• l’année dernière
Harcelée pendant une bonne partie de sa scolarité, @saniahasna a développé de la dermatillomanie, un trouble anxieux encore méconnu. Elle nous raconte d'où cela vient et comment elle a réussi à vaincre ce trouble !
Transcription
00:00 démanger littéralement tout le corps, c'est-à-dire même le ventre, les bras, etc. Je devais mettre des
00:03 glaçons pour que j'arrête de me démanger, ça voulait pas s'arrêter, c'était vraiment plus fort que moi.
00:07 Hello, c'est Sania Asna et aujourd'hui je vais vous parler de ma dermatiomanie. La dermatiomanie,
00:11 c'est une sorte de toque, ça va être dû au stress, à l'anxiété, et en fait on va se triturer la peau.
00:15 Si on a des boutons d'acné, on va être obligé de les toucher, de les percer, si on a des croûtes,
00:18 de les enlever, et moi dans mon cas, c'était de me démanger la peau jusqu'au sang. Comment ça a
00:23 commencé ? J'avais à peu près 7-8 ans, j'étais en CE2 et en fait une professeure m'harcelait sans arrêt, c'était des remarques méchantes pour me
00:30 rabaisser, etc. Et déjà que je commençais un petit peu à me faire harceler par mes camarades, plus la
00:34 professeure, ça commençait à être énorme pour moi, beaucoup trop d'émotions. J'ai commencé à me démanger
00:39 la peau jusqu'au sang, c'est-à-dire que ma jambe, je me grattais comme ça, jusqu'à que ça pisse le sang
00:43 en fait, clairement. Et mes parents ont commencé à avoir peur, je suis partie voir un médecin, des dermatos, etc.
00:48 Ils ont tous dit "c'est de l'eczéma, c'est rien de grave". Ils me donnaient de la crème, sauf que
00:52 mettre de la crème sur des plaies ouvertes ou du sang, ça marche pas. Et en fait, c'est vrai que
00:56 personne n'avait la solution pour moi. Je m'arrachais littéralement la peau. Sur le coup, en fait, on va
01:00 démanger, ça va faire du bien, et c'est au moment où je vais arrêter que là, ça va me brûler. Ça faisait
01:04 super mal, surtout les mains, ça faisait extrêmement mal. J'étais à un stade où je pouvais pas ouvrir la main, sinon
01:08 la peau s'ouvrait en deux. Ça m'avait fait une infection à la jambe. Ma jambe avait commencé à
01:11 enfler, elle était toute rouge, et je voyais des rougeurs commencer à monter ici. Et c'est vrai que
01:16 ces genres d'infections, si tu les soignes pas, je crois qu'on peut se complet la jambe. C'est ce que le médecin m'avait dit.
01:20 Les gens de ma classe commençaient à dire "Sania, je pense qu'elle se carifie". En fait, il y en a, ça les faisait un peu rire.
01:24 Tout le temps, c'était des remarques "pourquoi t'as des cicatrices partout ? Ton bras, il est en train de saigner",
01:27 parce que du coup, c'était vraiment que des plaies ouvertes partout sur mon corps, vraiment c'était hard.
01:30 Et il y avait une fille de ma classe qui m'a dit "mais c'est quoi que t'as sur tes jambes ? Pourquoi tu mets des shorts ?
01:34 Là, on dirait un monstre, hein, clairement, tu devrais le cacher". Une fois, j'étais partie à la pharmacie juste pour avoir une crème pour les mains.
01:40 Je lui avais montré mes mains. La pharmacienne m'a fait "ah !". Je pensais vraiment que j'étais la seule au monde à faire ça,
01:45 et que j'étais juste folle. Et c'est vrai que du coup, je cachais sans arrêt mes cicatrices. Parfois, je mettais du fond de teint dessus.
01:50 Par exemple, si j'allais en date avec un garçon, j'allais me dire "mais il va voir mes mains". Donc c'est vrai que je faisais toujours un disclaimer
01:54 "en fait, mes mains, c'est dû à ça, ça, ça". Et c'est vrai que j'ai eu aussi des garçons qui m'ont fait culpabiliser sur ça.
02:00 "Ah, tu t'es encore gratté les mains, tu me déçois, tu me dégoûtes. Tu t'es encore gratté, non mais tu peux pas arrêter en fait".
02:04 Non, c'est une pulsion, c'est plus fort que nous, sinon, bah oui, je voudrais arrêter, quoi.
02:08 Comment j'ai découvert que c'est de la dermatiomanie ? C'est pas grâce à un médecin, parce qu'il n'y a aucun médecin qui a réussi à me le dire.
02:13 J'ai fait une recherche internet, j'ai mis "personne qui se gratte jusqu'au sang", etc. J'avais vu plusieurs troubles, mais c'était vraiment celui-là
02:19 qui se rapprochait le plus à ma condition. Et c'est vrai que même quand j'allais voir des médecins pour leur dire
02:23 "je souffre de dermatiomanie", eux-mêmes me disaient "c'est quoi ?"
02:26 Par exemple, un jour, j'avais vraiment besoin d'aller voir un psychologue, je n'en avais jamais vu de toute ma vie parce que j'étais en très grosse dépression.
02:32 Je suis partie voir un médecin, et en fait, je lui ai montré mes mains, donc vraiment j'étais en grosse crise, plein de cicatrices.
02:38 Et je lui ai dit "j'aurais besoin d'aller voir un psychologue". Le médecin m'a dit "non, non, non, je vais te prescrire du Prazepam".
02:44 Il m'a prescrit des antidépresseurs très très forts.
02:47 Il faut savoir que le Prazepam, quand j'ai eu la notice, c'était marqué que c'était pour les personnes qui souffrent par exemple d'alcoolisme.
02:52 Et il y avait bien marqué sur la notice "apprendre si jamais il n'y a aucune alternative thérapeutique".
02:56 C'est vrai qu'apparemment, il y a des médecins qui donnent des médicaments comme ça systématiquement, des antidépresseurs,
03:01 avant même que la personne ait pu aller voir un professionnel, un psychologue, un psychiatre, peu importe.
03:05 Non, non, directement, il m'a prescrit en fait en quelque sorte de la drogue.
03:08 Et c'est vrai que si j'avais pris ça, j'aurais peut-être pu mal finir.
03:10 Et donc c'est quand j'ai vu, j'ai enfin réussi à voir un psychologue.
03:13 C'est pas ce qui m'a le plus aidée, mais elle a pu mettre des mots sur mes troubles.
03:16 Alors, dermatio-manie, elle connaissait pas forcément.
03:18 Mais j'ai fait des tests et c'est là où elle m'a vraiment dit "oui".
03:22 Alors, tu es diagnostiquée hyper anxieuse, mais elle m'a aussi dit "voilà, que du coup tu fais des phases dépressives, etc."
03:27 Et du coup, bah là, dermatio-manie, c'est dû à ça.
03:29 Ce qui m'a aidée pour me soigner, c'est de la médecine douce.
03:31 C'est vrai que c'est de la médecine alternative.
03:33 Ce qui m'a aidée, c'est les micros kinés, c'est les magnétiseurs, etc.
03:36 Alors, on y croit, on n'y croit pas.
03:38 C'est ce qui m'a aidée à sortir de la dépression.
03:40 Et aujourd'hui, voilà, je ne me gratte plus du tout.
03:43 Je suis totalement soignée.
03:43 Ça fait même pas 3-4 mois que j'ai arrêté de me démanger.
03:47 J'avais besoin qu'on remette mes énergies en place.
03:50 Donc c'est ça qui m'a aidée.
03:50 Il me reste quelques cicatrices sur le corps, mais bon, je me dis que ça fait partie de mon histoire.
03:56 Aujourd'hui, je ne complexe plus du tout sur mon corps.
03:58 Il faut savoir que j'ai pris 20 kg entre-temps.
04:00 En fait, ce n'est plus du tout mon problème aujourd'hui.
04:02 J'ai juste envie d'être heureuse.
04:03 J'ai envie de kiffer ma vie à 100%.
04:05 J'ai gâché trop d'années de ma vie à avoir peur de ce que les gens allaient penser.
04:08 Mais au final, le plus important, c'est ce que je pense de moi-même.
04:11 Est-ce que moi, je m'aime ? Est-ce que moi, je m'accepte ?
04:13 Est-ce que moi, je me trouve belle ?
04:14 Pour moi, c'est le plus important.
04:16 Ne les cachez pas.
04:16 En vrai, vos cicatrices font partie aussi de votre histoire.
04:19 Moi, je trouve ça beau quand j'ai une cicatrice.
04:21 Oui, c'est comme si j'avais fait la guerre, en quelque sorte.
04:23 J'ai vaincu une bataille.
04:24 et ben voilà, j'ai ma petite cicatrice de guerre,
04:26 et c'est pas grave.

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