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00:00 - Allez 8h moins le quart, difficile retour en classe ce matin pour les enseignants et leurs élèves.
00:05 Trois jours après l'attaque perpétrée dans le lycée Gambetta d'Arras, la journée va commencer par un temps d'échange
00:11 entre professeurs puis avec les élèves et on en parle ce matin avec notre invité.
00:15 Notre invité c'est Renald DiRanzo, enseignant dans le MEDOC et secrétaire académique du syndicat Force Ouvrière lycée et collège Marie.
00:22 - Bonjour Renald DiRanzo. - Bonjour.
00:24 - Dans quel état d'esprit êtes-vous ce matin à la reprise de la semaine de classe ?
00:29 - Pas très bien. Pour tout vous avouer, on a tous une pensée pour notre collègue Dominique Bernard et pour sa famille, ses proches
00:37 mais aussi pour tout le personnel du collège et les élèves.
00:41 - Est-ce qu'aujourd'hui quand on est enseignant, on a peur d'aller travailler ?
00:46 - Ça dépend des personnes. Moi j'aurais tendance à dire que je n'ai pas peur d'y aller mais vu les retours que j'ai eu ce week-end,
00:55 je vois qu'il y a des collègues qui ont peur de revenir en classe.
00:58 - Parce que c'est un malheureusement et très malheureusement bien sûr un scénario qui se répète.
01:02 On est aujourd'hui trois ans jour pour jour après la mort de Samuel Paty.
01:05 Ça veut dire qu'en trois ans, rien ou presque n'a changé dans les établissements scolaires ?
01:10 - Pas grand chose a changé. Malheureusement, on a l'impression de revivre de la journée d'il y a trois ans
01:16 avec la même organisation qu'il y a trois ans. Donc on a l'impression que le discours recommence et que sur le terrain rien ne change.
01:25 - Parce que vous dites le même scénario, ça veut dire qu'on avait déjà fait un temps d'échange pour les enseignants, ces minutes de silence ?
01:32 - Oui, on avait déjà fait pour Samuel Paty. Ça avait été compliqué d'avoir ce temps d'échange.
01:37 Mais on avait pris, par exemple dans mon collège, le temps d'échanger ensemble tous les personnels.
01:43 On avait besoin avant de parler des élèves, on avait tous besoin de parler de ça.
01:47 Là je pense que ça va être de nouveau pareil. Et je parle bien de tous les personnels, c'est-à-dire AED, agents.
01:53 Ce n'est pas que les professeurs qui sont touchés, c'est vraiment tout le monde.
01:56 Il faut après pouvoir organiser la journée. Malheureusement, on a presque déjà l'expérience de ce type de journée.
02:05 - Ça veut dire que les professeurs vont commencer à échanger d'ici quelques minutes, le début des cours a été repoussé.
02:11 Et après, est-ce qu'on peut échanger sur ce genre de sujet avec les élèves assez librement dans les établissements ?
02:17 - En fait, tout dépend de l'établissement. C'est-à-dire que, par exemple, dans mon collège, on ne va pas aborder de la même façon que dans un établissement de l'Ormond.
02:25 Puisque la population n'est pas la même. Chaque collègue ne va pas aborder de la même façon, parce qu'on a tous une sensibilité différente.
02:31 Donc on ne peut pas faire un truc type. En fait, ce qu'on va surtout faire, c'est que les collègues qui veulent en parler,
02:37 parce qu'il y en a qui vont avoir du mal. Je ne sais pas si dans mon collège ils vont refaire comme il y a trois ans,
02:42 mais on faisait des binômes avec quelqu'un d'à l'aise et quelqu'un de moins à l'aise pour pouvoir en parler.
02:47 Donc là, je ne sais pas ce qui va être décidé. Mais le but, en fait, c'est de déjà savoir ce que savent les élèves.
02:53 Parce qu'on ne sait pas ce qu'ils ont entendu pendant le week-end. Et suivant ce qu'ils savent, ce qu'ils en pensent.
02:58 Et puis après, on construit avec eux. On remet les choses dans l'ordre, en fait, et on discute avec eux.
03:04 - On va écouter ce matin la parole d'un lycéen du lycée Jean Moulin de Langon.
03:09 - Je m'appelle Clément, j'ai 17 ans. Je trouve ça triste et choquant quand même que dans un lycée, encore, il y ait des choses comme ça.
03:15 Oui, c'est une insécurité qui fait peur. On en parle pas mal dans les cours d'histoire.
03:19 C'est triste de dire ça, mais même si on éduque de plus en plus et qu'on sensibilise tout le monde,
03:25 il y aura toujours de la violence. Mais bon, c'est triste.
03:28 - C'est un jeune qui est un peu plus âgé que vos élèves, mais c'est le genre de discours que vous pouvez entendre,
03:34 de témoignages que vous pouvez recevoir dans vos classes ?
03:35 - On peut recevoir ce type de témoignages, oui.
03:37 - 7h48 sur France Bleu, j'ai en notre invité ce matin, Rénaldi Ranzo, enseignant dans le MEDOC
03:41 et secrétaire académique du syndicat Force Ouvrière Lycée et Collège.
03:44 - Vous évoquiez les difficultés parfois à créer l'échange, ou en tout cas selon l'établissement dans lequel on se trouve.
03:49 Au-delà de ces drames, il y a aussi toute la question de la laïcité dans les établissements.
03:54 Est-ce qu'on peut parler de la laïcité aujourd'hui dans les collèges et les lycées ?
03:57 - Oui, on peut en parler. Ça se fait couramment, surtout.
04:01 Ceux qui sont le plus à même d'en parler, c'est les professeurs d'histoire-géographie et d'éducation civique.
04:06 C'est eux qui en parlent le plus souvent, mais les profs principaux peuvent en parler,
04:09 puisqu'il y a une charte de la laïcité dans tous les établissements,
04:12 qui est en général dans le carnet de correspondance.
04:15 Nous, au collège, je parle plus du collège, parce que c'est ce que je connais le mieux,
04:20 je sais que les profs d'histoire en parlent au moment, en 6e, quand ils font la mythologie, le judaïsme, le christianisme,
04:26 en 5e, où il y a l'islam, la chrétienté, la guerre des religions, en 4e, avec les Lumières,
04:32 en 3e, avec le nazisme et l'antisémitisme, c'est un sujet qui revient régulièrement.
04:36 On le fait déjà, c'est quelque chose qui revient régulièrement dans les établissements.
04:41 - On a renforcé la sécurité autour, dans les établissements scolaires, depuis vendredi.
04:47 Il faudrait aller plus loin, selon vous ?
04:50 - Nous, ce qu'on voudrait, c'est plus de personnel, parce que ceux qui sont en première ligne,
04:56 ce ne sont pas les professeurs, ce sont les assistants d'éducation,
04:59 parce qu'on a tendance à les oublier, mais c'est eux qui sont vraiment en première ligne.
05:03 Donc si vraiment on voulait plus de sécurité, il faudrait plus de personnel, comme AED,
05:09 mais aussi pour des élèves qui ne vont pas bien, il faudrait plus de psychologues,
05:13 plus d'assistants de social, c'est-à-dire qu'on aura besoin d'un peu plus de tout,
05:17 ce qu'on dit depuis 3 ans, mais qui n'arrive pas.
05:20 - C'est ce que vous dites, Reynaldo Di Renzo, c'est que depuis Samuel Paty, Dominique Bernard,
05:26 vendredi, finalement, il n'y a pas eu de réforme en profondeur,
05:29 quelque chose qui aurait pu impulser un vrai changement, selon vous ?
05:32 - Le vrai changement qu'on voudrait, c'est vraiment du monde spécialisé pour en parler.
05:36 Quand on a quelqu'un qui ne va pas bien, un élève qui ne va pas bien, par exemple,
05:39 moi je suis prof de maths, je ne suis pas assistant social, je ne suis pas psychologue,
05:43 donc parfois j'utilise des mots qui ne seront peut-être pas les bons.
05:45 Donc nous on a vraiment besoin de ça, plus qu'une réforme en profondeur,
05:48 on a vraiment besoin de personnel, parce que par exemple sur la laïcité,
05:51 comme je vous l'ai dit, on en parle déjà en fait.
05:53 Il y a eu des formations laïcitées qui ont été faites aussi au niveau académique,
05:57 mais c'est juste des formations, mais c'est des choses qu'on faisait déjà avant
06:01 et qu'on continue de faire.
06:02 - C'est la violence de la société qui s'invite de plus en plus dans les établissements scolaires malgré tout ?
06:07 - Oui, on voudrait que l'école soit sanctuarisée, mais malheureusement,
06:11 tous les maux de la société arrivent en ce moment dans l'éducation,
06:14 et surtout dans les collèges et les lycées.
06:17 Et donc voilà, ça devient compliqué, et il y a des collègues qui se posent beaucoup de questions
06:23 concernant leur avenir et le métier.
06:26 - Ça remet en cause des vocations d'enseignants,
06:29 cette ambiance délétère, dramatique autour des établissements scolaires ?
06:32 - Oui, juste une anecdote, ma nièce veut être prof des écoles,
06:36 elle a parlé à son père en disant "Frandre Dissoir, est-ce que j'ai choisi le bon métier ?"
06:40 On l'a rassuré, elle va continuer, mais elle s'est quand même posé la question.
06:44 Donc oui, ça peut remettre en cause des vocations.
06:46 - Merci beaucoup Renaldi Ranzo d'avoir été avec nous aujourd'hui,
06:50 trois jours après ce drame dans le lycée Gambetta d'Arras et la mort de l'enseignant Dominique Bernard.
06:55 Je rappelle que vous êtes enseignant vous-même au Collège Canteran de Castelnau de Bédoc
06:58 et secrétaire académique du syndicat Force Ouvrière lycée et collège.
07:01 Merci beaucoup à vous. - Merci à vous aussi.