Frédéric Journès, ambassadeur de France en Israël, réagit sur BFMTV à l'extension des opérations terrestres d'Israël à Gaza et à l'intensification des raids sur le territoire palestinien.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Bonsoir Frédéric Jornès, vous êtes l'ambassadeur de France en Israël.
00:04 Merci d'être notre invité ce soir sur BFM TV.
00:07 Merci Alisa Arfeuil.
00:11 Première question, on entendait l'un de nos envoyés spéciaux,
00:14 Maxime Brandstetter, dire qu'il avait pu échanger avec les habitants d'Aschkellen,
00:19 qui lui disait qu'il sentait bien ce soir, qu'il se passait quelque chose.
00:24 Que se passe-t-il exactement ce soir précisément, monsieur l'ambassadeur ?
00:28 À quoi sommes-nous en train d'assister ?
00:31 Est-ce le déclenchement concret de la grande offensive annoncée par le gouvernement israélien au lendemain du 7 octobre ?
00:38 Écoutez, oui, je crois que les Israéliens nous ont informés un petit peu avant leurs annonces publiques
00:47 du déclenchement de cette deuxième phase.
00:50 Il faut bien comprendre, la guerre a commencé tout de suite.
00:54 Dès le 7 septembre, Israël s'est mis en état de guerre.
00:58 Donc ils ont rappelé tous les réservistes du pays.
01:02 Il y a 350 000 soldats qui ont rejoint les positions de Tsahal.
01:07 Moi, j'étais dans le sud, il y a quelques jours, dans ces kiboutz martyres,
01:11 et il y avait les chars de Tshahal, les troupes d'infanterie qui étaient là et qui étaient prêtes.
01:16 Donc nous ne sommes pas surpris de ce qui se passe.
01:19 Nous savons que c'est cette phase difficile.
01:21 Les Israéliens ont tous, toutes les familles, les gens avec qui je travaille,
01:27 les amis que j'ai commencé à me faire, ils ont un de leurs enfants,
01:30 voire plusieurs actuellement sur le front.
01:33 Donc oui, c'est un moment très grave pour le pays.
01:37 On savait que cette phase terrestre venait.
01:39 C'est une guerre qu'Israël ne voulait pas faire.
01:41 Personne, il y a cinq semaines, n'imaginait se retrouver au sol à Gaza.
01:46 Et c'est un combat difficile.
01:48 Nous disons aux Israéliens qu'il faut le mener dans le respect du droit de la guerre.
01:52 Le droit humanitaire est très important.
01:54 Les pertes civiles sont un sujet fondamental.
01:57 Ils le savent, ils le comprennent.
01:59 Ils sont en même temps dans leur légitime défense.
02:01 Après cette attaque invraisemblable qu'ils ont subie le 7 octobre,
02:04 une attaque barbare, et les Israéliens, le peuple d'Israël,
02:08 attendent son armée, attendent son gouvernement de pouvoir à nouveau dormir sans les roquettes,
02:13 de reconnaître que ce que nous avons vécu depuis trois semaines,
02:16 c'est difficile de se le représenter.
02:18 Moi, je suis allé déjà 23 fois dans ces abris, parfois des abris de fortune.
02:23 On court en laissant les voitures sur la route pour aller dans un abri, dans un immeuble, ou chez nous.
02:28 C'est une habitude que l'on ne veut pas garder.
02:31 Ce que vous nous dites, monsieur l'ambassadeur,
02:33 c'est que donc les canaux de communication se sont activés ces dernières heures,
02:38 que vous avez reçu des informations.
02:40 Et pardon, mais j'insiste sur les mots, puisque les mots ont un sens.
02:44 Vous nous dites donc, ce soir, que ça y est, cette grande offensive terrestre est enclenchée.
02:52 Pour vous dire les mots exacts qu'a utilisés TSAHAL,
02:56 ils ont dit qu'ils étaient entrés dans la deuxième phase de leurs opérations.
03:01 Je ne sais pas comment ils sont organisés,
03:04 mais c'est effectivement une phase où nous avons maintenant des combats au sol qui sont engagés.
03:09 Il y avait eu des incursions de blindés ces derniers jours,
03:13 mais là, c'est apparemment quelque chose, effectivement, de plus important
03:16 et que nous attendions objectivement.
03:18 On le savait, que cette phase au sol aurait lieu.
03:23 Ça veut dire donc qu'il va y avoir plusieurs phases
03:26 et qu'il faut qu'on s'attende à ce que cette réponse de l'armée israélienne monte encore en grade ?
03:34 Ça, je ne saurais pas vous le dire.
03:38 En tout cas, ce qui est important, vous savez, aujourd'hui,
03:40 et que nous disons aux Israéliens, les canaux ont toujours été ouverts,
03:45 c'est que pour que leur victoire soit forte, il faut qu'elle soit juste.
03:50 Donc, on apporte une attention absolument constante à la question du respect du droit de la guerre,
03:55 ce qu'on appelle le droit international humanitaire,
03:57 à l'accès humanitaire vers les populations civiles de Gaza,
04:01 qui souffrent et qui vont souffrir de manière extrêmement grave dans les semaines qui viennent.
04:07 Donc, c'est tout notre effort en ce moment de dire aux Israéliens
04:11 qu'on aura aussi besoin d'avoir des pauses,
04:14 on leur a demandé pendant la visite d'Emmanuel Macron,
04:16 on réinsiste dessus aujourd'hui pour permettre à l'aide.
04:19 Donc, vous le savez, la France prépare un avion avec une cinquantaine de tonnes d'aide médicale.
04:25 On a un porte-hélicoptère qui a appareillé mercredi de Toulon,
04:29 qui est équipé avec deux blocs opératoires,
04:31 tout ce qu'il faut pour pouvoir soigner des patients blessés dans Gaza,
04:37 qui arrivera devant Gaza dimanche.
04:39 Voilà, c'est conduire la guerre, mais conduire la guerre dans le respect du droit,
04:45 dans l'attention aux civils,
04:47 la légitime défense doit se faire aussi dans le respect des civils,
04:50 et c'est ce que nous disons aux Israéliens.
04:52 Monsieur l'ambassadeur, le Hamas a multiplié les déclarations, évidemment, ce soir,
04:59 juste avant le déclenchement d'intenses bombardements
05:02 qui ont donc été menés dans le nord de Gaza par l'armée israélienne.
05:05 Le Hamas conditionnait la libération des otages à l'obtention d'un cessez-le-feu.
05:10 Est-ce qu'Israël a fait son choix ce soir ?
05:13 Comment intervenir, comme Israël est en train de le faire en ce moment,
05:18 sans mettre en danger davantage les plus de 200 otages qui sont toujours aux mains du Hamas ?
05:24 Alors, ce que je peux vous dire, c'est que cette question des otages,
05:31 elle est également au centre des discussions que nous avons avec Israël,
05:35 que tous les pays ont avec Israël.
05:37 Nous nous avons neuf disparus, alors tous ne sont pas otages.
05:41 Il y en a certains où nous ne savons pas où ils sont.
05:44 Nous avons pour l'une d'entre elles une preuve de vie,
05:46 pour d'autres nous avons des preuves qu'ils ont bien été enlevés à Gaza.
05:51 Moi, ce que je fais, c'est mon travail avec mon équipe,
05:54 c'est qu'on parle à ces familles, vous savez, tous les deux jours,
05:56 moi je fais aller les voir à trois reprises,
05:58 le président les a vues, Catherine Colonna les a vues,
06:01 on établit ce lien de confiance avec eux pour qu'ils sachent qu'on travaille.
06:03 Et quand on aura des preuves de vie, quand on en a, on les partage avec eux.
06:07 Par contre, on ne leur dit pas toujours comment on travaille.
06:09 Alors, on a bien entendu ce que dit le Hamas,
06:12 et on sait que ces otages sont effectivement un morceau d'un chantage
06:17 dans la guerre qui se déroule.
06:19 Oui, il y a des moments où il sera nécessaire d'avoir des pauses,
06:23 Emmanuel Macron l'a dit, Abednamin Netanyahou,
06:26 et la question des otages est une des questions pour lesquelles ça compte,
06:29 parce qu'on fait un travail diplomatique et politique,
06:33 le président a parlé avec les maires du Qatar,
06:36 on parle avec les Israéliens pour avoir des éléments précis,
06:39 avec l'Egypte qui connaît des choses également de cet environnement,
06:42 et puis il y a le travail mené par les services secrètes,
06:45 on sait le métier, on ne dit jamais comment ils travaillent,
06:48 mais c'est un travail très complexe,
06:50 et qui est évidemment au cœur de nos préoccupations,
06:53 je dois reconnaître, moi j'y pense tous les jours,
06:54 parce qu'en plus, ces familles, je les ai vues, je connais leur visage,
06:58 je connais leur inquiétude, et c'est vrai qu'on y pense tout le temps.
07:01 Évidemment, mais l'armée israélienne sait qu'en procédant
07:05 à ces bombardements intenses auxquels on assiste ce soir,
07:09 et à ces offensives terrestres élargies,
07:12 elle met davantage en danger ces otages retenus par le Hamas,
07:15 donc ça veut dire quoi ? Ça veut dire que ce soir, à ce stade,
07:19 à cette deuxième phase de l'opération, elle prend son risque ?
07:26 Je crois que l'armée israélienne est extrêmement consciente de cette question,
07:30 et l'opinion publique israélienne interroge énormément ses décideurs.
07:36 Donc ils font attention, et nous, nous leur disons
07:39 qu'il faut peser leurs gestes, peser dans leurs actes,
07:43 les différentes étapes qui vont suivre,
07:46 de manière à prendre en compte, évidemment,
07:48 la possibilité de libération de ces otages.
07:50 Je ne peux pas vous en dire plus, parce que je n'ai pas plus d'éléments,
07:53 mais je sais qu'ils l'ont à l'esprit.
07:55 Le problème qu'ils ont, c'est de devoir opérer le travail militaire
08:01 extrêmement difficile qui les attend en combat urbain
08:05 face à un Hamas qui s'est enterré.
08:06 Vous savez, ils ont creusé des centaines de kilomètres de galeries,
08:09 parfois très profondes, sous Gaza.
08:12 Donc c'est un combat très dur, ils vont jaillir de tunnels
08:15 dont les entrées sont dissimulées,
08:17 en tenant compte de la question des otages,
08:18 en tenant compte du besoin du peuple israélien
08:21 de retrouver la paix et une vie normale,
08:24 et en ne laissant pas les terroristes du Hamas
08:28 continuer à avoir la capacité de nuisance
08:30 dont ils ont fait la démonstration.
08:32 Vous savez, on se sent tous, et on l'a exprimé politiquement,
08:35 très solidaires de ce que le peuple israélien a subi le 7 octobre.
08:39 Moi, je suis descendu dans le sud, puis j'ai eu des voisins,
08:42 des gens qui m'ont raconté les histoires qu'ils ont vécues.
08:44 Il s'est produit des actes de barbarie.
08:48 On ne peut pas laisser le Hamas tranquille.
08:50 Il faut lutter contre ce terrorisme barbare
08:55 qui a mis en scène des actes de cruauté invraisemblable,
08:58 et c'est notre responsabilité.
09:00 C'est pour ça qu'on parle de droit humanitaire,
09:02 on parle de la perspective politique,
09:04 mais on parle aussi de sécurité à Israël.
09:06 On va parler évidemment de la situation humanitaire
09:09 et des déclarations du président de la République
09:11 aujourd'hui, d'Emmanuel Macron,
09:13 mais un mot sur ce chiffre qu'il a donné aussi le président français,
09:15 il a parlé d'au moins 170 ressortissants français,
09:20 encore dans la bande de Gaza actuellement,
09:22 qui seraient bloqués dans la bande de Gaza.
09:24 Est-ce que vous avez des nouvelles de leur part ?
09:28 Est-ce que des communications ont été établies avec eux ?
09:31 Qu'est-ce que vous pouvez nous dire de ce soir ?
09:33 Oui, bien sûr. C'est effectivement le chiffre,
09:38 c'est 170 personnes.
09:40 Ce sont mes collègues du consulat général de Jérusalem
09:43 qui sont constamment en contact avec eux.
09:45 Leur situation est parfois très difficile.
09:47 Il y en avait qui étaient employés dans des agences des Nations Unies,
09:51 d'autres qui vivaient ou qui étaient de passage.
09:53 On essaye de les conseiller, on essaye de les aider
09:56 pour les faire sortir.
09:58 C'est très compliqué. C'est également une des raisons
10:01 pour lesquelles une pause,
10:03 comme Emmanuel Macron l'a dit à Benjamin Netanyahou,
10:06 puis d'autres pauses derrière sont nécessaires dans ce conflit.
10:09 Pouvoir faire sortir les ressortissants étrangers, dont les nôtres,
10:14 faciliter la libération des otages,
10:16 dans lequel on parle avec certains pays qui ont des liens.
10:20 On a eu des contacts avec le Qatar.
10:22 Précisément, Frédéric Journest, monsieur l'ambassadeur,
10:26 comment les propos du président de la République,
10:29 comment les propos d'Emmanuel Macron ont-ils été reçus
10:31 sur place en Israël, alors que ce soir,
10:34 Israël parle, qualifie d'infamie,
10:37 la résolution de l'Assemblée générale de l'ONU
10:40 qui demande une trêve humanitaire,
10:44 mais sans mentionner le Hamas ?
10:47 Alors, deux choses sur ce qu'a dit le président Macron.
10:53 Emmanuel Macron est arrivé, en parlant aux Israéliens,
10:56 sur trois chapitres en parallèle.
11:01 Un chapitre de sécurité pour leur dire
11:02 le Hamas est une organisation terroriste,
11:05 nous, nous avons eu l'expérience face à Daesh
11:08 d'une lutte contre ce genre d'organisation,
11:11 et nous avons su le faire dans le respect
11:13 du droit de la guerre et du droit humanitaire.
11:15 Donc nous devons travailler ensemble
11:18 pour contrer cette menace,
11:21 mais le faire dans le respect du droit, on sait le faire.
11:24 Donc on vous prend au sérieux.
11:25 À côté de ça, parler de droit humanitaire et accès humanitaire,
11:29 et puis parler de perspective politique.
11:31 Et j'ai trouvé, par rapport à il y a dix jours
11:33 où ils étaient juste poussés par la rage et la colère,
11:37 qu'on avait en face de nous des interlocuteurs israéliens
11:39 qui réfléchissent, qui savent que ce combat au sol
11:42 va être très difficile,
11:44 qui savent que la réputation d'Israël
11:47 est aussi en jeu sur cette question des civils,
11:50 donc ils nous entendent.
11:51 La résolution qu'il y a eu,
11:53 je vous dirais, il y avait eu une résolution
11:55 au Conseil de sécurité qui était poussée par le Brésil,
11:57 qui était sans doute un meilleur texte,
11:58 c'est dommage qu'elle ne soit pas passée.
12:00 Nous, nous avions voté pour.
12:01 Il y a eu ce texte aujourd'hui,
12:04 il y avait un amendement qui était proposé par le Canada
12:06 pour avoir une mention plus explicite,
12:08 plus directe du Hamas.
12:10 L'idée d'avoir une trêve,
12:12 nous, nous avions plutôt utilisé le terme d'une pause,
12:15 elle fait partie de la logique d'un combat.
12:18 Quand vous menez une guerre de légitime défense
12:22 dans le respect du droit,
12:24 il y a des moments où vous faites des pauses
12:25 et des interruptions du feu
12:27 pour permettre, une fois encore, l'arrivée de l'aide,
12:29 je vous ai dit, cette aide française
12:32 du bâtiment amphibie tonnerre
12:34 qui va arriver dimanche,
12:36 toute l'aide humanitaire alimentaire,
12:38 elle doit continuer pour protéger au maximum les civils.
12:41 C'est comme ça qu'Israël mènera une guerre juste
12:43 et qu'il aura une victoire d'autant plus forte.
12:45 Sauf que pour l'instant,
12:47 et du moins ce soir, ce que l'on constate,
12:49 c'est que cette trêve, cette pause,
12:51 quel que soit le mot, n'est pas du tout d'actualité.
12:55 Je crois qu'il faut qu'on travaille sur des objectifs réalistes
13:01 et qu'en même temps, on affirme des principes.
13:04 Donc on doit constamment dire
13:06 que des pauses, des trêves sont nécessaires
13:09 et qu'évidemment l'objectif est à la fin d'arriver
13:12 à un arrêt des combats.
13:13 Mais nous, dans ce que nous disons en même temps,
13:15 y compris dans nos explications de vote aux Nations Unies,
13:19 c'est n'oublions pas le droit d'Israël à se défendre,
13:23 la légitime défense, car Israël est en légitime défense,
13:26 et notre solidarité avec le peuple israélien face au terrorisme.
13:30 Donc c'est compliqué.
13:32 Vous savez, cette guerre ne va pas durer trois jours.
13:34 C'est une phase très très difficile pour Israël.
13:37 C'est une catastrophe pour le peuple palestinien
13:39 que le Hamas entraîne dans cette boucherie
13:42 dont personne ne voulait, une fois encore,
13:44 personne n'imaginait la guerre à Gaza il y a cinq semaines.
13:47 C'est le Hamas qui, par les attentats terroristes
13:50 monstrueux du 7 octobre, nous a amenés là.
13:53 – Et précisément sur la suite, à très court terme,
13:57 vous nous avez confirmé ce soir que vous aviez eu
14:00 l'information que la réponse de l'armée israélienne
14:03 entrait dans sa deuxième phase.
14:05 Ce sont donc les mots, les termes qui ont été employés.
14:08 Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire
14:10 combien de temps cette phase est censée durer ?
14:13 Est-ce que ça va durer une nuit ?
14:15 Est-ce que ça va durer plusieurs jours ?
14:17 Est-ce qu'on parle de plusieurs semaines ?
14:19 Est-ce que vous pouvez nous donner quelques indications sur la suite ?
14:22 – Je n'en ai pas.
14:27 On n'a pas ce genre de partage.
14:30 Il faut juste se représenter que les attaques qui sont en cours
14:34 en ce moment donc au sol concernent la zone nord de la bande de Gaza.
14:40 Vous êtes dans un site urbain qui est dense.
14:44 Ça ne va pas se faire en une seule nuit.
14:46 Ce qu'il y a de très important, je le répète,
14:49 c'est que nous restions en permanence en dialogue avec Israël
14:53 pour aider Israël à réfléchir dans ses choix de défense.
14:56 Oui, il est en légitime défense.
14:58 Et oui, c'est un pays libre, c'est un pays démocratique.
15:01 Il doit respecter le droit, il doit penser aux populations civiles.
15:05 C'est aussi comme ça qu'il gagnera.
15:08 Maintenant, vous dire si ça va durer 3 jours, 3 semaines honnêtement ou plus.
15:13 Honnêtement, à ce stade, il est trop tôt pour vous le dire.
15:16 – Monsieur l'ambassadeur, Laurent Saïm veut vous poser une question.
15:20 – Monsieur l'ambassadeur, Marc Reggev, qui est un des conseillers
15:22 les plus proches de Benjamin Netanyahou,
15:25 commence à dire à la presse américaine plusieurs choses.
15:28 Je voulais avoir votre réaction sur ce qu'il vient de déclarer
15:31 à nos confrères à la fois de Fox News et de l'agence Reuters.
15:34 Je rappelle au téléspectateur Alice que Marc Reggev,
15:37 c'est un stratège extrêmement fin qui travaille avec Benjamin Netanyahou,
15:41 le Premier ministre, et qui était en charge en 2014
15:44 de l'opération israélienne à Gaza et de l'offensive terrestre
15:48 qui s'était passée en 2014 à Gaza.
15:51 Monsieur l'ambassadeur, Marc Reggev vient de dire donc
15:54 "quand ce sera terminé, Gaza sera très différent".
15:58 Quelle est votre réaction et qu'est-ce que ça veut dire,
16:00 "Gaza sera très différent" ?
16:02 – Je crois qu'il y a eu une erreur fondamentale dans la gestion de Gaza
16:14 qui a été de laisser le Hamas tenir en otage et dans l'intimidation ces gens
16:22 tout en exerçant ce blocus qui était une très mauvaise idée.
16:24 Vous savez, un blocus, d'abord c'est contraire au droit humanitaire,
16:27 vous ne pouvez pas priver les gens de leur accès à une vie normale.
16:32 Mais ces gens étaient prisonniers.
16:33 Moi, j'ai sympathisé, j'habite dans le quartier Jaffa,
16:36 c'est un quartier mixte, il y a un mélange de populations juives,
16:39 de populations arabes, israéliennes.
16:41 Un de nos voisins commerçants, il est Gazaoui dans sa famille
16:47 et il me dit, sa soeur est sur place, elle lui dit
16:49 "on est pris en otage par ces gens, ils sont terrifiés par tout ça".
16:53 Donc on doit avoir à cœur la vérité que les civils de Gaza aujourd'hui
16:59 sont bloqués, sont piégés dans la guerre que leur impose le Hamas
17:04 et qu'il faut que Gaza derrière puisse trouver une gouvernance normale.
17:08 Et ça c'est quelque chose auquel il faudra travailler.
17:10 Ce qui est important c'est qu'on réfléchisse à l'avenir.
17:13 – Monsieur l'ambassadeur, permettez-moi simplement,
17:16 pensez-vous réoccuper Gaza ?
17:18 – Alors attention, c'est pas moi, c'est…
17:24 – Bien sûr, mais Marc Régave selon cette déclaration…
17:27 – Israël n'a à mon avis aucune intention.
17:29 Non, Israël ne veut pas réoccuper Gaza.
17:33 Ça je n'y crois pas du tout, personne ne le veut.
17:37 Israël s'est désengagé de Gaza en 2005,
17:41 ils ont choisi de ne pas y garder d'implantation
17:44 parce que c'était complètement irréaliste.
17:47 En revanche, ce qui a été erroné,
17:49 c'est d'avoir une gouvernance par un mouvement terroriste
17:54 qu'on a laissé se fortifier à l'intérieur de ce territoire.
17:58 Donc je crois qu'il faut repenser à une administration palestinienne légitime,
18:03 mais ça ce sera au peuple palestinien d'en décider.
18:07 La Palestine a des aspirations légitimes, il ne faut pas l'oublier,
18:10 donc elle doit pouvoir choisir par elle-même et on y viendra.
18:14 Ce que je trouve important dans ce que vous signalez de ce message de Marc Régef,
18:18 c'est qu'Israël soit capable aussi de se projeter vers l'après,
18:22 qu'on ne soit pas dans ce mur de l'instant et de la rage.
18:25 Et ça c'est important, ça nous donne des chances d'être entendus
18:29 sur la nécessité de la prise en compte des questions humanitaires,
18:32 d'avoir les pauses pour que les vivres arrivent,
18:35 pour que les soins arrivent et que les civils de Gaza
18:39 ne subissent pas de manière disproportionnée
18:42 les horreurs de la guerre que nous vivons tous.
18:45 En attendant que les soins et les vivres arrivent,
18:48 quel est l'objectif principal de la deuxième phase de cette opération
18:52 auxquelles on assiste ce soir ?
18:54 Est-ce qu'on assiste à des frappes ciblées ?
18:57 Et si oui, sur quel site ? Avez-vous des informations à ce sujet ?
19:00 Je ne saurais pas vous le dire, je ne suis pas un expert militaire,
19:07 je suis dans mon rôle de diplomate.
19:10 Et les Israéliens n'ont pas explicité leur but de guerre.
19:14 Ils ont dit dans leur communiqué qu'ils les avaient,
19:16 ils les ont déterminés. Donc ça c'est important,
19:19 une armée doit savoir ce qu'elle va faire quand elle s'engage sur un terrain.
19:24 Nous le comprendrons à mesure que le combat avance.
19:27 Ce qui me paraît très important, c'est d'être dans des choses réalistes.
19:33 Le sujet, c'est que le Hamas soit hors d'état de nuire,
19:36 ne soit plus en état de tirer des roquettes
19:39 comme il le fait de manière incessante sur tout Israël
19:43 depuis maintenant trois semaines.
19:45 J'ai l'impression que ça a duré des mois, parce que c'est une vie très intense.
19:49 Il faut se représenter, votre reportage le montrait tout à l'heure,
19:53 d'aller courir dans ses abris en permanence,
19:56 d'entendre ces détonations tous les soirs.
19:59 Mais je veux dire aussi que même à Tel Aviv, on est à 80 km,
20:02 mais quand le vent porte le son, on entend ces grondements de l'artillerie.
20:06 Je pense aussi, je n'y suis pas indifférent,
20:10 aux civils de Gaza qui sont sous ce feu en ce moment.
20:13 Une question d'Ulysse Gosset, monsieur l'ambassadeur.
20:16 Oui, bonsoir monsieur l'ambassadeur.
20:18 Sur la place de la France, on a vu que le président de la République
20:21 cherchait une position d'équilibre
20:23 en apportant le soutien de la France à Israël,
20:26 mais en demandant une solution notamment de deux États.
20:29 Est-ce que cette position est audible aujourd'hui en Israël ?
20:32 Est-ce que la France peut se faire entendre ?
20:35 Ou est-ce que c'est un peu vain compte tenu de ce qui se passe,
20:38 notamment à Gaza avec ses raids, ses interventions massives ?
20:42 Est-ce que la France est audible aujourd'hui ?
20:44 Écoutez, Ulysse Gosset, je pense que oui.
20:50 Oui, ils nous ont entendus.
20:52 Vous savez, quand vous parlez à des amis,
20:54 vous ne leur dites pas uniquement les choses qui les arrangent.
20:57 Il faut aussi dire des choses qui sont vraies.
21:00 Et je crois que la France est crédible,
21:03 parce que sur cette question-là, on a été très constant,
21:06 même à des moments où tout le monde se disait
21:08 "on n'y croit plus".
21:10 Et là, ce qu'on se dit brutalement, c'est que cette question,
21:13 elle ne pouvait pas disparaître.
21:15 J'avais dit chez vos confrères d'I 24, il y a quelques semaines,
21:19 avant tout ça, c'est pas parce qu'on n'a plus envie de parler d'un problème
21:22 que le problème a disparu.
21:23 La question palestinienne, les aspirations du peuple palestinien,
21:26 il faut qu'on les traite.
21:27 Et je trouve qu'Emmanuel Macron a très bien fait
21:29 de parler aux Israéliens, mais vraiment,
21:31 en les abordant sur les trois choses à la fois.
21:33 Votre problème de sécurité,
21:35 il nous concerne aussi, ce que fait le Hamas,
21:39 la lutte contre le terrorisme, ça nous concerne.
21:41 Les accès humanitaires et le respect du droit de la guerre,
21:44 et une perspective politique.
21:46 On doit être sur différents temps, et en faisant ça,
21:49 on les aide à réfléchir, on les aide à sortir de l'instant.
21:53 Donc, ils nous ont écoutés.
21:55 Ensuite, tout n'est pas possible.
21:57 Tout de suite, il faut aussi que les responsables palestiniens,
22:01 l'autorité palestinienne, se réengagent dans quelque chose.
22:04 Et qu'on se rende bien compte lucidement
22:06 que ce qui vient d'arriver est aussi une catastrophe pour les Palestiniens.
22:10 C'est vraiment très très grave pour eux.
22:12 C'est pas du tout un atout.
22:14 Et surtout qu'on se redise, le Hamas, c'est pas la Palestine.
22:17 Et qu'on arrive ensuite, effectivement, à réfléchir
22:21 à une perspective politique.
22:23 C'était il y a 30 ans, je me souviens de cette formule
22:28 qu'avait eue Yitzhak Rabin, qui disait
22:31 "il faut combattre le terrorisme comme s'il n'y avait pas de perspective de paix,
22:35 et il faut poursuivre une perspective de paix comme s'il n'y avait pas le terrorisme."
22:38 Je crois qu'il faut avoir ce combat.
22:40 J'ai repensé à cette formule d'Yitzhak Rabin
22:42 parce que j'étais allé voir l'endroit où il a été tué il y a quelques semaines.
22:47 C'est pas forcément l'état d'esprit de la majorité politique en Israël aujourd'hui,
22:52 et Israël, pour l'instant, est dans sa défense.
22:54 Mais il faut, à un moment donné, repenser à la dimension politique.
22:59 Et je trouve qu'Emmanuel Macron a été courageux de le faire,
23:02 et que la France a été courageuse de le dire assez constamment,
23:06 calmement, et que oui, une fois que cette phase militaire sera terminée,
23:11 il faut y penser.
23:13 – Dernière question, M. l'ambassadeur,
23:15 cette réponse israélienne a suscité plusieurs manifestations
23:20 dans des pays arabes, au Liban notamment,
23:25 des manifestants ont voulu exprimer leur désapprobation.
23:27 Ce soir encore, il y a eu des manifestations,
23:30 et là, c'était en Cisjordanie, en territoire israélien,
23:33 des Palestiniens ont manifesté en soutien à Gaza,
23:36 alors que les frappes militaires étaient en train de s'intensifier.
23:40 Votre sentiment sur ces manifestations auxquelles on assiste ces derniers jours ?
23:45 Et là, j'ai vraiment envie de vous entendre, vous,
23:47 et de ne pas entendre le son cloche du gouvernement israélien.
23:49 Est-ce que vous, en tant qu'ambassadeur de France en Israël,
23:53 ce risque de contagion à l'échelle régionale, il vous inquiète ?
23:57 – Alors, je vais vous parler d'abord des gens,
24:02 ce qu'il faut comprendre, vous savez, moi je le découvre,
24:04 en découvrant ce pays, où je suis arrivé il y a quelques mois,
24:08 c'est tout petit ici, ces gens se connaissent, les familles sont liées,
24:12 les familles de Gaza, ils ont des cousins qui habitent à Jaffa,
24:17 et ils ont des cousins qui habitent à Jérusalem ou ailleurs,
24:23 on est vraiment dans un tout petit territoire,
24:24 ça fait la taille d'un département français, le cœur d'Israël.
24:28 Donc, évidemment que les Palestiniens se sentent extrêmement émus,
24:33 en Cisjordanie, de ce qui se passe à Gaza,
24:35 et c'est la même chose chez beaucoup d'Arabes israéliens,
24:38 qui sont très inquiets pour leurs cousins, pour leur famille.
24:42 Et il y a derrière une émotion dans le monde arabe.
24:44 Alors, les Israéliens sont très très conscients de ça.
24:48 Ça, ils y font très attention, ils n'ont pas envie de nouvelle guerre,
24:52 une fois encore, ils n'imaginaient pas un seul instant,
24:55 il y a un mois, quand je parlais avec eux,
24:57 se retrouver engagés dans une guerre contre le Hamas.
25:00 Ils pensaient avoir trouvé un équilibre,
25:02 ils avaient développé le nombre de permis de travail
25:04 qui permettaient à des Gazaouis de venir travailler en Israël.
25:09 Ce qui a eu de terrible, c'est que dans ces kiboutz,
25:10 vous savez, qui ont été martyrs, moi j'en ai visité deux,
25:13 ils employaient des gens de Gaza, ça leur donnait du travail,
25:16 c'était des pacifistes, c'est les vieux kiboutz de la gauche,
25:19 des débuts d'Israël, avec des drapeaux de la paix
25:23 sur les maisons qui ont brûlé.
25:25 Vous avez parfois certaines de ces civils
25:27 qui ont donné des indications aux terroristes,
25:29 qu'ils savaient où ils allaient,
25:30 donc les Israéliens sont choqués par ça.
25:32 Donc ils n'ont aucune envie de voir un nouveau front s'ouvrir,
25:36 que ce soit aussi en Jordanie ou dans le Nord.
25:39 C'est pour ça qu'ils sont à l'écoute,
25:40 c'est pour ça que nous avons une capacité,
25:44 nous Français, mais aussi d'autres pays,
25:48 qui sont à l'écoute d'Israël, qui sont, une fois encore,
25:50 je le dis, solidaires face au terrorisme
25:53 et à l'attaque qu'ils ont subie,
25:55 qui respectent le droit à la légitime défense.
25:58 À cause de cette préoccupation qui est très sérieuse
26:00 pour les Israéliens, on peut aussi se faire entendre
26:03 et avancer des propositions,
26:04 et je crois que la France a plutôt été à sa place
26:07 et dans son rôle là-dessus au cours des dernières semaines.
26:10 Ce n'est pas toujours facile, mais il faut le faire.
26:12 – Merci Monsieur l'Ambassadeur,
26:13 merci Frédéric Journais d'avoir été ce soir avec nous sur BFM TV.