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Transcription
00:00 Je fais partie des femmes qui ont avorté en France et j'avais 29 ans.
00:03 Je prenais la pilule et donc j'avais des saignements aux dates des règles,
00:07 sauf que c'est des faux saignements avec la pilule,
00:09 donc on ne peut pas se dire « j'avais un retard », etc.
00:11 Je fais partie de ces jeunes filles du XXe/XXIe siècle
00:16 qui ont toujours eu la chance d'avoir eu accès à la contraception,
00:19 au point que ça devient presque un mythe, le fait de tomber enceinte.
00:22 J'ai toujours vécu à Paris.
00:23 Je veux dire, mes parents, ils sont médecins, plutôt très ouverts.
00:26 Je n'ai pas été élevée dans des considérations religieuses puissantes, etc.
00:30 Donc l'avortement n'a jamais été un sujet tabou.
00:33 Mais pour autant, je ne savais pas comment on faisait pour avorter.
00:36 C'est-à-dire que je ne savais même pas qui appeler, comment, quoi faire.
00:40 Je me suis revue adolescente.
00:43 J'ai essayé de me souvenir de mes cours de SVT.
00:45 J'ai tapé des mots-clés sur Google et je suis tombée sur une association.
00:49 Je demande à la personne comment est-ce que je fais pour avorter.
00:52 Elle me dit « mais c'est merveilleux d'avoir un enfant ».
00:55 Et bon, voilà, moi à la base, j'appelais pour un renseignement, pas pour un engagement.
00:58 Et finalement, elle me dit « bah écoutez, vous n'avez qu'à appeler le planning familial ».
01:01 Et là, je suis « ah oui, planning familial », ce mot résonnait, enfin ce terme résonnait,
01:05 mais je ne savais absolument pas concrètement ce que c'était, ce qui s'y passait.
01:11 Il me semblait que quand j'étais ado, c'est là où on pouvait avoir des capotes gratos.
01:14 Vient ensuite le choix de l'anesthésie locale au général.
01:18 Là encore, je trouve qu'on n'est pas préparé à prendre des décisions sur ce genre de questions dans la vie.
01:24 Pour moi, la question ne se posait pas.
01:26 C'était évident que je n'allais pas faire un enfant seule et un enfant, voilà, pas faire un enfant sans père.
01:32 On ne parle jamais de l'avortement et je vais même aller plus loin, on n'en parle jamais.
01:35 Et c'est terrible parce que je suis à l'âge où toutes mes copines commencent à être enceintes.
01:40 Et c'est tellement tabou un avortement que là, je vois, elles sont dans les deux, trois premiers mois,
01:45 elles me disent « et tu vois, quand tu es enceinte, et ben tu as ça, ça ».
01:48 Et j'ai envie de dire « bah oui, je sais, j'ai vécu ça aussi, ces stades-là ».
01:52 Mais on ne peut pas le dire parce qu'il n'en reste pas de traces.
01:57 Et c'est en ça que je pense que c'est très très important d'en parler.
02:00 Sur la prévention quand même, sur l'information, il n'y en a pas d'information sur l'avortement.
02:06 Il n'y en a pas. C'est réel.
02:08 On me dit « intervention, ça se passe comme ça ».
02:11 On ne m'explique pas ce qui va se passer après.
02:12 On ne m'explique pas qu'après, c'est des saignements de malades.
02:15 Et on a oublié de me dire que d'ailleurs, il fallait avoir des protections pour ces saignements de ouf.
02:21 Ça, on ne me l'a absolument pas dit.
02:22 Souvent, les films qui parlent de l'avortement, c'est toujours dans des...
02:26 Voilà, les fictions, c'est toujours dans des contextes dramatiques.
02:30 Genre dans les années 70, où l'avortement en France, où l'avortement était illégal,
02:34 et comment les femmes ont fait le parcours du combattant pour se faire avorter, machin.
02:39 Mais en fait, à mon sens, c'est un sujet qui est extrêmement intéressant encore aujourd'hui
02:44 à traiter alors même qu'il est légal.
02:47 Parce que c'est complexe. C'est une question qui est complexe.
02:50 Et qui devrait apparaître dans les fictions, parfois,
02:54 de façon naturelle, comme composante éventuelle de la vie d'une femme.
02:58 Je vois que ça commence à apparaître un peu dans les fictions,
03:00 mais quand même très très très très très très peu.
03:04 On se sent toujours obligé d'avoir un point de vue, une justification.
03:08 Mais elle avortait parce que, eh ben, elle était dans tel ou tel ou tel contexte.
03:13 Alors qu'en soi, en vrai, on ne devrait même pas avoir à justifier de ça.
03:17 Si on ne se sent pas capable d'élever un être humain,
03:18 mais franchement, c'est le meilleur service qu'on puisse rendre à cet être humain
03:23 de ne pas le faire, quoi.
03:25 Ce n'est pas parce que vous avortiez aujourd'hui que vous n'aurez jamais d'enfant.
03:28 Vous avez le droit aussi de choisir le contexte le plus propice
03:32 dans lequel vous aimeriez en faire naître un.

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