• il y a 2 ans
C'est quoi, le "white saviorism" ? C'est quoi, le "volontourisme"?

Fausses bonnes actions, soupçons de détournements de fonds : Ana Milanovic explique ce complexe du "sauveur blanc" dans les pays en voie de développement et les dérives de l'aide humanitaire.

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Transcription
00:00 Il y a trois ans, je suis partie faire un voyage manitaire au Togo,
00:02 avec plein d'idées innocentes, de vouloir faire quelque chose de bien,
00:04 de vouloir donner un sens à ma vie.
00:06 Et puis je me suis rendu compte que j'avais fait n'importe quoi.
00:08 Sur place, j'ai pris connaissance de termes comme le volontourisme,
00:11 comme le white saviorisme,
00:12 et c'est des termes vraiment qu'il faut connaître aujourd'hui,
00:13 si vous voulez partir.
00:14 Le white saviorisme, c'est quoi ?
00:16 C'est ce complexe du sauveur blanc.
00:18 C'est l'idée ancrée dans le constant collectif
00:21 que l'occidental, que le blanc,
00:23 va venir aider les pays en voie de développement.
00:25 Cette idée, elle est ancrée en nous depuis qu'on est petits,
00:27 et c'est malgré nous en vrai, parce qu'on grandit avec des phrases de type
00:31 "finis ton assiette, sinon le petit enfant africain va mourir de faim",
00:33 ou sinon avoir des stars américaines se prendre en photo
00:36 avec des enfants qui sont mal nutris, qui sont mal nourris, qui sont un peu maigres.
00:40 On grandit avec cette image de l'Afrique, l'Asie,
00:42 qui ont moins, qui ont besoin de nous.
00:44 Alors qu'en vrai, ce n'est pas le cas.
00:45 Ils n'ont pas besoin d'un blanc qui va aller dans leur pays,
00:49 construire des choses, sauver le continent.
00:51 Quand on parle de volontourisme, on parle de tourisme volontaire.
00:53 C'est cette idée de penser faire un voyage humanitaire,
00:56 mais finalement de faire du tourisme qui est maquillé derrière le fait de faire une bonne action.
01:01 Beaucoup d'assos se servent de la volonté jeune
01:03 de vouloir faire quelque chose de bien pour en faire un business.
01:05 J'avais envie depuis très longtemps de faire un voyage humanitaire.
01:07 Et puis, il y a trois ans, j'ai une amie qui est partie faire un voyage au Togo
01:10 et qui avait mis des photos sur Instagram Story de son voyage.
01:14 Cet assos en photo sur Instagram, en tout cas, vendait du rêve.
01:17 C'est très gros guillemet, ce que je dis là,
01:18 mais vendait du rêve parce qu'ils avaient l'air de faire de bonnes actions.
01:21 Ils construisaient des écoles, des bibliothèques.
01:24 Ils venaient en aide aux enfants pour leur donner des cours de français.
01:27 Donc, d'un regard hyper innocent de nénette de 23 ans
01:31 qui a envie de faire ça depuis cinq ans, ça paraissait génial.
01:34 J'étais là en mode "OK, trop bien, je vais l'écrire, je vais y aller".
01:37 Donc, je me suis dit "OK, go".
01:39 Et suite à ça, j'ai pris mes billets d'avion et six mois après, j'étais au Togo avec cet assos.
01:44 Cet assos-là nous demandait 350 euros de cotisation par mois.
01:48 Plus évidemment, on paye les billets d'avion.
01:50 Dans ces 350 euros est prise en charge l'allocation, mais pas la nourriture.
01:54 J'ai été happée par la facilité d'accès de cet assos
01:57 et par la vitrine Instagram de ce que je voyais.
02:00 Moi, à l'époque où j'y étais, il y avait un projet de construction de bibliothèque.
02:02 Moi, j'y restais un mois et demi.
02:03 Et puis, en fait, ce qui s'est passé, c'est que plus les bénévoles venaient et partaient,
02:07 plus on se parlait entre nous et on se disait "est-ce qu'on est vraiment utile ?"
02:10 Et en fait, après cette renseignée avec les autres filles aussi,
02:13 on a appris que le coût de notre logement sur place était vraiment dérisoire,
02:17 genre 10 à 15 euros par mois.
02:19 Donc, au bout d'un moment vient la question de "où va l'argent ?"
02:22 350 euros contre 10 euros de logement et aller 20, 30 balles de taxi à tout péter,
02:26 où va cet argent ?
02:27 Il n'y a jamais vraiment de traçabilité, il n'y a jamais vraiment de "OK, regarde,
02:30 t'as donné 1000 euros, ils ont servi à faire ça,
02:32 t'as donné 500 euros, ils ont servi à monter ce puits."
02:35 Pendant mon voyage, j'ai pas mal documenté ce que je faisais à la base sur place.
02:38 Je faisais des vidéos de où on dormait, de combien je payais,
02:41 de ce qu'on y faisait concrètement sur TikTok beaucoup.
02:43 Et j'ai eu d'un coup deux types de personnes qui se sont adressées à moi.
02:48 Une partie qui me disait "putain, trop bien, génial, c'est incroyable ce que tu fais,
02:51 c'est mon rêve, blablabla", le discours que moi j'avais finalement quelques mois avant.
02:55 Et de l'autre côté, j'avais des personnes qui me parlaient de termes comme le volontourisme,
03:00 le white saviourisme.
03:01 Et quand je suis rentrée en France et que je me suis renseignée sur ces sujets
03:03 de volontourisme, de white saviourisme,
03:04 j'ai compris qu'en fait, finalement, on était un peu des panneaux publicitaires
03:08 pour une entreprise qui faisait du business.
03:10 Et puis j'ai compris que j'avais fait n'importe quoi.
03:12 En y allant avec un regard un peu trop innocent,
03:15 j'alimentais quelque chose qui était beaucoup plus gros et beaucoup plus grave
03:18 que ce que je pensais.
03:18 Mais j'ai beaucoup appris de nanas comme Desimages ou comme Culture Dorée sur TikTok
03:23 qui parlent beaucoup de ça et de qui c'est le combat au quotidien.
03:26 Sur YouTube aussi, des ringtiacs.
03:27 Si vous voulez plus de renseignements là-dessus, allez écouter leurs vidéos,
03:29 c'est un vrai sujet.
03:31 On ne va pas non plus cracher sur ce qu'ils font parce qu'ils construisent des choses.
03:35 Il y a des choses qui sont faites sur place.
03:36 Il y a un accompagnement pour les enfants.
03:37 Mais il y a aussi une part un peu plus sombre de tout ça qu'on ne voit pas.
03:42 Pour que tous les gens qui veulent partir sachent où ils mettent les pieds
03:44 et s'ils veulent faire quelque chose de bien, autant le faire vraiment bien.
03:48 Si vous voulez partir, la première chose à faire,
03:50 c'est déjà de se renseigner sur ce que vous allez faire concrètement sur place.
03:52 Est-ce que vous êtes vraiment utile ?
03:53 Est-ce que vous ne prenez pas le travail de quelqu'un qui est qualifié pour le faire ?
03:56 Est-ce que je le fais vraiment dans le but d'aider ?
03:59 Ou est-ce que je le fais pour moi me chercher un peu,
04:02 moi savoir un peu qui je suis ?
04:03 Est-ce que c'est vraiment nécessaire que je mette 500 euros dans une cotisation,
04:07 dans un billet d'avion ?
04:07 Est-ce que ce n'est pas plus nécessaire que je fasse un don à cet asso finalement ?
04:10 Prenez contact aussi avec les anciens bénévoles.
04:12 C'est important d'avoir leur retour, comment ça s'est passé.
04:14 Et aussi vous renseigner sur le pays en question,
04:16 parce que c'est important aussi de connaître la culture,
04:18 de savoir où on va.
04:19 Montrer les belles choses et pas que les choses qui font de la peine,
04:22 pas que les pauvres petits-enfants.
04:24 Non, vraiment, ce n'est pas ça.
04:26 Les sites comme France Volontaire, par exemple,
04:27 eux proposent des missions dans le monde entier recensées,
04:30 mais qui sont sur du long terme.
04:31 L'humanitaire, c'est un métier.
04:32 Aujourd'hui, il y a des gens qui sont formés à ça.
04:34 Et je trouve que c'est important aujourd'hui que les gens ne fassent pas la même erreur,
04:38 qu'on arrête tout ce système qui est alimenté par les réseaux,
04:41 par cette quête de sens qu'on a un peu tous,
04:43 et qu'on se renseigne sur le sujet, parce que c'est trop important.
04:46 [Générique]

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