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00:00 ça fait partie de moi.
00:00 Et donc, de toute façon, j'ai dû l'accepter, ce truc-là.
00:03 C'est-à-dire que je suis né avec, limite, pour moi, je suis né en étant malade,
00:06 je suis né en étant déjà différent des autres,
00:08 en ayant déjà un parcours, je crois, singulier.
00:11 "À l'âge de un an, j'ai été diagnostiqué d'une tumeur rhabdoïde
00:16 de l'ordre pontocérébelleux."
00:18 Personne n'a jamais su l'écrire.
00:19 Alors, c'est un cancer du cerveau, vraiment dédié aux enfants.
00:23 C'est un petit cadeau de départ, dédié aux enfants en bas âge.
00:27 Donc vraiment le truc le plus violent que l'être humain puisse affronter, je crois.
00:30 C'est ma grand-mère, qui a été très maligne,
00:33 parce qu'elle observait des trucs très bizarres chez moi,
00:35 que je vomissais beaucoup.
00:37 C'est un truc vraiment trash, et je ne marchais pas aussi.
00:39 C'est vraiment les deux symptômes.
00:40 Et j'ai commencé à voir la joue qui gonflait, et un début de...
00:43 Là, on peut le voir à la caméra, mais un début de paralysie faciale.
00:48 Et donc, mes parents ont commencé à consulter un pédiatre.
00:51 Ce pédiatre a évoqué à ma mère qu'il fallait que je commence à faire un scanner.
00:54 Et là, on lui a annoncé que j'avais donc une tumeur rhabdoïde de l'ordre ponto-cérébelleux.
00:58 Tout le monde a bien paniqué.
00:59 Ensuite, on est rentrés à Paris pour m'opérer à l'hôpital Necker.
01:02 C'est devenu ma maison.
01:05 Il y a eu un maximum d'examens.
01:07 J'ai fait de la chimiothérapie, j'ai fait de la radiothérapie,
01:09 j'ai fait un nombre de prises de sang.
01:12 J'ai des souvenirs, des flashs.
01:13 Et le truc un peu violent, je crois, c'est que je bougeais beaucoup,
01:16 parce que j'étais un enfant.
01:17 Et donc, dans les prises de sang, dans les traitements, dans les trucs,
01:19 on m'attachait.
01:20 En fait, j'étais très jeune, j'avais un an.
01:21 En fait, c'est vraiment... J'ai démarré ma vie comme ça.
01:24 Donc c'est pour ça qu'aujourd'hui, il y a eu même plein de séquelles,
01:26 notamment physiques et psychologiques,
01:28 mais que j'ai eu du mal à maîtriser aussi,
01:29 ou que j'ai eu du mal pendant longtemps à maîtriser,
01:31 parce que j'étais très jeune, et donc ça n'est jamais concret, en fait.
01:34 Ça n'a jamais vraiment été triste.
01:36 Ça a été dur, parce que ça fait partie de moi.
01:39 Et donc, de toute façon, j'ai dû l'accepter, ce truc-là.
01:41 C'est-à-dire que je suis né avec, limite.
01:43 Pour moi, je suis né en étant malade, je suis né en étant déjà différent des autres,
01:46 en ayant déjà un parcours, je crois, singulier.
01:49 Ce qui a été violent, c'est l'après.
01:51 C'est-à-dire que quand j'ai commencé à avoir 6, 8, 10 ans,
01:54 qu'on rentre à l'école et que, pour le coup, déjà,
01:56 quand t'as une petite différence dans des endroits comme le collège ou la primaire,
02:00 t'es déjà une petite cible.
02:01 Mais alors, en plus, moi, qui débarque avec le visage de travers
02:05 et quelqu'un qui m'aide en cours, parce que j'avais une AVS,
02:07 il y a eu un travail d'adaptation pour essayer de reprendre le rythme des autres
02:11 qui a été très violent pour moi.
02:13 Et parce que, aussi, j'arrivais pas à mettre des mots pendant longtemps.
02:15 C'est-à-dire que c'est en rentrant au collège que j'ai commencé un peu
02:17 à me comprendre et à comprendre aussi ce qui faisait de moi
02:19 quelqu'un de vraiment différent par rapport aux autres.
02:21 Du coup, j'ai eu des réflexions, j'ai été la cible.
02:24 Et plus ça allait, plus je me suis émancipée,
02:26 plus j'ai commencé un peu à grandir,
02:28 plus j'ai commencé, du coup, à me détacher de ces trucs-là.
02:30 Ma personnalité n'a pas changé avec la tumeur,
02:33 parce qu'encore une fois, je suis né un peu avec dans ma tête.
02:36 C'est-à-dire que je me suis jamais regardé dans le miroir
02:37 sans ressembler à ce que je ressemble maintenant.
02:39 Et donc, tout ce qui est la conscience en soi,
02:41 le regard des autres, l'acceptation de soi,
02:44 tous ces trucs-là qui sont quand même déjà pas une mince affaire pour tout le monde,
02:48 a été pour moi hyper violent aussi,
02:51 parce que, forcément, il fallait que j'accepte de voir qui j'étais.
02:55 Monter sur scène aussi, c'est une grosse victoire pour moi,
02:57 parce que... Enfin, victoire, c'est très fort, en tout cas,
03:01 parce que, justement, j'affronte complètement le regard des autres.
03:04 L'autre truc un peu violent, c'est la culpabilité, en fait,
03:08 et devoir vivre avec le fait d'avoir fait souffrir les gens,
03:11 parce que t'as l'impression d'être le noyau et la clé de la souffrance des autres,
03:16 et d'être au centre, et donc, en fait, je me sens coupable tout le temps.
03:19 Par exemple, je m'excuse tous les jours de ma vie, pour tout.
03:24 Alors, tu me diras, vaut mieux ça que l'inverse,
03:26 mais ça devient un peu excessif, du coup.
03:29 J'ai une grosse cicatrice, là, derrière.
03:30 C'est vraiment un truc de warrior, techniquement, c'est une boule, quoi.
03:33 C'est une grosse boule.
03:34 Et d'ailleurs, le chirurgien a enlevé toute une partie de la tumeur,
03:38 l'opération qui a duré neuf heures, je crois,
03:39 et il a dû enlever au rayon X une dernière partie de la tumeur
03:43 qui parasitait tout le côté de l'hypophyse,
03:46 et donc, ça a endommagé une partie de mon corps pendant un certain temps.
03:49 Et là aussi, on peut le voir, j'ai une petite paralysie, j'ai un truc où...
03:52 C'est un peu comme quand, dans "Avengers", ils doivent sauver la Terre,
03:55 mais ils détruisent New York.
03:57 Voilà.
03:58 Alors, les séquelles physiques, c'est une paralysie faciale
04:01 qui éteint un tout petit peu plus mon visage de ce côté-là.
04:04 Mon oeil, ça ferme pas.
04:05 Voilà.
04:06 Donc, les gens ne comprennent pas comment je dors.
04:08 C'était vraiment le mystère de mon entourage.
04:10 Je dis aux mecs "Tu dors pas ?"
04:12 Je dis "Bah si, je dors, c'est juste que là, je vois rien quand je fais ça."
04:15 Mais en tout cas, mon oeil, ça ferme pas complètement.
04:17 J'ai du mal à sourire de ce côté-là.
04:18 La jambe aussi, j'ai des petits soucis d'équilibre.
04:21 Là, j'ai qu'une corde verte.
04:22 Enfin, j'en ai une qui marche très, très, très peu, quoi.
04:24 Comme la vue.
04:25 En fait, tout se passe sur le côté droit.
04:27 Ça, ça va encore, parce qu'il reste que ça aujourd'hui.
04:29 En fait, c'est ça aussi qui est particulier, c'est que je m'en sors très, très, très bien.
04:32 Je suis 100 % guérie.
04:34 C'est terminé.
04:35 On pourrait se dire qu'on en a plus rien à foutre.
04:36 Je suis un peu épouvantable.
04:38 J'ai eu un petit bout de lâche et c'est reparti, quoi.
04:40 Alors, le cacher, jamais, parce que c'est impossible,
04:43 à moins de mettre une...
04:44 Je sais pas, un masque.
04:45 Non, non, non.
04:47 Le cacher, jamais.
04:48 Ça m'a même justement été le problème, c'est que j'ai jamais pu le cacher.
04:51 Je rencontre quelqu'un dans une soirée ou un truc,
04:53 il me dit "Ça va, toi et tout ?"
04:54 Le sujet arrive et je lui fais "Ouais, j'ai eu un cancer à un an."
04:57 La bombe atomique.
04:59 Je mesure pas l'effet que ça produit aux gens.
05:02 Parce qu'en fait, l'association "petit bébé, tu meurs",
05:05 c'est un cocktail que les gens ont pas envie de déguster, je crois.
05:09 Et ils osent pas poser des questions.
05:11 Et à l'inverse, t'as ceux qui sont hyper détendus.
05:13 C'est-à-dire que du coup, c'est toute la question justement intéressante,
05:15 est-ce que s'ils ignorent, c'est du respect ou c'est un déni ?
05:18 Aujourd'hui, je suis pas du tout susceptible par rapport à ça,
05:21 mais y a des trucs qui peuvent me faire chier.
05:23 Trop de larmoyance, ça peut me faire chier aussi.
05:25 C'est ça qui est beau aussi,
05:26 c'est de se dire qu'aujourd'hui, on peut en rire et on peut vivre avec.
05:29 *BIP*