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Corinne Lhaïk, journaliste au service économie, revient sur la genèse du plan Borloo pour les banlieues écarté par Emmanuel Macron en 2018 et qui nourrit, depuis, un certain nombre de fantasmes chez les élus

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Transcription
00:00 En France, on surestime beaucoup le concept de plan
00:03 et on devrait se rappeler du second sens de plan,
00:05 qui est "rester en plan",
00:06 ce qui est un peu arrivé à celui de Jean-Louis Borloo.
00:09 Le plan Borloo a été présenté à Emmanuel Macron
00:16 par Jean-Louis Borloo le 22 mai 2018.
00:19 Sa caractéristique principale, c'est qu'il n'a pas été appliqué
00:22 et qu'il suscite donc une sorte de nostalgie
00:25 auprès des élus qui regrettent que ce plan n'ait pas été appliqué.
00:29 Pourquoi ne l'a-t-il pas été ?
00:30 Les circonstances de sa fabrication et de son abandon
00:33 sont assez spéciales et en disent beaucoup sur Emmanuel Macron.
00:37 Il se passe les choses suivantes.
00:38 En octobre 2017, 200 maires signent un appel,
00:42 dit l'appel de Grigny,
00:44 dans lequel ils protestent avec véhémence
00:46 contre la politique budgétaire d'Emmanuel Macron
00:49 qui vient de supprimer une partie des emplois aidés
00:52 et de réduire une partie des crédits de la politique de la ville.
00:55 La révolte gronde.
00:56 Jean-Louis Borloo se trouve dans le circuit.
00:58 Pourquoi ?
00:59 C'est un ancien ministre de droite
01:01 qui a travaillé à la fois avec Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.
01:04 Auprès de Jacques Chirac, il a occupé des postes
01:06 ministre de la Ville, ministre de la Cohésion sociale,
01:09 qui ont fait de lui le fabricant de plusieurs plans.
01:12 Notamment, c'est lui qui a inventé l'ANRU,
01:14 l'Agence nationale de rénovation urbaine.
01:16 Il a une compétence en matière de banlieue,
01:18 lui-même ancien maire de Valenciennes
01:20 et cultive sa relation avec les maires.
01:22 Emmanuel Macron décide, pour calmer la révolte,
01:25 de faire appel à Jean-Louis Borloo
01:26 et lui confie la fabrication de ce plan.
01:28 Ce travail dure cinq mois.
01:30 Emmanuel Macron semble approuver la manière dont le plan est fabriqué.
01:34 24 heures avant la remise du plan,
01:35 il appelle même Jean-Louis Borloo pour le féliciter
01:38 et contre toute attente, le 22 mai 2018,
01:40 en public, il prononce cette fameuse phrase
01:43 où il dit en substance que les problèmes des banlieues
01:46 ne se règlent pas à coup de rapport que deux mâles blancs se remettent.
01:49 Et à partir de là, l'opposition, les élus,
01:52 attaquent Emmanuel Macron sur le thème
01:54 "il n'a rien fait pour les banlieues",
01:56 ce qui n'est pas tout à fait exact,
01:58 mais le plan tel quel n'a pas été appliqué.
02:01 En France, on surestime beaucoup le concept de plan
02:14 et on devrait se rappeler du second sens de plan,
02:17 qui est "rester en plan",
02:18 ce qui est un peu arrivé à celui de Jean-Louis Borloo.
02:21 On surestime évidemment son côté baguette magique
02:23 parce qu'il n'y en a malheureusement pas pour soigner les maux des banlieues.
02:26 Il y avait beaucoup de bonnes choses dans ce plan
02:28 en matière d'éducation, en matière d'emploi,
02:31 en matière d'égalité et d'autonomie des femmes.
02:34 Mais le reproche que lui a fait Macron sur le fond,
02:37 c'était qu'il n'était pas assez disruptif,
02:38 il n'y avait pas beaucoup d'innovation,
02:41 pensait le président de la République.
02:42 Et Jean-Louis Borloo ne s'attaquait pas à un problème
02:45 qui d'ores et déjà taraudait Macron,
02:47 qui est la lutte contre le communautarisme.
02:49 Et le séparatisme qui donnera plus tard
02:52 naissance à la loi confortant le respect des principes de la République.
02:56 Ce plan ne renverse pas la table,
02:58 c'est le reproche que Macron lui fait.
02:59 En même temps, il comporte de bonnes mesures,
03:01 mais en aucun cas il n'aurait pu être une baguette magique.
03:04 D'ailleurs aujourd'hui, les maires qui regrettent sa non-application
03:07 reconnaissent que c'était une bonne chose parmi d'autres.
03:10 Ce plan, formellement, il n'a pas été appliqué,
03:18 mais beaucoup de ces mesures ont été reprises par Emmanuel Macron.
03:22 L'ancienne ministre déléguée à la Ville, Nadia Hay, de 2020 à 2022,
03:27 dit même que 80% des mesures proposées par Jean-Louis Borloo ont été reprises.
03:31 Ce que l'intéressé, évidemment, conteste en avançant que ce qui valait surtout
03:35 dans son plan, indépendamment du contenu même des mesures,
03:38 c'était la masse de ces mesures et la méthode qu'il voulait appliquer,
03:42 à savoir un chef de chantier par programme.
03:44 Et comme il le disait lui-même, un "general patron",
03:47 c'est-à-dire une espèce de super-chef d'État-major,
03:50 qui aurait surveillé la mise en place de cet ensemble de mesures.
03:53 Toujours est-il qu'Emmanuel Macron, aujourd'hui, revendique les actions
03:57 qu'il a menées en faveur de la politique de la Ville,
04:00 même s'il n'a pas appliqué le plan Borloo dans son intégralité.
04:03 Et il met notamment en avant la reprise des travaux
04:07 de l'Agence nationale de la rénovation urbaine.
04:10 Il est évident qu'on est loin du compte,
04:13 puisque le problème de la rénovation urbaine ne peut contenir en soi
04:17 la résolution de la question des banlieues,
04:19 qui passe par un ensemble de politiques publiques
04:22 qui relèvent de l'éducation, du logement, de la santé et des transports.
04:26 [Musique]

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