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00:00 Et pour parler de ce jour du dépassement, nous sommes avec notre invité François Gemmene.
00:04 Bonjour, merci d'avoir accepté notre invitation sur France 24.
00:08 Vous êtes chercheur au FNRS en Belgique, auteur principal pour le GIEC.
00:13 À chaque décennie qui passe, ce jour arrive un peu plus tôt.
00:17 Et pourtant, on a gagné quelques jours par rapport à l'année dernière.
00:21 Cinq jours, c'était le 28 juillet.
00:23 En réalité, nous avons surtout gagné un jour.
00:25 Les quatre autres jours proviennent d'un changement de méthodologie.
00:29 Mais c'est certain que si on veut voir le verre à moitié plein,
00:31 la bonne nouvelle, c'est que nous avons plus ou moins réussi à stabiliser ce jour depuis quelques années.
00:37 La mauvaise nouvelle, évidemment, c'est qu'idéalement, ce jour devrait se situer autour du 31 décembre.
00:42 Ce qui n'est absolument pas le cas.
00:44 Alors, qu'est-ce que l'on peut préconiser pour retarder justement ce processus qui a l'air aujourd'hui inéluctable ?
00:49 Vous qui jouez un rôle prépondérant au sein du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.
00:55 Alors, je dirais qu'il y a sans doute trois domaines qui sont essentiels.
00:59 Il y a d'abord la question du climat.
01:01 Et là, la priorité, c'est évidemment de sortir des énergies fossiles le plus rapidement possible.
01:06 Je rappelle que les énergies fossiles, c'est-à-dire le gaz, le pétrole et le charbon,
01:10 représentent encore aujourd'hui à peu près 85% du mix énergétique mondial,
01:14 c'est-à-dire de la totalité de l'énergie que nous produisons chaque jour.
01:18 Ensuite, il y a le deuxième sujet, les océans, avec un problème de surpêche.
01:22 Troisième sujet, le sujet de la biodiversité.
01:25 Et là, c'est surtout un problème de déforestation et d'artificialisation des sols.
01:30 François Gemmene, on parle beaucoup de la technologie.
01:33 Est-ce que la technologie, dans ce processus, peut nous sauver, mais peut au moins nous aider ?
01:38 Est-ce qu'on peut s'appuyer dessus ?
01:41 Il est certain que la technologie va nous aider.
01:43 Nous allons bien entendu avoir besoin de recherches et d'innovations.
01:47 Mais je pense qu'on commettrait une erreur si l'on pensait que nous avons besoin de nouvelles technologies pour y arriver.
01:55 Le dernier rapport du GIEC, en ce sens, est très clair et d'une certaine manière optimiste,
01:59 puisqu'il nous dit que nous avons à l'heure actuelle toutes les connaissances,
02:04 les ressources financières et les technologies qui nous permettraient de respecter les objectifs de l'accord de Paris.
02:10 Encore faut-il que les technologies soient accessibles à tous.
02:13 Et aujourd'hui, il y a un vrai problème sur l'accessibilité des technologies.
02:17 Nous avons tendance à développer de nouvelles technologies pour nous-mêmes, pour les pays riches,
02:21 en oubliant l'urgence de les mettre à disposition des plus pauvres.
02:24 Un mot des ambitions politiques, est-ce qu'elles sont aujourd'hui à la hauteur des enjeux ?
02:30 Non, très clairement, les ambitions politiques ne sont pas à la hauteur des enjeux.
02:34 Il y a des gouvernements qui agissent, mais qui n'en font pas assez.
02:37 Il y a des gouvernements qui font semblant d'agir, mais qui en réalité ne font rien du tout.
02:41 Et il y a des gouvernements qui rament à contre-courant et s'enventent.
02:43 C'est le cas du Royaume-Uni en ce moment, qui vient d'accorder de nouvelles licences d'exploitation pétrolière et gazière en mer du Nord.
02:50 Le problème, c'est aussi un problème de mandat.
02:53 La plupart des gouvernements dans les démocraties libérales ne reçoivent pas de mandat très clair de leurs électeurs.
03:00 Il est certain que dès qu'une mesure de protection du climat ou de la biodiversité est envisagée,
03:05 ce sont généralement des hauts cris et des protestations.
03:07 Nous avons peur que ces mesures ne viennent contrecarer nos propres intérêts.
03:12 Et donc, il faut toujours se souvenir qu'au lieu de blâmer sans cesse les gouvernements,
03:17 il faut se souvenir aussi que ces gouvernements sont élus et ne reçoivent pas de mandat clair pour agir en faveur de l'environnement.
03:23 Merci François Gemmene pour votre analyse en direction France 24.