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00:00 - Priscille Angot, il va falloir parler maintenant, on est très heureux de vous accueillir.
00:03 Tous les jeudis, vous partagerez avec nous votre regard sur l'actualité de la culture.
00:08 On vous écoute.
00:09 - Pendant 20 ans, pour ne pas dire 2000 ans, les hommes ont pu parler des œuvres d'art
00:15 entre eux sans être dérangés.
00:16 Aujourd'hui, la parité est respectée.
00:19 Un homme, une femme, un homme, une femme, comme dans les mariages ou les dîners.
00:22 Cette comptabilité ne tient pas compte de certains petits détails qui apparaissent
00:28 au détour d'un spectacle, d'une couverture de livre ou de journal.
00:31 Il y a quelques semaines, en couverture du Figaro magazine, il y avait une photo de Bernard
00:36 Arnault, homme le plus riche au monde, devant une toile de rotko.
00:40 Dans les pages intérieures, il y en avait une autre devant un basquiat, une autre devant
00:44 un Dubuffet, des toiles de maître qui lui appartiennent.
00:48 L'interview avait été réalisée par l'académicien français Jean-Marie Rouart.
00:53 Il se posait une question à la fin.
00:55 Pourquoi faire des riches des boucs émissaires responsables de nos mots, qui bien souvent
01:00 ne sont pas imputables à un compte en banque plus ou moins rempli ?
01:03 Il ajoutait « Cette guerre de religion n'est pas prêt de cesser en France, où le mythe
01:10 de l'égalité, aussi tenace que l'était autrefois la croyance au paradis, continuera
01:16 à distiller ses poisons.
01:17 Poison, il n'y va pas de main morte.
01:20 Mais de quel poison parle-t-il ? L'égalité ?
01:24 La parité ?
01:26 Dans les couloirs de chez Gallimard, quand un académicien français en croise un autre,
01:31 il s'appelle Maître.
01:32 « Bonjour Maître, comment allez-vous ? Bien, et vous Maître ? »
01:37 Ils le font sans rire, vraiment, ils ne jouent pas.
01:39 Je n'ai pas bougé de Paris cet été.
01:43 Je suis juste allée voir ma mère, trois jours à Montpellier, et une amie, quatre
01:50 jours, qui avait loué une maison à côté de Rennes.
01:53 Il y avait quelques personnes, on a parlé spectacle, livres, expositions.
01:57 J'ai lu, mais je ne peux pas parler des livres ici, je fais partie du jury Goncourt,
02:01 il y a une obligation de réserve.
02:03 J'ai entendu parler du spectacle « Bonne nuit Cendrillon » de Carolina Bianchi, qui
02:08 est passée à Vignon et a eu beaucoup de succès.
02:10 Le principe est le suivant.
02:13 Au début, l'actrice ingère du GHB, la drogue dite du violeur.
02:19 S'allonge sur une table, s'endort, elle dort vraiment, trois quarts d'heure.
02:25 On lui retire son jean blanc et on introduit une caméra dans son vagin.
02:29 La presse a trouvé ça extraordinaire, ils étaient émerveillés.
02:34 On est sur France Inter, je me souviens m'être fait traiter de pute il y a vingt ans sur
02:40 cette antenne à la sortie de mon livre « L'inceste », le code a changé ? Ou s'agit-il d'autre
02:46 chose ?
02:47 Ce matin, j'ai reçu la couverture de l'édition roumaine de mon dernier livre.
02:52 Elle représente une poupée démembrée, les vêtements arrachés, sans culotte, tachés,
02:57 ébouriffés, dégueulasses.
02:59 J'ai tout de suite appelé et dit que si mon livre devait sortir sous cette couverture,
03:03 il était hors de question qu'il paraisse.
03:05 Ça ne les gêne pas de condamner le viol et les violences, et en même temps d'enjouir
03:10 et de s'en répéter « Hum, c'est dégueulasse ! » « Hum, c'est horrible ! »
03:14 Les éloges sur le spectacle d'Avignon, les arguments forts, insoutenables, etc.
03:20 me déplaisent.
03:21 Ça continue, normal.
03:23 L'histoire de la domination des hommes sur les femmes par le sexe à 2000 ans.
03:27 On fait attention à ce qu'on dit, mais la représentation, les images, continuent
03:31 de témoigner des dépôts de crasse qui restent dans la tête et qui sont difficiles à retirer.
03:35 Ils aiment ça.
03:37 Un viol sur scène, avec le consentement de la victime, quoi de mieux ? Que le public
03:42 jouisse de ce qu'il dénonce, d'une main il dénonce, de l'autre il se masturbe.
03:45 Les représentations trahissent le fait que la loi du plus fort continue de bien exciter

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