, voyager,
50:16 trouver une autre identité, soit cette langue identitaire,
50:19 soit une autre langue pour voyager dans notre Europe.
50:22 Je crois très profondément que le français se pense,
50:26 se pose vie dans ce voyage avec plusieurs autres langues.
50:30 Pas comme une compétition, un conflit,
50:32 une résistance, comme une richesse.
50:35 Nous sommes sur des continents qui ne vivent
50:37 que dans le multilinguisme ou le plurilinguisme.
50:41 Acceptons ce voyage.
50:43 Acceptons-le avec audace et avec confiance.
50:48 Et refusons de voir, en quelque sorte,
50:51 dans le repli sur une langue à laquelle on ne céderait rien,
50:56 ce qui est, au fond, une fausse idée
50:58 de ce qu'est la langue française,
50:59 qui n'a cessé de convoquer les autres langues
51:01 pour s'inventer elle-même
51:02 et de s'exporter elle-même chez les autres.
51:04 Et donc, continuons d'avancer.
51:06 C'est essentiel sur le continent africain,
51:09 qui vit au milieu de centaines de langues,
51:12 parfois, elles-mêmes, les plus régionales.
51:17 Mais sur tous les continents où le français se déploie.
51:21 Et nous en avons besoin en européen.
51:24 L'Europe et le continent,
51:26 dont la langue, pour paraphraser Umberto Eco,
51:30 la langue n'est ni le français, ni l'anglais, ni l'allemand.
51:33 Ne cherchons pas la compétition.
51:35 La langue de l'Europe est la traduction, disait-il.
51:39 C'est-à-dire ce point de passage de l'une à l'autre,
51:41 l'apprentissage de la langue d'autrui,
51:43 celle qui fait que Madame de Staal, avec Benjamin Constant,
51:47 convoquait l'allemand ou l'anglais
51:49 quand le français pénètre, à dire, la complexité des sentiments
51:53 ou permettait de sortir d'une habitude,
51:56 d'un mot qui est éteinté d'autre chose.
51:58 Nous vivons aussi dans cet espace.
52:00 Oui, la traduction est importante pour la langue française.
52:03 C'est pourquoi je me félicite qu'en 2019,
52:06 nous ayons créé ce grand prix national de la traduction
52:09 pour célébrer et défendre nos traductrices et traducteurs.
52:13 Mais je veux que nous puissions aller beaucoup plus loin.
52:16 Car la traduction du français dans des langues étrangères
52:21 devient dans beaucoup d'endroits une forme de combat politique,
52:26 permettre à notre littérature, au fond,
52:31 d'être accessible à des jeunesses du continent entier
52:36 pour lesquelles les livres en langue française
52:39 ou nos auteurs dans leur langue
52:42 n'existent que dans des livres trop rares ou trop chers.
52:45 Kamel Daoud a eu une très belle formule.
52:49 Il a dit "Lire Balzac en arabe ou dans d'autres langues
52:52 "fait partie de la francophonie."
52:56 Faire voyager nos auteurs de langue française
52:58 dans des langues étrangères,
52:59 c'est aussi faire voyager la langue française.
53:03 C'est pourquoi il en a accepté le travail.
53:06 Je souhaite aujourd'hui confier une mission
53:08 toute particulière à Kamel Daoud,
53:10 celle avec, évidemment, le Centre national du livre,
53:14 les ministères compétents et également tous nos éditeurs,
53:18 celle de travailler sur les traductions
53:25 des auteurs de langue française dans les langues étrangères,
53:28 l'arabe est les principales langues
53:31 sur lesquelles, justement, cette compétition se joue,
53:34 et de pouvoir nous aider à réussir
53:38 à multiplier ces traductions, mais surtout à les rendre accessibles.
53:43 Aujourd'hui, sur une bonne partie du continent africain,
53:46 pour reprendre cette géographie,
53:49 vous accédez quasiment pour rien
53:52 à des livres qui véhiculent l'obscurantisme,
53:57 à des livres qui disent des mensonges
53:59 sur telle ou telle religion
54:02 et à des livres qui préparent le pire.
54:05 Il est très difficile d'avoir accès à des livres,
54:09 parfois, d'un autre auteur africain
54:12 s'il l'écrit en langue française ou à nos classiques.
54:15 C'est une réalité.
54:17 Parce que nous sommes trop chers ou trop peu traduits.
54:21 Ce travail est essentiel,
54:23 parce que le but du français doit être de continuer
54:27 de se répandre et d'être compris
54:30 et de pouvoir faire ce pont
54:32 pour que des jeunes dont ce n'est pas la langue
54:34 s'émerveillent devant Balzac, Flaubert,
54:37 Kundera ou d'autres,
54:40 en comprennent l'intelligence, aillent vers ce chemin
54:45 et qui sait peut-être, décident pour cette même raison
54:48 d'apprendre le français de main d'écrire.
54:51 Et donc je souhaite que ce travail soit conduit.
54:53 Il est pour moi ô combien important
54:54 et je sais pouvoir compter sur tous nos éditeurs,
54:56 je le disais, sur le CNL,
54:58 mais également sur notre audiovisuel public
55:00 qui joue un rôle important là aussi
55:02 dans ce rôle de passeur, de traduction,
55:04 de compréhension des univers linguistiques.
55:08 Notre audiovisuel extérieur public
55:10 joue ce rôle, passant du français
55:14 au Hausa ou à tant d'autres langues
55:17 sur le continent africain,
55:18 ce que font très peu, très peu de médias publics
55:22 ou de médias internationaux.
55:25 Ces 5 grandes figures
55:27 qui permettent de transmettre, de passer,
55:30 d'inventer le français auront donc leur place ici
55:35 parce qu'elles aident à abattre des murs
55:37 comme on a abattu des murs du château
55:39 vers le reste de la ville
55:41 et qu'on a permis aux habitants d'en reprendre possession.
55:44 Le français est à vous, la langue française est à vous,
55:47 ces lieux sont à vous.
55:49 Je ne veux pas être plus long.
55:51 Voilà ce que je voulais vous dire pour expliquer
55:53 pourquoi nous sommes là
55:55 et pourquoi c'est un combat si important.
55:59 C'était un rêve fou
56:01 il y a presque 7 ans
56:04 de vouloir faire revivre ce château
56:07 et de vouloir y faire une cité internationale
56:09 pour la langue française.
56:11 Vous avez réalisé ce rêve.
56:15 Vous avez montré qu'une utopie,
56:19 c'est une réalité qui simplement dépend de la volonté
56:25 et de l'ambition de celles et ceux qui la portent.
56:29 C'est la plus belle métaphore de notre langue
56:34 et sans doute de notre nation.
56:37 Les enfants de Villers-Cotterêts
56:40 pourront ici se perdre dans la langue.
56:44 Et qui sait ?
56:46 Découvrir les odeurs qu'il y a sur le long du fleuve Maroni
56:54 ou entendre le bruit de la pluie
56:57 dont parle Jacques Brel aux îles Marquises.
56:59 C'est la même langue, la même pluie.
57:02 Pas tout à fait, mais ils compareront les impressions.
57:06 Grâce à vous toutes et tous,
57:09 cet ultime lieu de l'utopie réalisé,
57:13 faites-le vôtre, emparez-vous-en, faites-le vivre.
57:19 Continuez de le transformer, de le réinventer.
57:22 Faites le plus grand, plus beau.
57:25 Formez des enfants, apprenez à des adultes.
57:29 Créez ici des écrivains, des comédiens,
57:32 des traducteurs, des interprètes.
57:34 Faites-les voyager, accueillir.
57:37 Soyez une langue hospitalière et voyageuse.
57:42 La langue française, la nôtre.
57:46 Vive la langue française, vive la République