La situation des nappes phréatiques reste préoccupante en France avec plus des deux tiers sous les normales de saison, les pluies estivales n'ont pas permis de les recharger efficacement.
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00:00 72% des nappes phréatiques sous les normales de saison, un tiers des départements en crise.
00:05 Après un épisode déjà historique l'an dernier, la sécheresse reste d'actualité
00:10 sur une bonne partie du pays.
00:11 Et on a compris désormais qu'il faudrait s'y habituer.
00:14 Une ressource en eau qui baisse et des tensions qui s'accroissent entre tous ceux qui en
00:18 ont besoin.
00:19 Par exemple, cette nouvelle mobilisation en fin de semaine contre les bassines de Sainte-Solide,
00:23 on va bien sûr y revenir.
00:24 Ces conflits d'usage, peut-on les éviter en France ?
00:28 Pour en parler, ce matin sur Inter, trois invités.
00:30 Florence Abetz, hydroclimatologue, directrice de recherche au CNRS, Esther Kroeser-Delbourg,
00:36 économiste de l'environnement et Éric Frétillière, producteur de maïs en Dordogne,
00:40 président de l'association des irrigants de France.
00:43 Bonjour à tous les trois.
00:44 Et on attend bien sûr, chers auditeurs et auditrices, vos questions, vos réactions,
00:49 01 45 24 7000 et sur l'appli France Inter.
00:52 Florence Abetz, je vais commencer avec vous et pour poursuivre le constat rapidement,
00:57 je le disais, sécheresse historique l'an dernier qui persiste cette année, malgré
01:00 des pluies abondantes par endroits fin juillet.
01:03 Pourquoi ces précipitations ne changent rien ou presque à l'état des nappes ?
01:07 Parce que quand on n'est pas spécialiste, on a parfois du mal à comprendre.
01:09 Alors c'est assez simple à comprendre en fait, parce que les nappes, pour se recharger,
01:14 il faut que l'eau s'infiltre dans le sol.
01:16 Et le sol, c'est un petit peu comme une éponge, c'est-à-dire qu'elle va laisser
01:19 passer l'eau, que si ils sont déjà bien humidifiés.
01:22 Et donc en fait, il faudrait qu'il y ait des précipitations, non pas forcément beaucoup
01:27 d'un coup, mais en fait sur une période d'au moins une dizaine de jours pour que
01:31 cette infiltration arrive à générer une recharge.
01:34 Donc en fait, ça recharge un petit peu.
01:36 Mais ce qu'il faut bien aussi comprendre, c'est que les nappes, elles ne se font pas
01:39 que se recharger, bien sûr, elles s'écoulent et elles soutiennent notamment les débits
01:44 en période estivale.
01:45 Et donc, pour qu'on voie une hausse des nappes, il faut qu'elles se rechargent plus qu'elles
01:49 ne se déchargent.
01:50 Et voilà, ce n'est pas forcément le cas partout.
01:52 Alors, pas d'influence sur les nappes, vraiment.
01:54 Éric Frétillière, vous qui êtes agriculteur en Dordogne, en surface en revanche, est-ce
01:59 que les pluies du mois de juillet ont changé la donne ou pas pour vos cultures et celles
02:03 de vos collègues ailleurs en France ?
02:04 Alors, ce qui a surtout changé la donne, c'est les pluies du mois de juin.
02:07 Parce qu'en fait, comme vous l'avez signalé, je suis producteur de maïs et depuis 25 ans
02:12 que je suis installé, c'est la première fois qu'au 1er juillet, je n'avais pas encore
02:15 fait un tour d'irrigation et que mes maïs étaient en fleurs.
02:17 Donc en fait, les répercussions du mois de juin ont été très importantes sur les
02:21 cultures, puisque c'est un moment où elles ont besoin d'eau.
02:23 Et on voit bien la différence justement entre la question de la surface et des nappes.
02:27 On va y revenir.
02:28 Florence Abetz, si on prend un peu de recul, depuis 20 ans, on a environ 15% de ressources
02:32 en eau disponibles en moins en France.
02:34 Est-ce qu'on arrive à se projeter ? Est-ce qu'on arrive à savoir comment cette baisse
02:38 va se poursuivre dans les années à venir ?
02:40 Alors oui, vous avez raison, on va aller plutôt vers une baisse, ça c'est assez certain.
02:46 Par contre, effectivement, on a pas mal d'incertitudes, c'est-à-dire qu'anticiper de façon assez
02:51 précise l'évolution, notamment des précipitations, c'est loin d'être évident.
02:55 Donc en tout cas, sur le court terme, on peut avoir des tendances sur le long terme, je
02:59 dirais, assez floues, mais disons, une idée d'une baisse ou pas.
03:04 Sur le court terme, je dirais pour les 10 prochaines années, c'est beaucoup plus difficile.
03:08 Par contre, ce qu'on sait de façon malheureusement assez certaine, c'est qu'on va avoir de toute
03:13 façon une demande à évaporer cette eau qui va précipiter, qui sera de toute façon
03:18 plus forte, ce qui fait que finalement, même s'il devait pleuvoir un peu plus sur certaines
03:23 régions de France, c'est pas impossible qu'on retrouve quand même moins d'eau dans les
03:27 rivières et dans les nappes, parce qu'il y aura une plus grande partie qui partira
03:30 en évaporation.
03:31 Esther Crozère d'Elbourg, je rappelle que vous, vous êtes économiste de l'environnement,
03:35 spécialisée de cette question de la ressource en nom.
03:38 On va finir ce premier tour de table sur le constat, parce que c'est peut-être important
03:41 avec vous d'avoir en tête, face à cette raréfaction, qui prélève, qui consomme
03:45 le plus en France ? Comment se répartit globalement l'usage de l'eau aujourd'hui chez nous ?
03:49 En France, et comme dans le monde en général, 20% de la consommation de l'eau, elle va pour
03:54 les foyers, donc pour tout ce qui est l'eau qu'on appelle le bien commun, cette eau dont
03:58 vous avez besoin tous les jours pour vous laver, pour cuisiner, pour vous doucher, etc.
04:02 Et à peu près 80%, entre 70 et 80% de l'eau restante, c'est ce qu'on appelle de l'eau
04:07 économique, donc un bien économique qui rentre en compte pour la production des biens industriels
04:10 et agricoles.
04:11 Ça, c'est une moyenne à peu près mondiale et française.
04:14 Ensuite, ce qui est important, c'est de distinguer ce qu'on appelle le prélèvement versus la
04:18 consommation.
04:19 Quand vous prélevez, vous rendez à la nature.
04:21 Alors, on va le voir après, de façon peut-être parfois abîmée, salivée, polluée, donc
04:25 il faut traiter.
04:26 Et quand vous consommez, vous consommez, donc ce n'est pas rendu.
04:28 En termes de prélèvement, on sait qu'à peu près 65% de l'eau en France, c'est pour
04:33 l'eau potable.
04:34 Alors, pas nécessairement pour les foyers, comme je l'ai dit tout à l'heure, mais pour
04:36 l'ensemble de nos besoins en eau potable dans les villes, dans les industries, etc.
04:40 17% c'est pour le nucléaire, 10% c'est pour l'industrie et à peu près 10% pour l'agriculture.
04:45 Tout ça change lorsqu'on commence à regarder la consommation parce que le premier consommateur
04:50 d'eau en France, c'est de l'agriculture avec à peu près 58%.
04:53 Ensuite, c'est le nucléaire, à peu près avec 30%.
04:56 Et puis le reste, c'est disséminé entre l'eau potable et l'industrie.
04:59 Donc, pour avoir de l'impact, il faut évidemment regarder du côté des grands consommateurs.
05:03 L'agriculture en fait partie.
05:05 Attention, ça ne veut pas dire qu'il faut moins consommer d'eau ou arrêter de consommer
05:08 de l'eau, simplement il faut peut-être la consommer mieux de façon à la préserver,
05:12 la restaurer, pour que l'agriculture et l'industrie restent florissantes en France.
05:15 On va parler de ces solutions, simplement, une petite précision, quand vous parlez des
05:18 centrales, c'est évidemment l'eau pour refroidir le parc nucléaire français.
05:22 Alors, sans parler encore de guerre de l'eau, le terme serait un peu fort.
05:25 Face à cette eau à partager, est-ce qu'on est déjà, Esther Crozet-Delbourg, en France,
05:30 en situation de conflit d'usage ?
05:32 Alors, effectivement, on connaît déjà des conflits d'usage.
05:35 Vous avez parlé de Seine-Solide, ce n'est pas le seul conflit d'usage qui existe.
05:38 En fait, quand on parle de guerre de l'eau, souvent, on a tendance à imaginer ces grands
05:42 conflits géopolitiques qui peuvent arriver dans certains pays lorsqu'un fleuve croise
05:45 des frontières.
05:46 C'est le cas, par exemple, du Nil, entre le Nil et l'Éthiopie.
05:49 On sort de 50 ans de conflits géopolitiques, non pas de conflits violents, mais de conflits
05:53 géopolitiques sur le partage de la ressource.
05:55 Et en fait, on se rend compte que ce sont les conflits locaux qui sont en général les
05:58 plus graves ou les plus violents, parce que là, on arrive vraiment à l'arbitrage de
06:01 la ressource, c'est-à-dire j'utilise la ressource et donc je prive quelqu'un d'autre de la
06:05 voir.
06:06 Et évidemment, comme je suis à un niveau très local, les violences peuvent s'aggraver.
06:09 On a déjà des problèmes d'eau en France parce qu'il y a des communes qui n'ont plus
06:13 d'eau potable.
06:14 Et donc, évidemment, les tensions s'aggravent lorsqu'on voit son voisin potentiellement remplir
06:17 sa piscine ou laver sa voiture ou lorsqu'on voit un hôtel avec une piscine abondante,
06:20 etc.
06:21 Donc oui, on est déjà en situation de pénurie.
06:23 Il va falloir commencer à arbitrer.
06:24 Le plan eau, on va en parler après, commence à le faire.
06:27 Mais nous sommes déjà effectivement en situation de crise.
06:29 Vous le disiez, l'agriculture est à peu près la moitié, une grosse moitié de l'eau
06:34 consommée en France.
06:35 Éric Frethière, grosse moitié de l'eau consommée, seulement 7% de surface agricole irriguée.
06:41 Est-ce que vous et vos collègues, vous sentez aujourd'hui ces tensions s'accroître entre
06:46 les agriculteurs et les autres usagers de l'eau ?
06:49 Alors, je voulais revenir sur la présentation.
06:52 Une petite minute entre les prélèvements et la consommation.
06:55 Ça a été très bien expliqué par Esther.
06:58 L'agriculture représente 7% exactement des prélèvements de l'ensemble global.
07:03 Et lorsqu'on parle de consommation, ce qui est extraordinaire, le ministère de l'Environnement
07:07 a fait ressortir ça.
07:08 L'agriculture, elle, elle ne rend pas l'eau.
07:10 Alors ça, j'ai du mal à comprendre.
07:12 Et c'est comme ça que l'agriculture se retrouve à plus de 58% de consommation nette.
07:18 L'eau ne revient pas dans l'environnement.
07:20 Oui, mais l'eau, de toute façon, elle revient dans l'environnement avec un délai peut-être
07:24 plus important, mais elle revient dans l'environnement.
07:25 Et la deuxième chose dans la classification entre l'eau potable et l'eau économique,
07:31 moi, je voulais rappeler un enjeu.
07:32 On classe l'agriculture au même titre que l'industrie.
07:35 Je voulais rappeler que l'eau en agriculture, elle sert à produire parce que s'il n'y
07:39 a pas d'eau, il n'y a pas de production alimentaire.
07:42 Et l'alimentation, je vais rappeler quand même les trois grands enjeux de l'être
07:46 humain.
07:47 Le premier, il doit respirer, il doit avoir un air de qualité.
07:49 Le deuxième, il doit boire et avoir de l'eau potable.
07:52 Et c'est la priorité.
07:53 Mais le troisième, c'est s'alimenter.
07:54 Et s'alimenter sans eau, ça n'existe pas.
07:56 Et on comprend bien vos impératifs.
07:58 Je reviens à ma question.
07:59 Est-ce que vous vous sentez sur le terrain aujourd'hui, ces tensions s'accroître
08:01 autour de votre usage de l'eau ?
08:03 Bien sûr, des tensions, il y en a tous les ans.
08:05 Il y a des comités de gestion qui se tiennent au niveau des départements et qui permettent
08:09 justement d'essayer de trouver des solutions par rapport à ça.
08:13 Cette année, ce n'est pas forcément une des années les plus tendues, mais l'année
08:18 dernière, effectivement, il y a eu, entre les canicules et sécheresses, des tensions
08:22 qui existent au niveau de la ressource.
08:24 Alors, tensions notamment autour d'un sujet très sensible que l'on va évoquer, notamment
08:30 avec Paul qui nous attend au Standard.
08:32 Bonjour Paul.
08:33 Oui, bonjour.
08:34 Vous nous appelez de l'ISER.
08:35 Exact, oui, de l'agglomération de Grenoble.
08:38 Ce que je souhaitais demander aux interlocuteurs, ne pensez-vous pas que dans les mois et les
08:45 années à venir, la tension ne va faire que s'augmenter, particulièrement en ce qui
08:50 concerne le contrôle d'une part des méga-bassines, d'autre part également l'utilisation
08:57 à haute tranche pour l'arrosage des terrains de golf, ainsi que pour certaines piscines,
09:03 particulièrement sur la Côte d'Azur, où il est très difficile aux municipalités
09:07 d'intervenir.
09:08 Il s'agit la plupart du temps, en très grande majorité, de résidents étrangers
09:13 d'origine russe ou autre, peu importe.
09:16 Et disons, je crois que là, il y a du pêche dans la tranche.
09:21 Il y a plusieurs sujets dans votre question Paul, et vous avez prononcé le mot "méga-bassine"
09:26 après ce qui s'est passé ce printemps à Saint-Sauline.
09:29 Les opposants, on entendait dans le journal, prévoient un nouveau convoi en fin de semaine.
09:33 Le principe, je le rappelle, c'est de prélever, de stocker l'eau quand elle est plus abondante,
09:37 notamment en hiver pour pouvoir irriguer l'été.
09:39 Florence Abetz, ces retenues d'eau agricoles, c'est une vraie ou une fausse solution pour
09:43 vous ?
09:44 C'est une très bonne question, mais je voudrais peut-être avant revenir un petit peu sur
09:49 ce qui a été dit, je parlerai de méga-émacide après, parce qu'en fait, là on a parlé
09:53 d'eau comme une ressource, mais l'eau c'est quand même tout à fait un élément différent
09:57 d'une ressource minière.
09:59 Comme l'a dit Eric, l'eau c'est indispensable à la vie, à tous les éléments vivants
10:04 bien sûr.
10:05 Et donc en fait, l'eau c'est un patrimoine commun, en plus qu'un bien commun, c'est
10:10 un patrimoine commun et commun pas qu'aux humains, commun aussi à toute la biodiversité.
10:16 Il faut bien se rendre compte qu'aujourd'hui, on a un réel problème parce que la biodiversité,
10:21 vous savez qu'elle s'effondre, mais vous ne savez peut-être pas qu'elle s'effondre
10:23 deux fois plus vite dans les milieux aquatiques d'eau douce qu'ailleurs.
10:26 Donc on a un vrai problème ici.
10:28 Il ne s'agit pas uniquement que de se partager l'eau entre humains, il faut vraiment la
10:32 partager avec tout le vivant.
10:34 Et le problème des méga-bassines, ces fameuses retenues de substitution qui permettent donc
10:40 de stocker de l'eau en hiver pour l'utiliser en été, et bien justement un des problèmes
10:44 marqués de ces bassines, c'est que finalement, elles maintiennent des niveaux de la nappe
10:49 qui sont relativement bas en hiver et ce faisant, elles contribuent et malheureusement, c'est
10:54 le cas actuellement, à des assèchements ou en tout cas à des niveaux très bas des
10:58 rivières en hiver et ce faisant, elles ont un impact très fort sur la biodiversité.
11:02 Donc voilà, il ne faut absolument pas oublier cette connexion de tous les vivants avec l'eau.
11:08 - Les autres êtres vivants sur Terre, Éric Frétillière, les retenues d'eau ou méga-bassines,
11:14 c'est une solution que vous défendez, vous avez même, je crois, un projet chez vous
11:16 en Dordogne.
11:17 - Oui tout à fait, en fait, je voulais revenir sur les propos qui ont été dits au niveau
11:24 de la pluviométrie.
11:25 Aujourd'hui, l'augmentation des températures est avérée, par contre le volume de pluviométrie
11:30 reste le même et on sait, notamment en France, a priori, avec toutes les réserves qu'on
11:35 peut mettre, et Camille Florence tout à l'heure pour le présenter dans les dix années à
11:39 venir, on sait qu'il y aura un peu plus d'eau dans le nord de la France et on ne manquera
11:44 pas d'eau.
11:45 Par contre, c'est la répartition dans le temps et dans l'espace de cette eau qui va
11:48 être complètement différente avec des excès en période hivernale et des sécheresses
11:51 en été.
11:52 Et si on veut arrêter d'importer de plus en plus notre alimentation, préserver notre
11:58 souveraineté alimentaire, notre sécurité alimentaire, eh bien il va falloir produire
12:03 en France et pour produire il faudra de l'eau.
12:05 Et donc avec des excès dans les périodes hivernales et des sécheresses en été, une
12:09 des solutions c'est le stockage de l'eau qui est indispensable.
12:11 Mais vous ne voyez pas une forme de privatisation de la ressource parce qu'on vient là directement
12:15 pomper dans la nappe ?
12:16 Mais pas du tout, parce que justement dans le cas de Saint-Sauline, et je trouve dommage
12:20 que le monde scientifique ne le précise pas, les agriculteurs pompent dans la nappe libre
12:25 qui est une nappe qui est comme un cours d'eau et qui arrive avec des excès.
12:29 On la remplit uniquement quand elle est en période d'excès.
12:31 Et en plus les agriculteurs, le projet de Saint-Sauline c'est une concertation qui
12:37 a été sans précédent.
12:38 Elle a été autorisée, légitimée, validée, ils se sont engagés dans la sobriété, dans
12:44 la transition agro-écologique.
12:45 C'est un projet qui est majeur.
12:47 Et si les agriculteurs le savent très bien, ils ne font pas ces projets de stockage de
12:52 l'eau, les deux sèvres nurettes ce sera un désert dans quelques années.
12:56 Vous ne travaillez pas aujourd'hui sur des solutions alternatives, le changement de culture,
13:00 vous cultivez du maïs, est-ce qu'il faut changer de culture, aller sur du sorgho, des
13:05 cultures qui réclament moins d'eau ?
13:06 Vous savez, pour répondre aux grands enjeux que sont le changement climatique et notre
13:10 sécurité alimentaire, il n'y a pas une seule solution.
13:13 Mais par contre il ne faut en exclure aucune.
13:15 Et le stockage de l'eau fait partie de ces solutions et il ne faut surtout pas l'exclure.
13:19 Mais bien sûr qu'on regarde tout, on regarde la réutilisation des eaux usées traitées,
13:23 on regarde le transfert d'eau parce qu'on a la chance en France d'avoir des grands
13:27 axes d'eau, je pense aux Rhônes, je pense à la Seine, où on a un potentiel pour préserver.
13:32 Il faut utiliser toutes ces solutions et tout est regardé.
13:35 Par contre le stockage, il faut le regarder aussi et sous toutes ses formes.
13:38 Esther Crozet d'Elbourg, le gouvernement vous le disiez a présenté ce matin un plan
13:42 sobriété eau avec un objectif de réduire de 10% nos prélèvements d'ici à 2030.
13:49 Mais l'agriculture justement est préservée.
13:51 On lui demande simplement de stabiliser ses usages, pas de les baisser.
13:55 Est-ce que c'est compréhensible alors qu'on demande des efforts à tout le monde ?
13:57 Alors effectivement c'est vrai que le plan eau met beaucoup l'accent sur l'utilisation
14:01 de l'eau par les foyers qui encore une fois ne représentent que 20% de notre consommation
14:05 sur le territoire.
14:06 Donc ce n'est pas exactement là-bas qu'on peut aller chercher le plus d'impact.
14:09 Pour les foyers, qu'on soit rassuré, la plupart des grands acteurs économiques ont
14:13 les solutions pour qu'on puisse réduire de 10 à 30% par jour notre consommation.
14:16 Donc normalement on devrait y arriver.
14:17 C'est vrai que l'agriculture et l'industrie sont les grands absents.
14:20 Pour la première raison, c'est qu'on a déjà beaucoup de mal à mesurer la quantité
14:23 d'eau qu'on utilise par jour pour nos activités économiques.
14:26 Et tant qu'on ne mesurera pas, tant qu'on n'aura pas une empreinte eau, un peu équivalente
14:30 à l'empreinte CO2 qu'on connaît depuis 10 ans maintenant, on ne pourra pas réellement
14:34 surveiller, sanctionner s'il faut, réguler, etc.
14:38 C'est la première chose.
14:39 Ensuite, ce plan eau, c'est vrai qu'il accentue les choses sur ce qu'on appelle l'augmentation
14:43 de l'offre de l'eau, donc à travers par exemple le recyclage des eaux usées, la
14:47 récupération des eaux de pluie, la réutilisation de façon générale de l'eau et l'optimisation
14:51 de l'eau, mais il n'accentue pas assez le plan sur la réduction de la demande, c'est-à-dire
14:56 comment est-ce qu'on peut être plus sobre de façon générale, comment est-ce qu'on
14:58 peut optimiser, changer notre temporenel, etc.
15:00 Ça se comprend parce que c'est très lent et en France on n'est pas les derniers, c'est-à-dire
15:04 que les pays européens et de façon générale la gouvernance mondiale de l'eau a beaucoup
15:08 de mal à se mettre en place.
15:09 Et ensuite, il faut savoir qu'il y a un gros problème sur le financement de l'eau aujourd'hui.
15:13 Les particuliers représentent 16% des prélèvements, mais ils contribuent à hauteur de 75% du
15:19 financement des infrastructures, versus l'industrie qui prélève 60% mais qui ne contribue à
15:23 hauteur que de 20%.
15:24 Alors justement, là-dessus il y a une piste dans le plan eau, c'est la tarification progressive,
15:28 pénalisée en gros les plus gros consommateurs.
15:29 Est-ce que ça c'est un début d'idée, une piste intéressante ?
15:32 Alors, elle concerne surtout les foyers, encore une fois, donc c'est pas sur les foyers qu'on
15:35 va trouver le plus de marge.
15:36 La tarification progressive a fait ses preuves à Montpellier et à Dunkerque notamment,
15:41 on a vu une baisse de 10% de la consommation en eau à la fin de l'année.
15:44 Attention, ce n'est pas réellement dû à la sanction économique, parce qu'on a vu
15:48 qu'on économisait à peu près 20 euros par an sur une tarification progressive si on
15:53 baissait sa consommation.
15:54 En fait, c'est plutôt la formation, la sensibilisation au problème de l'eau qui fait que les gens
16:00 ont commencé à baisser.
16:01 Ça c'est plutôt très positif d'un point de vue économique, parce que ça veut dire
16:04 que peut-être qu'on n'a pas besoin encore de mettre en place des mesures extrêmement
16:07 coûteuses.
16:08 Et si on continue à informer, comme vous le faites ce matin, si on continue à bien
16:11 expliquer pourquoi est-ce que la pluie ne suffit pas à recharger le NAP etc., on arrivera
16:16 peut-être finalement à changer les comportements.
16:18 C'est vraiment une culture de l'eau qu'il faut inculquer en France.
16:21 Alors dans cette culture de l'eau, justement, Florence Abetz, qui doit faire selon vous
16:24 le plus d'efforts ? Qui aurait le plus d'impact s'il réduisait sa consommation ?
16:28 Alors en fait, ce qui est certain, c'est qu'on doit tous contribuer collectivement
16:34 et de toute façon, comme l'a dit Eric, la production agricole, c'est bien aussi pour
16:39 notre alimentation, on est complètement concernés.
16:41 Mais ce qu'il faut bien se rendre compte, c'est que l'homme à l'échelle de la planète,
16:44 il dérive déjà la moitié des débits, l'ensemble des débits des rivières de la planète.
16:50 C'est un petit peu comme nous, en France, on considérait que la Garonne et la Seine,
16:55 ça partait directement pour des usages humains.
16:58 Vous comprenez que c'est complètement énorme en fait.
17:00 Donc on ne peut pas continuer sur cette trajectoire à intensifier encore l'impact anthropique,
17:07 on va dire, sur la ressource en eau.
17:09 Donc ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'effectivement, il faut réduire les impacts et ça passe
17:15 certainement par un changement systémique et non pas uniquement ponctuel.
17:21 En fait, dire qu'on va continuer à progresser dans l'irrigation, ça veut dire simplement
17:25 qu'on ne change pas de trajectoire et ça, ça ne va pas beaucoup nous aider.
17:29 Et par contre, c'est vrai, je rejoins Éric Frettier sur ce diagnostic, avec les situations
17:36 difficiles qui sont anticipées avec le changement climatique, il n'est pas impossible qu'on
17:41 ait besoin d'irrigation dans plus de territoires qu'aujourd'hui.
17:44 Aujourd'hui, les surfaces agricoles irriguées, c'est à peine 8%, en fait, c'est très
17:48 peu des surfaces agricoles totales.
17:50 Demain, il est clair que certainement, déjà aujourd'hui, tous les maraîchers et sans
17:58 doute beaucoup d'arbres fruitiers sont irrigués, mais demain, ce sera certainement 100% du
18:03 cas.
18:04 Donc, ça veut dire que pour pallier à ces besoins-là, certainement que d'autres, il
18:08 faudra les réduire.
18:09 Et donc, dans cette idée-là, vraiment changer de façon très importante notre usage de
18:15 l'eau, notamment agricole, puisque c'est celui qui consomme le plus, mais avec des
18:18 changements majeurs et pas seulement des changements, je dirais, anecdotiques ou simplement d'équipement
18:24 en irrigation.
18:25 - Sur la technologie, vous disiez, Eric Frettière, je voudrais vous faire réagir là-dessus.
18:29 On a parlé de stockage, on a parlé de retenue, on a parlé de solutions technologiques.
18:33 En effet, est-ce que vous êtes prêt, aujourd'hui, vous, à faire un effort de réduction de
18:37 vos usages, de votre consommation ?
18:39 - Je pense que ce qui est très important, c'est de rappeler le travail et la réduction,
18:43 l'amélioration de l'efficience de l'eau qui a été faite dans les 20 dernières années.
18:46 On est parti de l'irrigation gravitaire dans les montagnes, on est passé à l'aspersion,
18:51 on a déjà diminué énormément les volumes, de l'aspersion, on est passé au goutte à
18:57 goutte, du goutte à goutte à la micro-irrigation.
19:00 Aujourd'hui, on optimise au maximum.
19:03 Je pense qu'il y a encore des marges de progression, mais effectivement, on a déjà un travail
19:10 énorme qui est en route et qui est en place.
19:12 Vous évoquiez tout à l'heure le changement de culture.
19:14 Je voulais revenir un petit instant là-dessus, parce qu'un agriculteur, ce qui est mon cas,
19:20 il a une production, ce n'est pas le fruit du hasard.
19:22 Cette production, elle est là parce qu'il y a un équilibre social, il y a un équilibre
19:27 environnemental, il y a un équilibre économique qui fait que la production existe.
19:31 Et si je devais faire une métaphore, une exploitation agricole, ce n'est pas un petit
19:35 voilier où on peut faire des virements de bord, il y a de l'eau, on vire à droite,
19:38 il y en a moins, on vire à gauche.
19:39 C'est un énorme paquebot.
19:41 Et le changement de production et d'agriculture, il est lié à des besoins économiques qui
19:47 ont des enjeux avec des répercussions énormes localement, mais aussi à l'échelle d'un
19:53 territoire.
19:54 Et on ne passe pas du maïs au sorgot en six mois.
19:56 Exactement.
19:57 Si je vous comprends bien.
19:58 Justement, sur ces solutions alternatives, on a une question au Standard.
20:01 Bonjour Régine.
20:02 Bonjour.
20:03 Vous vous appelez de Chambéry, je vous laisse poser votre question.
20:05 Oui, en fait, j'entends un peu des réponses.
20:09 Moi, ma question, c'était, je pense quand même qu'effectivement, l'eau, ça se
20:16 récolte, ça se cultive.
20:19 Je me pose la question de savoir, est-ce qu'on essaie d'augmenter l'infiltration
20:26 et le stockage de l'eau dans le sol ? Je dis bien dans le sol, dans la nappe phréatique,
20:31 avec des systèmes de fossés selon les courbes de niveau, en augmentant la matière organique
20:35 des sols, qui au passage permet aussi de stocker le carbone, et puis en remettant des haies
20:41 aussi.
20:42 Et bien, votre critère va vous répondre.
20:45 Est-ce qu'on développe ces solutions pour une meilleure infiltration ?
20:48 Bien sûr, bien sûr.
20:49 Le travail du sol a un rôle absolument majeur.
20:52 Et ça aussi, c'est une des évolutions de l'agriculture.
20:54 Vous pouvez le voir en vous promenant dans la nature aujourd'hui en hiver.
20:57 Des couverts hivernaux, vous en avez partout.
20:59 Et puis, par rapport à votre remarque, je voulais vous rappeler qu'une agriculture
21:03 irriguée, une exploitation où il y a de l'irrigation, c'est là où il y a de la
21:06 vie.
21:07 Ça améliore effectivement à la fois la production, la qualité, mais ça améliore
21:12 aussi le stockage du carbone.
21:14 Et c'est un des enjeux importants parce que l'irrigation développe la biomasse.
21:18 Et en développant la biomasse, elle va améliorer le stockage du carbone, qui va être un des
21:23 enjeux majeurs des années à venir.
21:25 Vous êtes d'accord avec ça, Florence Abbett ?
21:26 Pas tout à fait, puisque pour augmenter la matière organique, il faut quand même que
21:32 cette biomasse reste en partie dans les champs.
21:36 Donc, il ne faut pas tout exporter la production.
21:38 Et puis, par ailleurs, il est clair que l'agriculture irriguée est très souvent aussi une agriculture
21:44 assez intensive, avec pas mal d'intrants chimiques.
21:46 Et là, ça pose des problèmes de qualité à la ressource en eau, avec des polluants
21:49 diffus.
21:50 Et vous savez que l'état des nappes est assez mauvais, en fait, avec des risques dans
21:57 beaucoup d'endroits d'atteindre un niveau qui ne permet pas d'utiliser cette eau pour
22:02 l'eau potable.
22:03 Donc voilà, on a aussi ces problèmes de qualité qui sont aussi associés en partie
22:06 à l'agriculture et qu'il faut également traiter dans l'avenir, donc réduire à la
22:12 fois la consommation d'eau et la pollution de l'eau.
22:14 Je voudrais qu'on termine rapidement sur la question du gâchis de l'eau et de la réutilisation
22:19 des eaux usées, parce qu'on est très en retard là-dessus en France.
22:22 Esther Crozer d'Elbourg, est-ce que c'est un problème, d'ailleurs, qu'on soit très
22:26 en retard ? Est-ce que c'est la solution idéale, cette réutilisation des eaux usées ? On
22:28 est à 1% seulement, je crois, de réutilisation.
22:31 C'est une des solutions qui existent.
22:33 Attention, il n'existe pas de solution miracle et il ne faut pas voir la réutilisation des
22:36 eaux usées, tout comme la désanalysation, par exemple, comme des nouvelles ressources
22:40 en eau qui viendraient régler tous nos problèmes.
22:42 Il faut réutiliser plus d'eau usée.
22:44 Évidemment, on n'est qu'à 1% en France versus les 8 et 14% qu'on évoque souvent
22:48 pour l'Italie et l'Espagne.
22:49 Attention, cette eau, elle a quand même besoin d'être réinjectée dans le milieu
22:52 naturel.
22:53 Donc on peut bien sûr augmenter notre potentiel d'exploitation jusqu'à peut-être 20 à
22:57 25%, mais il ne faut pas tout prendre.
22:59 Non, par exemple, des fleuves comme la Seine ne pourraient pas exister aujourd'hui.
23:01 En tout cas, ce que ça prouve aujourd'hui sur les solutions et sur tout le débat qu'on
23:05 vient d'entendre, c'est qu'aujourd'hui, l'eau manque d'un statut.
23:07 Oui, c'est un bien commun, notamment lorsqu'on en a besoin pour vivre, mais pour tout ce
23:11 qui concerne l'agriculture et l'industrie, il faut qu'on trouve un statut à cette
23:15 eau.
23:16 C'est bien un bien économique.
23:17 Si on n'y a pas de statut, on va osciller entre ce flou qui nous empêche de la gouverner,
23:21 de la mesurer.
23:22 C'est la seule façon pour que les politiques gouvernementales, économiques, etc., puissent
23:26 se mettre d'accord.
23:27 Encore une fois, il faut lui trouver un statut, économique ou non, peut-être avec un prix
23:31 pour la valoriser ou une taxe.
23:33 Mais c'est très important d'y arriver assez rapidement et le plan haut doit aller
23:36 plus loin dans ce sens.
23:37 Et c'est là-dessus qu'on terminera.
23:38 Merci à tous les trois, Eric Frétillière, Florence Abetz et Esther Crozère d'Elbourg.
23:43 Esther Crozère d'Elbourg, vous étiez en duplex des studios de France Bleu Lorraine
23:46 Nord, que l'on remercie vivement ce matin.
23:48 Bonne journée à tous les trois.
23:49 ZDP, savourez !