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Clique, c'est présenté par Mouloud Achour, tous les jours à 19h45 en clair sur CANAL+ !
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00:00 Bonsoir Lilia Hassane, je vous présente Jérémy Ferrari.
00:03 Bonsoir, on s'est croisés tout à l'heure.
00:05 Ça fait plaisir de voir Lilia sur Canal+ on est content.
00:07 Panorama c'est un roman dystopique, on est en 2049,
00:13 a eu lieu une nouvelle révolution française qui a débouché sur un nouveau gouvernement,
00:17 le gouvernement de la transparence.
00:18 Dans cette société-là, les gens peuvent s'épier à travers des maisons de verre,
00:22 seulement malgré toute cette transparence, une famille a disparu et là, tout se fissure.
00:27 Après la lecture de votre roman, je me suis posé une question,
00:30 qu'est-ce qu'il y a de plus terrifiant, Lilia, dans la transparence ?
00:33 Il y a beaucoup de choses terrifiantes.
00:37 La fin de l'intimité en est une,
00:42 mais ce que j'écris dans le roman, c'est surtout la manière dont on devient
00:45 les avatars de nous-mêmes, c'est-à-dire qu'on avait l'impression qu'on allait être dans le métaverse,
00:50 qu'on allait jouer à être des personnages, en réalité on devient ces personnages.
00:55 Pour moi, ce qui m'inquiète le plus, c'est la force de se mettre en scène,
00:59 la force de jouer à son propre personnage sur les réseaux sociaux.
01:03 On est en train de se modifier aussi, sans tellement s'en rendre compte.
01:07 Et c'est vrai que de plus en plus, cette transparence,
01:09 que ce soit sur les réseaux sociaux, que ce soit dans le discours politique,
01:11 elle prend beaucoup de place, ce qui est devenu une sorte de mot un peu marketing.
01:16 En fait, la liberté d'expression qu'on nous a vendue avec les réseaux est une prison.
01:20 Je ne sais pas si c'est la liberté d'expression,
01:22 mais la liberté d'expression, ce n'est pas une prison et je pense que ça ne le sera jamais.
01:26 En revanche, la transparence qui consiste à faire croire qu'on dit tout,
01:30 parce qu'en réalité, la transparence est une illusion.
01:33 On ne pourra jamais... C'est Emmanuel Kant qui disait ça,
01:37 que si on en venait à ce que toutes nos pensées soient traduites en mots,
01:41 ce serait un drame si tout ce qui vous traverse l'esprit devait être dit,
01:45 ce serait la fin de la société.
01:47 - Ou des dessins.
01:48 - Donc c'est l'inverse justement d'une forme de liberté d'expression.
01:50 La liberté d'expression, elle passe par le temps long, par la réflexion.
01:53 La transparence, c'est vraiment une sorte de notion marketing qu'on entend de plus en plus
01:57 et qui envahit tous les discours et qui comporte pas mal de dangers, oui.
02:02 - Justement, ça m'a fait demander, à contrario, quel passe avait le secret dans votre vie
02:06 et pourquoi c'était, si ça l'est, en tout cas, une valeur importante ?
02:10 - Alors, justement, je pense que... D'un point de vue très personnel,
02:14 moi, je tiens à cette part de secret, précisément pour prendre le temps,
02:19 justement, tout à l'heure, vous parliez de ce temps long pour réfléchir,
02:23 justement, avant de préparer un spectacle.
02:25 J'ai l'impression que c'est quand même une forme de nécessité,
02:27 c'est-à-dire que, dans mon livre, il y a beaucoup de questions de la justice.
02:30 La justice, c'est exactement l'opposé de ce qui se passe sur les réseaux sociaux
02:34 en termes de sondage, c'est-à-dire que c'est parce qu'il y a du temps long,
02:37 qu'il y a une réflexion, c'est parce qu'il y a une part de secret,
02:39 de l'enquête, de l'instruction, qu'on peut rendre une justice équitable aussi
02:44 au bout d'un certain temps et qu'on n'est pas dans le règne de l'émotion
02:46 ou du sondage vite fait sur les réseaux, ce qui est quand même une tendance naturelle et humaine.
02:52 - Jérémy Ferreret, je me suis demandé aussi quel était votre rapport au secret.
02:55 Tous les deux, vous écrivez. Est-ce que les gens qui écrivent, justement,
02:58 n'ont pas un rapport particulier au dévoilement, au secret ?
03:00 - Alors, pour ma part, il y en a parce qu'un peu comme peuvent faire des journalistes,
03:07 j'ai des sources, j'ai des gens qui viennent me donner des documents,
03:11 me dire "appelle telle personne de ma part", etc.
03:13 Donc, il y a une part de secret sur ce point-là.
03:17 Après, d'un point de vue plus global, sur la vie privée,
03:20 moi, je suis assez pudique sur ma vie privée, je n'aime pas trop.
03:24 Même avec les réseaux sociaux, je vais faire quelques trucs un peu pour amuser les gens,
03:28 montrer un peu mon quotidien sur certains trucs un peu rigolos.
03:31 Mais je pense que c'est effectivement important de protéger sa vie privée.
03:35 Par contre, c'est intéressant parce que c'est finalement un roman d'anticipation
03:38 et c'est ça que je trouve chouette, c'est que cette société, elle donne ça.
03:44 Moi, je me rappelle de romans d'anticipation que j'ai pu lire,
03:47 d'Oxley ou de Jean Dutour ou d'autres.
03:50 Et quand on voit l'époque à laquelle sont écrits les romans d'anticipation,
03:54 c'est très intéressant parce que ça donne des vraies portes sociétales
03:57 de l'époque à laquelle ils sont écrits.
03:58 Et là, on est vraiment sur un nouveau roman d'anticipation
04:01 qui va prendre les réseaux sociaux et qui va…
04:03 Ce n'est pas les réseaux sociaux, je l'ai bien saisi, mais on va dire en poussant le truc.
04:06 Donc, c'est rigolo parce qu'on commence à voir des nouveaux romans d'anticipation
04:09 qui sont vraiment liés à cette époque. Je trouve ça assez fascinant.
04:12 Et dans ce roman, vous menez beaucoup de combats, vous, Jérémy,
04:14 mais cette société, elle a bien aussi appris une "revenge week"
04:18 qui est le fruit, en fait, d'une… Les gens ne croient plus en la justice.
04:22 Et cette défiance-là, Lilia, je me suis demandé d'où elle venait chez vous.
04:25 Est-ce que c'est juste le fait d'observer ou est-ce que personnellement aussi,
04:28 vous avez cessé d'y croire ?
04:29 Je pense que quand on observe ce qui se passe dans la société aujourd'hui,
04:32 effectivement, ce qui réunit à la fois les extrêmes et pas du tout les extrêmes,
04:36 c'est cette forme de défiance envers nos institutions,
04:39 que ce soit la politique ou la justice.
04:41 Et pour répondre à ce que vient de dire Jérémy Ferrari,
04:44 effectivement, c'est une légère anticipation, finalement.
04:46 Et c'est ce qui m'intéresse à être faire.
04:48 C'est-à-dire que je ne voulais pas une dystopie un peu à la Huxley
04:52 ou avec une figure de dictateur qui surplombe tout.
04:55 Il me semblait qu'aujourd'hui, en 2021, une nouvelle dystopie,
04:59 en tout cas plausible et réaliste, serait une dystopie dans laquelle
05:03 on serait dans une forme d'autorégulation, un système très horizontal,
05:08 comme on l'a vu pendant le Covid, justement,
05:10 où les gens se sont autorégulés.
05:14 En tout cas, via nos amis, via notre famille,
05:16 on s'est convaincus de tout un tas de règles qu'on ne nous a pas forcément imposées d'en haut.
05:22 Et c'est ce que j'ai trouvé assez intéressant dans cette période-là,
05:25 c'est que finalement, l'influence, elle s'est propagée de manière horizontale.
05:28 Ce qui est intéressant aussi, c'est que si j'ai bien compris,
05:30 je n'ai pas lu le livre, mais si j'ai bien compris,
05:32 c'est aussi que là, vous avez essayé d'imaginer un monde "parfait",
05:35 puisqu'on va s'apercevoir, j'imagine que ça n'est pas tant que ça,
05:37 alors que souvent, les romans d'anticipation, on imagine plutôt l'inverse.
05:40 On imagine un monde chaotique dans lequel on va trouver une lueur d'espoir,
05:43 et là, on va imaginer plutôt un monde qui a l'air plein d'espoir,
05:45 dans lequel il y a une faille plutôt chaotique.
05:47 Parce que c'est l'époque qui veut ça.
05:49 On est dans une époque d'extrême bienveillance où on nous fait croire
05:51 que tout va bien, qu'on est tolérants les uns avec les autres.
05:54 En réalité, la tolérance, on le voit sur les réseaux sociaux tous les jours,
05:57 elle est que très parcellaire.
05:59 Et c'est une société qui, paradoxalement, revendique le bien, la bienveillance,
06:04 de manière quasi permanente sur les réseaux.
06:06 - En insultant. - Mais on insulte sous pseudo.
06:09 Donc c'est complètement... Ce décalage-là m'intéresse à, effectivement,
06:12 cette espèce de grande utopie de la transparence, de la bienveillance,
06:15 et de voir à quel point le désir même de renoncer à toute forme de violence
06:20 pouvait conduire à une violence encore plus grande.
06:22 - On vous recommande le livre "Panorama" de Lili Hassane chez...
06:25 - Galimar. - Galimar, en compétition pour le...
06:28 - Renaudon. - Exactement.
06:30 - Sur la deuxième sélection.
06:32 [SILENCE]