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L'ancien Premier ministre Dominique de Villepin est l'invité du 8h30 franceinfo, lundi 11 septembre 2023.
Transcription
00:00 situation toujours très tendue au Niger notamment là-bas les poutchistes
00:04 accusent la France de je cite "déployer des forces en vue d'une agression".
00:08 Comment la France doit réagir dans cette situation ? Est-ce qu'il faut
00:11 dialoguer avec les poutchistes ?
00:13 Vous posez la question à un diplomate par définition.
00:17 Je pense qu'il ne faut jamais cesser de se parler et nous disposons de canaux
00:22 très nombreux. On n'est pas obligé de le faire par la voix du président de la
00:25 République ou de la ministre des affaires étrangères. Mais il faut oui
00:28 maintenir des canaux. Il faut se comprendre, il faut savoir là où il y a
00:31 des points de friction, là où les choses peuvent être arrangées.
00:32 Rien n'est pire que la table vide et la crise qui de ce fait se développe.
00:39 Mais on parle aux poutchistes même si le président déchu, Mohamed Basoum, il est...
00:43 Justement, justement. Si on veut faire en sorte qu'il y ait une solution rapide à
00:50 la crise, faisons en sorte de ne pas aggraver les choses et trouvons les
00:53 moyens d'avancer dans la compréhension la plus grande possible.
00:58 Et puis il y a beaucoup de pays amis dans cette région qui peuvent servir
01:01 d'intermédiaire, faire passer des messages. La CDAO, le Nigeria, beaucoup
01:05 d'autres pays francophones. Donc il y a mille et une façons. Le pire c'est de se
01:10 durcir, de camper sur sa position, d'être convaincu qu'on a raison.
01:14 Beaucoup des erreurs que nous avons commises dans cette région depuis 2013
01:18 sont dues à l'incapacité à ouvrir les yeux et ouvrir les oreilles sur des
01:23 réalités que nous comprenions. Mais précisément la France est très ferme
01:27 face aux poutchistes au Niger, trop ferme. Je n'allais dire pas ferme comme il faut.
01:33 Faire preuve de fermeté, faire preuve de conviction c'est nécessaire mais pas au
01:37 détriment de la recherche de solutions, pas au détriment de l'imagination qu'il
01:41 faut qu'il faut mettre en oeuvre dans une ingénierie de crise. La crise c'est une
01:45 immense disponibilité et c'est la capacité à surprendre. Et de ce point de
01:50 vue là, ne nous refermons pas sur nous-mêmes, sur le sentiment d'avoir
01:54 raison. Le but, l'objectif c'est bien sûr les peuples de cette région et c'est la
01:59 sécurité dans cette région. - Il y a une mauvaise évaluation des rapports de force.
02:03 - Ne faisons pas la politique du pire, rien ne serait plus grave.
02:06 - Il y a une mauvaise évaluation des rapports de force de la part de la France.
02:07 - Je crois qu'il y a une très profonde méconnaissance aujourd'hui par un certain
02:12 nombre des autorités des nouvelles réalités africaines, des nouvelles
02:16 réalités des sociétés, des nouvelles réalités des sociétés. Ce sont des pays
02:20 où la jeunesse est très importante, cette jeunesse s'informe sur des réseaux sociaux.
02:24 Nous n'avons pas forcément les moyens d'accéder à elle. Nous fonctionnons très
02:29 à l'ancienne. Là où il faudrait faire preuve... - On a un regard, j'allais dire, encore du
02:36 côlon, le regard du côlon encore ? - Oui, ce sont des relations qui sont encore
02:40 marquées par l'empreinte néocoloniale. On rejette l'idée de la France Afrique,
02:44 mais pour les Africains, l'emblème même de la France Afrique, c'est la présence militaire.
02:49 - Il faut y renoncer. Les 1500 militaires au Niger doivent parler.
02:53 - Mais la présence militaire ne peut pas se faire sur ce mode-là, ce mode traditionnel,
02:58 c'est-à-dire le mode des interventions, le mode des bases, tout ceci est dépassé.
03:03 Donc il faut le faire dans le cadre de coopérations choisies, dans le respect de
03:08 la souveraineté de ces États. Et nous avons pu apparaître dans les dernières années comme ne
03:12 respectant pas toujours cette souveraineté. Et en plus, une intervention qui commence en 2013 et
03:17 qui est toujours présente en 2023, c'est absurde. S'il y a un pays qui sait, de par son histoire,
03:22 de par son engagement historique, que ce n'est pas ce qu'il faut faire, c'est la France, je vous
03:27 rappelle qu'on a expliqué au monde dans la crise irakienne que ce n'était pas la voie qu'il fallait
03:32 choisir. Donc vraiment, de ce point de vue-là, évitons toutes les tentations néoconservatrices
03:37 qui peuvent s'exprimer au sein de certaines parties des pouvoirs français.
03:42 La France a pêché par indécision, par naïveté aussi en Afrique, notamment face à Wagner et aux Russes.
03:46 Je l'ai dit surtout par méconnaissance. L'Afrique change. Il faut se rendre compte que l'Afrique en 2050,
03:52 c'est 2 milliards et demi d'habitants. Il faut se rendre compte que l'Afrique joue un rôle
03:57 aujourd'hui considérable dans le monde, sur le plan diplomatique, sur le plan de ses ressources.
04:03 Il faut se rendre compte, et on le voit au G20.
04:05 - Il n'y avait plus de la France, il y a un sentiment anti-français qui se développe.
04:08 - Il y a un sentiment de rejet, pourquoi ? Parce qu'elle est devant et qu'elle n'est pas devant de la bonne façon.
04:12 Elle est devant avec ses militaires. Et nous avons déséquilibré la présence française en multipliant
04:19 une présence militaire et sans avoir une présence économique et une présence diplomatique à la hauteur
04:25 de cette présence militaire. Donc il y a un déséquilibre. Aujourd'hui, on le voit au G20, qui vient de se terminer.
04:30 Les BRICS constituent aujourd'hui un acteur considérable dans le jeu international. Il faut donc prendre axe
04:36 de cette situation nouvelle, ne pas imaginer que parce qu'ils seraient divisés, ils vont compter moins.
04:42 Ils sont au moins unis sur la volonté de tenir à distance le monde occidental, que la France utilise
04:47 sa capacité entre le nord et le sud, entre l'est et l'ouest, pour marquer cette différence.

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